Voici comment cette marque de ponctuation a divisé le monde.
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Repéré sur The Guardian
Six siècles après son invention, notre cher point d'exclamation alimente toujours autant de controverses. Imaginez quand même qu'une dispute peut débuter sur un simple quiproquo quant à son utilisation. Mais que seraient nos conversations sans cette ponctuation? Probablement ennuyeuses. Tombé en désuétude puis héros de la campagne présidentielle américaine, le «!» n'a jamais cessé de nous surprendre.
Comme le rapporte le Guardian, l'érudit italien Iacopo Alpoleio da Urbisaglia aurait inventé le point d'exclamation vers le milieu du XIVe siècle. Autrefois représenté par une barre inclinée à droite sous laquelle deux points étaient dessinés, ce signe grammatical symbolisait l'admiration. En 1611, soit 300 ans après sa conception, le lexicographe Randle Cotgrave a certes défini le «!» comme une incarnation de l'admiration, mais également de la détestation. Cette ponctuation était la première à traduire des sentiments.
Pourtant, en 1920, le point d'exclamation a disparu des radars et n'a plus figuré que dans la propagande politique et la publicité. «!» a patiemment attendu son heure jusqu'à l'apparition de son véritable foyer: internet, avec ses pièges et ses promesses de communication rapide et facile. Mais, surprise: témoin de notre spontanéité, allégresse ou mécontentement, le point d'exclamation est devenu clivant.
Les baby-boomers perçoivent un message ponctué de ce signe comme criard, tandis que les millennials interprètent un manque de points d'exclamation comme de la mauvaise humeur. Les membres de la génération Z évitent quant à eux la controverse en préférant intégrer des émojis à leurs conversations.
En 2014, certains se sont même demandés si cette ponctuation n'avait pas atteint son pic d'utilisation, spéculant qu'elle deviendrait bientôt désuète. Ces derniers avaient tort. Ils étaient loin de se douter de la venue prochaine d'un personnage qui allait se présenter à l'élection présidentielle des États-Unis: Donald Trump, alias le grand roi MAGA.
La palme du plus grand crieur sur les réseaux sociaux revient, bien sûr, à (roulement de tambours) l'ex-président américain. Depuis ses débuts sur Twitter en 2009 jusqu'à la suspension de son compte onze ans plus tard, Donald Trump s'est livré à une véritable surenchère du point d'exclamation. 33.000 «!» en douze ans. Selon le site de données statistiques FiveThirtyEight, 60% de ses tweets en contenaient au moins un. Le Républicain a même établi son record personnel à quinze «!» d'affilée. Il serait parfois utile de rappeler qu'il n'y a pas que l'alcool qui doit être consommé avec modération.
Cette utilisation excessive n'est cependant peut-être pas qu'un simple coup de folie, mais un véritable coup de maître. Le «!» active le système d'alarme de notre cerveau: nous prêtons davantage attention aux messages en comportant. Pour le démontrer, le logiciel d'analyse marketing TrackMayen a examiné 1,5 million de messages Facebook de 6.000 grandes marques, et a constaté que les posts contenant au moins un point d'exclamation suscitaient trois fois plus d'interactions.
L'utilisation excessive de ce signe a même impacté l'enseignement. En 2016, l'Éducation britannique a émis une directive pour faire échouer aux examens les élèves qui ne l'utilisaient pas de manière appropriée. L'idée était de bannir tout abus d'usage avant que ce trop-plein d'exclamations ne devienne –ce que le dictionnaire urbain appelle– la bangorrhée, c'est-à-dire l'écriture abusive de cette ponctuation.
Aujourd'hui, l'image du «!» en tant que vecteur de bonnes nouvelles se démocratise et équivaut de plus en plus à un sourire. Alors saupoudrez vos messages d'un, de deux voire de trois points d'exclamation si vous êtes particulièrement enthousiaste. Mais par pitié, pas quinze.