«–Salut Mamie!
–Bonjour Madame.
–Tu vas bien?
–Il fait beau, c'est gentil à vous d'être venue.»
Cette conversation se répète, inlassablement, chaque dimanche consacré à visiter la grand-mère dans son Ehpad normand.
Ils sont nombreux, les petits-enfants à avoir déjà vécu ce type de conversation. Dans le monde, cinquante millions de personnes vivent avec une démence, Alzheimer dans un peu plus de la moitié des cas. La plupart sont des femmes, plus de 60% des malades en France.
Selon une étude américaine, les femmes de plus de 60 ans ont deux fois plus de chance de développer Alzheimer plutôt qu'un cancer du sein. En France, Alzheimer est la quatrième cause de décès.
À LIRE AUSSI À quoi ça sert de diagnostiquer les Alzheimer?
Les facteurs de risques féminins
L'âge est la cause de la plupart des disparités entre les sexes face à la maladie. En vieillissant, les chances de développer Alzheimer augmentent, or les femmes vivent plus longtemps que les hommes –six ans de plus en moyenne en France.
Cependant, des recherches récentes montrent qu'Alzheimer n'est pas inévitable même en vieillissant. Au Royaume-Uni, les nouveaux cas ont diminué de 20% depuis vingt ans, majoritairement chez les hommes de plus de 65 ans comme le suggèrent deux études. Cela pourrait être dû aux campagnes de prévention contre le tabac et les problèmes cardiaques, tous deux étant des facteurs aggravants d'Alzheimer.
D'autres facteurs de risque affectent plus les femmes que les hommes. Par exemple, la dépression dont le lien a été établi avec Alzheimer et qui touche davantage les femmes. D'autres études ont montré que le déclin cognitif des femmes peut aussi être lié à la ménopause chirurgicale. Enfin, des complications de grossesse peuvent entrainer une démence des années plus tard.
Maria Teresa Ferretti, une chercheuse en biomédecine spécialisée dans la maladie d'Alzheimer, est convaincue qu'il est nécessaire de faire une «prévention plus spécifique par sexe afin de donner plus d'informations sur les facteurs de risque qui concernent les femmes».
À LIRE AUSSI Une maison pas comme les autres pour les malades d'Alzheimer
«Il faut enquêter sur les différences spécifiques entre les hommes et les femmes»
Le groupe The Women's Brain Project (WBP) fondé par plusieurs chercheuses a publié une analyse des recherches sur Alzheimer des dix dernières années en analysant les données par sexe et ce pour la première fois.
«Comme les femmes sont plus touchées par la maladie, il faut enquêter sur les différences spécifiques entre les hommes et les femmes», avance Antonella Santuccione-Chadha, une physicienne spécialisée sur la maladie et co-fondatrice de WBP.
Aujourd'hui, on peut détecter la présence de la maladie dans le cerveau à l'aide des niveaux de deux biomarqueurs. Si ces niveaux ne sont pas différents pour les hommes et les femmes, le cerveau des femmes a tout de même tendance à décliner plus vite. Pour les chercheuses du WBP, il faudrait donc ajuster les niveaux d'analyse en fonction de cette donnée.
Pourquoi la maladie progresse-t-elle plus vite chez les femmes? Potentiellement à cause de la diminution des hormones oestrogènes avec l'âge. D'autres recherches tendent à montrer que les femmes réussissent mieux les tests dans les phases initiales, ce qui pourrait prouver qu'ils ne sont pas adaptés à détecter la maladie dans les cerveaux féminins.
Pour les scientifiques, les recherches pour la médication échouent car elles ne sont pas adaptées et qu'elles n'incluent pas assez de femmes dans les panels. De plus, elles souffrent d'un manque de ressources financières. Maintenant, «on peut faire de nouvelles hypothèses et trouver de nouvelles façons d'améliorer le traitement des patients et patientes», explique Ferretti. Rappelons qu'à l'heure actuelle, on ne dispose d'aucun traitement curatif d'Alzheimer.