Bien qu'ils soient illégaux en France, entre 100.000 et 200.000 Français ont recours chaque année à des tests ADN vendus par MyHeritage ou 23andMe pour connaître ses origines ethniques. Désormais, les principales entreprises du secteur exigent des adresses de livraison hors de France.
Il est désormais plus compliqué de se faire livrer des kits ADN en France. Depuis 2014, plusieurs entreprises américaines ou israéliennes proposent des tests ADN "récréatifs", comme MyHeritage, 23AndMe ou encore My Ancestry, pour une somme ne dépassant pas les 100 euros.
Sauf qu'en France, où entre 100.000 et 200.000 personnes font appel chaque année à leurs services selon l'association DNA PASS, la pratique est illégale et peut être sanctionnée d'une amende de 3.750 euros. En 2020, l'Inserm expliquait qu'il était interdit "de réaliser, et même de solliciter, un test génétique sans ordonnance médicale, injonction judiciaire ou projet de recherche strictement défini".
Comme l'ont repéré nos confrères du Parisien, depuis quelques jours, les géants du secteur, MyHeritage, basée à Tel-Aviv et l'entreprise américaine 23andMe exigent désormais une adresse de livraison hors de France.
Selon le généalogiste Loïc Duchamp, cité par nos confrères, seules deux entreprises acceptent encore de livrer en France. "Cela devait finir par arriver. Ils profitaient d’un vide juridique. Mais ils se savaient clairement hors-la-loi", explique-t-il dans les colonnes du quotidien.
Une décision "catastrophique" pour les associations
Les autorités françaises auraient-elles tapé du poing sur la table? La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) n'a pas souhaité répondre à nos confrères, tandis que la Cnil affirme avoir reçu "plusieurs plaintes au sujet des kits salivaires", mais "aucune action répressive n’a été engagée à ce stade".
Pour les associations de défense du droit à la connaissance de ses origines, cette décision de MyHeritage et 23andMe inquiète. Arthur Kermalvezen, de l'association Origines, explique que "pour des personnes nées sous X ou abandonnées, l’arrivée de ces tests a été un énorme soulagement", regrettant une décision "catastrophique".
De son côté, Loïc Duchamp, qui dénonce une interdiction "complètement rétrograde", assure que cette volte-face va "sérieusement" "compliquer la tâche" des spécialistes.
Le business de ces sites, qui proposent de découvrir l'origine de nos ancêtres, se développe à toute vitesse à travers le monde. Pourtant, faire un test ADN comporte de nombreux risques. On vous explique lesquels.
Depuis quelques années, les publicités pour les tests ADN fleurissent en ligne. La plupart du temps, on y voit des personnes très (trop) émues de découvrir qu'elles ont un arbre généalogique qui prend racine de l'autre côté du globe. L'idée peut sembler amusante: des millions d'utilisateurs ont d'ailleurs déjà fourni leurs données en dépensant une petite centaine d'euros. Mais la pratique comporte de nombreux risques. En témoigne le partenariat signé avec 23andMe, filiale de Google qui est l'un des géants des tests ADN pour particuliers, et la plate-forme AirBNB.
En se liant, les deux entreprises proposent des « voyages sur mesure » pour découvrir les pays et les lieux d'où proviennent nos ancêtres, comme l'explique un communiqué « Chez Airbnb, nous croyons que des expériences de voyage authentiques vous aident à vous connecter aux cultures locales et à créer un sentiment d’appartenance partout dans le monde - et quel meilleur moyen de le faire que de voyager sur la terre de vos ancêtres. » Partir à la conquête des terres vallonnées d’Écosse pour découvrir le passé de nos arrières-arrières-grands parents peut paraître bucolique. Mais à y regarder de plus près, un voyage basé sur notre ADN - que l'on aura fourni sans sourciller à l'une des plus grosses entreprises de la tech en déboursant une centaine d'euros - ressemble à un épisode de Black Mirror.
Il est important de comprendre comment sont effectués ces tests et ce qu'ils disent de nous. « Un test ADN c’est ce qu’on appelle un séquençage de l’ADN qui se réalise par diverses techniques et qui permet de d’identifier les nucléotides qui le composent. » explique Anne-Cécile Pay, Quality Control Specialist chez Masthercell « Ces chaînes de nucléotides sont uniques à chaque personne et contiennent l’information nécessaire au bon fonctionnement de l’être humain. Cependant, on observe qu’il y a des motifs répétés en fonction de l’origine, dues aux mutations qui arrivent à travers le temps. Du coup, ces boîtes séquencent notre ADN, et le comparent à une base de données qui leur permet de retrouver les similarités entre les différents ADN. Par exemple, si une personne vient de Pologne, elle aura une trace de mutation unique qui vient d’un lointain ancêtre polonais, alors qu’un français ne l'aura pas... »
La plupart du temps, lorsqu'on fait un test ADN, notamment sur le site du leader du marché MyHeritage, on cherche à comprendre et à retracer nos origines. Ce faisant, on fournit également une multitude d'autres informations (très) privées. Vanessa Vanvooren, Chef de section Biologie à l’INCC (Institut national de Criminalistique et de Criminologie), décrypte: « Pour faire ces tests, il faut envoyer toutes ses coordonnées ainsi qu'un échantillon de salive, récolté avec une sorte de coton-tige à mettre dans la bouche. Cela permet de déterminer notre origine biogéographique et donc, d'où nos ancêtres proviennent. Mais cela permet aussi de faire des recherches sur notre famille, parce que ces entreprises disposent d'une énorme base de données. Ces sites permettent donc, s'ils disposent de l'info, de révéler l'identité d'un frère, d'un oncle, d'une sœur ou d'une tante dont on ne connaissait pas l'existence. »
De fait, en fournissant notre ADN, on donne également celui de notre famille, qui n'avait peut-être rien demandé. « Imaginons qu'un homme ait donné son sperme de manière anonyme, si un membre de sa famille fait un test ADN, il est probable que l'un des enfants né grâce à son don puisse le retrouver. » continue Vanessa Vanvooren. Cela peut donc chambouler des histoires et révéler des secrets de famille. En faisant ce test, un enfant illégitime peut ainsi découvrir que ses parents ne sont pas ceux qu'ils croyaient. C'est ce qui est arrivé à Catherine St Clair, originaire d'Arkansas aux Etats-Unis, qui a créé la page Facebook DNA NPE pour Not Parent Expected. Ils sont désormais 2.600 « enfants illégitimes » à l'avoir rejointe.
Le site de MyHeritage précise qu'il protège nos informations et ne les communique pas à d'autres sociétés. Mais si l'on n'en fait pas la demande explicite, après avoir effectué un test, nos informations personnelles viendront remplir les bases de données de l'entreprise. Et l'on s'en doute, ces informations, tout comme les données récoltées par Facebook, sont monnayables. Elles intéressent des groupes d'assurances ou des entreprises qui travaillent dans le domaine médical. En 2015, 23andMe a vendu des données génétiques à plus de 13 sociétés pharmaceutiques et a récemment signé un contrat de quatre ans avec GlaxoSmithKline, accordant au géant pharmaceutique un accès sans entrave à son répertoire.
Et là n'est pas la seule dérive. Les publicitaires vantaient les mérites des tests ADN pour rapprocher les gens, puisqu'ils démontraient que potentiellement chaque personne pouvait avoir des ancêtres originaires d'Afrique, d'Europe du Moyen-Orient ou d'Asie. Les membres d'extrême droite ont détourné cet aspect pour valider le concept de « pureté génétique ». Sur les forums néonazis, on joue désormais à qui aura le « sang le plus blanc ». Comme sur la plate-forme Stormfront, lancée par un ancien du Ku Klux Klan, qu'il n'est possible d'intégrer qu'en montrant patte blanche, soit en prouvant que vous êtes « 100 % européen ». Finalement, est-ce que ça vaut vraiment le coup?
Nouveau revirement du Sénat : les élus de la chambre haute ont voté finalement ce mardi 28 janvier 2020 l'interdiction des tests ADN généalogiques en France. Avec ce vote, ils sont revenus sur un scrutin précédent qui en avait pourtant accepté le principe.
Dans le mécanisme de fabrication de la loi bioéthique, cet énième épisode signe vraisemblablement l'interdiction définitive de la généalogie génétique en France. Le texte doit repasser devant l'assemblée nationale, et même si les députés ont la possibilité de proposer une nouvelle fois un amendement en faveur des tests ADN, il est peu probable que celui-ci soit adopté.
En effet, le gouvernement et en particulier la ministre de la Santé Agnès Buzyn y sont farouchement opposés, tout comme la majorité des députés qui avaient déjà voté leur opposition à tout assouplissement.
Ce que l'on peut retenir des derniers débats, c'est le peu de compréhension que les politiques ont du sujet, étant à peu près tous persuadés que les tests généalogiques sont la même chose que les tests médicaux. Agnès Buzyn a par exemple dénoncé leur imprécision. Or si les tests médicaux ne peuvent donner que de très vagues indications sur le risque de développer telle ou telle maladie (sauf quelques très rares mutations génétiques déjà connues et identifiées), les tests généalogiques permettent eux d'établir des liens de parenté qui n'offrent aucune contestation. L'exemple de l'ex-roi des Belges forcé de reconnaître sa fille, fruit d'une relation extra-conjugale est à cet égard, édifiant.
La position du sénateur Bruno Retailleau expliquant que les tests ADN peuvent présenter des risques eugéniques montre là encore une incompréhension totale du sujet. Si les tests ADN font courir des risques, ceux-ci sont portent plutôt sur le pillage de données personnelles (des dérives sur lesquelles il suffirait justement de légiférer) et sur la révélation d'informations familiales non désirées. Mais de là à dramatiser et à parler comme le sénateur Loïc Hervé de "familles détruites par ces tests génétiques", combien de familles ont au contraire été "réunies par l'ADN" ?
Les sénateurs ont également ressorti l'éternel argument à deux faces : "La France ne doit pas le faire parce que ses voisins le font...". Difficile de dire si nos voisins ont raison, mais force est de constater que les tests se pratiquent librement chez eux. Et que c'est bien au bénéfice de nos voisins que se développe cette nouvelle économie, construite en partie avec l'argent des dizaines de milliers de Français qui commandent leurs tests en Grande-Bretagne, en Suisse ou aux Etats-Unis.
C'est la surprise au Sénat, la Commission spéciale sur la bioéthique a voté hier un amendement qui pourrait ouvrir la voie aux tests ADN généalogiques en France, alors même que l'Assemblée nationale avait rejeté cette idée après des débats assez vifs en octobre dernier.
L'amendement prévoit que "l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne peut être entrepris à des fins de recherche généalogique, en vue de rechercher d'éventuelles proximités de parenté ou d'estimer des origines géographiques".
Les sénateurs ont assorti cette autorisation à plusieurs conditions : le consentement de la personne doit évidemment être recueilli préalablement, l'examen ne peut donner lieu à la délivrance d'informations à caractère médical et ne peut faire l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie.
Pour la Commission, ces examens génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique doivent se conformer à un référentiel de qualité établi par l'Agence de la biomédecine. Une attestation de conformité devra être obtenue par les opérateurs selon une procédure digne de Kafka : un décret en Conseil d’État devra en préciser les modalités, selon l'avis de l'Agence de la biomédecine et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, avant que l'attestation de conformité ne soit transmise à l'Agence de la biomédecine...
Cette procédure est destinée à sécuriser le traitement des données et à s'assurer que les labos et opérateurs commerciaux respectent quelques engagements. Les clients devront "recevoir une information rédigée de manière loyale, claire et appropriée". On devra également leur expliquer "les limites et les risques associés à la révélation d'éventuelles proximités de parenté ou d'origines géographiques jusqu'alors inconnues".
Le client aura également la possibilité de révoquer son consentement à tout moment à la réalisation de l'examen, à la communication du résultat de l'examen, à la conservation de l'échantillon ainsi qu'au traitement, à l'utilisation et à la conservation des données issues de l'examen. Ses échantillons et données devront être détruits sur demande à l'opérateur "dans un délai raisonnable".
Les sénateurs ont voulu aussi encadrer l'exploitation des données génétiques des clients. Impossible qu'un opérateur exige la communication de ces données génétiques pour par exemple conclure un contrat d'assurance, souscrire à une mutuelle de santé, signer un crédit, un financement ou tout autre contrat.
Enfin, les données génétiques des généalogistes ne pourront pas servir à des actions "visant à établir ou infirmer un lien de filiation ou de parenté, ou à faire valoir un droit patrimonial ou extra-patrimonial". Méconnaître ces dispositions ferait encourir aux opérateurs un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.
Un autre amendement a également été voté, conséquence directe de l'adoption du premier : puisque les tests génétiques sont autorisés, il n'est plus nécessaire d'en interdire la publicité, comme l'avaient voté les députés lors du débat à l'Assemblée.
Quand à savoir si les tests ADN seront réellement autorisés en France, il est un peu tôt pour le dire. La Commission spéciale sur la bioéthique a voté certes deux amendements favorables, mais cela ne préjuge en rien des débats qui vont se tenir à partir de la semaine prochaine. Ils pourraient remettre en question cette autorisation.
Et puis le texte sera revu à l'Assemblée, mais pour revenir sur cette autorisation, dans le cas où le Sénat la confirmerait, il faudrait que les députés initient un nouvel amendement pour révoquer les amendements du Sénat. Le chemin avant l'autorisation des tests ADN en France est donc désormais tracé, mais il est semé d'embûches...
Une note interne du Pentagone avertit les soldats américains des dangers des tests génétiques. Les données des militaires pourraient fuiter et être utilisées par des gouvernements hostiles aux États-Unis.
“Donner des informations détaillées sur son patrimoine génétique à des sociétés privées peut avoir de graves conséquences pour les forces militaires”, avertit une note interne du Pentagone dévoilée par le site Yahoo News. Les plus hauts gradés de l’armée américaine estiment que les données génétiques collectées par des entreprises comme 23 And Me, ne sont pas régulées et pourraient être revendues ou fuiter vers des gouvernements hostiles aux États-Unis.
Si le Pentagone ne détaille pas plus précisément les menaces sur la diffusion de ces données génétiques, certains scénarios possibles sont décrits dans cette note interne. Des agences d’espionnage étrangères pourraient avoir accès à des données compromettantes sur un officier américain comme une maladie héréditaire par exemple et le faire chanter pour qu’il soit obligé de donner des informations clefs à l’ennemi. Une inquiétude fondée. En février 2019, l’entreprise FamilyTreeDNA a révélé qu’elle laissait régulièrement le FBI fouiller dans ses banques de données de ses clients afin de résoudre plus facilement des crimes. Les clients FamilyTreeDNA n’avaient jamais donner leur accord pour que leurs données soient partagées.
Les hauts gradés de l’US Army affirment également que les kits pour analyser son patrimoine génétique peuvent donner des résultats imprécis sur des prédispositions à certaines maladies. Ces données erronées pourraient engendrer de faux diagnostics sur la condition médicale d’un militaire et peut-être freiner sa carrière. Certains officiers appellent même à une loi visant à mieux réguler ces entreprises de tests génétiques pour éviter de futures fuites et de mieux protéger la vie privée des citoyens américains.
En juin 2000, le président des États-Unis, Bill Clinton, put annoncer que la première version de la séquence du génome humain venait d’être achevée. Son allocution se faisait l’écho des espoirs qui s’étaient cristallisés autour de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et la génétique : d’après lui, il restait certes beaucoup de travail mais les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, le diabète comme le cancer allaient pouvoir être guéris ou prévenus en traitant leur cause à la racine. La connaissance du génome humain devait être la révolution grâce à laquelle le mot « cancer » n’évoquerait plus, chez les enfants de nos enfants, que la constellation céleste. Une génération plus tard, les investissements massifs, comme l’initiative américaine All of Us en 2015, se sont succédé et toutes ces pathologies sont loin d’être éradiquées.
Pourtant, depuis l’an 2000, les technologies d’analyse du génome (séquençage et génotypage) n’ont cessé d’évoluer et le débit de production des données a, pendant un temps au moins, crû plus vite que les performances de calcul des ordinateurs – la fameuse loi de Moore. Profitant de cette accélération, des projets de plus en plus ambitieux ont pu voir le jour (HapMap, 1 000 Genomes, 100 000 Genomes, GTEx, ENCODE, etc.) pour fournir une photographie de plus en plus fine de la génétique de l’espèce humaine.
À un moment où la génétique révèle progressivement la complexité de l’ADN et à l’aube d’une révision des lois de bioéthique, l’incursion des entreprises de génomique personnelle, accompagnée d’enjeux économiques et alimentée par une certaine fascination des médias, pose la question du bien-fondé scientifique des tests ADN. Ces tests commercialisés proposent des analyses médicales et généalogiques. Ici, nous traitons de la généalogie génétique pour la détermination des origines géographiques et ethniques.
De vastes projets comme HapMap et 1 000 Genomes ont recensé et documenté ces variations génétiques existant dans les populations humaines. Par exemple, sur le chromosome 3, on peut observer en position 167 978 688 un A (une adénine) ou un G (une guanine), selon la personne dont on analyse le génome. La coexistence de ces deux formes, de ces deux allèles, est-ce qu’on nomme un polymorphisme génétique, dans ce cas précis un polymorphisme diallélique. L’espèce humaine étant diploïde, un génome complet sera constitué de deux chromosomes 3 donnant lieu à trois possibilités : AA, AG et GG ; ce sont des génotypes.
Des millions de polymorphismes jalonnent le génome de tout individu. La composition exacte en allèles est spécifique à cet individu et elle embarque une part d’information sur la ou les populations humaines auxquelles lui et ses ancêtres appartiennent.
Reprenons rs4502625, le polymorphisme vu plus haut : l’allèle G est rare dans les populations de l’Asie de l’Est (moins de 5 %) tandis que l’allèle A est relativement rare (moins de 20 %) dans les populations africaines. Chez les Européens, les deux allèles coexistent à égalité. Une personne dont on établit que le génotype est AG pour rs4502625 aura plus de chance d’appartenir à une population européenne ; d’un autre côté, un génotype GG aurait plutôt pointé une origine africaine et un génotype AA aurait indiqué une origine est-asiatique et à peu près exclu une origine africaine. Cependant, ce polymorphisme, pris isolément, ne saurait être fiable : des indices similaires doivent être glanés sur tout le génome pour que l’on puisse en tirer une interprétation. Cette interprétation doit être comprise comme probable et non pas certaine : la réalité génétique est complexe et les modèles mathématiques qui permettraient d’appréhender cette complexité font encore défaut.
Une identité partagée
Les affirmations avancées par les entreprises de généalogie génétique relèvent souvent du tautologique. Autrement dit, une assertion trivialement vraie de tout individu au sein d’une population nous est livrée. Illustrons ce cas par une simple simulation de brassage génétique dans une petite population.
Simulation de brassage génétique à partir de 16 individus fondateurs. Chaque individu est représenté par un disque dont les secteurs indiquent la fraction de matériel génétique héritée des fondateurs.
De deux choses l’une, soit les individus de la première génération ne laissent aucune descendance (c’est le cas des couples fondateurs E et G mais également D) parmi la population finale soit ils sont chacun l’ancêtre de tous (les mêmes couleurs composent tous les individus de la dernière génération). Dit autrement, un individu qui démontrerait, arbre généalogique à l’appui, qu’il descend du couple fondateur A démontre que le couple A est l’ancêtre de tous ses contemporains également. Par conséquent, lorsqu’on révèle à Danny Dyer qu’il est le descendant d’Édouard III d’Angleterre, on révèle par là même que toute personne ayant un tant soit peu de sang anglais est, elle aussi, de lignée royale. Ainsi, de nombreuses révélations que pourrait faire un test génétique valent autant pour l’individu en quête d’identité que pour une très large population. Il s’agit donc d’une identité partagée.
Bien sûr la réalité est plus nuancée, selon l’échelle de temps (ce qui est vrai pour vingt générations dans le passé ne le sera pas pour dix), l’échelle géographique et l’histoire migratoire d’une population ou son relatif isolement par des barrières naturelles.
La transmission du patrimoine génétique peut être mal comprise du public : cette transmission est imparfaite et partielle. Contrairement à l’image savammant véhiculée par ces entreprises, le génome n’est pas un grand livre qui recenserait, à l’infini, les moindres détails des vicissitudes de nos aïeux. Pour nous en rendre compte, concentrons-nous un instant sur les chromosomes non sexuels. S’il est vrai que la moitié provient de la mère et l’autre du père, il est erroné de penser que les quatre grands-parents contribuent équitablement. En effet, leur patrimoine génétique est soumis à la roulette de la recombinaison génétique, ce mécanisme qui, par ailleurs, assure le brassage génétique. Kitty Cooper, joueuse de bridge américaine et généalogiste amateur, en fournit un exemple éloquent avec son analyse du génome de Brynne Gallup : le génome de la grand-mère maternelle, Karen, ne représente que 23,5 % du génome de Brynne quand celui de Brenda, la grand-mère paternelle, en représente 25,7 %. Les différences s’accentuent encore pour les arrière-grands-parents : Brynne ne doit que 9,8 % de son patrimoine génétique à Darrell, le père du père de son père, contre 14,5 % provenant de Gladene, la mère du père de son père. Par conséquent, les résultats des tests génétiques d’un frère et d’une sœur pourront présenter des différences substantielles et contre-intuitives.
Arbre généalogique de Brynne Gallup et composition ancestrale de ses chromosomes (d’après les données présentées par Kitty Cooper).
Le détail de la mosaïque génétique démontre comment des segments entiers d’ADN terminent aux oubliettes : le chromosome 7 maternel est ainsi intégralement hérité de Harlan, le père de la mère de la mère de Brynne. Sur ce chromosome, la trace et l’histoire des trois autres arrière-grands-parents maternels est bel et bien perdue. Au fil des générations, les ancêtres finissent donc par quitter le patrimoine génétique, plus précisément, la moitié d’entre eux disparaît sur une dizaine de générations (250 ans).
La généalogie génétique ne peut donc prétendre rendre compte exhaustivement des racines de quelqu’un, seules seront présentes celles qui auront résisté aux caprices de la recombinaison.
Premièrement, un pilier méthodologique de la généalogie génétique est que ce n’est pas tant les origines qui sont interrogées que la proximité génétique avec certains de nos contemporains censés être représentatifs d’un groupe, le panel de référence, dont l’établissement se heurte à des problèmes et des biais méthodologiques. Non seulement faut-il que le panel soit représentatif et exhaustif mais le lien entre génétique, culture et géographie, s’il existe, est cryptique. Certains tests, comme Primeval DNA, prétendent surmonter cette difficulté en proposant des comparaisons avec de l’ADN fossile mais le nombre d’échantillons dans le panel de référence s’en trouve drastiquement réduit ; la question des origines est, dans ce cas, peut-être mieux posée mais la réponse risque d’être d’autant moins étayée.
Deuxièmement, les méthodes mises au point pour les tests génétiques ne sont pas soumises aux mêmes épreuves que des outils académiques. Quelques entreprises, telles 23andMe et Ancestry, ont publié certains détails de leur méthode démontrant une précision généralement comprise entre 70 % et 100 % selon les groupes considérés.
Troisièmement, les origines correspondent non pas à une interprétation solidement établie mais à l’interprétation la plus probable des données compte tenu du panel de référence de telle ou telle entreprise. Or, l’interprétation la plus probable n’est pas nécessairement très probable. On en veut pour preuve que 23andMe propose de modifier le niveau d’incertitude – entre 50 % et 10 % – avec lequel on souhaite lire ses résultats. Comme cela fut maintes fois observé, l’interprétation des origines dépend de l’entreprise à laquelle on confie son ADN et elle peut évoluer à mesure que les méthodes subissent des altérations.
Du point de vue législatif, il subsiste un flou concernant le lieu de production des données ou l’utilisation des données. Le client peut parfois demander la suppression de ses données et la destruction des échantillons de sa salive même si les procédures sont parfois longues. Une majorité des clients accepte de participer à des programmes de recherche. Les bénéficiaires de ces programmes ne sont pas toujours précisés : il peut s’agir de recherche privée tout comme de recherche publique. Dans tous les cas, les données sont anonymisées.
C'est tout l'enjeu de la révision des lois de bioéthique que de faciliter tout en l'encadrant le fonctionnement de ces entreprises en France.
Enfin, l’ADN est une molécule fascinante mais, en dehors des laboratoires de génétique, la fascination confine parfois au mystique. Ainsi, Bill Clinton voit dans le séquençage du génome la tentative de l’Homme de s’initier à « la langue dans laquelle Dieu créa la vie ». La part de mystère autour de l’ADN, qui, en dépositaire de tous les secrets d’une personne, serait capable de faire renouer le client avec son passé, ses ancêtres et son identité, est avidement cultivée par les entreprises proposant des tests génétiques. Cette quête est loin d’être simple, elle est loin d’être neutre en raison des questions identitaires et la démarche même mérite qu’on l’étudie y compris dans sa dimension historique (on pourra consulter à ce sujet Pour une histoire politique de la race de Jean‑Frédéric Schaub, publié en 2015 aux éditions du Seuil).
Petit résumé des thématiques abordées dans les épisodes précédents dans le texte mais aussi dans les commentaires :
épisode 1 : la pub biaisée des sociétés de généalogie génétique.
épisode 2 : les dérives de racisme et de fichage sous prétexte d'étude sociologique et de santé. L'intelligence artificielle permet d'associer un ADN à une reconnaissance faciale
épisode 3 : les universités américaines travaillent sur un outil probabilistique de répartition géographique et des résultats sur la longévité, la fertilité, les schémas de migration et, dans certains cas, des caractéristiques faciales.
épisode 4 : le mythe des enfants adultérins démonté.
épisode 5 : le cas particulier de Hans Jonathan, antillais en Islande en 1802, le portrait robot ADN (couleur de peau, présence/absence de taches de rousseur, présence d'alopécie), les dérives racistes.
épisode 6 : les résolutions de cold cases à partir des fichiers d'ADN récréatif, les dérives de fichage, les dérives des assurances, les accords entre entreprises d'ADN et FBI. Le premier procès suite à une de ces arrestations s'ouvre et les avocats contestent la fiabilité du test.
épisode 7 : comparaison des séquençage complet, emprunte FNAEG et test récréatif. Dérives de revente des données à des fins médicales, incident de cybersécurité, le fichage d'état en Estonie, l'édition des gènes chez des enfants chinois, la technologie d'édition des gènes balbutiante et les effets "hors cibles", le séquençage complet de loisir.
épisode 8 : le sondage Geneanet et sa faible représentativité, biais et paradoxes des comparaisons (avec nos contemporains uniquement, avec des échantillons non représentatifs ou en sous nombre...) La fiabilité déplorable des interprétations, le problème des naissances sous X, l'amélioration génétique, l'eugénisme, la suppression du gène CCR5 et ses problèmes d'éthique, Ancestry qui déroute ses clients en changeant les origines ethniques, le conseil d’éthique UK dit qu'il est moralement permissible de créer des bébés génétiquement modifiés, les experts de l'OMS demandent un encadrement international de la correction du génome humain. L'idée que nous sommes nos gènes est fausse, les gènes ne contiennent aucun marqueur racial, ethnique ou culturel.
épisode 9 : la non toute puissance de prédiction médicale, la désinformation médicale des tests, la cybersécurité, la porosité entre les bases et les enquêtes de police, le fichage d'état en Angleterre, Ancestry poursuivi aux USA pour mésinformation et tromperie
épisode 10 : Geneanet se lance dans la bataille, résumé des dérives médecine, assurances, employeurs, police, racisme. Cybesécurité. Récréation avec Spotify, taille du marché de l'ADN, un premier site de rencontre à base de correspondance ADN de phéromones !
épisode 11 : le problème des naissances sous X, anciens vs nouveaux (tout en ligne) généalogistes, la perte d'information forte au delà de la 6e génération, le fichage généralisé, les dérives racistes dénoncées par les universitaires, les problématiques vues par les universitaires, l'impossibilité de renouvellement des données en cas de compromission.
épisode 12 : le marché de l'ADN : la fin de la gratuité des transferts de données brutes, les caractéristiques physiques héritées de vos ancêtres, les voyages sur mesure fonction des résultats ADN, la prédiction de la mortalité et la probabilité de contracter des maladies à partir de l'expression des gènes, la monétisation de l'ADN avec des entreprises de recherche prêtes à l'acheter, la publicité qui promet aux américains des réductions sur les billets d'avion fonction de leur pourcentage d'ADN mexicain. Sous prétexte d’études scientifiques, les laboratoires de généalogie génétiques étrangers vous font participer à la création d’une société façonnée par notre patrimoine génétique. Les monopoles de données qui se créent au profit d'industries privées. L'étude sur le marché des tests ADN de KPMG.
épisode 13 : le peu de fiabilité des résultats ADN les résultats entre des jumelles ou triplées homozygotes chez un même fournisseur de test ne sont pas identiques, les résultats sont différents d'une entreprise à l'autre
épisode 14 : les risques sur la cybersécurité, la volonté des chercheurs français d'avoir une base de données en France, une proposition de fichage généralisé dans l'Arizona, et un professeur d'Harvard qui nous rappelle qu'aucun ADN n'est "pur". L'abandon de la proposition en Arizona, son codicille étonnant sur le prélèvement de l'ADN des morts. Le lobby des entreprises de généalogie génétique pour promouvoir leur business auprès du législateur américain et leurs dizaines de milliers de dollars de financement
épisode 15 : l'audition à l'assemblée nationale, d'un généticien, de la FFG et de sociétés de généalogie dans le cadre de la future loi de bioéthique, la CNIL rappelle que ces tests récréatifs ne sont pas inoffensifs, l'appel des sociétés américaines à se ficher pour confondre les meurtriers, l'étude ADN sur les descendants des habitants des villes pillées aux Pays-Bas par l'infanterie espagnole au 16e siècle, l'appel au bannissement des sites de généalogie génétique par un professeur d'université pour protéger la vie privée des donneurs de sperme.
épisode 16 : l'ADN des morts au dos des timbres et des enveloppes. La non-fiablité de la source. Les questions éthiques qui s'y rapportent. La question de la vie privée des morts. La ruée vers l'os des anthropologues. L'ADN de Léonard de Vinci testable par tous. L'autorisation d'un tribunal américain faite à des parents concernant le sperme de leur fils unique mort dans sa deuxième décennie
épisode 17 : les quatre problèmes à ce que la police exploite les données ADN des sites de généalogie génétique : portée, consentement éclairé, vie privée, collecte à partir des élements abandonnés. Les compléments très fumeux aux tests généalogiques par réanalyse. Le partenariat Airbnb / 23andMe pour visiter les régions de ses ancêtres et sa portée en France analysée par un juriste. Les USA qui veulent changer leur droit sur les brevets pour autoriser les entreprises à breveter les gènes humains.
Retour sur ce sujet passionnant des tests ADN.
Même dans les pays où ces tests sont légaux, on se pose des questions sur leur impact. La RTS (la télévision Suisse) a consacré l'un de ses reportages du magasine Temps Présent à ces tests. Le reportage est intitulé "ADN, réfléchissez avant de cracher". On y apprend entre autres que les écoles d'ingénieur de Lausanne et Zurich ont créé une société commune de big data appelée SDSC et que cette dernière propose un site internet qui vous permet de voir à chaque analyse ADN effectuée par des proches combien vous perdez de votre confidentialité. On apprend également dans ce reportage que la commission pour la science l'éducation et la culture du conseil national a émis un amendement qui aurait eut pour effet rendre obligatoire, pour conclure une assurance vie ou une assurance invalidité facultative, la transmission de tout profil génétique réalisé préalablement, dans quelque contexte que ce soit, à l’assureur. Cet amendement a été rejeté par le parlement helvétique mais les lobbys des assureurs ne font que commencer leur quête de données et ce genre d'amendement risque de revenir d'ici 5 ou 10 ans.
Le reportage aborde aussi le fait que les données sont revendues par les sociétés de généalogie ADN vers des entreprises de recherche médicale. Le site Korii, reprenant une information de Blumberg, nous montre qu'au Royaume-Uni le NHS (l'équivalent de la sécurité sociale) a la main sur une somme colossale de données personnelles de santé que l'industrie pharmaceutique cherche à racheter. Un cabinet privé (EY) a calculé le prix de ces dossiers : le dossier électronique basique d'un·e patient·e vaudrait, 111 euros, s'il contient des données génétiques, le prix s'envole à 5600 euros. Comment des services publics sous-financés vont-ils pouvoir tenir face à l’appétit de ces multinationales ?
Cela a amené en France le Comité Consultatif National d’Éthique à se poser par avance la question et à publier un avis. Cet avis rappelle que la loi informatique et liberté identifie les données génétiques comme des données sensibles ce qui entraîne une interdiction de les traiter hors recherche et la santé, si la personne a donné un consentement libre et éclairé. Le législateur ne change pas d'avis lorsqu'il ne prévoit pas d'ajouter les tests "récréatifs" dans la futur loi de bioéthique malgré le lobbying mené depuis plusieurs mois par un certain nombre d'acteurs. Pour que le consentement soit libre et éclairé, il me semble que le préalable soit qu'une information neutre présentant les avantages et inconvénients ainsi que la possibilité de participer au cas par cas à telle étude soit donné à la personne, au lieu d'un acquiescement global sous la forme d'une case pré-cochée (technique habituelle des entreprises de la tech). On y apprend également que la France prévoit à l’horizon 2025, la couverture par la médecine génomique de l’ensemble des patients atteints de cancer concernés sur notre territoire, ce qui veut dire que 235 000 séquençages médicaux de génomes auront lieu par an rien que pour ce besoin. L'avis pointe donc plusieurs questions à propos du consentement dans le cadre du RGPD :
la personne doit faire un double choix : d’une part, accepter ou non l’étude (pour son bénéfice s’il s’agit d’un patient, ou pour celui de la collectivité s’il s’agit de participer à une cohorte ou une base de données) et, d’autre part, en connaître ou non les résultats, s’agissant de sa maladie ou de données incidentes
l’inadaptation de ce consentement au fur et à mesure que progresse la recherche
la difficile délimitation des contours de sa « finalité » dans ce contexte marqué par une forte évolution et un partage des données
la décision de recontacter les participants à une recherche
le caractère fictif de l’anonymisation alors que l’on cherche à corréler données génomiques
L'avis continue dans quelques années, la séquence génomique sera probablement intégrée au DMP (désormais dossier médical « partagé » et non plus « personnel ») et bientôt l’espace numérique de santé, véritable carnet de santé numérique et instrument de la coordination des soins. Il rappelle le caractère unique de la séquence génomique ; chacun des quelque sept milliards d’individus a un génome non seulement unique, mais invariant. La spécificité tient à l’existence de multiples variants génétiques, dont la combinaison est spécifique d’une personne donnée (environ 3 millions de variants distinguent deux individus). Ce qui n’est pas le cas pour d’autres données biologiques (plusieurs individus peuvent avoir un même taux de globules rouges, ou de cholestérol), ni même pour des résultats d’imagerie. Cette séquence d’ADN est donc « identifiante », au même titre que les empreintes digitales, et elle le reste tout au long de la vie puisqu’elle est invariante. {...} dans la mesure où le génome se transmet à la descendance, toute information déduite de la séquence concerne non seulement la personne, mais également son entourage familial.
Et encore contrairement à d’autres données de santé, la production d’informations médicales à partir de la séquence génomique reste un défi et requiert de nombreuses étapes entre le séquençage de l’ADN et l’interprétation : Il est nécessaire dans un premier temps de séquencer l’ADN (détermination de la succession des nucléotides), puis d’assembler le génome (aligner les fragments de séquence) et d’annoter l’ensemble des variations génétiques identifiées. Ces étapes techniques sont effectuées en utilisant des algorithmes standardisés établis par des bio-informaticiens. Comme les méthodologies diffèrent et sont en constante évolution, il est important que ces différentes étapes soient transparentes car c’est à partir de ces données que le généticien va faire ses déductions. Du côté de la généalogie, les origines géographiques qu'on vous attribue ne sont que des statistiques, avec leur marge d'erreur. En plus, chaque société bricole à sa façon ses propres critères géographiques, il faut donc prendre les résultats pour ce qu'ils sont : de simples indices aléatoires, avertissait Patrick Gaudray, directeur de recherche au CNRS dans Le Parisien.
Les risques de discrimination introduits par une société de l'ADN y sont enfin pointés : la stigmatisation de groupes à risque, l'inégalité de prédiction génétique, en raison de biais dans la constitution des bases de données génomiques et le risque de recoupement des données génétiques conservées à des fins de généalogie dans des banques publiques avec celles qui ont été recueillies en matière de procédures judiciaires.
Un temps envisagé, l'ADN généalogique ne figure pas dans le projet de loi sur la bioéthique présenté mercredi 24 juillet par le gouvernement. Aucune des utilisations de l'ADN à caractère non scientifique, non médicale et non judiciaire n'est abordée dans ce texte qui préfigure la prochaine loi. Il est vrai que l'objet principal de cette future législation est d'autoriser la Procréation médicalement assistée (PMA) pour tous et non pas les tests ADN.
Seul figure un assouplissement lié à l'information des patients et de leur famille dans le cas de "découvertes génétiques incidentes". Le médecin pourra éventuellement informer la famille des risques d'une maladie génétique, même si le patient lui même n'a pas souhaité être informé de la découverte d'anomalies graves "justifiant de mesures de prévention". Cet "assouplissement" en dit long sur la rigidité des textes à venir... Dans ce contexte, on est loin d'une autorisation des tests ADN comme cela existe dans beaucoup de pays d'Europe (Grande-Bretagne, Belgique, Allemagne, etc.)
Cependant un projet de loi n'est qu'une ébauche et le texte va ensuite être discuté au Parlement. Au cours de la fabrique de la loi, députés et les sénateurs auront peut-être l'occasion de revenir sur ces dispositions si restrictives et voter des amendements pour introduire plus de souplesse. Faute de quoi, au mépris d'une loi inapplicable, les Français intéressés par l'aspect généalogique de la génétique continueront à faire tester leur ADN à l'étranger. Par dizaines de milliers apparemment...
Home DNA testing can be fun. I’ve done it for myself and for my dog. One of us unexpectedly turned out to be 3.1% Italian. The other is mostly Saint Bernard.
The less-fun side of the DNA-testing industry is the brave new world of genetic privacy.
What are these companies doing with our genetic data?
What happens if they find a DNA marker for cancer, diabetes or any other potential illness that insurers and employers would be very interested in knowing about?
How much genetic privacy is a consumer entitled to?
Congress is now pondering federal privacy rules that probably will address such questions, so some of the top DNA-testing firms have come together to make sure lawmakers keep the industry’s interests front and center.
The so-called Coalition for Genetic Data Protection is backed by Ancestry, 23andMe and Helix, with an open invitation for other companies to join the club.
The group’s website says it seeks “reasonable and uniform privacy regulation that will ensure the responsible and ethical handling of every person’s genetic data.”
That sounds high-minded and well-intended.
In fact, the coalition is run by a prominent Washington, D.C., lobbying firm — Mehlman Castagnetti Rosen & Thomas — and its goal is to shape privacy rules for an industry that now largely operates on the honor system.
“We are great stewards of customers’ privacy,” declared Steve Haro, a principal at Mehlman Castagnetti who is serving as executive director of the coalition. “These companies welcome a data privacy law.”
Within reason, that is.
Haro told me he wants to make sure there are no carve-outs in a federal privacy law for genetic information. In other words, no provisions that place more stringent rules on DNA testing companies than on, say, Facebook or Google.
Rather, the coalition wants any privacy protections to be one-size-fits-all.
Experts say that would be a big mistake.
“Genetics is totally different,” said David Agus, a professor of medicine at USC and co-founder of Navigenics, a pioneering DNA-testing company. “We need totally different rules.”
He cited the case of the Golden State Killer, in which a 73-year-old suspect was charged last year with 26 counts of murder and kidnapping based on a DNA match not for himself but for a relative, which allowed investigators to home in on the alleged perpetrator.
“That’s the thing about genetic information,” Agus said. “It says something about you as well as all your family members.”
Therefore, he said, such information needs to be treated differently, even for something as relatively benign as consenting to your DNA being used for research purposes.
“Should you also have to get the consent of all your brothers and cousins?” Agus asked. “Why wouldn’t you, seeing as it could affect them.”
Mildred Cho, associate director of the Stanford Center for Biomedical Ethics, said genetic information should have the same privacy safeguards as other medical data, which typically are stricter than for other forms of personal information.
She said that in light of the complexity of DNA and its potential uses, “it becomes more difficult to justify a caveat-emptor approach.”
This is new territory for lawmakers. In 2008, Congress passed the Genetic Information Nondiscrimination Act, which prohibits discrimination by employers or insurers based on genetic data. But lawmakers have had little guidance as to how DNA fits into the broader context of digital privacy.
The Coalition for Genetic Data Protection, as first reported by the Hill, wants Congress to base any official policy on an industry study issued last year that defines privacy “best practices” for DNA-testing firms.
Even though the study says it “recognizes that genetic data is sensitive information that warrants a high standard of privacy protection,” a close reading reveals the industry prefers that customers trust it to do the right thing.
For example, it says that “companies should clearly specify the uses of the genetic data, who will have access to test results and how that data will be shared.”
Should, not must.
The study also says that “genetic data, by definition linked to an identifiable person, should not be disclosed or made accessible to third parties, in particular, employers, insurance companies, educational institutions or government agencies, except as required by law or with the separate express consent of the person concerned.”
Again, should, not must.
I asked Haro, the coalition’s executive director and chief lobbyist, what sort of teeth the industry desires for regulatory oversight. That is, how would it like to see any privacy law enforced?
He offered no specifics.
“We plan to engage constructively with policymakers on the best enforcement regime,” Haro said, reiterating that the coalition wants “a uniform national data privacy law” that treats all companies the same.
I have a suggestion. The DNA-testing industry’s disdain for special treatment notwithstanding, lawmakers should do just that and impose, at least on an interim basis, the same privacy standards applied to other medical data.
The federal Health Insurance Portability and Accountability Act, a.k.a. HIPAA, includes penalties ranging from $100 to $50,000 per violation — that is, per hacked record. Violations also can carry criminal charges resulting in jail time.
To really make their point that genetic information is a serious business, lawmakers also could consider mirroring penalties in Europe’s recently enacted privacy law, the General Data Protection Regulation. It can result in fines of up to 20 million euros ($23 million) or 4% of a company’s annual revenue, whichever is greater.
“American law already embraces health exceptionalism in the protection of privacy surrounding medical information,” said Judith Daar, dean of Northern Kentucky University’s Chase College of Law. “To continue or expand that protection in the genetic realm makes sense given the highly personal nature of the information. Most of us would likely assert a high expectation of privacy in the makeup of our genome.”
DNA-testing firms say you have nothing to worry about — they take people’s privacy really seriously.
You know who also says that? Facebook.
And you trust them, right?
NOTE DE KAT : Cet article comprend aussi les liens vers les 16 articles précédents sur ce sujet délicat de la généalogie génétique.
On continue la visite du monde merveilleux de la généalogie génétique !
Elizabeth Joh professeur de droit à l'Université de Davis en Californie, voit quatre problèmes à ce que la police exploite les données ADN des sites de généalogie génétique
La portée, si on peut accepter que ce soit le cas pour des crimes, ne faut-il pas l'interdire pour des délits ?
Le consentement éclairé, en acceptant l'investigation sur son ADN, on engage ses frères et sœurs, ses parents, ses enfants, ses cousins, ses cousins éloignés que l'on a peut-être jamais vu et même toutes les générations futures. Est-il acceptable qu'un seul individu décide pour tous, juste en cliquant OUI dans des conditions de vente
La vie privée, sa définition et ses limites deviennent la propriété d'entreprises qui décident ou non de faire des entorses à leurs propres conditions de vente. La police a pu utiliser Gedmatch dans un cas d'agression parce que cette entreprise a fait une exception à ses règles. Depuis Gedmatch a changé ses termes et l'utilisateur peut faire un choix d'opt-in mais si l'un de nos proches a également fait un choix d'opt-in, il n'y a aucune possibilité pour nous de faire un choix d'opt-out ! Et rien n'empêche Gedmatch de changer à nouveau ses conditions.
La collecte de données ADN a partir d'éléments abandonnés par le suspect. Que penserions nous d'un agent de liaison police/école qui attendrait à la cafétéria pour récupérer des données ADN sur des objets touchés par un adolescent ?
Cette tribune d'Elizabeth Joh est à lire en anglais sur le site du New-York Times
De nouvelles entreprises cherchent à vendre encore plus de "compléments" aux tests généalogique. Par exemple la société XCode Life, vends des tests qui prétendent donner des informations sur 10 grands sujets (Nutrition, Santé, Fitness, Allergie, Peau, Méthylation, Cancer du Sein, Ancêtres, Porteur sain de maladies et Traits de personnalité (sic)). Juste pour rire ou pleure c'est selon, détaillons un peu le dernier : empathie, potentiel de leadership, ouverture d'esprit, extraversion, affabilité, personnalité de guerrier ... Vous comprendrez qu'on ne mette pas le lien.
Airbnb a conclus un partenariat avec 23andMe pour que les personnes ayant fait un test puissent visiter la région de leurs ancêtres. Comme le fait remarquer Le Parisien, c'est offre est bien sûr illégale en France où il est interdit sous peine de 3750 euros d'amende de faire des tests récréatifs. Le journal interroge l'avocat Thierry Vallat, spécialiste du droit numérique qui pose plusieurs points intéressants :
A ce jour pour l'avocat, il ne semble pas encore y avoir eu de décision judiciaire de condamnation pour ces faits (bien que de nombreux internautes publient haut et fort leurs résultats, espérons pour eux qu'un procureur tatillon ne se saisisse pas du dossier)
Airbnb n'est pas innocent dans sa communication, la plateforme communique sur son partenariat en français et sur une page accessible depuis la France ! La réponse du site est que cela s'adresse aux francophones vivant dans les pays où ces tests sont légaux comme la Belgique. Il existe pourtant des moyens techniques simples pour restreindre la consultation de cette page. La plateforme pourrait géolocaliser l'accès, en fonction de l'adresse IP.
Bref, ces sociétés semblent faire peu de cas de la législation hexagonale.
Le site Future nous informe, en anglais, que les USA voudraient changer leur droit sur les brevets pour autoriser les entreprises à breveter les gènes humains, faudra-t-il demain payer parce qu'on est porteur d'un gène ? Le précédent de Myriad Genomics (qui a détenu pendant plusieurs années un brevet sur 2 gènes associés à un risque accru de cancer du sein et des ovaires, cf les commentaires de l'épisode 12) n'auraient-il rien appris au législateur américain ou celui-ci défend-il juste le droit ce certains qui peuvent déposer un dossier avec tout ce que cela suppose de temps et d'investissement à trouver un moyen d'engranger de l'argent ?
C'est sur deux phénomènes qu'entend bien surfer la plateforme Airbnb : l'essor des tests ADN et le succès du tourisme patrimonial, pour lancer, (aux Etats-Unis uniquement) une nouvelle offre en partenariat avec le vendeur de kits ancestraux 23andme. Ainsi, un client de 23andme après avoir reçu ses rapports d'ascendance décrivant les origines géographiques de ses ancêtres, pourra se voir suggérer des maisons et expériences Airbnb dans les pays d'où viennent ses ancêtres.
Le géant du logement de loisir pourra par exemple suggérer à un Américain aux origines sud-italiennes un studio dans les Pouilles comme base pour explorer son histoire familiale. Ou bien, une personne d'origine mexicaine pourra trouver un stage à Mexico afin d'apprendre les anciennes techniques de teinture naturelle dans le cadre de ses vacances patrimoniales.
Airbnb propose désormais de pages dédiées correspondant aux populations génétiques de 23andMe, de sorte que les voyageurs qui se rendent sur le site d’Airbnb puissent facilement planifier un voyage patrimonial "authentique" de bout en bout. Le but étant de "vous aider à vous connecter aux cultures locales et à créer un sentiment d’appartenance partout dans le monde".
Et apparemment, cela correspond à une envie très largement partagée : selon un sondage initié par Airbnb, 57% des répondants à l'enquête aux États-Unis renonceraient à l'alcool pendant un an pour un voyage gratuit dans le patrimoine et 55% des personnes interrogées en Inde renoncent au dessert pendant un an en échange d'un voyage gratuit dans un lieu de leur ascendance !
Pour rappel, 23andme ne commercialise pas ses tests en France. Faire tester son ADN est illégal en France et tout client s'expose à une amende de 3750 euros, même si cette interdiction est peu respectée et que la législation pourrait évoluer prochainement. Et sur le sujet de l'ADN, sélectionner une destination touristique parce que 1 ou 2% de nos gènes nous montrent qu'on y a des origines a finalement assez peu de sens... A ce rythme, on peut visiter la terre entière en partant de la grande faille de l'Afrique de l'Ouest et remonter par le Proche-Orient, puis l'Europe !
Many companies are now offering direct to consumer genetic testing. Which means the police has now access to more DNA data than ever before.
In April 2018, California police finally arrested a man suspected of being the Golden State killer, a mysterious individual accused of having raped and murdered a dozen women in the 1970s and 1980s before vanishing into thin air. The news made headlines, not only because the police had been looking for the serial killer for so long, but also because of how they caught him. They did so by entering his DNA into the genealogy website GEDmatch. They were then able to identify the unknown killer’s relatives who had submitted their DNA to the database on their own. If the use of DNA by the police is not new, it was the first time that DNA collected from consumer genetic testing companies had been used to arrest a suspect.
2018 was, without a doubt, the year when DNA tests really took off and reached a mainstream audience. As many people purchased consumer DNA tests in 2018 as in all previous years combined, according to MIT Technology Review. It is estimated that 26 million people have now taken an at-home ancestry test in the US, and if the market keeps growing at the same pace, this figure could reach 100 million by early 2021. Surging public interest in learning more about ancestry and health, increasing amount of easy to use, affordable services, and intensive campaigns of TV and online marketing from these companies has led to a spectacular surge in popularity for at-home DNA testing.
The human genome was sequenced for the first time in 2003. Since then, the cost of DNA-based technology has been dramatically decreasing, and the number of companies offering direct to consumer genetic testing has skyrocketed. Leading companies in the field include Ancestry, FamilyTreeDNA and 23andMe. These tests use DNA to tell people which geographic area their ancestors are from and to locate family members, including distant cousins. Your genome can also give you some precious information about your health, such as your risk of developing a certain type of cancer.
But besides ancestry and health, there’s a third field in which DNA testing is starting to make a change: chasing criminals. Since the arrest of the alleged Golden State killer, in April 2018, genetic genealogy has helped lead to 24 other suspect identification in the US, according to CeCe Moore, a chief genetic genealogist with Parabon NanoLabs. This DNA technology company has been working with the police to chase criminals using DNA-and-family-tracing techniques. This has proved particularly useful to resolve “cold cases”, these unsolved criminal investigations that remain open, sometimes for years or even decades (two of the cases that Parabon helped crack were more than 30 years old), pending the discovery of new evidence.
The process is simple. The police takes the unknown killer’s DNA from a crime scene and scrolls through the huge, ever-expanding genealogy database of those direct to consumer DNA testing services. They are then (hopefully) able to match the killer’s DNA with some of its relatives and narrow their research. Some direct-to-consumer DNA companies, including AncestryDNA and 23AndMe, do not allow their DNA samples to be directly searched by authorities. However, they do allow users to download their raw data. The police takes this data, and then uploads it to a third-party genealogy database, like GEDmatch, which makes it possible to compare DNA results obtained from different commercial testing companies. They are then able to do their research. But there are also some companies, such as FamilyTreeDNA, that allow law-enforcement agencies to directly access their database.
And not everyone is happy about it. Especially as FamilyTreeDNA hasn’t been totally transparent regarding this process. Users who shared their DNA with the company had no idea that their information would be made accessible to the FBI and other law-enforcement agencies. When Buzzfeed News recently revealed that the company had chosen to do so without consulting customers, it, of course, generated a backlash. The company had to react and make a public statement in which they announced that customers would now have the ability to prevent the police from accessing their information. “Users now have the ability to opt out of matching with DNA relatives whose accounts are flagged as being created to identify the remains of a deceased individual or a perpetrator of a homicide or sexual assault, also referred to as Law Enforcement Matching (LEM),” the company said in an email outlining changes to its terms and conditions for users.
"Our DNA is essentially like a blueprint to ourselves"
But FamilyTreeDNA followed up with a really smart PR move. They released a TV spot where, in order to turn the table on critics, they urged consumers to help them catch criminals, by agreeing to make their DNA available to the police. This TV spot highlights the complexity of the debate. On the one hand, these new tools can prove incredibly useful to catch murderers and improve our safety. But they can also directly threaten our privacy, and civil liberties defenders are now expressing their concerns.
"Our DNA is essentially like a blueprint to ourselves," Vera Eidelman, a staff attorney with the American Civil Liberties Union (ACLU), told ABC News. "DNA can tell us about hereditary diseases potentially, our ancestry... there are already attempts to tie genetic information to personality traits, to mental health, to other predictors of life outcomes. So giving that deeply detailed information over to government investigators is troubling in that it just exposes so much information about ourselves." In the current situation, people may be sharing their genetic information for one specific purpose (finding their distant cousins or getting insights about their health), which information could end up being used for a totally different things (like, catching one of their relatives who broke the law). For now, law enforcement is only using DNA data to catch murderers and rapists, but what if the technology became much more prevalent and the police started using it for all kinds of infractions?
As the market of direct to consumer DNA testing has just recently become mainstream, it is still widely unregulated. But there is no doubt that privacy-related questions will be more and more debated over the last few months, and that regulations will end up being put into place to find a compromise between privacy and security.
Toulouse – Déception pour ce jeune homme toulousain. Les résultats de son test ADN lui ont confirmé ce qu’il savait déjà depuis longtemps : il n’a rien d’exceptionnel et il est totalement ordinaire, voire carrément banal. Reportage.
« J’ai ouvert la petite enveloppe et j’ai lu. Cela a été un choc » raconte Romain, 22 ans. À l’intérieur, les résultats de son test ADN acheté via un un site dont il avait vu la pub sur Facebook. « J’ai espéré avoir des origines vikings ou italiennes, ou même américaines, mais non, même pas » dit-il très déçu de constater qu’il n’est qu’un banal Européen de l’ouest sans grand relief génétique, à part peut-être 2% d’Afrique subsaharienne. « Je suis vraiment déçu. Je vais raconter quoi aux collègues, un pote a fait le test il a découvert qu’il était à 35% Russe Slave et 45% Espagnol. J’ai à peine 1% d’Europe du Nord. Qu’est ce que vous voulez que je fasse de ça ? » dit-il en jetant le test à la poubelle. « J’avais acheté aussi un test pour mes parents. Il s’avère que ce sont bien mes parents, il n’y a rien de nouveau ». Autre déception : il n’a aucun ancêtre ou cousin éloigné qui apparaissent dans la base de données disponible des personnes ayant entrées leur ADN. « C’est la plus grosse déception. Savoir qu’on a aucun lien avec personne et que vous êtes juste un loser ordinaire.» Puis au bout de quelques minutes sur Facebook, il constate l’existence d’un autre site pour des test ADN. « Celui-ci à l’air vachement plus joli, je suis sûr qu’ils vont trouver des trucs super intéressants dans mon sang !! ».
Une partie des clients des sociétés qui proposent des tests de généalogie génétique sont des personnes à la recherche de leurs parents – ou grands parents – biologiques. Certaines sociétés, comme MyHeritage, ont même une branche spécifique qui dans certains cas fait les analyses gratuitement. Et régulièrement, des familles dispersées qui se sont retrouvées après avoir fait ces tests sont mises à l’honneur dans les médias, ce qui augmente encore l’envie et l’espoir de ceux qui n’ont pas encore tenté l’expérience.
Cette possibilité, non légale en France et qui n’ouvre donc aucune suite juridique possible, est une des raisons que les opposants à l’ouverture du marché de l’ADN généalogique en France mettent souvent en avant. Vous qui avez eu une vie agitée lorsque vous étiez jeune, vous pourriez vous retrouver avec une flopée d’héritiers venant frapper à votre porte … Grosse angoisse …
Disons que c’est une plaisanterie malvenue, et passons …
En tant que généalogistes, nous sommes à la recherche d’indices pour savoir qui était l’arrière arrière grand père à la génération n, et pourtant certains d’entre nous refusent à d’autres personnes la possibilité de savoir qui étaient leurs parents biologiques. Pendant que nous farfouillons de registres en registres, à la recherche de notre lointaine histoire familiale, près de nous, des enfants, qui n’avaient rien demandé, n’ont pas le droit d’avoir accès à leur histoire familiale la plus proche. Où est la logique ?
Plusieurs lecteurs de ce blog m’ont déjà interrogée sur la façon dont on peut retrouver quelqu’un grâce à ces kits d’analyse. Je commence toujours par leur dire que ça n’est pas forcément simple, et surtout que quelque soit le résultat de leur recherche, ils ne pourront en aucun cas l’utiliser pour une quelconque action légale. Mieux encore, si la personne retrouvée et contactée décide de porter plainte, au nom de la protection de sa vie privée, il est vraisemblable que les tribunaux en France lui donnent raison.
La loi changera peut-être un jour.
En attendant, si vous habitez hors de France, ou si la curiosité est la plus forte, et qu’un simple nom, un enchainement de circonstances, vous suffiront, je vous propose une méthodologie pour essayer de retrouver vos parents biologiques.
...
Des milliers de Françaises et Français passent outre la loi bioéthique en offrant leur ADN à de puissantes firmes étrangères. Des spécialistes s’alarment et proposent de sortir de cette impasse éthique, médicale, scientifique et économique.
Focalisés sur la PMA pour toutes, les derniers États généraux de bioéthique ont laissé dans l’ombre un sujet majeur mais peu connu du grand public: celui de la propriété, de l’exploitation et du devenir des données génétiques de chaque citoyen français. Cette omission est d’autant plus regrettable que ce sujet concerne un pays qui défend une conception originale des rapports entre le droit de propriété et le corps humain.
En France, le corps n’est pas une «chose» qui pourrait faire l’objet d’un contrat ou d’une convention. Une personne ne peut librement disposer d’elle-même. Ce principe dit d’indisponibilité se rattache à la notion de dignité de la personne; une notion inscrite depuis 1994 et les premières lois de bioéthique, à l'article 16-1 du Code civil
«Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial.»
Il s’agit là d’une clé de voûte juridique sur laquelle reposent les interdits français concernant le commerce du sang, des organes ou des cellules sexuelles –de même que la condamnation de la pratique de la grossesse pour autrui (GPA).
GPA : incompatible avec les "principes d'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes" — Véronique Hunsinger (@vhunsinger) 11 juillet 2018
Mais cette conception de la dignité de la personne humaine entre aujourd’hui en conflit avec la quête de nouveaux droits (comme dans le cas de la GPA) de même qu’avec les considérables développements du décryptage génétique et moléculaire de l’humain. Il peut aussi s’opposer aux espérances médicales et scientifiques de la nouvelle génétique et, corollaire, aux appétits financiers qu’elles génèrent.
C’est dans ce contexte qu’il faut situer les nouvelles et dérangeantes questions relatives à l’exploitation des données génétiques, un dossier dont les termes sont exposés par un groupe de recherche français dans la dernière livraison de la revue Médecine-Sciences.
En informatique, la donnée (data) correspond le plus souvent à une information numérisée, stockée sur des serveurs. La data est aussi devenue une véritable matière première d’une nouvelle économie libérale, à la fois numérique et mondiale. Cette donnée peut aussi être une information dont la valeur d’usage n’a pas encore été déterminée. Quant à la donnée génétique, elle peut avoir plusieurs valeurs d’usage: médicale, scientifique, économique, etc.
«Or ces données génétiques sont, d’une certaine façon, “marchandisables” aux États-Unis, et non en France, expliquent ces scientifiques à Slate.fr. Par certains côtés on pourrait faire le parallèle avec le sang et le plasma mais il faut en réalité tenir compte de plusieurs différences notables. Tout d’abord la production de sang et de plasma requiert des moyens significativement plus invasifs (prises de sang) que le fait de cracher dans un tube pour produire des données génétiques. D’autre part ces données sont duplicables, en théorie à l’infini, à la différence du sang et du plasma. Enfin, la donnée génétique s’inscrit dans une sorte de troisième révolution industrielle fondée sur les nouvelles technologies de l’information, de la communication et de l’intelligence artificielle.»
A 2016 study, which included data from 23andMe, found that there are more than 60 genetic variants associated with resting heart rate. #AmericanHeartMonthhttps://t.co/9gPilMbASp — 23andMe (@23andMe) 19 février 2019
De fait, le temps est révolu où les spécialistes du génome pouvaient, seuls, avoir accès aux informations contenues dans les patrimoines génétiques des personnes –et ce, à des fins médicales ou judiciaires. Cette activité est devenue un gigantesque commerce. «En l’espace de trois décennies, des biotechs principalement nord-américaines (Myriad Genetics, 23andMe, Ancestry DNA, Myheritage, etc.) sont devenues expertes dans la production, le traitement et l’analyse de volumes importants de données génétiques qui dépassent désormais ceux des plateformes académiques habituelles, expliquent Guillaume Vogt, généticien (Centre national de recherche en génomique humaine [CNRGH]) et Henri-Corto Stoeklé, bioéthicien (Laboratoire de génétique humaine négligée [CNRGH-CEA, Évry]). La majeure partie de leur succès tient aujourd’hui à l’appropriation d’un nouveau modèle économique: celui de “marché biface”.»
«Ici, l’entreprise privée, ou “plateforme biface”, offre “gratuitement”, sur la première face, différents services numériques aux consommateurs demandeurs, afin d’obtenir et de stocker différents types de données les concernant, qu’elle transforme en information valorisée (à la fois en termes d’échange et d’usage) sur la seconde face, auprès d’autres entreprises ou structures. Les bénéfices réalisés sur la seconde face de la plateforme doivent alors couvrir largement les pertes accusées sur la première.»
Or on estime déjà à plus de quinze millions le nombre de de personnes dans le monde qui ont aujourd’hui eu recours aux tests génétiques commercialisés via internet par 23andMe, AncestryDNA ou MyHeritage. Il s’agit le plus souvent de tests génétiques censés fournir des éléments de prédisposition à certaines maladies ou à fournir des données généalogiques. Dans le même temps il faut compter avec une baisse drastique et continue du prix et du temps du séquençage des génomes.
Il n’existe pas, et pour cause, de données officielles mais on estime que, chaque année, près de 100.000 Françaises et Français se procurent un test ADN à visée généalogique et font analyser leurs gènes... à l'étranger. Il suffit ici de se procurer un kit et envoyer un échantillon de salive dans un pays où cela est autorisé. Cinq opérateurs proposent actuellement ce type de service, dont deux en langue française. Ces sociétés ne sont pas immatriculées en France, les analyses sont effectuées en Angleterre ou aux États-Unis et les résultats accessibles en ligne sur leurs bases de données qui sont hébergées outre-Atlantique. Pourtant, la loi française dispose que «le fait, pour une personne, de solliciter l'examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d'un tiers ou l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques en dehors des conditions prévues par la loi est puni de 3.750 euros d'amende».
L'opérateur 23andMe est un parfait exemple du phénomène, qui comptabilise aujourd’hui plusieurs millions de participantes et participants. Au départ, son offre de service ressemblait à celle d’un test génétique relatif à la santé et à l’ancestralité, en vente librement sur internet –sans l’intermédiaire (à la différence de la France) d’une ou d'un médecin ni de l'obligation d’une prescription médicale.
«Il s’agissait en fait d’un “two-sided-market” ou “plateforme biface’” expliquent les deux chercheurs français. Sur sa première face, l’entreprise a collecté et collecte toujours auprès du consommateur, quel qu’il soit, grâce à internet, des échantillons biologiques et des données personnelles via l’offre d’un test génétique à un prix particulièrement attractif. Mais, sur sa seconde face, ceci lui a permis de créer une biobanque (lieu de stockage des échantillons biologiques) ainsi qu’une base de données (lieu de stockage des données issues du séquençage, entre autres) considérable pour être valorisée (en termes d’usage et d’échange) auprès de la recherche et de l’industrie.»
«23andMe est devenu une sorte de “Facebook de l’ADN” où les usagers font circuler eux-mêmes leurs données génétiques en y ajoutant différentes données personnelles.» Guillaume Vogt, généticien et Corto Stoeklé, bioéthicien
«Aujourd’hui, 23andMe a commercialisé plusieurs millions de tests et baissé significativement son prix depuis sa création en 2006. Le test coûtait environ 1.000 dollars (à peu près 882 euros) à son arrivée sur le marché, et coûte aujourd’hui moins de 100 dollars (environ 88,2 euros) [...] L’entreprise a dû aussi parfaitement intégrer, au moins sur sa première face, et de façon systématique, les outils et les techniques du “social web”. 23andMe est devenu alors une sorte de “Facebook de l’ADN” où les usagers font circuler eux-mêmes leurs données génétiques en y ajoutant différentes données personnelles. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Google fut l’un de ses principaux et premiers investisseurs, et que désormais toute l’industrie du numérique cherche à investir dans la production, l’analyse et le stockage des données de santé.»
23andMe s’est implantée en Europe, au Royaume-Uni, mais aussi au Danemark, en Finlande, aux Pays-Bas, en Irlande et en Suède. Et en dépit de leur stricte interdiction en France ces firmes produisent donc (et valorisent) une quantité importante de données génétiques françaises. «De nombreux Français achètent leurs tests génétiques; des chaînes de télévision françaises diffusent leurs films publicitaires; des hôpitaux, des universités ou des instituts français, et donc des chercheurs français, collaborent et publient avec elles», expliquaient il y a peu Messieurs. Vogt et Stoeklé dans Le Monde.
«Outre une méconnaissance de la loi, voire un délit volontaire, cette tendance à “l’infraction’’ souligne, qu’on le veuille ou non, une demande française importante et, surtout, l’échec total de notre politique en matière d’industrie génétique. Ces données ont donc un intérêt stratégique majeur, tant pour notre recherche que pour notre économie. Malheureusement, le monde académique et institutionnel français ne fait que critiquer ces firmes, sans proposer de solutions efficientes pour nos chercheurs et nos entreprises. Cessons cette “politique de l’autruche”.»
L'annonce sème le doute sur la sécurité des données génétiques.
Avec les tests d'ADN effectués chez soi, une nouvelle opportunité se présente pour les enquêteurs de police. Aux États-Unis, le FBI est récemment entré en collaboration avec Family Tree DNA, une entreprise qui propose à tout un chacun de prélever son propre ADN pour le faire analyser. Ces kits prêts à l'emploi se composent de deux bâtonnets pour prélever l'ADN à l'intérieur de la joue. Le kit est ensuite renvoyé à l'entreprise pour être analysé et établir l'arbre généalogique ainsi que l'origine du volontaire.
Pour la première fois, une société privée de ce secteur a accepté de mettre volontairement à disposition des forces de l'ordre une partie de ses données. Néanmoins, le FBI ne peut pas parcourir librement la base de Family Tree. Dans un communiqué, l'entreprise détaille sa relation avec le Bureau d'investigation en précisant n'avoir signé aucun contrat et dit travailler au cas par cas pour comparer des échantillons à sa bibliothèque de données. Elle revendique avoir contribué à moins de dix enquêtes.
Depuis deux ans déjà, la police et le FBI ont utilisé des données généalogiques publiques pour élucider des affaires non résolues. Le «Golden State Killer», un tueur en série soupçonné de douze meurtres et cinquante et un viols entre 1974 et 1986, a pu être arrêté en avril 2018. L'ADN collecté sur les scènes de crime a pu être confondu avec celui d'un membre de sa famille.
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Enjeu de sécurité
Le rapprochement entre les deux organismes a engendré beaucoup de doutes sur la privatisation des données. «Globalement, je me sens abusée, je sens que ma confiance en tant que client a été trahie», a déclaré Leah Larkin, une généalogiste génétique de Livermore, en Californie, à BuzzFeed News. Le site offre à ses adeptes la possibilité de refuser d'apparaître dans les résultats dont peut se servir le FBI, mais cela implique que la fonctionnalité phare du test –retrouver des proches– n'est plus disponible.
Un généalogiste a relevé d'après un sondage informel réalisé aux États-Unis et en Europe que 85% des personnes interrogées sont à l'aise avec l'idée que les forces de l'ordre utilisent leur ADN.
Family Tree annonce recenser 1.021.774 entrées dans sa banque de données. À titre de comparaison, ses deux principaux concurrents dans le monde, Ancestry.com et 23andMe en possèdent respectivement dix millions et cinq millions.
Tandis que certaines startups proposent de connaître les origines géographiques de ses ancêtres à l'aide de kits ADN, sept de nos journalistes ont accepté de s'y soumettre eux aussi pour en apprendre davantage sur leur lignée.
"Je suis brun et pas très grand, je me vois plutôt d'Europe du Sud", suppose Julien Pain, rédacteur en chef à franceinfo. Adrien Rohard, l'un de ses collègues, pense venir d'Europe de l'Est. "Rohard c'est un peu râpeux, on est plus sur la Hongrie, sur l'Allemagne", indique-t-il. Comme eux deux, cinq autres salariés de francinfo ont fait analyser leur ADN pour connaître leurs origines. Un mois et demi après avoir envoyé des échantillons d'ADN, les résultats sont parvenus.
Tous partagent au moins une origine en commun
Le journaliste Rody Anglesi se dit 100% antillais. Le test révèle qu'il a des origines africaines, dont 85,3% provenant du Yorubaland, la région culturelle du peuple Yoruba, qui couvre les pays actuels du Nigeria, du Togo et du Bénin. Djamel Mazi, né de deux parents algériens, est à sa grande surprise, selon le test majoritairement européen, à 54,1%, et nord-africain a "seulement 11,4%". Lisa Beaujour, née d'une mère italienne et d'un père français, compte bien 57,5% d'origines d'Europe du Sud, mais également un tiers d'origines britanniques, alors qu'elle ne connait aucun ancêtre provenant de cette région. Julien Pain, quant à lui, est le plus français du groupe, avec 54,3% d'origines françaises.
Pauline Ringenbach, de son côté, est née d'une mère d'origine juive d'Espagne et d'un père alsacien. Avec 27,4% d'origines espagnoles, près d'un tiers d'origines italiennes et un autre tiers d'origines britanniques, elle est très métissée. Adrien Rohard, dont les parents sont français et la grand-mère italienne, se découvre des origines espagnoles, italiennes, allemandes, écossaises et irlandaises. En revanche, nulle trace d'origines françaises. Enfin, Linh-Lan Dao, née de parents vietnamiens, apprend grâce au test qu'elle est à 74,2% originaire du sud de la Chine. Au final, chaque journaliste avait au moins une origine en commun avec un autre membre du groupe. Rudy et Adrien partagent en outre un ancêtre paternel ayant vécu 2 500 ans avant Jésus-Christ. Julien Pain est le seul à avoir de "l'ADN français".
L’idée que beaucoup d’hommes élèveraient à leur insu des enfants qui ne sont pas génétiquement les leurs a tout d’une légende urbaine, et ce, depuis un bon paquet de temps.
C’est un motif récurrent des séries et des talk-shows: le brave père de famille qui, après un test génétique, apprend que le ou les enfants qu’il élève depuis des années ne sont en réalité pas les siens. En général, la nouvelle relève de la colossale catastrophe et d’un ressort tragique tout aussi gigantesque.
De fait, le phénomène est très présent dans l’imaginaire collectif, et pour cause: d’un point de vue masculin, biologiquement parlant, c’est passablement affreux d’investir du temps, de l’énergie et des ressources pour s’assurer la survie de gènes qui ne sont pas les vôtres. Et le pire, c’est que ce risque semble tout à fait avéré. Chez des espèces monogames autres que la nôtre –des oiseaux, par exemple–, un enfant sur dix a été engendré lors d’une «copulation extérieure au couple». Une stratégie reproductive qui, théoriquement parlant, serait particulièrement bénéfique aux femelles. Quand on y ajoute la prévalence de l’adultère féminin au sein de notre espèce –entre 5 et 27% des individus âgés de moins de 30 ans– l’angoisse d’avoir été fait cocu au point d’élever les rejetons du facteur n’a visiblement rien d’exagérée.
Sauf que sans doute que si, selon une synthèse de trois spécialistes de la question parue le 11 avril dans la revue Trends in Ecology & Evolution. En effet, s’il est courant d’estimer la proportion des paternités mal attribuées entre 10 et 30% des familles –un chiffre que les associations masculinistes ne manquent pas, évidemment, de véhiculer–, Maarten H.D. Larmuseau, Koen Matthijs et Tom Wenseleers, de l’Université catholique néerlandophone de Louvain, arguent que la fourchette se situerait bien plus probablement autour des 1 à 2%. On passerait donc, en gros, d’un père «floué» sur dix à un sur cinquante. Une paille.
Généalogie du chromosome Y
Qui plus est, la proportion resterait relativement stable même en remontant le cours de notre histoire, soit avant la massification de l’usage de la contraception scientifiquement élaborée. Une affirmation rendue possible par les progrès de la génétique des populations, qui passe notamment au crible la généalogie du chromosome Y.
Responsable de l’androgénisation du fœtus, ce bout d’information génétique ne se transmet que du père au fils et demeure quasiment identique lors de la formation des gamètes des deux sexes. Au travers des générations, il est donc (scientifiquement parlant) facile de remonter sa trace et d’étudier les éventuelles «incartades» dont il a pu être victime. C’est, par exemple, de cette manière qu’après la découverte du squelette de Richard III les scientifiques avaient été capables de dévoiler une infidélité royale survenue quelque part sur la grande route génétique reliant le tyran boiteux et bossu à l’actuelle reine d’Angleterre.
Mais, à l’échelle de l’humanité, et ce, depuis au moins un demi-millénaire, l’infidélité féminine (féconde) serait un phénomène pour le moins exceptionnel:
«La faiblesse des taux de cocuage observés dans les populations humaines passées et contemporaines contestent clairement l’idée, bien connue, voulant que les femmes aient l’habitude de “faire leur marché” de bons gènes, résume Larmuseau, et s’engagent dans des copulations extérieures au couple afin d’obtenir des bénéfices génétiques pour leurs enfants.»
En d’autres termes, pour les femmes, les avantages potentiels de l’infidélité seraient surpassés par ses coûts –violence conjugale, divorce, moindre investissement de la part du conjoint «social» et/ou de son cercle familial. Ce qui expliquerait pourquoi, sur des centaines de générations et des millions d’individus, le phénomène demeure, en réalité, bien plus rare qu’on pourrait le penser.
Petit résumé des thématiques abordées dans les épisodes précédents dans le texte mais aussi dans les commentaires :
épisode 1 : la pub biaisée des sociétés de généalogie génétique.
épisode 2 : les dérives de racisme et de fichage sous prétexte d'étude sociologique et de santé.
épisode 3 : les universités américaines travaillent sur un outil probabilistique de répartition géographique et des résultats sur la longévité, la fertilité, les schémas de migration et, dans certains cas, des caractéristiques faciales.
épisode 4 : le mythe des enfants adultérins démonté.
épisode 5 : le cas particulier de Hans Jonathan, antillais en Islande en 1802, le portrait robot ADN (couleur de peau, présence/absence de taches de rousseur, présence d'alopécie), les dérives racistes.
épisode 6 : les résolutions de cold cases à partir des fichiers d'ADN récréatif, les dérives de fichage, les dérives des assurances.
épisode 7 : comparaison des séquençage complet, emprunte FNAEG et test récréatif. Dérives de revente des données à des fins médicales, incident de cybersécurité, le fichage d'état en Estonie.
épisode 8 : le sondage Geneanet et sa faible représentativité, biais et paradoxes des comparaisons (avec nos contemporains uniquement, avec des échantillons non représentatifs ou en sous nombre...) La fiabilité déplorable des interprétations, le problème des naissances sous X, l'amélioration génétique, l'eugénisme.
épisode 9 : la non toute puissance de prédiction médicale, la désinformation médicale des tests, la cybersécurité, la porosité entre les bases et les enquêtes de police, le fichage d'état en Angleterre.
épisode 10 : Geneanet se lance dans la bataille, résumé des dérives médecine, assurances, employeurs, police, racisme. Cybesécurité. Récréation avec Spotify, Taille du marché de l'ADN.
épisode 11 : le problème des naissances sous X, anciens vs nouveaux (tout en ligne) généalogistes, la perte d'information forte au delà de la 6e génération, le fichage généralisé, les dérives racistes dénoncées par les universitaires, les problématiques vues par les universitaires, l'impossibilité de renouvellement des données en cas de compromission.
Dans ce nouvel opus, revenons pour cet épisode au marché de l'ADN pour particuliers, comme dit dans les commentaires de l'épisode 10, C'est un marché en expansion qui faisait 117M$ en 2017 et devrait atteindre 611M$ en 2026. Dans le même temps les couts de séquençage fondent comme neige au soleil : en 2007 il fallait 1M$ par séquençage, en 2014, il fallait 1000 $, et le PDG d'Illumina (un fabriquant de séquenceurs) pense que dans quelques années ce sera 100$, comme nous le rapporte Les Echos
Dans ce nouvel opus, revenons pour cet épisode au marché de l'ADN pour particuliers, comme dit dans les commentaires de l'épisode 10, C'est un marché en expansion qui faisait 117M$ en 2017 et devrait atteindre 611M$ en 2026. Dans le même temps les couts de séquençage fondent comme neige au soleil : en 2007 il fallait 1M$ par séquençage, en 2014, il fallait 1000 $, et le PDG d'Illumina (un fabriquant de séquenceurs) pense que dans quelques années ce sera 100$, comme nous le rapporte Les Echos
Commençons par les entreprises de "généalogie génétique"
Jusqu'à présent, la plupart des opérateurs proposaient une fois l'ADN numérisé de pouvoir procéder gratuitement à un transfert des données brutes chez un concurrent (où il fallait payer un petit supplément pour réanalyser les données et obtenir une interprétation différente !). Depuis ce 1er décembre l'un des principaux acteurs (MyHeritage) a décidé de faire payer ce transfert, ce n'est sans doute que le début d'une monétisation exacerbée. Au passage vous remarquerez que ces données brutes qui vous définissent ne sont, pour ces sociétés, pas votre propriété ! Vous trouverez une analyse complète des transferts sur le blog Genealogie-Génétique. On voit également que ces résultats sont exprimés en probabilités et sont variables dans le temps comme le montre Libération
L'autre tendance de ces entreprises est de proposer à leurs clients une réanalyse, là aussi si par le passé c'était gratuit, ça change et comme le montre ce tweet de Juloz AncestryDNA propose des options payantes pour vous "montrer" quelles caractéristiques physiques (monosourcil, taches de rousseur, calvitie) vous avez hérité de vos ancêtres... Puisque l'ADN de votre ancêtre n'est pas analysé, c'est déjà très douteux puisque ça nie la recombinaison de l'ADN, ensuite ça ne dit pas de quel ancêtre ça vient et enfin, ça ne prend pas en compte le fait ce n'est pas parce que vous avez un gène qu'il s'exprime, comme le montre Joël de Rosnay dans son intervention sur l'épigénétique !
L'article des Echos précité, nous apprend également qu'Ancestry a passé un partenariat avec GoAhead Tours pour créer des voyages sur mesure fonction des résultats ADN et que National Geographics fait de même. L'ADN semble être un vecteur commercial sans fin.
De nouvelles entreprises se lancent également à l'assaut de ce marché, et vous proposent de nouveaux "services"
La compagnie Life Epigenetics, une start-up filiale du géant de l'assurance GWG prétend avoir mis au point un test permettant de prédire la mortalité et la probabilité de contracter des maladies à partir de l'expression des gènes comme nous le présente Futura-sciences. Cependant c'est biaisé, car comme le montre cet article en anglais de Science Daily, qui relate une étude de la Genetics Society of America a partir de données d'Ancestry sur 400 millions d'individus, notre longévité est liée à notre capacité à nous lier à une personne présentant certains traits identiques. D'autre part la probabilité de contracter des maladies est utilisée aux USA par des médecins peu scrupuleux pour vendre des chirurgies préventives. A cela deux biais. Ce n'est pas parce que 100% des personnes ayant un cancer partagent le même marqueur ADN, que l'ensemble des personnes ayant ce marqueur ont un cancer, et d'autre part comme dit dans l'épisode 9 il y a confusion entre probabilité et certitude (si un test de probabilité de cancer a un résultat de 14% c'est en fait un risque relatif : s’il y a 1 chance sur 1000 de l’avoir, alors ça veut juste dire que le résultat réel est de 1,14 / 1000). Je vous invite également à voir le reportage de Complément d'Enquête intitulé "ADN pour tous : miracle ou cauchemar ? ADN : la foire aux tests", c'est édifiant ! Les taux de faux-positifs atteignent 40% d'après une étude d'Ambry Genetics. Le fait que ce soient des sociétés d'assurance qui cherchent à connaître notre longévité supposée est également une tentative de biaiser le rapport de mutualisation des risques pour augmenter les profits.
Les compagnies Nebula Genomics et Encrypgen comme le montre Dick Eastman dans deux notes de blog (1, 2), vous proposent de monétiser votre ADN en vous mettant en rapport avec des entreprises de recherche prêtes à l'acheter. En gros, elles proposent d'individualiser ce que les grosses entreprises type 23andMe font dans votre dos. Rien que pour 23andMe, leur base a été revendue à au moins trois labos Roche, Pfizer et GSK (GlaxoSmithKline) pour un montant total supérieur à 400 M$.
Les tests d'ADN pour connaître ses « origines » explosent aux États-Unis. Mais les entreprises privées qui les réalisent revendent souvent ces données, pourtant si précieuses.
Ils veulent savoir d’où viennent leurs épais sourcils, leurs tâches de rousseur ou leur teint olive. Un peu d’Irlande, de bassin méditerranéen ou d’Amérique centrale. Aux États-Unis, de plus en plus d’Américains choisissent de passer un test ADN afin de connaître leurs origines. Pour cela, nul besoin de se rendre dans des laboratoires spécialisés. Pour quelques dizaines de dollars, ils peuvent commander un kit de prélèvement sur internet ou même aller le chercher directement dans la pharmacie de leur quartier.
Pour savoir d’où ils « viennent », ils déposent un peu de salive dans un tube en plastique puis l’envoient par la poste pour le faire analyser. Plus de 10 millions d’Américains et Américaines y ont déjà eu recours, selon une étude publiée dans le magazine scientifique Genome biology. « Si on se projette d’ici à 2021, ce sont plus de 100 millions de profils ADN qui auront été analysés. La croissance réelle excèdera probablement nos prédictions en raison de l’augmentation croissante de la publicité et du prix de séquençage de l’ADN qui baisse », expliquent les deux auteurs de l’étude. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?
Le séquençage du génome a fait des progrès fulgurants. Il a fallu 13 ans, de 1990 à 2003, pour séquencer un génome entier pour la première fois. 15 ans plus tard, en 2018, cela ne prend plus que quelques jours. Et les tests grand public, eux, n’en analysent en fait qu’une partie.
Cette technologie n’est pas chère, facile d’accès, et produit des résultats rapides. Pourquoi ne pas y céder et découvrir les secrets cachés dans nos doubles hélices d’ADN ? Peut-être parce que nos informations génétiques font partie de ce que nous avons de plus cher. Et pour cause, les grands groupes se l’arrachent… Cet été, 23andMe, l’une des principales entreprises de ce secteur, a revendu la quasi-totalité des données qu’elle possédait au géant de l’industrie pharmaceutique GlaxoSmithKline. 80 % des utilisateurs de ce kit ont autorisé le partage de leurs données, faute d’avoir bien lu les petites lignes des conditions du contrat.
23andMe assure n’utiliser les données que des clients qui ont donné leur autorisation, et qui plus est, en les anonymisant. « Personne ne peut être identifié », peut-on lire dans un communiqué publié par l’entreprise. Mais plusieurs voix dissidentes commencent à se faire entendre au sein de la communauté scientifique, comme sur le site du Times. « Ces informations ne sont jamais sécurisées à 100 %. Le risque est amplifié quand une organisation les partage avec une autre. Quand les informations vont d’un endroit à l’autre, il y a toujours un risque qu’elles soient interceptées par d’autres acteurs », estime Peter Pitts, le président du Center for medicine in the public interest (CMPI), une association de recherche à but non lucrative.
Ces données destinées à découvrir ses origines seront finalement utilisées par un laboratoire pharmaceutique pour mettre sur le marché de nouveaux médicaments, notamment dans la maladie de Parkinson. « Ensemble, GSK et 23andme vont s’employer à traduire ces informations génétiques et phénotypiques dans nos activités de R&D pour développer la médecine de précision, mettre en point des sous-groupes de patients et constituer plus facilement des cohortes pour les études cliniques », explique l’entreprise pharmaceutique dans un communiqué.
Il suffit que 2 % de la population donne son ADN pour que tous les Américains puissent être identifiés
Surtout, la notion de vie privée risque d’être considérablement restreinte dans les années à venir. Il suffit que 2 % de la population donne son ADN pour que tous les Américains puissent être identifiés, selon une étude publiée dans la revue Science par Yaniv Erlich, le responsable scientifique de MyHeritage, une entreprise de tests ADN basée en Israël. Aujourd’hui déjà, plus de 60 % des Américains d’origine européenne peuvent être identifiés grâce aux bases de données de généalogie génétique publiques, comme GEDmatch.
Cette base de données a même permis à la police californienne de retrouver l’identité d’un tueur, en téléchargeant simplement son ADN sur le site. Sur GEDmatch, où tous les ADN sont enregistrés au format texte, avec un nom et une adresse mail associée, il est possible de retrouver les ADN proches des nôtres. La police a réussi à mettre la main sur un cousin au 3e degré du tueur, alors que le meurtre datait de 1980. La technique est maintenant utilisée à l’échelle nationale pour résoudre les cold cases, avec déjà 13 personnes arrêtées en 5 mois.
Si dans ce cas-là, la génétique a été utilisée à bon escient, le contraire peut vite arriver. C’est Yaniv Erlich lui-même qui met en garde contre cette technique dans l’étude publiée sur le site de Science : « Même si les décideurs et le grand public peuvent être en faveur de l’amélioration des outils médico-légaux pour résoudre les crimes, ils reposent sur des bases de données ouvertes à tout le monde. Par conséquent, la même technique pourrait être utilisée de façon abusive dans des buts néfastes, comme l’identification inversée d’individus ayant participé à des recherches à partir de leurs données génétiques. »
Voilà donc bien des écueils auxquels se soumettent personnes souhaitant simplement savoir qui ont été leurs ancêtres. D’autant que le test ADN ne permet pas vraiment d’avoir un temps d’avance sur les risques qui planent sur notre santé. La Food and Drug Administration (FDA), le gendarme du médicament américain, avait imposé un moratoire sur les tests de santé de 23andMe en 2013.
Il a finalement été levé en 2017 pour une dizaine de maladies, comme Alzheimer, Parkison, le risque de thromboses ou de maladies coeliaques. Là encore, le ton restait prudent. « Il est important que les gens comprennent que le risque génétique n’est qu’une pièce d’un puzzle plus large. Cela ne veut pas dire qu’ils vont, ou ne vont pas développer une maladie », déclarait alors Jeffrey Shuren, directeur du centre de la FDA en charge des dispositifs médicaux. Le résultat génétique reste une indication et ne permet aucune projection avérée.
En attendant, des vidéos méticuleusement mises en scène se multiplient sur Youtube, montrant des anonymes en train de découvrir leurs résultats. Beaucoup d’entre elles ont été postées par Momondo, un site de… comparateurs de voyages. À l’occasion d’un concours, l’enseigne offrait même un voyage dans le pays « de ses racines » à un grand gagnant. Ce genre de pratiques risque de s’étendre à l’Europe. AncestryDNA et 23andMe n’envoient pas leurs kits en France, mais des produits similaires sont disponibles sur Amazon. Myheritage a ouvert sa livraison à la France, bien que les tests génétiques de convenance n’y soient pas autorisés. Ils ont même récemment fait une promo pour Halloween. Reste à savoir si le jeu en vaut la chandelle.