Poser la question c’est y répondre. Les liens entre le western et la Bible n’ont rien de mystérieux. Nouveau Peuple Élu, les Américains ont aimé représenter la conquête de l’Ouest comme la réalisation d’une nouvelle Terre Promise.
Mais certains westerns vont parfois très loin dans le symbolisme religieux. Partons donc à la recherche du western biblique.
Le fameux hymne Shall we Gather at the River, composée en 1864, était particulièrement apprécié de John Ford. Il est présent dans au moins huit de ses films
Dans Meek’s Cutoff de Kelly Reichardt (2010), un jeune garçon lit le récit de la Genèse : Adam et Ève sont chassés du paradis, en écho au sort de ce petit groupe de pionniers venus de l’Est tenter leur chance en Oregon en 1845. Le spectateur de ce western soporifique peut éprouver à loisir le sentiment d’une interminable traversée du désert sans jamais atteindre le paradis terrestre.
J’avais souligné combien le désert tenait une place importante dans le western. Lieu de passage et de souffrance, il est un lieu de passage obligé pour accéder à la Terre Promise. Mais la nature dans le western prend également une dimension paradisiaque. La communauté religieuse des Quakers (The Big Trees, Félix E. Feist, 1952) célèbre ainsi ses offices dans une clairière de séquoias géants. L’œuvre sublime du créateur tient lieu de véritable temple en plein air. Dieu et Mammon s’affrontent : les pionniers respectent les géants de la forêt que souhaite abattre Jim Fallon (Kirk Douglas) et ses associés uniquement guidés par l’esprit de lucre.
La Bible ne se contente pas d’inspirer le sujet de nombreux westerns.
Elle est généralement le seul livre que l’on aperçoit dans cet univers peuplé d’analphabètes. C’est le Good Book que l’on consulte à l’occasion et où l’on puise l’inspiration. Le général Howard, qui rétablit la justice à la fin de The Last Wagon (Delmer Daves, 1956) n’est-il par surnommé Bible General ?
Le livre est en effet rare dans le western, même si on en trouve éventuellement à l’épicerie. Mais un abécédaire coûte moins cher qu’une boîte de pêches au sirop découvre le héros de Nevada Smith de Henry Hathaway, 1966). Dans ce dernier film, le jeune Max (Steve McQueen) est sauvé par un franciscain, le père Zaccardi (Raf Vallone), qui essaie de le détourner de la vengeance. Max jette avec colère la bible qu’il lui tend. De la bible, il n’a retenu qu’un message : œil pour œil, dent pour dent. Il finira tardivement par découvrir son erreur à ce sujet.
Mais à défaut de beaucoup lire, les personnages de western chantent.
Le fameux hymne Shall we Gather at the River, composée en 1864, était particulièrement apprécié de John Ford. Il est présent dans au moins huit de ses films dont Stagecoach (1939), Three Godfathers (1948), The Searchers (1956). Dans My Darling Clementine (1946), il symbolise l’instauration des valeurs chrétiennes dans l’Ouest sauvage. Tenant le bras à la douce Clementine, Wyatt Earp (Henry Earp) se dirige vers l’église en construction dont la présence symbolique s’identifie à une cloche, tandis que chante la communauté réunie. Le Fils du désert (Three Godfathers) est le plus religieux des westerns fordiens par son sujet. C’est même un véritable archétype du western biblique.
Un bébé est recueilli dans le désert par trois étranges rois mages. Ces hors-la-loi vont connaître ainsi leur chemin de croix et leur rédemption en se sacrifiant pour ce petit être. La Bible sert ainsi de guide jusqu’à la Nouvelle Jérusalem de l’autre côté du lac salé. L’hymne fait aussi une apparition dans Wagon Master (1950) qui conte les mésaventures d’un petit groupe de Mormons en route vers la Terre Promise. Inversement, le chant est brutalement interrompu par Ethan (John Wayne) dans La Prisonnière du désert, à l’image d’un personnage brutal et habité par la haine, qui ne respecte pas les morts, acte impardonnable chez Ford.
J’évoquais dernièrement combien l’image du pasteur est toujours ambiguë dans le western. Il s’oppose ordinairement au prêtre catholique, qui est souvent un franciscain, vivante image de charité. La défroque de l’homme de Dieu peut toujours dissimuler un imposteur à l’image du terrible pasteur vengeur incarné par Robert Mitchum dans Cinq cartes à abattre (Henry Hathaway, 1968). Ici la Bible sert à dissimuler un derringer, le Good Book se révélant aussi mensonger que le prétendu pasteur. Mais Robert Mitchum est tout aussi redoutable en faux prêtre catholique et vrai aventurier (The Wrath of God, Ralph Nelson, 1972).
Dans Apache Drums (Hugo Fregonese, 1951), le pasteur gallois (Arthur Shields, familier de ce type de rôle) se révéle un bigot fanatique et raciste. Il compare les Apaches mescaleros au diable. Les Apaches apparaissent ainsi comme des diables au corps peint tout droit sortis de l’enfer. Ils surgissent la nuit du haut des fenêtres de l’église dans une sorte de rituel sacrificiel païen. À la fin, le pasteur, qui a connu sa rédemption, vient s’agenouiller aux côtés de l’éclaireur indien qui prie ses dieux.
Le curieux Pillars of the Sky (Les piliers du ciel) de George Marshall (1956) met en scène le médecin missionnaire Joseph Holden (Ward Bond) qui a évangélisé les tribus indiennes de l’Oregon en donnant des noms bibliques pour faire disparaître les « noms d’animaux ». Le sergent Emmet Bell (Jeff Chandler), surnommé Emmet Soleil par les indigènes, est chargé du maintien de l’ordre avec des éclaireurs indigènes de la cavalerie : élevé de façon stricte et sévère, il est devenu un alcoolique sans foyer mais toujours capable de réciter les versets de la Bible à l’endroit ou à l’envers « tel le Diable ».
Pourchassés par les Indiens pour avoir envahi leur territoire, les survivants d’une colonne militaire se refugient dans l’église bâtie par Holden. Seul le sacrifice du missionnaire permettra la réconciliation des indiens et des soldats. Ces piliers du ciel renvoient aux montagnes considérées comme sacrées avant le christianisme mais tout autant aux fondations établies par Holden dont l’œuvre est reprise par Bell. Le pécheur trouve comme il se doit sa rédemption.
Brigham Young (1940) de Henry Hathaway mêle le film biblique (type Les Dix commandements) et le western. Tyrone Power mis en vedette est plus un témoin assez passif des événements que le héros d’une histoire centrée sur la personne de Brigham Young. Le second fondateur de l’église des Mormons, nouveau Moïse, est fort bien interprété par le discret Dean Jagger. Vincent Price joue Joseph Smith, le fondateur de l’église. Son exécution sommaire par une foule intolérante témoigne du talent du réalisateur.
Animé d’un souffle épique rare chez Hathaway, le film est d’une grande beauté formelle. À la recherche d’une terre promise, les Mormons traversent un fleuve pris par les glaces, errent dans le désert et doivent affronter une invasion de sauterelles. Plein de sympathie pour les Mormons, défendus au nom de la liberté de conscience, le scénario met cependant l’accent sur les doutes, la fragilité et l’ambiguïté parfois de Brigham Young. Toute l’interprétation est par ailleurs remarquable, avec la fripouille habituelle de l’époque, Brian Donlevy. John Carradine, pour une fois non voué à un rôle de méchant, campe un pittoresque mormon prompt à recourir à la violence.
La délicate question de la polygamie ne pouvant être abordée de front dans le contexte du Code Hayes, elle est traitée au détour de certains dialogues plein d’humour. Rarement la Bible et le western auront fait aussi bon ménage que dans cette œuvre qui vaut le détour.
Si les références religieuses sont loin d’être absentes chez Eastwood, elles se manifestent de façon très spectaculaires dans Pale Rider (1985). Le réalisme des décors, avec ses intérieurs sombres, s’y s’allie avec un fantastique teintée de religiosité.
Une communauté de mineurs dans les montagnes est victime de persécutions de la part de LaHood le grand propriétaire exploitant de mines de la région. Il convoite en effet Carbon Canyon, seul espace qui échappe à sa domination. Seul un miracle peut les sauver. Notre cavalier solitaire apparaît dès lors en surimpression, dans la neige au milieu de la forêt.
Le mineur Barett, l’âme de la petite communauté, vient s’approvisionner chez le seul négociant indépendant de LaHood. Provoqué par quatre gros bras, il est sauvé par Eastwood qui disparaît comme il est apparu, mystérieusement. Une citation de l’Apocalypse évoquant une grande épée, un cheval de couleur pâle, la Mort coïncide avec son apparition. Son col ecclésiastique le fait prendre pour un preacher.
Une fois de plus, Dieu et Mammon s’affrontent dans ce western biblique. Le père LaHood tente de corrompre l’étranger qui a redonné courage à la communauté. Le preacher terrasse le « monstre » (un géant) envoyé par le jeune LaHood.
Désormais résolu à faire couler le sang, le vieux LaHood fait appel à Stockburn. Avec ses six adjoints, ce marshall fait la loi de celui qui le paie. Dès lors, au bureau de la Wells Fargo, le preacher échange son col ecclésiastique contre des colts. Ange vengeur, il abat les gros bras du propriétaire puis la bande de Stockburn. Il les abat un par un, quasi invisible, ne gaspillant pas plus d’une balle pour chacun. Qui est-il donc celui qu’a reconnu trop tard le marshall ? Il disparaît dans le paysage sans révéler son secret.
Je terminerai cette rapide évocation par le plus bizarroïde des westerns bibliques, Seraphim Falls (David von Ancken, 2006). S’il évoque un nom de lieu, le titre renvoie surtout aux anges déchu. Toute la première partie est extrêmement réaliste avec ses personnages devant se confronter à des conditions naturelles extrêmement rudes. Le film glisse peu à peu vers le fantastique avec une symbolique qui devient lourdingue vers la fin.
Le film repose sur un thème classique : la vengeance et une structure éprouvée, la poursuite. Il s’appuie sur deux très solides acteurs. Pierce Brosnan campe le chassé nommé Gideon, et Liam Neeson joue Carver le chasseur. Il faut attendre la fin du film pour comprendre les motivations de Carver. Colonel sudiste, il a vu sa maison brûlée avec sa femme et son bébé par les soldats de Gideon, capitaine nordiste. Après un début flamboyant dans les montagnes, la descente est suivie par un affaiblissement sensible de l’histoire qui va s’effilocher puis s’achever de façon curieusement allégorique.
Un Indien philosophe et sentencieux (Wes Studi), nommé Charon (!), fume la pipe assis au bord d’un point d’eau. Il rend à chacun selon ses œuvres. Invoquant Yahvé, Gideon s’engage sur les étendues vides de toute végétation. Surgie de nulle part, la voiture de Madame Louise (Angelica Huston) vante les mérites d’un élixir qui guérit tous les maux. C’est Louise C. Fair (Lucifer !) qui fournit à chacun des protagonistes ce dont il a besoin pour tuer l’autre.
Le parcours géographique, du nord vers le sud, des montagnes enneigées du Nevada (tournés en Oregon) vers le désert salé et brûlant (Nouveau-Mexique) se double d’un parcours initiatique. Les deux protagonistes vont être amenés à se dépouiller ou à être dépouillés de tout ce qu’ils possèdent pour enfin accéder à la vérité.
Quelle est donc cette vérité ? La nécessité de l’oubli pour le sudiste et la rédemption pour le nordiste qui remet sa vie entre les mains de son adversaire.
La guerre est enfin terminée. Chacun peut reprendre sa route et leurs chemins se séparent.
En décembre, Star Wars est de retour. C'est le moment de se refaire tous les films avant de savourer le nouvel opus. Faut-il suivre l'ordre de sortie au cinéma ou la chronologie de l'histoire ? Peut-être aucun des deux : découvrez l'ordre à la Machette et notre analyse pour y inclure tous les autres films Star Wars, de la nouvelle trilogie à Rogue One.
Si vous n’avez jamais vu Star Wars et ne savez absolument rien de ce qui s’y passe et des relations entre les différents personnages, mais que vous souhaitez découvrir cette saga cinématographique, nous vous conseillons d’arrêter la lecture et de suivre simplement l’ordre de visionnage suivant : IV, V, II, III, VI, VII, VIII. Oui, les numéros sont dans le désordre. Et oui, il en manque.
Si vous connaissez déjà Star Wars et souhaitez avoir nos explications, ou que vous voulez que l’on vous démontre pourquoi cet ordre est pertinent, nous vous invitons à poursuivre la lecture.
La nouvelle adaptation au cinéma du roman de l'écrivain Frank Herbert, par Denis Villeneuve, commence à prendre forme.
CINÉMA - Entourée de mystère, la nouvelle adaptation sur grand écran de "Dune" se dessine au fil des mois. Ce mercredi 30 janvier, c'est un nouvel acteur de renom qui s'ajoute au casting du prochain projet du réalisateur Denis Villeneuve.
Selon les informations du très fiable Variety, c'est l'acteur Oscar Isaac qui rejoint à son tour le film inspiré de l'œuvre de l'écrivain Frank Herbert. L'acteur devrait y incarner le rôle de Leto Atréides, le père de Paul Atréides, héros principal de l'histoire incarné par Timothée Chalamet.
Longtemps jugé inadaptable après l'avortement du pharaonique projet du réalisateur Alejandro Jodorowsky dans les années 1970, "Dune" aura attendu 1984 et le film de David Lynch pour connaître enfin sa première adaptation au cinéma, malgré un cuisant échec commercial et critique.
Depuis, bon nombre de réalisateurs ont essayé de relancer le projet, sans succès. Finalement réamorcé par Legendary Pictures en 2017, le projet "Dune" se retrouve maintenant entre les mains expertes du Canadien Denis Villeneuve, qui a su prouver ses dernières années sa capacité à réaliser des films de science-fiction au style bien distinctif ("Premier contact", "Blade Runner 2049").
Dave Bautista et Charlotte Rampling à l'affiche
Côté casting, "Dune" s'annonce déjà comme une belle vitrine du cinéma hollywoodien. Et c'est le jeune Timothée Chalamet qui aura la lourde tâche d'incarner Paul Atréides. Sa mère dans les romans, Lady Jessica, sera jouée par l'actrice suédoise Rebecca Ferguson.
Déjà aperçu dans "Blade Runner 2049" de Denis Villeneuve, l'ancien catcheur reconverti en acteur Dave Bautista sera quand à lui Rabban la Bête. Pour incarner le grand vilain de ce récit de science-fiction, c'est Stellan Skarsgård ("Thor", "Will Hunting") qui a été choisi dans le rôle du baron Vladimir Harkonnen. Enfin, Charlotte Rampling vient compléter ce casting et sera Gaius Helen Mohiam plus connue sous son titre de Révérende Mère Mohiam.
Encore au stade de préproduction, "Dune" devrait débuter son tournage en 2019, mais ne devrait pas arriver en salle avant 2020, voire 2021. Oscar Isaac aura donc le temps d'incarner un autre père célèbre d'ici là, puisqu'il a été choisi pour jouer Gomez Addams dans un nouveau remake de "La famille Addams".