Il ne faut pas que ça se fasse à marche forcée au détriment d'une partie de la population qui n'arriverait pas à suivre... C'est ce que dit en substance le rapport que Jacques Toubon a remis au Premier ministre mardi 26 février. Et pour lancer cet avertissement, il se base sur les milliers de requêtes qui remontent jusqu'à lui venant d'administrés qui se plaignent des démarches en ligne.
On sait aussi que c'est un sujet qui revient constamment dans le grand débat. Les "gilets jaunes" réclament le retour des services publics dans les territoires, mais leur crainte c'est que ça se fasse sous forme dématérialisée. La e-administration représente pourtant l'avenir et a beaucoup d'avantages, tout le monde est d'accord là-dessus.
La dématérialisation des démarches administratives permet à l'État de faire des économies. N'est ce pas ce que l'on recherche en ce moment ? Pour les citoyens, c'est un gain de temps (plus besoin de se déplacer ou d'envoyer un courrier). Le formulaire en ligne peut-être pré-rempli à distance par l'administration et en quelques clics, la demande est faite.
Parce qu'il estime que la France n'est pas prête. Pas prête en tout cas pour un basculement complet en 4 ans à peine. On a l'impression aujourd'hui que tout le monde ou presque a accès aux nouvelles technologies et sait s'en servir. Eh bien ce n'est pas vrai !
Prés de 30 % de la population adulte passe encore à côté. C'est pourquoi Jacques Toubon demande au gouvernement d'avancer prudemment pour ne laisser personne en chemin. Il ne faut pas que dématérialisation des services publics accentue la fracture numérique.
Au moins 25 millions de personnes concernées
Ces personnes qui ne sont pas prêtes à passer au tout numérique dans leurs échanges avec l'administration, on peut les diviser en 3. Et on retrouve certaines d'entre elles dans plusieurs catégories. Il y a ceux qui sont fâchés avec l'informatique. Il y a un terme qui a été inventé : on parle maintenant d'illectronisme (c'est la version informatique de illettrisme). Le rapport donne un chiffre : en France, 18 millions de personnes admettent ne pas savoir ou mal savoir se servir d'un ordinateur.
Ensuite, il y a ceux qui n'ont pas les moyens de s'équiper. Un ordinateur, un smartphone, un abonnement internet, éventuellement une imprimante, ce n'est pas à la portée de toutes les bourses : 7 millions de personnes ne sont pas connectés à internet.
Et puis dernière catégorie, ce sont ceux qui voudraient bien mais qui ne peuvent pas : 500.000 français vivent dans des zones blanches, c'est à dire dans des endroits où internet ne passe pas. Et près de 10 millions de personnes habitent des zones grises, des communes où les connections ne sont pas toujours faciles et de bonne qualité.
D'où le message du Défenseur des Droits dans dans son rapport : ne pas confondre vitesse et précipitation, se hâter lentement en veillant à n'oublier personne. Jacques Toubon préconise notamment de toujours conserver un 2e accès à l'administration, en plus d'internet, un guichet, une adresse postale ou un numéro de téléphone vers lesquels les citoyens en délicatesse avec leur ordinateur pourraient se rabattre.