Lundi dernier, La Quadrature du Net a déposé un recours devant le Conseil d’État pour demander l’annulation du décret autorisant la création de l’application mobile intitulée « ALICEM », pour « Authentification en ligne certifiée sur mobile ». En y conditionnant la création d’une identité numérique à un traitement de reconnaissance faciale obligatoire, le gouvernement participe à la banalisation de cette technologie, et cela au mépris de l’avis préalable de la CNIL qui avait pourtant souligné son illégalité. Les récentes déclarations de Christophe Castaner qui a mis en avant cette application pour lutter contre l’anonymat et la haine sur Internet ne peuvent qu’alerter.
L’application ALICEM, développée par l’Agence des Titres Sécurisés (ANTS), vise à permettre aux détenteurs d’un passeport biométrique (ou d’un titre de séjour électronique) de se créer une identité numérique pour faciliter l’accès à certains services sur Internet, administratifs ou commerciaux. Comme l’explique la notice même du décret qui en autorise la création, « ce traitement automatisé de données à caractère personnel vise à permettre une identification électronique et une authentification pour l’accès à des services en ligne en respectant les exigences relatives au niveau de garantie requis par le service en ligne concerné au sens du règlement européen « eIDAS » (…). Le moyen d’identification électronique peut être utilisé prioritairement pour l’accès à des services dont les fournisseurs sont liés par convention à FranceConnect » (par exemple, impots.gouv, l’Assurance maladie… voir une liste des partenaires ici).
Concrètement, cela fonctionne ainsi : une personne détenant un titre avec une puce biométrique (passeport ou titre de séjour) télécharge l’application sur son smartphone (pour l’instant seulement sur les téléphones Android), pour y créer un compte. Pour cela, il doit procéder à la lecture avec son téléphone de la puce de son titre électronique. L’application a alors accès aux données qui y sont stockées, hors les empreintes digitales (notons que le décret du fichier TES est donc modifié pour permettre la lecture des informations stockées sur la puce électronique). Enfin, pour activer le compte, il faut se subordonner à un dispositif de reconnaissance faciale (dit « statique » et « dynamique », c’est à dire une photo et une vidéo avec des gestes à accomplir devant la caméra) pour vérifier l’identité. Alors seulement, l’identité numérique est générée et la personne peut utiliser ALICEM pour s’identifier auprès de fournisseurs de services en ligne [1].
Reconnaissance faciale obligatoire
Alors pourquoi l’attaquer ? Car l’application ALICEM oblige, au moment de l’activation du compte, de recourir à ce dispositif de reconnaissance faciale, sans laisser aucun autre choix à l’utilisatrice ou l’utilisateur. L’article 13 du décret énonce ainsi que l’ANTS informe l’usager « concernant l’utilisation d’un dispositif de reconnaissance faciale statique et de reconnaissance faciale dynamique et au recueil de son consentement au traitement de ses données biométriques ». Or, au sens du règlement général sur la protection des données (RGPD), pour qu’un consentement soit valide, il doit être libre, c’est-à-dire qu’il ne peut pas être contraint : « le consentement ne devrait pas être considéré comme ayant été donné librement si la personne concernée ne dispose pas d’une véritable liberté de choix » (Considérant 42). Ici, la personne voulant utiliser ALICEM n’a pas le choix de passer ou non par ce dispositif de reconnaissance faciale et le consentement dont se revendique le gouvernement n’est donc pas valable.
Cette analyse est d’ailleurs celle de la CNIL qui a rendu un avis sur ce décret, préalablement à sa publication. Dans cet avis, elle énonce clairement que, vu que la reconnaissance faciale est obligatoire et qu’il n’existe aucune autre alternative pour se créer une identité via ALICEM, « le consentement au traitement des données biométriques ne peut être regardé comme libre et comme étant par suite susceptible de lever l’interdiction posée par l’article 9.1 du RGPD ». Malgré cet avis et les alternatives imaginées par la CNIL au dispositif de reconnaissance faciale, le gouvernement n’a pas modifié son décret en le publiant.
À l’heure où les expérimentations de reconnaissance faciale se multiplient sans qu’aucune analyse ou débat public ne soit réalisée sur les conséquences d’un tel dispositif pour notre société et nos libertés [2], en général dans une large illégalité, et alors que des villes aux États-Unis en interdisent explicitement l’utilisation pour les services municipaux [3], le gouvernement français cherche au contraire à l’imposer à tous les citoyens via des outils d’identification numérique. Et même s’il ne s’agit ici pas de reconnaissance faciale « en temps réel » par des caméras de surveillance, il s’agit néanmoins bien de normaliser la reconnaissance faciale comme outil d’identification, en passant outre la seule condition qui devrait être acceptable pour son utilisation : notre consentement libre et explicite. Le gouvernement révèle par ailleurs son mépris pour la CNIL, dont l’influence semble diminuer de plus en plus. Fléchissant il y a quelques mois devant les publicitaires en leur laissant encore un an de plus pour respecter le RGPD (voir notre article), elle apparaît ici plus faible que jamais quand elle alerte le gouvernement sur la violation du consentement d’une personne quand au traitement de ses données biométriques et que le gouvernement ne la respecte clairement pas.
La haine, l’anonymat et ALICEM
Attaquer ce décret est d’autant plus nécessaire quand on voit les dangereux liens que tisse le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner entre anonymat, haine et identité numérique. Il écrit ainsi, en tête de son rapport « État de la menace liée au numérique en 2019 » : « La liberté, justement, voilà tout le paradoxe d’internet. L’anonymat protège tous ceux qui répandent des contenus haineux et permet à des faux-comptes de se multiplier pour propager toutes sortes de contenus. Nous ne pouvons pas laisser les publications illicites se multiplier. Nous devons donc relever le défi de l’identité numérique pour que chaque Français, dès 2020, puisse prouver son identité et savoir avec qui il correspond vraiment ». Et quand il parle, plus loin, d’identité numérique, c’est pour directement mentionner le dispositif ALICEM. Le débat sur l’identité numérique arrive donc à grande vitesse et l’utilisation que souhaite en faire le gouvernement ne peut qu’alerter : un outil non pas au service du citoyen mais contre lui, pour lutter contre l’anonymat en ligne, pourtant fondamental pour l’exercice de nos droits sur Internet.
Un projet d’identité numérique, fondé sur un dispositif de reconnaissance faciale obligatoire (au mépris du RGPD) et ayant pour objectif avoué d’identifier chaque personne sur Internet pour ne plus laisser aucune place à l’anonymat ne peut qu’être combattu. C’est l’objet de ce recours.
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[1] Voir également l’analyse de Marc Rees sur Next Inpact.
[2] Lire notre analyse des enjeux politiques de la reconnaissance faciale.
[3] La ville de San Francisco a récemment adopté une telle interdiction, bientôt rejointe par une autre ville du Massachusetts.
Aux débuts d’Internet, un idéal d’horizontalité, de gratuité, de liberté. Trente ans après, le web s’est centralisé, marchandisé, et a été colonisé par les géants du numérique. Ces derniers ont-ils trahi l’utopie des pionniers d’Internet ?
Internet a été parfois décrit comme un espace de liberté inédit permettant aux utilisateurs de contourner la censure et d’enjamber les frontières, de créer et d’échanger à l’infini, de se réinventer artiste, journaliste ou militant. Aujourd’hui, ce discours semble désuet : on met plutôt l’accent sur l’hypercentralisation du web, sa neutralité est remise en cause, la censure et la surveillance généralisée des réseaux se développent. Alors, ne reste-t-il vraiment plus rien de l’utopie numérique ?
Si les réseaux de communication informatique naissent bien au cœur de l’écosystème « militaro-industrialo-universitaire » issu de la Guerre froide, on aurait tort d’associer le projet Internet aux seuls intérêts stratégiques du gouvernement américain. Dans les années 1970, les laboratoires de recherche informatique sont marqués par l’expérience de la contre-culture : on y défend une approche créative et collaborative du travail, contre la lourdeur, le cloisonnement et les hiérarchies bureaucratiques. Les chercheurs en informatique élaborent des procédures de discussion plus informelles, plus horizontales, et défendent une nouvelle manière de faire de la recherche. Internet, et surtout le web, qui s’est développé dans les années 1990, sont vus comme l’accomplissement d’un vieux rêve scientifique : le partage de la connaissance au sein d’une bibliothèque sans frontières, à laquelle chacun peut accéder et contribuer. En 1995, Tim Berners-Lee, principal auteur des protocoles du web au sein de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern), déclare ainsi : « J’ai fait (et je continue à faire) le rêve que le web devienne moins une nouvelle chaîne de télévision qu’un vaste océan interactif de savoirs partagés. Je nous imagine ainsi immergés dans un environnement chaleureux, amical, composé de toutes les choses que nous et nos amis aurions vues, entendues, crues et comprises. » Cet imaginaire nourrit l’expérience des premiers concepteurs et utilisateurs du web, qui forment, jusqu’au milieu des années 1990, une « république des informaticiens », sorte de communauté scientifique idéale qui voit dans le réseau l’aboutissement d’un projet humaniste.
Le web est vu comme l’accomplissement d’un vieux rêve scientifique : le partage de la connaissance au sein d’une bibliothèque sans frontières.
Les chercheurs en informatique n’ont pas été les seuls à construire l’« utopie numérique ». Dans les années 1990, la diffusion de l’ordinateur personnel permet aussi l’émergence des premiers services de communication électronique. Des groupes de passionnés y échangent sur les transformations technologiques en cours, formant ainsi les premières « communautés virtuelles ». On y retrouve aussi bien d’anciens hippies que des entrepreneurs de la nouvelle économie, des consultants en technologie et de jeunes hackers. Ils partagent des pratiques et des principes éthiques fondés sur le rejet de l’autorité, la liberté de ton ou la « netiquette », code de conduite informel que chacun se doit de respecter lors des discussions en ligne.
Ce projet utopique est néanmoins aussi hybride et protéiforme que les communautés qui le composent, croisant l’humanisme scientifique, l’héritage contre-culturel des années 1960 ou la pensée libertarienne autour d’un enthousiasme partagé pour les nouvelles technologies. Il trouve sa traduction la plus concrète dans la « déclaration d’indépendance du cyberespace », rédigée en 1996 par John Perry Barlow, fondateur de l’une des premières associations de militants numériques, l’Electronic Frontier Foundation : « Le cyberespace est constitué par des échanges, des relations, et par la pensée elle-même […]. Notre monde est à la fois partout et nulle part, mais il n’est pas là où vivent les corps. Nous créons un monde où tous peuvent entrer, sans privilège ni préjugé dicté par la race, le pouvoir économique, la puissance militaire ou le lieu de naissance. Nous créons un monde où chacun, où qu’il se trouve, peut exprimer ses idées, aussi singulières qu’elles puissent être, sans craindre d’être réduit au silence ou à une norme. »
« Le cyberespace est constitué par des échanges, des relations, et par la pensée elle-même […]. Notre monde est à la fois partout et nulle part, mais il n’est pas là où vivent les corps. » (J. Perry Barlow)
Ce texte est tout autant une célébration de l’utopie numérique qu’un manifeste défensif, visant à la protéger contre l’ingérence des puissances politiques et économiques. La déclaration d’indépendance du cyberespace est en effet écrite au moment même où l’ouverture d’Internet fragilise l’autonomie des pionniers. L’utopie de « l’Internet libre » se lit ici comme une défense des libertés sur Internet : liberté d’expression, libre circulation de l’information, mais aussi droit à l’anonymat et neutralité du réseau, autant de causes que vont porter les militants numériques de l’Electronic Frontier Foundation, et bien d’autres après eux, contre la transformation du réseau.
Gafam, les géants du numérique
Derrière cet acronyme, on désigne cinq firmes multinationales américaines : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, qui dominent les marchés de l’économie numérique. Les Gafam ont acquis une position hégémonique dans la plupart des pays du monde, à l’exception notable de la Chine. Leur lobbying, souvent convergent, en fait des acteurs particulièrement puissants dans les négociations internationales sur la gouvernance des réseaux. Pour les États, elles sont devenues à la fois un objet de réforme fiscale, un enjeu de régulation (pour mieux protéger les données des citoyens), mais aussi des partenaires indispensables dans de nombreux domaines d’intervention publique (lutte contre le piratage, le cyberterrorisme ou les fausses informations).
Pour autant, il ne faudrait pas totalement confondre ces entreprises, car elles renvoient à des modèles d’affaires parfois très différents. Pour Google, par exemple, les services gratuits (Gmail, YouTube, le moteur de recherche et navigateur Chrome) sont financés par l’exploitation de nos données personnelles qui permettent à l’entreprise de capter à elle seule un tiers du marché de la publicité en ligne. À l’inverse, l’entreprise Apple s’est développée ces dernières années autour d’un modèle intégré très fermé, proposant des appareils coûteux qui se veulent particulièrement protecteurs de la vie privée. – AB
Une série de renoncements ?
Si les années 1990 constituent bien une sorte d’âge d’or de l’utopie numérique, l’expansion d’Internet va progressivement remettre en cause cette vision enchantée du cyberespace. Afin de financer le développement de l’infrastructure, l’administration scientifique en charge d’Internet décide, en 1993, d’ouvrir le réseau aux entreprises privées. Jusqu’alors soutenu par la puissance publique, il était considéré comme un outil de coordination scientifique dont les usages se devaient d’être strictement non lucratifs. Mais le développement de services commerciaux d’accès favorise la découverte du web par un plus large public. Et si la plupart des contenus en ligne restent gratuits, Internet se cherche un modèle économique, suscitant l’enthousiasme, parfois excessif, des marchés. On assiste à l’émergence de nouveaux acteurs économiques : d’abord, ceux de la vente en ligne puis ceux de la vente d’espaces publicitaires ciblés et de l’exploitation des données recueillies sur les internautes. Apparaissent alors les futures grandes entreprises numériques : Amazon en 1994, eBay en 1995, Netflix en 1997, Google en 1998. La décennie suivante voit la naissance des réseaux sociaux autour de ce qu’on a appelé le « web 2.0 »1, fondé sur la participation et l’interaction des internautes : Facebook en 2004, YouTube en 2005, Twitter en 2006, etc. La montée en puissance de ces grandes plateformes modifie considérablement le visage d’Internet. Jonathan Zittrain2 parle par exemple de « centralisation » d’Internet, dès lors que l’essentiel du trafic transite désormais par quelques sites, appareils ou applications. Cette évolution, attribuée pour l’essentiel à l’hégémonie des géants du numérique, les « Gafam » (voir encadré), est vue par les militants comme une première trahison de l’esprit horizontal et décentré qui caractérisait les échanges au début du réseau.
Afin de financer le développement de l’infrastructure, l’administration scientifique en charge d’Internet décide, en 1993, d’ouvrir le réseau aux entreprises privées.
La deuxième trahison tient à l’accroissement du contrôle des communications dans un espace numérique jusqu’ici marqué par le principe d’auto-régulation et de responsabilisation de chaque participant. Dans les années 1990, les premières « affaires du net » révèlent la face sombre du web : incitations à la haine, pédopornographie, piratage informatique, propagande, etc. Ces menaces favorisent un retour progressif des États, jusqu’alors remarquablement absents, pour réguler les échanges et protéger les droits sur Internet. Depuis les années 2000, les initiatives législatives se multiplient pour lutter contre le piratage, la prolifération de contenus haineux ou, plus récemment, la manipulation de l’information. Ces lois ont été combattues par les militants numériques, avec plus ou moins de succès3, au nom de la défense des libertés. Ils craignent le verrouillage technique d’un réseau qui a pourtant pu servir d’espace de résistance en contexte autoritaire : on assisterait à un retour de la censure et de la surveillance autour d’une alliance entre États et grandes entreprises numériques. Depuis les révélations en 2013 d’Edward Snowden sur l’existence de programmes de surveillance généralisée mis en place par les États-Unis4, ce combat ne concerne plus seulement une poignée d’États policiers (comme la Chine, la Russie ou l’Iran) mais doit, selon les militants du numérique, être étendu à l’ensemble des sociétés occidentales.
Utopie numérique : trahisons ou traductions ?
Retour du contrôle des communications, règne de la marchandisation et centralisation du web autour des grandes plateformes : ces transformations d’Internet sont dénoncées comme autant de coups portés au projet initial de « l’Internet libre », principalement de la part des Gafam. Pour autant, on aurait tort d’opposer schématiquement les défenseurs aux fossoyeurs de l’utopie numérique. Google s’est parfois trouvé aux côtés des militants du net pour défendre la libre circulation de l’information, la neutralité du net ou l’assouplissement de la propriété intellectuelle. Le projet « Google books » de numérisation de livres, par exemple, n’est pas sans rappeler celui de bibliothèque universelle formulé par les premiers concepteurs du réseau. On songe également aux prises de position très strictes d’Apple au sujet de la protection de la vie privée5. Ces affinités s’expliquent aussi par les racines culturelles de l’utopie numérique. Les fondateurs d’entreprises numériques, les développeurs qui y travaillent, sont bien souvent des utilisateurs pionniers et passionnés d’Internet. Pour certains, l’esprit de la Silicon Valley, loin de marquer une trahison de l’utopie numérique, en constitue l’expression la plus aboutie en tant que synthèse entre l’esprit de la contre-culture et l’enthousiasme technologique d’entrepreneurs innovants. Ce caractère hybride de la culture numérique autorise finalement des interprétations et des appropriations parfois contradictoires d’un discours qui n’a jamais été univoque. Mais l’éthique des pionniers reste une référence pour les militants comme pour les entreprises. En 2005, Google opère un tour de force symbolique et stratégique en recrutant le chercheur Vinton Cerf, co-inventeur du protocole TCP/IP considéré comme le « père d’Internet » : il est nommé « chief Internet evangelist6 », un titre qui manifeste la volonté de l’entreprise de se placer sous le patronage d’un « esprit originel » d’Internet.
Pour certains, l’esprit de la Silicon Valley constitue l’expression la plus aboutie de l’utopie numérique.
Par définition, une « utopie » désigne un « non-lieu », un territoire hors du monde. Mais Internet n’est que trop ancré dans la réalité sociale : il n’échappe pas à ses règles, ses rapports de force inégaux, ses contradictions. Pour autant, « l’utopie numérique » n’est pas vraiment morte : elle a plutôt été traduite autour de causes et de projets sociaux nombreux qui, de la lutte contre la censure à la défense de la neutralité du net, continuent de nourrir le militantisme numérique. À cet égard, les fronts sur lesquels défendre les principes de l’Internet libre, loin de se réduire, n’ont cessé de se multiplier.
La notion de gratuité s’articule autour de deux dimensions. La première correspond à l’idée de non-contrepartie financière. « Gratis » signifie obtenir quelque chose pour rien, sans payer. En ce sens, l’économie de la gratuité semble en essor. Le marketing utilise depuis bien longtemps la technique de la gratuité. Pour exemple, Gillette, en offrant ses rasoirs et en faisant payer ses lames, a été l’une des marques pionnières dans ce domaine.
Le modèle freemium, qui consiste à proposer une version gratuite grand public couplée avec une version payante, est aujourd’hui largement exploité par les marques dans de nombreux secteurs. Avec Internet, l’économie de la gratuité semble à son apogée. Musiques offertes en ligne, logiciels open source, cours en ligne gratuits sous forme de MOOC, autant d’exemples qui illustrent l’essor du phénomène de gratuité. Et Chris Anderson d’intituler son célèbre ouvrage : « Free ! Entrez dans l’économie du gratuit ».
Si les modèles économiques fondés sur l’absence de contrepartie pécuniaire semblent effectivement se développer, les services proposés n’en demeurent pas pour autant totalement gratuits, en ce sens que la réciprocité est toujours attendue. Gillette offrait ses rasoirs pour pouvoir mieux vendre ses lames. Les modèles freemium consistent in fine à miser sur le fait que certains des consommateurs vont passer à la version payante. Le développement de nombreux modèles gratuits, tels que celui de Waze par exemple, s’appuie sur une contrepartie financière pour l’entreprise, contrepartie assurée par la publicité.
Ceci nous amène à considérer la deuxième dimension de la gratuité, celle qui correspond à l’idée de faire quelque chose « pour rien », sans utilité évidente, sans attente de contrepartie, sans équivalence. D’aucuns diront que cette gratuité-là n’existe pas, comme le suggère l’adage américain bien connu, « There is no such thing as a free lunch » (« les déjeuners gratuits n’existent pas »). Dans quelle mesure peut-on alors parler d’économie de la gratuité ? Et comment l’appréhender ?
Une gratuité « impossible a priori »
En changeant de paradigme. Certains chercheurs parlent de « paradigme sociaux dominants » pour caractériser cet ensemble de valeurs et de comportements, formels et informels, qui caractérisent une société. Ils ont notamment montré que l’un des paradigmes sociaux dominants régissant les sociétés occidentales relevait du paradigme économique, et s’articulait autour de trois croyances :
l’intérêt : le comportement individuel devrait être déterminé par l’intérêt économique de chacun ;
le progrès : l’économie est la meilleure mesure du progrès ;
la croissance : si la croissance économique persiste, tout le monde en profite.
Changer de paradigme, c’est donc changer de perspective. « Le cadre de pensée marchand rend la gratuité impossible a priori », soulignait en 1992 Jacques T. Godbout, professeur à l’Université du Québec dans son livre « L’esprit du don ». Les sciences de gestion sont habituées à puiser dans différents champs disciplinaires pour nourrir leur réflexion. La théologie en fait partie, et de plus en plus de chercheurs mobilisent le cadre d’analyse de la religion pour éclairer les modèles économiques ou la psychologie du consommateur.
La doctrine sociale de l’Église peut ici s’avérer un cadre d’analyse fécond. Pierre-Yves Gomez, professeur à l’EM Lyon Business School, suggérait aux gestionnaires en 2009, dans un éditorial de la revue Sciences de gestion, de lire l’encyclique Caritas in veritate, qui aborde le thème de la gratuité dans l’économie.
Le pape Benoît XVI estimait que la gratuité était nécessaire au bon fonctionnement de l’économie.
Dans cette encyclique, le pape Benoît XVI développe l’idée selon laquelle la gratuité est nécessaire au bon fonctionnement de l’économie :
« Le grand défi qui se présente à nous est celui de montrer, au niveau de la pensée comme des comportements, que non seulement les principes traditionnels de l’éthique sociale, tels que la transparence, l’honnêteté et la responsabilité ne peuvent être négligées ou sous-évaluées, mais aussi que, dans les relations marchandes, le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à l’intérieur de l’activité économique normale. »
L’agir gratuit prend alors la forme d’un interstice entre « le donner pour avoir », spécifique à la logique de l’échange marchand et caractéristique des modèles de gratuité évoqués au début de cet article, et le « donner par devoir », propre à l’action publique et réglée par les lois de l’État. Le don gratuit, c’est « le transfert, librement déterminé, d’une ressource tangible ou intangible à une autre personne, sans demande ou attente d’un quelconque retour ou compensation », pour reprendre la définition des chercheurs Bénédicte de Peyrelongue, Olivier Masclef et Valérie Guillard. L’économie de la gratuité revient alors à considérer que les acteurs de l’entreprise, les consommateurs, ne donnent pas uniquement que pour recevoir.
La réciprocité n’est pas exclue, mais elle est ex-post, elle arrive de surcroît. Et ce retour éventuel n’est pas forcément quantifiable, ni estimable. Former un nouvel arrivant dans l’entreprise pour le simple plaisir de transmettre, mettre à disposition son canapé gratuitement pour le simple plaisir de la rencontre, partager sa passion du jardinage sur YouTube pour le simple plaisir du partage, proposer un logiciel en version libre pour faire avancer la recherche, autant de comportements qui témoignent d’une forme d’économie de la gratuité.
Parfois, ces comportements sont motivés par la volonté de dénoncer le mythe de la croissance et de la surconsommation. Simplicité volontaire, frugalité, sobriété heureuse… Autant de vocables qui sous-tendent l’idée de réinjecter de la gratuité dans l’économie, en considérant que de nombreuses ressources nous sont offertes gratuitement, par la nature mais aussi par nos relations. Changer de paradigme, c’est donc regarder l’économie de la gratuité depuis la « citée inspirée » décrite par les sociologues Luc Boltanski et Laurent Thévenot, plutôt que depuis la « cité marchande ».
« There is no such thing as a free lunch. » Dans la sphère du marché, incontestablement. Il n’en demeure pas moins que l’économie a besoin de personnes ouvertes à la gratuité. La valeur créée est alors non pas une valeur d’usage ou d’échange, mais une valeur de liens.
Un peu plus de 10 ans après le premier opus (qui reste d'actualité et que je vous invite à relire), un article sur The Conversation relance le sujet avec de nouveaux arguments que nous reprenons ci-dessous
L'auteur y rappelle que la notion de gratuité s’articule autour de deux dimensions :
La première correspond à l’idée de non-contrepartie financière.
La seconde correspond à l’idée de faire quelque chose « pour rien », sans utilité évidente, sans attente de contrepartie, sans équivalence.
La première permet de développer des modèles économiques et cela existe depuis un bon moment, par exemple Gillette offrait ses rasoirs pour pouvoir mieux vendre ses lames. On trouve aussi un autre modèle comme le freemium (le plus connu du monde généalogique est sans doute celui de Geneanet) qui consistent in fine à miser sur le fait que certains des consommateurs vont passer à la version payante, ou encore le modèle de gratuité du service contre l'exploitation de la donnée comme chez Google qui n'est plus à une intrusion près dans votre vie privée et vient d'admettre écouter les enregistrements issus de son assistant vocal. Cela amène des adages comme "si c'est gratuit c'est vous le produit" et ces modèles économiques bien que fondés sur l’absence de contrepartie pécuniaire n’en demeurent pas pour autant totalement gratuits, en ce sens que la réciprocité est toujours attendue.
Pour la seconde , on ne peut l'appréhender qu'en changeant de paradigme et en abandonnant l'un de nos paradigmes sociaux dominants. Rappelons qu'il s'agit là de valeurs et de comportements, formels et informels, qui caractérisent une société. Le paradigme économique, s'articule autour de trois croyances :
l’intérêt : le comportement individuel devrait être déterminé par l’intérêt économique de chacun ;
le progrès : l’économie est la meilleure mesure du progrès ;
la croissance : si la croissance économique persiste, tout le monde en profite.
Abandonner ce paradigme revient à ne plus se trouver ni dans « le donner pour avoir » de l'échange marchand ni dans le « donner par devoir », propre à l’action publique. Le don gratuit, c’est « le transfert, librement déterminé, d’une ressource tangible ou intangible à une autre personne, sans demande ou attente d’un quelconque retour ou compensation », pour reprendre la définition des chercheurs Bénédicte de Peyrelongue, Olivier Masclef et Valérie Guillard. La réciprocité n'est pas exclue mais elle arrive comme un bonus.
Chez FranceGenWeb nous nous retrouvons pleinement dans cette deuxième dimension et si nous vous invitons à participer, c'est parce que nous croyons en notre œuvre collective et dans la libre diffusion du savoir.
Les offres de produits et de services gratuits se multiplient. «There is no such thing as a free lunch», dit l'adage américain. Peut-on réellement parler de désintéressement dans la sphère économique?
La notion de gratuité s'articule autour de deux dimensions. La première correspond à l'idée de non-contrepartie financière. Gratis signifie obtenir quelque chose pour rien, sans payer. En ce sens, l'économie de la gratuité semble en plein essor. Le marketing utilise depuis bien longtemps cette technique. Gillette par exemple, en offrant ses rasoirs et en faisant payer ses lames, a été l'une des marques pionnières dans ce domaine.
Le modèle freemium [mot-valise de free et premium, ndlr], qui consiste à proposer une version gratuite grand public couplée avec une version payante, est aujourd'hui largement exploité par les marques dans de nombreux secteurs. Avec internet, l'économie de la gratuité semble à son apogée. Musiques offertes en ligne, logiciels open source, cours en ligne gratuits sous forme de MOOC, autant d'exemples qui illustrent l'essor du phénomène. Et Chris Anderson d'intituler son célèbre ouvrage: Free! Entrez dans l'économie du gratuit.
Si les modèles économiques fondés sur l'absence de contrepartie pécuniaire semblent se développer, les services proposés n'en demeurent pas pour autant totalement gratuits en ce sens que la réciprocité est toujours attendue. Gillette offrait ses rasoirs pour pouvoir mieux vendre ses lames. Les modèles freemium consistent in fine à miser sur le fait que certaines personnes vont passer à la version payante. Le développement de nombreux modèles fondés sur la gratuité tels que celui de Waze par exemple, s'appuie sur une contrepartie financière pour l'entreprise, qui est assurée par la publicité.
La deuxième dimension de la gratuité correspond à l'idée de faire quelque chose «pour rien», c'est-à-dire sans utilité évidente, sans attente de contrepartie et sans équivalence. D'aucuns diront que cette gratuité-là n'existe pas, comme le suggère l'adage américain bien connu, «there is no such thing as a free lunch» (les déjeuners gratuits n'existent pas). Dans quelle mesure peut-on alors parler d'économie de la gratuité? Et comment l'appréhender?
En changeant de paradigme. Certain·es spécialistes de la recherche parlent de «paradigme sociaux dominants» pour caractériser cet ensemble de valeurs et de comportements formels et informels qui caractérisent une société. L'un des paradigmes sociaux dominants régissant les sociétés occidentales relève du paradigme économique et s'articule autour de trois croyances:
l'intérêt: le comportement individuel devrait être déterminé par l'intérêt économique de chacun;
le progrès: l'économie est la meilleure mesure du progrès;
la croissance: si la croissance économique persiste, tout le monde en profite.
Changer de paradigme, c'est changer de perspective. «Le cadre de pensée marchand rend la gratuité impossible a priori», soulignait en 1992 Jacques T. Godbout, professeur à l'université du Québec dans son livre L'esprit du don. Les sciences de gestion sont habituées à puiser dans différents champs disciplinaires pour nourrir leur réflexion.
La théologie en fait partie et de plus en plus de personnes qui poursuivent leurs recherches mobilisent le cadre d'analyse de la religion pour éclairer les modèles économiques ou la psychologie de la population qui consomme.
«Dans les relations marchandes, le principe de gratuité et la logique du don doivent trouver leur place dans l'économie normale.» Benoît XVI
La doctrine sociale de l'Église peut ici s'avérer un cadre d'analyse fécond. Pierre-Yves Gomez, professeur à l'EM Lyon Business School, suggérait aux gestionnaires en 2009 dans un éditorial de la revue Sciences de gestion de lire l'encyclique Caritas in veritate, qui aborde le thème de la gratuité dans l'économie.
Dans cette encyclique, le pape Benoît XVI développe l'idée selon laquelle la gratuité est nécessaire au bon fonctionnement de l'économie: «Le grand défi qui se présente à nous est celui de montrer au niveau de la pensée comme des comportements que non seulement les principes traditionnels de l'éthique sociale tels que la transparence, l'honnêteté et la responsabilité ne peuvent être négligées ou sous-évaluées, mais aussi que, dans les relations marchandes, le principe de gratuité et la logique du don comme expression de la fraternité peuvent et doivent trouver leur place à l'intérieur de l'activité économique normale.»
L'agir désintéressé prend alors la forme d'un interstice entre «le donner pour avoir», spécifique à la logique de l'échange marchand et caractéristique des modèles de gratuité évoqués au début de cet article, et le «donner par devoir», propre à l'action publique et réglée par les lois de l'État.
Le don gratuit, c'est «le transfert, librement déterminé, d'une ressource tangible ou intangible à une autre personne, sans demande ou attente d'un quelconque retour ou d'une compensation», pour reprendre la définition de l'équipe de recherche composée de Bénédicte de Peyrelongue, Olivier Masclef et Valérie Guillard. L'économie de la gratuité revient alors à considérer que les acteurs de l'entreprise ne donnent pas uniquement que pour recevoir.
Changer de paradigme, c'est regarder la gratuité depuis la «citée inspirée» plutôt que depuis la «cité marchande».
La réciprocité n'est pas exclue mais elle est ex-post, elle arrive de surcroît. Ce retour éventuel n'est pas forcément quantifiable ni estimable. Former un individu fraîchement arrivé dans l'entreprise pour le simple plaisir de transmettre, mettre à disposition son canapé sans autre contrepartie que le simple agrément de la rencontre, partager sa passion du jardinage sur YouTube juste pour le plaisir, proposer un logiciel en version libre pour faire avancer la recherche sont autant de comportements qui témoignent d'une forme d'économie de la gratuité.
La personne qui met un tuto à disposition attend peut-être une contrepartie mais en valeur de liens plutôt qu'en valeur marchande. | YouTube
Parfois, ces comportements sont motivés par la volonté de dénoncer le mythe de la croissance et de la surconsommation. Simplicité volontaire, frugalité, sobriété heureuse… ces vocables sous-tendent l'idée de réinjecter de la gratuité dans l'économie en considérant que de nombreuses ressources nous sont offertes par la nature mais aussi par nos relations. Changer de paradigme, c'est regarder l'économie de la gratuité depuis la «citée inspirée» décrite par les sociologues Luc Boltanski et Laurent Thévenot plutôt que depuis la «cité marchande».
«There is no such thing that a free lunch.» Dans la sphère du marché, incontestablement. Il n'en demeure pas moins que l'économie a besoin de personnes ouvertes au don désintéressé. Pour créer une valeur de liens plutôt que de laisser toute la place à la valeur d'usage ou d'échange.
«Plus de 18 milliards de requêtes ont été faites sur notre moteur de recherche en 2018», souligne le vice-président de Qwant qui reverse à la presse 5% de ses revenus publicitaires.
«Plus de 18 milliards de requêtes ont été faites sur notre moteur de recherche en 2018», souligne le vice-président de Qwant qui reverse à la presse 5% de ses revenus publicitaires. DR
Dernière annonce d’une longue série: le moteur de recherche niçois sort ce matin Qwant Maps et Qwant Masq, deux applis web fidèles à ses valeurs de respect de la vie privée des utilisateurs.
Ces derniers temps, Qwant, le moteur de recherche éthique et niçois, a multiplié les annonces. Après un accord de partenariat avec Microsoft et la décision par le secrétaire d’État à l’Économie numérique de faire de Qwant le navigateur de recherche par défaut de l’Administration, la société fondée en 2013 par Eric Léandri sort ce matin deux applis web: Qwant Maps et Qwant Masq.
Qu’ont-elles de particulier? Déjà, elles sont fidèles aux valeurs de confidentialité et de respect de la vie privée des utilisateurs prônées par celui que se veut le concurrent européen de Google. «Qwant Maps, notre service de cartographie du monde est désormais disponible en version bêta», explique Tristan Nitot, vice-président Advocacy de Qwant.
Comme son nom l’indique, il s’agit d’une cartographie du monde pour rechercher un lieu, une adresse, un point d’intérêt et de donner un itinéraire à pied, à vélo ou en voiture. «D’autres fonctionnalités, comme les transports en commun, seront rajoutées au fil des mois», précise le dirigeant.
Stocker les données sur les appareils
La plus-value par rapport à d’autres services similaires? Premier cocorico, cette appli est faite en France et vise l’Europe «notre cœur de marché, souligne Tristan Nitot. Il n’y a pas de raison que la cartographie européenne soit faite par des Américains.» Pas faux.
«Et surtout, on respecte la vie privée. C’est un service ouvert et transparent pour l’utilisateur qui reste maître de ses informations de navigation.» En clair, cela signifie que Qwant ne connaît pas les utilisateurs et, contrairement à ses concurrents, ne veut surtout pas les connaître. Ce qui n’est pas sans poser un problème en termes de personnalisation du service. Comment fournir un itinéraire si l’utilisateur ne souhaite pas être géolocalisé?
Écueil que la PME qui emploie désormais 160 collaborateurs a contourné en développant Masq, «Une technologie qui stocke les données personnelles (paramètres, préférences, autorisations d’application...) en local, sur le disque dur de l’appareil.»
Plus besoin de cloud, l’utilisateur reprend le contrôle. «Qwant peut utiliser la data mais sans la connaître, résume le dirigeant. Maps est la première application à utiliser Masq. D’autres suivront comme Qwant Pay ou Qwant.com, le moteur de recherche qui mémorisera votre historique localement.»
Faire des émules
Pour plus de transparence, cette techno sera ouverte à des services tiers désireux, eux aussi, de respecter les données personnelles de l’utilisateur.
De ce point de vue là, l’idée a fait son chemin. Des collectivités territoriales comme la Métropole Nice Côte d’Azur, la Région Sud qui recense 125.000 postes informatiques, la Région Bretagne ont adopté le moteur de recherche Qwant. Le privé aussi. A l’instar de la Caisse d’Épargne, de la BNP, de Safran, de Thales ou de la MGEN… ont suivi. L’Administration n’est pas en reste. Le secrétaire d’État à l’Economie au numérique Cédric O a annoncé à Vivatech que le moteur de recherche éthique serait installé par défaut sur quelque quatre millions de postes.
Pour Qwant qui revendique 5% de parts de marché et qui est le 38e site Internet français (la première place est trustée par Google.fr), «C’est de la croissance à moindre coût», s’enthousiasme Tristan Nitot.
Autre bonne nouvelle, le partenariat il y a quelques semaines avec Microsoft aux termes duquel Qwant ferait partie des options préremplies dans les prochaines versions du navigateur Edge livré avec toutes les nouvelles machines Windows. Et le vice-président de se frotter les mains: «Ce sont des centaines de millions de machines dont on parle.»
Enfin, la PME va s’implanter à Cannes pour créer le moteur de recherche consacré à l’art et la culture. «Après Qwant Junior et Qwant Music, Qwant Art sera dédié aux internautes et aux professionnels de la culture.»
Avec cette série d’annonces, Qwant poursuit sa croissance. Certes, il est encore loin de faire de l’ombre à l’ogre Google mais le «petit» moteur de recherche a faim et grignote des parts de marché: «Notre croissance est de plusieurs pour cent par semaine», confirme Tristan Nitot qui vise entre 10 et 20 millions d'euros de chiffre d’affaires en 2018.
Aux États-Unis, les quartiers résidentiels les plus aisés ne sont pas toujours les mieux pourvus en caméras de vidéosurveillance publiques. C’est pourtant dans ces quartiers que se développe une nouvelle forme de surveillance, popularisée notamment par le succès de Ring, la sonnette vidéo d’Amazon, explique le journaliste Alfred NG (@alfredwkng) sur Cnet (@cnet).
A l’origine Ring est une startup ukrainienne rachetée en janvier 2018 par Amazon pour un milliard de dollars. Elle fait partie des nombreux investissements que l’entreprise américaine a réalisés pour structurer et diversifier son offre de produits connectés domestiques. Moins connus que l’emblématique assistant vocal Alexa, des dizaines de milliers d’Américains ont pourtant équipé leur porte d’entrée de cette sonnette vidéo qui ne se déclenche pas seulement quand on sonne, mais aussi quand elle détecte un mouvement. La caméra ne surveille pas que ceux qui cherchent à venir chez vous… mais également les mouvements de la rue ou de la cour devant votre domicile. Pour tout bon défenseur de la liberté individuelle, cette épidémie de caméras privatives ne devrait pas prêter à discussion… sauf qu’elles ne sont pas si privatives qu’annoncées et que la somme de ces actes individuels n’est pas sans conséquence sur la société.
D’une manière surprenante, nombre de services de police américains ont largement promu ces nouveaux objets auprès des habitants, en proposant même des réductions voire un équipement gratuit… Cette promotion un peu particulière n’était pas sans contrepartie : la police a promu l’équipement en échange d’un accès aux vidéos enregistrés par les caméras (un accès qui n’est pas automatique, mais qui se fait sur demande de la police). Ring s’est pourtant défendue de promouvoir ces offres. Les clients de Ring ont le contrôle de leurs vidéos, a déclaré récemment l’enseigne. Ils décident seuls de partager ou non leurs enregistrements et s’ils veulent acheter ou pas un service de stockage des enregistrements (à partir de 3$ par mois). Si Ring a offert des appareils à des services de police ou à des associations, Ring ne soutient pas de programmes qui obligent les utilisateurs à partager leurs vidéos avec d’autres, s’est défendue la marque. Mais dans les faits, rapporte Alfred NG, ce n’est pas exactement ce qu’on constate…
Aux États-Unis, plus de 50 services de police locaux se sont associés à Ring pour promouvoir le service, souvent en échange d’un accès aux images dans des zones où la police est souvent dépourvue de moyens de surveillance. Autant de caméras qui permettent à la police de bénéficier de nouvelles sources d’enregistrement vidéo, tout en proposant un service visant à tranquilliser les usagers. Ceux-ci bénéficient également d’une application sociale de partage des vidéos des caméras baptisée Neighbors (Voisins). Cette application (qui aurait déjà plus d’un million d’utilisateurs) permet de partager, regarder et commenter des vidéos et des informations sur la sécurité des quartiers. On y croise bien sûr des vidéos de vols et de crimes, des vidéos de comportements suspects ou délictueux, des vidéos d’incidents urbains…
Pour Mohammad Tajsar avocat de l’American civil liberties union (@aclu), nous avons là « un mariage parfait entre forces de l’ordre, particuliers et grandes entreprises pour créer les conditions d’une société dont peu de gens voudraient faire partie ». Sur Ring, la police a accès à un tableau de bord où elle peut demander des séquences filmées à des moments précis sur requête auprès des utilisateurs ou directement auprès de Ring.
Carte montrant la densité des caméra vidéos Ring à BloomfieldÀ Bloomfield, New Jersey, le quartier est presque entièrement couvert de caméras. En 2017, le responsable de la police de Bloomfield avait tenté de lancer un programme de vidéosurveillance volontaire. À l’époque, 442 lieux équipés de caméras s’étaient inscrits, surtout des entreprises. Aujourd’hui, il estime que le réseau Ring sur Bloomfield représente un accès à plus de 4000 caméras ! Pire, rapporte Cnet : installer un plan de vidéosurveillance en ville est souvent compliqué ! Il faut décider où les implanter, faire voter la proposition au Conseil municipal… pour une technologie où chaque caméra coûte encore très cher et dont le rapport efficacité/coût peut-être très discuté (voir Vidéosurveillance : où avons-nous failli ?). Or, Ring permet à la fois d’économiser l’argent public et surtout de contourner le processus démocratique qui décide de son installation… Le réseau de vidéosurveillance n’a plus besoin d’une décision collective ou publique pour devenir effectif !
À Mountain Brook, Alabama, le responsable de la police explique d’ailleurs qu’il n’a désormais plus besoin d’un réseau de vidéosurveillance public ! À Hammond, Indiana, la ville a subventionné l’achat de caméra avec l’aide de Ring : les 500 caméras sont parties en une semaine ! 600 autres ont été installées grâce à un programme de réduction proposé par la ville. Pour l’avocat de l’ACLU, « le public subventionne les atteintes à la liberté en agissant ainsi ». À Houston, la police a lancé un concours pour gagner des caméras à condition que les lauréats acceptent d’ouvrir un accès à la police lorsqu’elle en ferait la demande… Et dans plusieurs villes, quand 20 personnes s’inscrivent, Ring offre une caméra ! Pour le juriste Eric Piza, la police agit désormais dans l’intérêt d’entreprises commerciales (qui se rémunèrent surtout sur l’abonnement mensuel pour stocker les images). À Bloomfield pourtant, les gens n’ont pas inondé d’images la police. Les demandes de la police restent souvent sans réponses, sauf lorsque les agents se déplacent pour les demander en personne… dans ce cas, il est souvent plus difficile de refuser !
En décembre dernier, Ring a envisagé introduire une technologie de reconnaissance faciale pour ses sonnettes, permettant de reconnaître des personnes suspectes et d’en alerter directement la police. Mais la proposition n’a pas été très bien reçue… Amazon qui développe son propre logiciel de reconnaissance faciale, Rekognition (que l’entreprise vend aux forces de l’ordre) a rencontré également une forte contestation, notamment du fait des erreurs et des biais de genres, de classes et de race de ces outils. Mais malgré les contestations externes comme internes, le récent conseil d’administration d’Amazon a rejeté l’abandon du logiciel. Cela n’empêche pas dès à présent la police, elle, d’utiliser les technologies qu’elle souhaite sur les vidéos récupérées depuis Ring, comme celles lui permettant de lire et reconnaître les plaques minéralogiques des voitures suspectes…
Brian X Chen (@bxchen), responsable de la rubrique Tech Fix pour le New York Times revient sur le développement des réseaux de surveillance de quartiers aux États-Unis, comme Nextdoor, Streety ou Citizen (des réseaux sociaux locaux de surveillance de quartiers), trois des applications parmi les plus téléchargées aux États-Unis. Si ces applications ne reposent pas sur la vidéosurveillance, elles dispensent souvent des alertes préoccupantes dès que quelque chose d’inquiétant se déroule dans le quartier où vous habitez. Le problème, estime le journaliste du New York Times, c’est que ces applications sont particulièrement anxiogènes, alors même que la criminalité n’a cessé de chuter ces dernières années… Comment ne pas succomber à la paranoïa en les utilisant ? Et ce d’autant que Citizen ou Neighbors de Ring notifient par défaut sur leurs applications les incidents signalés dans le quartier sur les 30 derniers jours, comme pour rendre chaque quartier plus criminogène qu’il n’est. Pour s’en prémunir, le journaliste recommande de changer ce paramètre par défaut pour ne faire s’afficher que les incidents du dernier jour. De désactiver les notifications et de ne les utiliser qu’en cas de besoin. Les promoteurs de ces applications soulignent néanmoins que sur Ring comme sur Nextdoor, l’essentiel des signalements ne concerne pas la criminalité ou la sécurité, mais plutôt des animaux perdus ou des rues en travaux…
Pourtant, les solutions proposées par Brian Chen sont peu satisfaisantes : elles remettent toujours la responsabilité sur l’utilisateur final, sans interroger les choix par défauts que proposent ces systèmes. Ces entreprises proposent des outils par nature anxiogènes qui, par leurs choix de conception mêmes, renforcent l’angoisse de ceux qui les utilisent. Sous prétexte de liberté individuelle, ils ont un impact direct sur nos libertés collectives… Le choix des individus s’impose à tous les autres, sans offrir aux autres le moindre recours pour s’y opposer…
Le panopticon sécuritaire d’Amazon annonce déjà ses prochaines extensions. Un brevet, repéré par Quartz, projette de proposer prochainement une surveillance par drone des habitations. Et de nouveaux produits Ring sont annoncés : notamment des caméras embarquées pour les voitures… En janvier 2019, The Intercept avait révélé que des employés de Ring était capables de regarder des images en direct à partir des caméras de leurs clients (une information démentie par l’entreprise, mais maintenue par le journal d’investigation), soi-disant pour permettre aux employés d’aider les algorithmes à mieux catégoriser les objets – et ce alors que Ring assure ne pas utiliser d’outils de reconnaissance d’image…
La mise en réseau de fonctions de surveillance privatives en transforme assurément la nature et la puissance. Les capacités d’affiliation proposées par Amazon à la police ou aux utilisateurs de Ring sont de puissants leviers pour conquérir et élargir le public qui a recours à ces outils, normalisant insidieusement la vidéosurveillance ainsi que la surveillance de voisinage. La promotion et la subvention publique également. Pour le professeur Chris Gilliard (@hypervisible), de telles plateformes sécuritaires favorisent le racisme et l’intolérance, explique-t-il sur Vice. Vice, qui a fait une rapide recension de vidéos postées sur l’application sociale de Ring note qu’une majorité d’entre elles sont clairement racistes alors qu’elles concernent des délits souvent mineurs… beaucoup par exemple se plaignent de livreurs qui ne sont pas suffisamment précautionneux dans leur travail.
Chris Gilliard parle de Digital Redlining pour désigner ces pratiques. Le Redlining fait référence à une pratique discriminatoire consistant pour les banques, les assurances et les services de santé de refuser d’investir dans certains quartiers (bien évidemment les plus pauvres et les plus noirs des États-Unis) délimités d’une ligne rouge par les investisseurs… Si la pratique a été interdite dès la fin des années 60, le numérique lui donne une nouvelle réalité, souligne Gilliard. En 2016, une enquête de Bloomberg avait révélé qu’Amazon avait tendance à refuser l’accès à la livraison dans la journée à la plupart des quartiers de minorités. À Boston, le quartier noir de Roxbury, était le seul où la livraison le jour même n’était pas disponible, alors que tous les quartiers qui entouraient Roxbury, eux, étaient livrés dans la journée ! Pour Gilliard, plus de caméras ne signifient pas plus de sécurité, en tout cas pas pour les communautés les plus marginalisées. Plus de caméras, c’est d’abord moins de sécurité pour ceux qui sont contrôlés par celles-ci. Et le professeur de rappeler qu’il y a une différence très significative entre une alarme qui se déclenche lors d’une intrusion à son domicile et un système qui surveille et enregistre en permanence tous types de signaux dont l’interprétation est libre…
Un récent rapport de l’ACLU qui faisait le point sur le développement de la vidéosurveillance aux États-Unis recommande que les acteurs du secteur de l’analyse vidéo ne puissent être autorisés à déployer des fonctions d’analyse sans approbation législative, sans contrôle extérieur et sans analyse d’impact de leurs effets sur les droits civils notamment. Depuis 2016, l’ACLU a d’ailleurs lancé CCOPS, une initiative de projets de règlements locaux pour permettre aux communautés d’exercer un contrôle sur les méthodes de surveillance de la police et obtenir plus d’information sur les modalités de surveillance utilisées par les forces de police.
Un exemple qui montre bien qu’il n’y a pas que la question de la reconnaissance faciale qui est problématique avec la vidéosurveillance. Le contrôle démocratique du déploiement même du réseau à l’heure de son ubérisation par Ring l’est tout autant !
Hubert Guillaud
Les services de police des États-Unis se sont associés à Ring, une filiale d’Amazon, pour offrir des programmes de sonnettes de porte intelligentes Ring gratuitement ou à des prix subventionnés à des résidents des villes américaines. Mais ce qui inquiète les défenseurs de la vie privée est que certains services de police ont ajouté leurs propres conditions aux programmes qui leur permettent d'obtenir, sur demande, des images enregistrées par les appareils Ring installés sur les portes des résidents. Ce qui donnerait à la police des capacités de surveillance sans précédent et pourrait poser de graves problèmes en matière de protection de la vie privée, selon un rapport.
Ses sonnettes intelligentes sont devenues populaires tout comme les autres gadgets intelligents qui améliorent la qualité de vie des utilisateurs en rendant leurs maisons plus intelligentes. Mais des portes plus intelligentes vont de pair avec plus de caméras et par conséquent plus d’images disponibles pour des usages divers.
Ring fabrique une sonnette intelligente qui, installée sur la porte d’entrée d’une maison, améliore la sécurité de l’habitation et procure la tranquillité d'esprit aux propriétaires. Ces sonnettes servent à surveiller les entrées des domiciles à l'aide de caméras à détection de mouvement, et elles enregistrent et sauvegardent les images de toute personne qui appuie sur la sonnette, tant que vous disposez d'un abonnement mensuel au programme Ring. Amazon a acquis Ring en 2018 pour un milliard de dollars.
En mai 2018, Ring a lancé l'application Neighbors, en initialisant ainsi ce qu’il appelle « un grand pas vers une sécurité accessible et abordable pour tous ». L’application est une solution de sécurité que chaque membre de la communauté, qu'il possède ou non un périphérique Ring, peut utiliser. Elle permet aux membres de la communauté et, dans certains cas, aux forces de l'ordre, de travailler ensemble afin de réduire la criminalité, d’après Ring. Les utilisateurs reçoivent une notification sur leurs appareils mobiles lorsque quelqu'un sonne à la porte, et ils peuvent regarder des images en direct de la caméra intelligente de la sonnette de porte de n'importe où dans le monde.
La facilité d’utilisation, le confort et la tranquillité d’esprit que ces sonnettes intelligentes apportent, ont fait que les quartiers résidentiels dans de nombreuses villes américaines, comme Bloomfield dans le New Jersey, autrefois avec moins de caméras de surveillance, sont aujourd’hui équipées de réseaux de surveillance privés alimentés par Amazon et promus par les services de police, selon un rapport.
Selon le rapport, les services de police, des grandes villes plus peuplées aux petites villes de moins de 30 000 habitants, ont offert ces sonneries d’Amazon gratuitement ou à prix réduit aux citoyens, utilisant parfois l'argent des contribuables pour payer les produits Amazon. Cette promotion est un programme commun des services de police et d’Amazon qui participe à la subvention des périphériques Ring.
Mais, alors que Ring a déclaré, dans un article de blog publié en février, que les utilisateurs ont un contrôle total sur leurs séquences enregistrées sur Ring et peuvent choisir avec qui partager ces séquences, donnant ainsi le choix aux propriétaires de Ring de fournir ou pas des enregistrements à la police, dans certains cas, la police exige de ces derniers qu'ils lui remettent les séquences sur demande, selon le rapport. Ces contraintes supplémentaires ajoutées par les forces de police contredisent la vision de Ring, qui consiste à éviter les cambriolages à domicile. « Nos clients nous font part de leurs histoires sur la façon dont Ring les a aidés à identifier un voleur ou comment Ring les a aidés à prévenir un cambriolage chaque jour », peut-on lire dans l’article de blog de Ring.
Ring a déclaré à site Web qu'il n’était pas impliqué dans des programmes des services de police qui obligent les utilisateurs à partager leurs séquences vidéo ou les programmes qui les obligent à s'abonner à un plan d'abonnement pour l'enregistrement d'images. L'entreprise a même indiqué qu'elle serait en train de travailler avec ses partenaires pour s'assurer que sa vision pour ses sonnettes intelligentes se reflète dans ses programmes de partenariat et qu’elle commencerait à sévir ensuite. Dans un communiqué, Ring a déclaré :
« Les clients de Ring ont le contrôle de leurs vidéos, quand ils décident de les partager et s'ils veulent ou non acheter un plan d'enregistrement. Ring a fait don d'appareils aux partenaires des forces de l'ordre des pays voisins pour qu'ils les fournissent aux membres de leurs communautés ». « Ring ne prend pas en charge les programmes qui exigent des destinataires qu'ils s'abonnent à un plan d'enregistrement ou que les images des appareils Ring soient partagées comme condition pour recevoir un appareil donné. Nous travaillons activement avec nos partenaires pour nous assurer que cela se reflète dans leurs programmes », a ajouté l’entreprise.
Selon un rapport, plus de 50 services de police locaux à travers les États-Unis se seraient associés à Ring, au cours des deux dernières années, dans des programmes de promotion des sonnettes intelligentes d’Amazon, se félicitant de la façon dont le produit d’Amazon leur permet d'accéder à des séquences de sécurité dans des zones qui n'ont généralement pas de caméras, comme dans les banlieues. Le service de police de Bloomfield se réjouit également de l’abondance de ces caméras dans tous les quartiers de Bloomfield.
« Notre ville est maintenant entièrement couverte par des caméras », a déclaré le capitaine Vincent Kerney, commandant du bureau de détectives de la police de Bloomfield. « Dans tous les quartiers de la ville, il y a des caméras Ring », a-t-il ajouté.
M. Kerney avait déjà commencé un programme de surveillance volontaire en 2017 et il y avait environ 442 endroits qui se s’étaient inscrits, surtout des entreprises. Ce qui représentait, selon M. Kerney, une goutte d'eau dans l'océan par rapport au réseau de sonnettes intelligentes de Ring actuel. M. Kerney a expliqué :
« Il y a probablement 10 fois plus de caméras Ring que ce que nous n'avons autre chose ». « En général, la plupart des gens n'ont pas de système de surveillance à grande échelle dans leur maison », explique-t-il. « Mais quelque chose de simple comme Ring, où vous avez juste à le brancher ? Les gens accepteront ».
Des services de police s’associent à Ring pour offrir, gratuitement ou à faibles coûts, la vidéo surveillance aux résidents dans la plupart des villes aux Etats-Unis, mais malgré ces avantages, la relation entre les services de police et Amazon soulève des préoccupations au sujet de la surveillance. Les défenseurs de la vie privée soutiennent que ce partenariat permet aux organismes d'application de la loi d'exercer une surveillance sans précédent, les services de police s'appuyant sur ce réseau de Ring pour développer leurs réseaux de surveillance.
Un avocat de l’ACLU de la Californie a déclaré à ce sujet : « Ce que nous avons ici, c'est un mariage parfait entre les forces de l'ordre et l'une des plus grandes entreprises du monde, créant les conditions d'une société dont peu de gens voudraient faire partie ». Mais dans une déclaration, Ring a dit : « Nos clients et les utilisateurs des applications Neighbors nous font confiance pour protéger leurs maisons et leurs communautés, et nous prenons cette responsabilité très au sérieux ».
Nous savons déjà que le géant du commerce en ligne, propriétaire de Ring, vend déjà sa technologie de reconnaissance faciale au gouvernement américain. Selon les experts, Rekognition est à l’origine de plusieurs discriminations basées, entre autres, sur la couleur de peau. Les organisations de protection de la vie privée ont insisté pour qu’Amazon arrête de fournir cette technologie aux forces de police, mais ce n’est pas encore le cas et Amazon devrait continuer à commercialiser sa technologie de reconnaissance faciale aux forces de l’ordre si l’on s’en tient aux résultats du vote des actionnaires lors de sa dernière assemblée annuelle.
Business Insider a également publié un article en avril dernier selon lequel les employés d'Amazon qui travaillent à améliorer son assistant vocal Alexa écouteraient les enregistrements vocaux de ce qui se dit dans les maisons et les bureaux des propriétaires d’Echo, lorsque ce dernier est activé. Selon l’article, ces employés peuvent écouter jusqu'à 1000 enregistrements par jour.
Aussi en janvier dernier, The Intercept a rapporté que les utilisateurs des caméras de sécurité Ring d'Amazon seraient espionnés à leur insu, mais un porte-parole de la société avait tout nié en bloc. Espérons que les utilisateurs n’auront rien à craindre des sonnettes intelligentes, un autre produit d’Amazon, et des programmes additionnels des services de police, qui pourraient leur faire obligation de partage de séquences vidéo Ring.
Source : Département de Police Bloomfield, Ring
C’est une décision unilatérale comme les géants du numérique en ont le secret : Google a décidé d’augmenter considérablement les tarifs de son service de cartographie, Maps. Pas de changements pour l’internaute, mais de réelles transformations pour tous les professionnels qui utilisent Google Maps, des entreprises aux institutions qui s’en servent sur leurs sites ou applications, comme pour le traditionnel onglet « Où nous trouver ? ». Plus qu’une simple évolution des tarifs, cette décision annoncée début mai illustre le pouvoir de marché des géants du numérique et les stratégies qu’ils déploient pour parvenir à l’hégémonie.
1 300 % d’augmentation
Jusqu’à présent, l’affichage d’une carte dynamique de Google Maps sur un site Web était gratuit pour ce dernier, dans la limite de 25 000 fois par jour. Dès le 11 juin, cette limite passera à 28 000 affichages, mais par mois ! De plus, une fois ce quota dépassé, les tarifs font un bond de 1 300 %, selon les calculs de Christian Quest, porte-parole d’OpenStreetMap. De quoi faire flamber les factures : « Un site qui affiche 10 000 cartes par jour [une visite d’un internaute correspond à un affichage, NDLR] passe donc de 0 à 1 764 dollars par mois et pour ceux qui étaient proches de la limite gratuite de 25 000 cartes/jour, cela leur sera désormais facturé 4 704 dollars par mois », résume-t-il, dans une note de blog détaillée. Enfin, Google rend obligatoire l’enregistrement des coordonnées d’une carte bancaire pour pouvoir bénéficier de ses services.
Si l’entreprise se permet d’augmenter à ce point ses tarifs, c’est qu’elle jouit d’une position dominante sur le marché de la cartographie. Cette position a d’ailleurs été attaquée en justice. En 2009, la société Bottins Cartographes avait accusé la firme américaine de « pratiques anticoncurrentielles destinées à capter la clientèle et éliminer les concurrents ». Autrement dit de proposer un service de cartographie gratuit, qui soit en réalité financé par d’autres activités, à savoir, pour Google, celui de moteur de recherche avec les revenus de la publicité. Secteur sur lequel, la firme américaine est en situation de quasi-monopole. Position que la firme utilise d’ailleurs pour mettre en avant Maps dans les résultats sur son moteur de recherche.
L’entreprise Bottins Cartographes avait d’abord obtenu gain de cause en première instance, mais elle a finalement été déboutée en 2015 au terme d’une procédure de plusieurs années. La justice a estimé « qu’il n’existe aucune preuve matérielle permettant de caractériser une éventuelle volonté de Google d’exclure ses concurrents du marché ».
L’évolution tarifaire actuelle n’est cependant pas tellement une surprise, mais s’inscrit plutôt dans la continuité d’une évolution stratégique. En 2012, Google Maps avait déjà procédé à une première hausse des prix. Le lobby Initiative for a Competitive Online Marketplace (ICOMP), regroupant divers concurrents de Google dans plusieurs secteurs, notait d’ailleurs à ce moment-là qu’« il est significatif que lorsque la société Google a acquis une position dominante en matière de cartographie en ligne, elle a transformé Google Maps API en un service payant : le parfait exemple d’école d’une récupération des pertes après une période de prédation ».
Casser les prix pour asseoir sa domination sur un marché, avant de les augmenter une fois la concurrence écrasée : c’est désormais une stratégie éprouvée pour les géants du numérique. Cela a par exemple été la stratégie suivie par Uber sur le marché des VTC. Jusqu’ici au moins, les autorités de la concurrence n’ont guère trouvé à y redire.
Ce ne sont là que quelques-uns des moyens ingénieux par lesquels la police de la sûreté de l’Etat – mieux connue sous le nom de Stasi – espionna des individus entre 1950 et 1990, dont beaucoup sont maintenant exposés au musée de la Stasi à Berlin.
À l’heure actuelle, la police allemande – à l’instar de nombreuses forces de l’ordre – souhaite non seulement avoir accès à des données téléphoniques, mais également à des informations recueillies par des assistants numériques tels que Google Home et Amazon Echo.
L'Allemagne prévoit de discuter de cette question la semaine prochaine lors d'une réunion des ministres de l'intérieur. Mardi, un porte-parole du ministère de l'Intérieur a abordé la question lors d'une conférence de presse: "Pour lutter efficacement contre la criminalité, il est très important que les autorités fédérales et des États aient accès aux données collectées par ces appareils".
Cela a déclenché des sonneries d'alarme pour ceux qui surveillent les droits à la vie privée numérique.
"Ils savent que c'est anticonstitutionnel, ce qu'ils vont faire et je suppose que les autorités de protection des données s'impliquent", a déclaré Jeanette Hofmann, professeure de politique Internet à la Freie Universität Berlin et experte de recherche sur Internet et Internet à la société allemande du Bundestag. ,
Le problème du cartel de Tech est ouvert depuis des années
"La maison est toujours considérée comme un lieu sacré par rapport à ce qui se passe en public, la possibilité que tout ce que vous faites à la maison soit surveillé et que les données ne soient mises à la disposition des autorités répressives que sur décision de justice, est assez effrayant. "
L’Allemagne n’est certainement pas le seul pays à s’occuper de la question de la délimitation de la confidentialité des données numériques. Cependant, en raison de son histoire, l'Allemagne est particulièrement sensible au droit à la vie privée et a adopté certaines des lois les plus strictes au monde en matière de protection de la vie privée.
Sven Herpig, expert en cybersécurité, a déclaré que la politique allemande prenait traditionnellement en charge le cryptage pour cette raison.
"La politique que nous avons au cours des 20 dernières années dit:" Nous ne compromettons pas le cryptage, nous ne l'affaiblissons pas, nous ne faisons pas de backdoors, les forces de l'ordre doivent trouver un autre moyen d'accéder aux données ", a-t-il déclaré.
"Vous devez regarder l'expérience historique de la surveillance NS, puis nous avons une longue histoire contre la surveillance gouvernementale."
Toutefois, avec les assistants numériques tels que Google Home ou Amazon Echo, de nombreuses données collectées ne sont pas stockées en Allemagne, mais à l'étranger, notamment aux États-Unis. Jeudi, l'Union de sécurité de la Commission européenne s'est réunie pour évaluer les propositions permettant à tout membre, y compris l'Allemagne, d'accéder aux preuves numériques recueillies dans un autre pays.
"Trop longtemps, les criminels et les terroristes abusent de la technologie moderne pour commettre leurs crimes", a déclaré Julian King, commissaire de l'Union pour la sécurité, dans un communiqué. "En établissant des normes internationales pour l'accès aux preuves électroniques, nous franchissons un pas supplémentaire vers la fermeture de la zone dans laquelle ils exercent leurs activités en garantissant que les services répressifs puissent plus efficacement enquêter sur eux et les poursuivre, tout en respectant pleinement les droits fondamentaux. ".
Preuve numérique comme preuve pénale
Selon la Commission européenne, environ 85% des enquêtes pénales nécessitent des preuves numériques et dans 2/3 de ces cas, les preuves doivent être obtenues auprès de fournisseurs de services externes, en particulier aux États-Unis.
Cependant, les groupes allemands de défense des droits numériques ont critiqué les propositions de l'UE en soulignant que les lois strictes en matière de protection des données en Allemagne peuvent être mises à mal et ont soutenu que les propositions actuelles ne tiennent pas compte du fait qu'un crime dans un pays est nécessairement un crime dans un autre est vu.
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"Un tel régime n'aurait de sens que s'il existait un consensus au sein de l'UE ou au niveau international sur ce qui constitue un crime et que les mêmes garanties procédurales s'appliquent", a déclaré Elisabeth Niekrenz de Digital Society, un organisme de surveillance des droits numériques. "Si l'avortement est une infraction pénale dans un État et pas dans un autre, les fournisseurs de services de cet État ne devraient pas être contraints de prouver de tels événements."
Expériences de surveillance personnelle
Les Allemands savent par expérience à quel point la surveillance de masse peut être mal utilisée. Aujourd'hui, un citoyen allemand peut voir dans ses archives personnelles dans les archives de la Stasi les informations que la police a recueillies sur lui et sa famille, et utiliser ces informations pour harceler les dissidents et contrôler les simples citoyens.
Pour les appareils numériques, toutefois, ce sont les entreprises privées qui réduisent les données collectées grâce à cette surveillance dans le monde entier. Maintenant, prévient le professeur Hofmann, les gouvernements dans le contexte des enquêtes pénales veulent également avoir accès à cette richesse de données. Il incombe donc aux activistes des droits numériques de défendre leur cas devant les tribunaux.
L'agence nationale de sécurité arrête son programme de surveillance
"C’est un problème international. Nous sommes scandalisés d’avoir entendu nos conversations privées chez nous, mais le gouvernement dit qu’il en fera de même", a déclaré Hofmann.
"Nous avons privatisé de nombreuses infrastructures et transféré le pouvoir décisionnel aux marchés. Ainsi, dans le passé, lorsque les citoyens estimaient que le marché abusait de ces pouvoirs, ils pouvaient se tourner vers les gouvernements et exiger une réglementation, mais le système judiciaire reste la seule alternative C'est un gros problème pour toute démocratie. "
Une note du directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault recadre les ministères en matière de sécurité des communications. Les ministres vont-ils lâcher leurs smartphones ?
Signée du directeur de cabinet d'une Premier ministre, une circulaire énumère les bonnes pratiques à mettre en œuvre dans les ministères et l'administration en matière de sécurité informatique et protection des données sensibles.
En filigrane de cette note datée du 19 août et obtenue par L'Express, un véritable rappel à l'ordre qui laisse entendre des cas de piratage : " la survenance ces derniers mois de plusieurs atteintes à la sécurité des systèmes d'information me conduit à rappeler des règles élémentaires. "
cadenaL'affaire du cyberespionnage américain et britannique plus amplement dévoilée par Edward Snowden n'est par ailleurs sans doute pas étrangère à la diffusion de la circulaire. " À l'étranger, il convient d'avoir à l'esprit que les communications téléphoniques ou par voie électronique peuvent être écoutées, surtout dans les organismes internationaux, les aéroports, les hôtels, les restaurants et les cybercafés. "
La circulaire comporte une énumération de règles basiques comme pour le choix d'un mot de passe robuste et à changer tous les six mois, être vigilant avec les emails inhabituels, ne pas connecter une clé USB à l'origine inconnue, ne pas installer d'application sur du matériel professionnel sans l'aval du service informatique...
Pour les informations sensibles de l'administration mais non classifiées, la préférence d'un hébergement sur le territoire national est évoquée ou encore le chiffrement sur des réseaux non sécurisés. Plusieurs points concernent les smartphones.
Toujours pour la diffusion d'informations sensibles (voix ou données), les smartphones du commerce sont à proscrire s'ils ne possèdent pas de dispositif de sécurité agréé par l'ANSSI. Une Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information que l'on sait pour le moins critique sur le BYOD en entreprise qui consiste à utiliser des appareils personnels dans un cadre professionnel.
Et tant qu'à faire, les ministres sont invités à se passer de SMS, smartphone ou mobile pour préférer l'utilisation d'un téléphone fixe lors de leurs communications téléphoniques sensibles.
La transmission d'informations classifiées relève quant à elle d'un autre registre et uniquement autorisée à l'aide d'outils dédiés comme l'intranet sécurisé ISIS et les téléphones sécurisés Teorem.
Face à l’expansion des Gafam, le logiciel libre est une approche essentielle pour repenser la technologie au bénéfice des citoyens. Logiciel libre : il faut mettre la technologie au service des villes et des citoyens.
Le 4, 5, 6 juin, la Ville de Paris, MossLabs et OW2 accueillent un forum pour discuter de l’avenir de la collaboration entre les villes en matière de logiciels libres. Pionnière en la matière depuis 2002, la Ville de Paris met en place une politique de logiciel libre, désormais regroupée sous l’égide de la plateforme Lutèce, développée spécifiquement pour les administrations municipales. Gratuite pour les villes, celles-ci ont accès à des centaines d’applications, qu’elles peuvent mettre à disposition de leurs agents et des citoyens.
Villes, Etats, entreprises, associations… Toutes ces entités sont aujourd’hui confrontées à l’importance de créer des services numériques de qualité, répondant à de nouveaux besoins, respectant les données personnelles des utilisateurs, et à un coût pouvant être supporté, notamment pour la puissance publique. Une équation souvent difficile à mettre en œuvre !
Solutions
Pourtant les solutions existent et parmi elles : le logiciel libre ou l’open source qui prévoient la diffusion libre du code source du logiciel avec la possibilité de l’étudier, le modifier et d’en redistribuer les modifications. Cette conception du développement logiciel est aujourd’hui utilisée massivement par tous les grands acteurs du numérique qui peuvent réutiliser de très nombreuses briques proposées notamment par les grandes fondations telles qu’Apache, Linux Foundation, Eclipse ou OW2.
Ce qui existe depuis longtemps pour les logiciels système ou d’infrastructure commence à voir le jour pour les applications verticales et notamment pour les services publics.
Pour les villes, c’est tout d’abord un gain économique important. Plutôt que de redévelopper, à l’échelle de territoires parfois très petits, des nouvelles solutions technologiques à partir de zéro, le logiciel libre permet aux collectivités de réutiliser des logiciels créés par d’autres, afin d’acquérir des services numériques à moindre coût. Comme l’explique la campagne Public Money Public Code, en dehors de l’aspect financier, il est aussi logique, que les logiciels financés par l’impôt soient publiés sous licence libre. «S’il s’agit d’argent public, le code devrait être également public» et la plateforme le restera après sa création.
Le logiciel libre permet également l’amélioration des outils qui sont au service du bien commun. Grâce à des communautés de codeurs et aux partenariats entre acteurs publics, les logiciels sont améliorés, au fur et à mesure des innovations technologiques, et adaptés aux nouveaux besoins des citoyens. A Paris, sont développés plusieurs projets de ce type, comme le chabot PaLyNi mutualisé avec les villes de Lyon et Nice sur le traitement des déchets, la rédaction de marchés publics partagé aujourd’hui avec l’Etat ou encore les espaces numériques de travail pour les collèges et lycées utilisés par d’autres départements ou régions françaises.
Transparence
Cambridge Analytica, mise à mal de la neutralité du net, utilisation des données personnelles par les entreprises… les dernières années ont été marquées par un climat de méfiance généralisé de la part des citoyens face à des monopoles dont l’extension exponentielle semble hors de contrôle. Grâce au logiciel libre, les villes ne sont plus otages : elles possèdent les moyens de reprendre la main sur leurs services numériques, sans être obligées de passer par des opérateurs privés, qui contrôlent les données et sont susceptibles d’augmenter leurs prix en fonction de l’évolution du marché. Elles peuvent aussi plus facilement confier ces missions à des entrepreneurs locaux.
Mais la question du logiciel libre, c’est aussi celle de la transparence. A Paris, le code des outils de participation citoyenne (budget participatif, plateforme de consultation publique, rendez-vous des élus avec les lobbyistes) est également public. Car ces plateformes et ces informations relèvent du bien commun. Utiliser l’open source, c’est donner le pouvoir aux citoyens de vérifier qu’elles sont bien neutres et transparentes. C’est aussi leur permettre de proposer des améliorations en fonction de leurs besoins et de leurs usages.
Souveraineté et indépendance numérique
Est-ce que c’est bien sécurisé ? Il faut comprendre l’inquiétude des territoires face à cette approche technologique, qui existe depuis bien longtemps mais qui n’a pas toujours été assez utilisé. Si la communauté de développeurs est suffisamment importante, l’open source offre de meilleures garanties de sécurité qu’un code fermé mais beaucoup moins relu. Au niveau technique mais aussi à d’autres niveaux : pas de risque de faillite d’un prestataire, de fuite des données ou de surfacturation !
Face à l’expansion exponentielle des Gafam, à la faiblesse des entreprises européennes sur les grands services numériques et à des législations étatiques peu protectrices, le logiciel libre est une approche essentielle pour repenser la technologie au bénéfice des citoyens et au service du contrôle démocratique qu’ils doivent exercer.
C’est pourquoi, même si des initiatives passionnantes existent déjà à travers le monde, nous lançons aujourd’hui un appel aux villes du monde entier pour créer une communauté du logiciel libre au niveau international et relever ensemble les grands défis auxquels sont confrontées les villes du monde. Tandis que les enjeux liés au numérique se complexifient, les villes doivent s’engager ensemble dans la bonne direction : celle de la souveraineté et de l’indépendance numérique, celle de l’open data et du logiciel libre.
Emmanuel Grégoire Premier adjoint à la maire de Paris , Jean-Christophe Becquet président de l’association April , François Elie président de l’association Adullact , Jacob Green fondateur de MossLabs.io , Jean-Baptiste Kempf Président de VideoLAN , Cédric Thomas Directeur Général du consortium OW2.
La Pologne a officiellement contesté la directive controversée sur le droit d’auteur récemment approuvée par l’Union européenne, selon Reuters, affirmant que cette législation entraînerait une censure non souhaitée. Le pays a déposé sa plainte devant la Cour de justice de l'Union européenne.
Le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Konrad Szymanski, a déclaré que « le système pourrait aboutir à l'adoption de réglementations analogues à la censure préventive, interdite non seulement par la constitution polonaise, mais également par les traités européens ». Les députés polonais ont majoritairement rejeté la mesure (deux abstentions, huit pour, 33 contre, six non-votants et deux manquants) lors du vote.
Le Conseil de l'Union européenne a officiellement approuvé la directive en avril et celle-ci entrera en vigueur le 7 juin 2019. Suite à cette action, les États membres de l'UE auront jusqu'au 7 juin 2021 pour élaborer leurs propres lois afin de la mettre en œuvre. La législation est conçue pour mettre à jour la loi sur le droit d'auteur et contient un certain nombre de clauses controversées, telles que l'article 11, appelé "taxe sur les liens", qui permettra aux éditeurs de charger des plateformes telles que Google d'afficher des informations d'actualité, et l'article 13, qui tient pour responsables les plateformes où le contenu qui enfreint le droit d'auteur serait publié.
Les propriétaires de telles plateformes telles que Facebook, Google, YouTube, Wikipedia et d’autres craignent que la directive ne nuise à la façon dont les utilisateurs s’en servent (avant cette directive, les plateformes de contenu n’étaient pas tenues pour responsables du contenu qu’elles hébergent, à condition de s’efforcer de supprimer tout contenu signalé et reconnu comme enfreignant le droit d'auteur, notamment de la musique ou des films piratés). Les sites devraient désormais s’assurer de manière proactive que le contenu protégé par le droit d’auteur ne parvient pas à être diffusé sur leurs plateformes.
Les conséquences de l'article 13
Ray Corrigan, maître de conférences à la faculté des sciences de l'ingénierie et mathématiques de l'Université Ouverte du Royaume-Uni, a fait valoir que l'article 13 vise à instaurer le filtrage automatique des contenus mis en ligne, puisque ce sont des algorithmes qui devraient juger quel contenu a le droit d'apparaître sur Internet.
Cela pourrait être intéressant si ça pouvait fonctionner comme annoncé, c'est-à-dire bloquer tout ce qui est en violation des droits d'auteur sur Internet et ne laisser passer que le contenu légal. « En particulier, ce serait intéressant pour les décideurs, qui ignorent souvent les technologies et qui sont souvent sous la pression de faire quelque chose à propos de l'énorme ampleur de la violation du droit d'auteur sur Internet », estime Ray Corrigan. Mais « le problème est qu'il n'y a pas de technologie magique qui puisse faire la différence entre contenu contrevenant au droit d'auteur et le contenu non-contrevenant sauf au niveau le plus basique », ajoute-t-il.
Les amateurs pensent que le machine learning pourrait résoudre ce problème, « mais l'utilisation de filtres capables de détecter des nuances subtiles de réutilisation [d'un contenu] n'est pas une de ces choses » dans lesquelles le machine learning est assez efficace, trouve-t-il. Par conséquent, des contenus comme la parodie vont se retrouver facilement bloqués.
L’approche du parlement est irréaliste dans de nombreux cas, selon la PDG de YouTube
En octobre dernier, Susan Wojcicki, la PDG de YouTube est monté au créneau pour appeler les créateurs de vidéos à protester contre l'article 13 de la directive Copyright qui, selon elle, menace des milliers d'emplois. Elle a, en effet, mis en garde les réalisateurs de vidéos contre la directive et les a exhorté à protester vivement contre la réglementation : s’appesantissant tout particulièrement sur l’article 13, elle explique aux réalisateurs de vidéos dans un billet de blog que « cette législation menace à la fois leur gagne-pain et leur capacité à partager leur voix avec le monde ». « L'article 13 menace des centaines de milliers d'emplois, de créateurs européens, d'entreprises, d'artistes et tous leurs employés. La proposition forcera les plateformes, comme YouTube, à donner la priorité au contenu d’un petit nombre de grandes entreprises. Le fardeau de la preuve du droit d'auteur sera trop lourd pour la plupart des créateurs indépendants », disait-elle.
En novembre, elle est revenue à la charge, affirmant qu'il est impossible pour une plateforme comme YouTube de respecter les réglementations suggérées. Elle déclare que YouTube n'a pas les capacités techniques ou financières pour appliquer le type de restriction du droit d'auteur que l'Union européenne recherche. « L'approche du parlement est irréaliste dans de nombreux cas, car les titulaires de droits d'auteur ne sont souvent pas d'accord sur qui détient quels droits. Si les propriétaires ne peuvent s'entendre, il est impossible d'espérer que les plateformes ouvertes hébergeant ce contenu prennent les bonnes décisions en matière de droits », a-t-elle annoncé.
Pour s'expliquer, elle a pris l'exemple de « Despacito », la vidéo la plus regardée sur YouTube. « Cette vidéo contient plusieurs droits d'auteur, allant de l'enregistrement sonore aux droits de publication. Bien que YouTube ait passé des accords avec plusieurs entités en vue de la licence et du paiement de la vidéo, certains détenteurs de droits restent inconnus. Cette incertitude signifie que nous pourrions devoir bloquer de telles vidéos pour éviter toute responsabilité au titre de l'article 13. Multipliez ce risque par la taille de YouTube, où plus de 400 heures de vidéo sont téléchargées chaque minute et le passif potentiel pourrait être si important qu'aucune entreprise pourrait prendre un tel risque financier », dit-elle.
Depuis son lancement en octobre 2007, YouTube a investi plus de 100 millions de dollars dans son système d’identification du contenu. Wojcicki le considère toujours comme le meilleur moyen de détecter les violations du droit d’auteur et de veiller à ce que les titulaires de droits d’auteur soient payés lorsque leur contenu est utilisé. Elle pense aussi que le Content ID est la solution pour gérer les droits à l'échelle mondiale. YouTube a « déjà pris des mesures pour lutter contre la violation du droit d'auteur en développant une technologie, telle que notre programme Content ID, afin d'aider les titulaires de droits à gérer leurs droits d'auteur et à gagner de l'argent automatiquement. Plus de 98 % des droits d'auteur sur YouTube sont gérés via Content ID. À ce jour, nous avons utilisé le système pour verser aux titulaires de droits plus de 2,5 milliards d'euros pour l'utilisation de leur contenu par des tiers. Nous pensons que Content ID constitue la meilleure solution pour gérer les droits à l'échelle mondiale », a-t-elle déclaré.
Les européens pourraient-ils être coupés de certaines vidéos sur YouTube ?
Pour elle, les conséquences de l'article 13 vont même au-delà des pertes financières. « Les résidents de l'UE risquent d'être coupés de vidéos qui, au cours du mois dernier, ont été visionnés plus de 90 milliards de fois. Ces vidéos proviennent du monde entier, y compris de plus de 35 millions de chaînes de l’UE, et comprennent des cours de langue, des tutoriels scientifiques et des vidéos de musique », dit-elle. Toutefois, elle se réjouit à l'idée de travailler avec les décideurs et les plateformes pour développer une solution au sein de l'article 13 qui protège les titulaires de droits tout en permettant à l'économie créative de prospérer. « Cela pourrait inclure des accords de licence plus complets, une collaboration avec les détenteurs de droits pour identifier qui possède quoi et une technologie intelligente de gestion des droits, similaire à Content ID », propose-t-elle.
Elle conclut en disant que « les plateformes qui respectent ces règles et s'efforcent d'aider les détenteurs de droits à identifier leur contenu ne doivent pas être tenues pour responsables de chaque élément de contenu téléchargé par un utilisateur ». Elle avait exhorté les décideurs politiques à trouver une solution qui protège à la fois les titulaires de droits et les créateurs.
Susan Wojcicki n'était pas la seule à protester contre l'article 13 de la directive. La fondation Mozilla a estimé que le filtrage automatique de contenu et les dispositions relatives aux droits d’auteur figurant à l’article 13 sont impraticables pour les sociétés de logiciels open source, dont elle fait partie, et l’écosystème open source en général. Le filtrage automatique concerne en effet toutes les formes de contenu protégé par le droit d'auteur, y compris les logiciels. Le coût et le risque juridique associés à ces nouvelles règles vont donc pousser les petits développeurs de logiciels open source hors de l’Europe et menacer les plateformes de partage de code dont ils dépendent pour innover.
Source : Reuters, annonce sur Twitter
Envoyer un mail, regarder un film en streaming ou faire une recherche sur Google semblent être des activités anodines. Pourtant, tous ces gestes ont un impact sur la planète. Environ 4% de émissions de gaz à effet de serre sont liées à l'activité numérique. Cette pollution a même dépassé celle provoquée par le transport aérien.
Ainsi, en appuyant sur le bouton "rechercher" de Google, vous émettez l'équivalent de 5 à 7 grammes de CO2, soit l'énergie nécessaire pour faire fonctionner les machines qui envoient, transportent et stockent les informations.
D'après l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 47% des émissions de gaz à effet de serre générées par le numérique sont dues aux équipements des consommateurs, comme les ordinateurs ou les smartphones. Quelques conseils pour réduire votre empreinte carbone liée au numérique.
L'ADEME estime que "faire durer nos équipements numériques constitue le geste le plus efficace pour diminuer leurs impacts". Les Français changent souvent de téléphone portable ou d'ordinateur alors que l'ancien fonctionne encore, en raison d'un phénomène de mode ou d'une offre promotionnelle.
Pour l'organisation, utiliser une tablette ou un ordinateur pendant quatre ans au lieu de deux améliore de 50% son bilan environnemental. Elle conseille également de donner ou vendre ses appareils inutilisés pour leur donner une deuxième vie, et de privilégier l'achat de matériel d'occasion ou reconditionné.
Lorsque vous n'utilisez pas votre ordinateur ou votre console de jeu pendant une longue période, par exemple des vacances, éteignez-les et débranchez-les. Des appareils branchés, même éteints, continuent de consommer.
De tous les appareils numériques, la box internet est celui qui utilise le plus d'énergie : elle consomme six fois plus qu'un téléviseur. L'ADEME recommande d'éteindre sa box au lieu de la mettre en veille. Cela permettrait d'économiser 30 euros d'électricité par an.
Le stockage des mails est responsable d'une "pollution dormante" : un message conservé dans une boîte courrier fait tourner des serveurs de Gmail, Yahoo ou encore Outlook en permanence. Gardez donc seulement ce qui est nécessaire.
Il est recommandé de supprimer tous vos spams et d'installer un logiciel anti-spam, mais aussi vous désabonner des newsletters qui encombrent les messageries.
Une recherche sur Google ou Yahoo consomme elle aussi de l'énergie. Elle fait appel à plusieurs "data centers", centres de traitement des données, qui abritent des serveurs et de systèmes de stockage. Lors d'une requête, les data centers sont sollicités à plusieurs reprises : pour accéder à la page d'accueil du moteur de recherche, pour voir les résultats trouvés et enfin pour accéder au site sélectionné.
Mieux vaut donc taper directement l'adresse du site lorsqu'on la connaît, créer des favoris pour les plus consultés et d'utiliser des mots-clés précis pour tomber sur le bon résultat du premier coup.
TECHNOLOGIE - San Francisco est devenue mardi 14 mai la première ville des États-Unis à interdire l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale par la police et d’autres agences gouvernementales.
Huit des neuf membres du conseil municipal de San Francisco se sont prononcés en faveur de cette nouvelle réglementation, qui doit encore faire l’objet d’un vote de procédure la semaine prochaine avec néanmoins peu de probabilité que cela change la donne. Cette interdiction ne concerne pas les aéroports ni les sites régulés par les autorités fédérales.
“La propension à ce que la technologie de reconnaissance faciale mette en danger les droits civils et les libertés civiques contrebalance de manière importante ses soi-disant bénéfices”, relève la décision, estimant que cette technologie “va exacerber l’injustice raciale et menacer notre capacité à vivre libre de toute surveillance permanente par le gouvernement”.
Empiètement sur la vie privée et mauvais coupables
Cette interdiction s’inscrit dans le cadre d’une réglementation plus vaste sur l’utilisation des systèmes de surveillance et l’audit des politiques en la matière, avec des conditions plus strictes et la nécessité d’une approbation préalable du conseil pour les agences municipales concernant de tels systèmes. Une mesure similaire d’interdiction est envisagée à Oakland, de l’autre côté de la baie de San Francisco.
La surveillance par reconnaissance faciale suscite chez certains des craintes liées au risque que des personnes innocentes soient identifiées à tort comme étant des délinquants et que ces systèmes empiètent au quotidien sur la vie privée.
Mais d’autres estiment que cette technologie peut aider la police à lutter contre la criminalité et à rendre les rues plus sûres. L’arrestation de criminels par la police a été portée à son crédit mais elle est également responsable d’identifications erronées.
L’exemple du profilage racial en Chine
“La reconnaissance faciale peut être utilisée pour la surveillance générale en association avec des caméras vidéos publiques et peut être utilisée d’une manière passive ne requérant pas la connaissance, le consentement ou l’adhésion de la personne concernée”, a relevé l’Association de défense des droits civiques (ACLU) sur son site internet. “Le plus grand danger est que cette technologie soit utilisée pour des systèmes de surveillance classiques et haut dessus de tout soupçon”, a-t-elle poursuivi.
Selon le New York Times, les autorités chinoises se servent de cette technologie intégrée aux vastes réseaux de caméras du surveillance du pays pour repérer les membres de la minorité musulmane des Ouïghours, après avoir été programmée avec leurs caractéristiques physiques pour ne chercher qu’eux.
Ce serait le premier exemple connu de l’utilisation par un gouvernement de l’intelligence artificielle pour faire du profilage racial.
La Quadrature du Net publie et analyse les documents obtenus auprès de la mairie de Saint-Etienne sur son projet de « Safe City ». Micros couplés à la vidéosurveillance, drones automatisés, application de dénonciation citoyenne… Ils révèlent la ville sous-surveillance telle que fantasmée par son maire, Gaël Perdriau.
Au début du mois de mars, nous apprenions que la mairie de Saint-Étienne prévoyait d’installer, au titre d’une expérimentation, plusieurs dizaines de microphones dans un quartier de la ville afin d’en capter les « bruits suspects » et d’aider à l’intervention plus rapide des services de police.
Cette expérimentation ressemblant fortement aux projets de Smart Cities sécuritaires que nous dénonçons depuis plus d’un an, nous avons aussitôt fait une demande de communication des documents administratifs, nous adressant non seulement à la ville mais aussi la CNIL qui avait été abondamment citée dans les articles de presse. Il y a une semaine, nous avons eu les réponses à nos demandes. Tandis que la CNIL nous indique n’avoir rien à nous transmettre, la ville de Saint-Étienne nous a communiqué plus de deux cent pages de rapports, compte-rendus de réunions, courriers électroniques que nous publions ici (après un peu de caviardage pour protéger les données personnelles – voir la liste à la fin de l’article).
Ces documents permettent bien de dévoiler la « Safe City » telle que fantasmée par le maire Les Républicain de la ville, Gaël Perdriau : capteurs sonores couplés à la vidéosurveillance, drones automatisés, application type « Reporty » … le tout sous couvert de « tranquillité urbaine », d’ « attractivité du territoire » et surtout d’ « innovation technologique ». Ces documents mettent en lumière les similitudes que nous commençons à percevoir entre ces différents projets : surveillance accrue et déshumanisation de l’espace public, transformation de la ville en un terrain d’expérimentation pour des sociétés privées (ici Verney-Carron, une société spécialisée dans l’armement), subventionnement public de ces nouvelles technologies sécuritaires (ici par l’intermédiaire surprenant de l’ANRU – « Agence nationale pour la rénovation urbaine »), caractère secret et volontairement opaque de leur mise en place…
NOUVELLES TECHNOLOGIES - ”Ça, c’est l’avenir [...] gros, gros danger.” Face à un assistant vocal, Alain Damasio fait de la prospective, et le tableau n’est pas des plus joyeux. Ceux qui connaissent les oeuvres de l’écrivain savent que l’auteur des Furtifs entretient un rapport complexe avec la technologie. Dans la vidéo en tête de cet article, nous l’avons confronté à différents objets du quotidien, devenus pour certains essentiels dans la vie de tous les jours.
Du smartphone, dont il a jusqu’ici réussi à se passer (“je ne supportais pas l’idée d’être géolocalisé en permanence”), jusqu’au casque de réalité virtuelle qu’il juge “absolument pas abouti”, Alain Damasio n’est pas vraiment émerveillé par le monde des nouvelles technologies. Sans pour autant les rejeter toutes, l’écrivain les évalue à l’aune des valeurs qui traversent ses écrits: celle de “l’empuissantement” individuel en particulier.
Pouvoir contre puissance
Certes, explique-t-il, ces inventions qui ont changé notre manière de nous déplacer, de communiquer ou de nous informer, ont souvent permis d’externaliser des actions, de les confier à la machine, donnant aux humains du “pouvoir supplémentaire”. Mais cette délégation a un coût élevé: “En faisant ça, on perd en puissance. On perd en capacité de faire, nous, directement.” À l’image du GPS qui, en nous permettant de nous déplacer plus facilement, nous donne du pouvoir, mais nous fait perdre, à l’usage, la puissance de nous repérer par nous-mêmes.
“C’est un problème philosophique et psychologique” auquel nous confrontent ces innovations, séduisantes et souvent pratiques, à l’image des assistants personnels, dans lesquels Damasio voit une forme encore inaboutie du futur de la relation homme-machine. “On revient à l’interface ultime pour l’être humain, qui est le langage”, donnant une facilité d’accès à l’intelligence artificielle encore jamais vue. “C’est la convergence de tout sur une seule interface, le rêve des GAFA” prévient-il, construisant un futur où la technologie nous enferme.
À l’arrivée, “une espèce d’alter ego digital, de jumeau digital, sur lequel on va projeter [...] nos fantasmes, nos envies, nos besoins...”. Esclave docile et taillé sur mesure par nos données personnelles, l’assistance sera devenue indispensable, et modifiera notre rapport au monde. “On aura du mal à comprendre que notre copine, que notre père...ne sache pas tout sur nous, et tout sur ce dont on a besoin, comme le sait l’IA”.
Le salut par le bricolage
À ce tableau sombre, Damasio oppose pourtant certains objets qui permettent, eux, “l’empuissantement”, et non seulement le pouvoir. Il a bien sûr l’ordinateur portable, compagnon inestimable d’un écrivain qui rature, reprend, réorganise ses textes en permanence. Mais d’autres outils ont droit à son indulgence, comme le Rapsberry Pi, bien connu des technophiles tendance bricolage.
Il faut dire que le petit ordinateur entièrement programmable correspond tout à fait à la philosophie développée par l’écrivain: “Il faut redonner aux gens la puissance sur l’outil, de le bricoler, de se le réapproprier [...] de redevenir autonome”. Une approche qui oppose machines “ouvertes” et “fermées”, où l’homme ne peut intervenir qu’en surface, sans en changer le fonctionnement. “Si tu m’avais montré une tablette, j’aurais hurlé. Je ne supporte pas les tablettes, notamment les tablettes Apple”. On l’a échappé belle.
L’intérêt du logiciel libre1 c’est de pouvoir se réapproprier les outils et les connaissances et c’est important de ne pas dissocier les deux parce les outils sont aussi des connaissances et qu’aujourd’hui, dans un monde qui est de plus en plus numérique, où la télévision est numérique, le téléphone est numérique, la musique est numérique, les livres sont numériques, il est important de pouvoir comprendre comment fonctionne un peu tout ça. Donc ce n’est pas seulement comprendre comment fonctionne Internet, ce qui pourtant la base, c’est aussi comprendre comment fonctionnent les logiciels, par qui est-ce qu’ils sont faits, dans quel but, comment est-ce qu’ils contribuent à la société et comment est-ce que nous on peut contribuer, finalement, à ces logiciels de façon à ce qu’ils puissent améliorer la société.
Le modèle du logiciel libre ce n’est pas seulement un modèle technique de production du logiciel, c’est aussi tout un ensemble de valeurs éthiques et sociales qui sont portées par ce mouvement depuis plus de 30 ans maintenant et qui vise non seulement à rester maître de ses données, maître de ses logiciels, mais aussi de se dire que les outils ne sont pas neutres et que si on veut pouvoir en avoir la maîtrise, en tout cas en ce qui concerne les biens communs numériques, le logiciel libre est probablement la seule réponse concrète, efficace, utilisable tout de suite, qui nous permet de se poser la question de l’éthique et des valeurs sociales qui sont transmises au travers du logiciel aujourd’hui.
Je puis définir le logiciel libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité.
Richard Stallman2 qui est le fondateur du mouvement du logiciel libre arrive souvent en conférence avec un accent anglais alors qu’il parle très bien français, mais il a un accent anglais assez prononcé, en disant : « Je puis définir le logiciel libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité » ; d’habitude la salle se lève et l’applaudit. C’est assez juste, du coup, de pouvoir définir le logiciel libre comme ça, c’est-à-dire c’est à la fois les libertés qui sont accordées à l’utilisateur, parce que dans le logiciel libre ce n’est pas le logiciel qui est libre, c’est l’utilisateur ou l’utilisatrice ; l’égalité c’est parce qu’il n’y a pas de différence, il n’y a pas de discrimination sur qui va utiliser le logiciel en question ; et enfin la fraternité c’est quelque chose qui pour nous est important, c’est la capacité, finalement, à s’entraider pour coconstruire ensemble du bien commun numérique qu’est du logiciel libre, donc le fait de partager les bonnes recettes de cuisine du logiciel, mais aussi le fait de pouvoir aider quelqu’un qui est dans la mouise à un moment donné et qui n’arrive pas à s’en sortir, on peut poser la question. Donc un des avantages du logiciel libre ou un des slogans du logiciel libre ça peut être : « Si tu ne sais pas demande et si tu sais partage ! »
Si tu ne sais pas demande et si tu sais partage !
Il s’agit d’abord de faire connaître le logiciel libre, donc on a choisi de le faire connaître, nous, par la base, c’est-à-dire en intervenant dans des MJC [Maisons des jeunes et de la culture], dans des bibliothèques, dans des médiathèques et petit à petit que chaque personne puisse se dire : mais en fait moi aussi je peux contribuer au logiciel libre ; moi aussi je peux participer au bien commun ; moi aussi je peux m’investir dans une association ; moi aussi je vais pouvoir contribuer à Wikipédia. Et petit à petit ces personnes vont se rendre compte d’abord de la valorisation qu’il y a à travailler pour l’intérêt général, parce que c’est quelque chose de valorisant.
Ce qui nous3, nous intéresse c’est que ces logiciels puissent exister pour tout le monde, qu’ils puissent participer à développer un secteur de la société de contribution et notamment celui des biens communs pour qu’on ne reste pas cantonnés, finalement, à se dire : ah ben là c’est bon, il y a une alternative en Libre qui existe, on ne s’en occupe pas. Ce qu’on veut c’est construire et coproduire des logiciels libres au service de la société de contribution.
Si vous voulez développer des biens communs, il faut être prêt à y participer. C’est une société de l’effort, c’est évident, ce n’est pas ce qui nous est vendu évidemment en face ; on est plutôt dans une société du confort avec la société de surconsommation.
Si vous voulez développer des biens communs, il faut être prêt à y participer. C’est une société de l’effort, c’est évident, ce n’est pas ce qui nous est vendu évidemment en face ; on est plutôt dans une société du confort avec la société de surconsommation. La société de contribution est une société de l’effort qui va nécessiter de prendre du temps, de prendre sur soi, de mettre de l’énergie dans le maintien et le développement de ces biens communs.
Il est difficile aujourd’hui, quand on regarde cette société de la surconsommation, de se dire qu’elle a un avenir d’égalité et de fraternité pour beaucoup de gens. Concrètement dans cinq ans, dans dix ans, si jamais on ne développe pas le logiciel libre, on aura quoi ? On aura un « Googleternet » sur lequel vous pourrez consommer des vidéos, sur lequel vous pourrez publier des contenus, mais tous ces contenus seront validés, monétisés et on va vous encourager à produire des contenus qui n’existent pas ou qui ne sortent pas trop du cadre. Donc finalement, on va se retrouver enfermés dans une espèce de bulle intellectuelle qui aura été conçue par les algorithmes de Google ou de Facebook qui vous diront : « Dormez tranquilles braves gens, demain vous irez regarder votre vidéo de chatons plutôt que de vous intéresser à ce qui se passe sur la loi travail. »
Moi évidemment, ce dont j’ai envie c’est qu’on puisse construire un monde avec plus de solidarité, où les données puissent être contrôlées par les utilisateurs, mais c’est aussi un monde où les médicaments ne seraient pas brevetés par exemple. Ça c’est la vision que j’ai du monde, mais je ne prétends pas que c’est la bonne. Par contre, pour arriver à ça, il faut pouvoir coconstruire des outils sous forme de logiciels libres ; il faut pouvoir lutter ou en tout cas expliquer les dérives de la propriété intellectuelle : un médicament qui est breveté sur un certain nombre d’années, potentiellement évidemment il a un coût, ce qui est parfaitement compréhensible, en recherche et développement, il faut bien que l’entreprise puisse rentrer dans ses frais, mais d’un autre côté, s’il est protégé pendant 20 ans, qui va faire le calcul du nombre de personnes qui sont en souffrance parce qu’elles n’ont pas accès à ce médicament-là ?
Il faut surtout planter des graines dans les esprits pour que les gens puissent se rendre compte de ce que c’est que le bien commun, de ce que c’est que la contribution, des efforts que ça va leur demander, mais de pourquoi est-ce qu’ils vont le faire. Qu’est-ce que nous, on a envie de construire comme société ? Comment est-ce qu’on a envie de la construire ? Quels sont nos objectifs ? Et avec qui est-ce qu’on veut la construire ? Parce que, encore une fois, il ne s’agit pas de dire que c’est nous contre eux, il s’agit de dire : qu’est-ce que nous on veut inventer ?
Nous on ne parle pas de convergence des luttes, on parle de convergence des buts.
Finalement c’est assez important pour nous, aujourd’hui, de réfléchir avec les personnes qui sont intéressées par cette société de contribution. Qui veut, avec le logiciel libre, avec le développement durable, avec les innovations démocratiques, sociales et politiques qui peuvent exister, avec les médecines dites alternatives, pouvoir inventer une autre société qui ne soit pas juste celle de la consommation.
En fait les gens qui ont construit l’Internet l’ont fait de manière ouverte entre eux, donc on a une communauté des développeurs qui ont fait l’Internet et ils l’ont fait pour que cet Internet serve de support à des applications qui allaient être libres, ouvertes, que personne n’allait décider, mais qui allaient se mettre en place sur ce commun de l’Internet qu’ils avaient construit. C’était leur philosophie de travail. Ce qu’ils n’avaient pas prévu c’est qu’il y aurait beaucoup d’argent à gagner sur les applications, parce que c’est venu beaucoup plus tard, c’est venu à partir du milieu des années 90, à partir de la création de Amazon, par exemple, en 1994 et peut-être un symptôme de ça c’est : on va passer non plus d’un échange entre des individus sur un mode horizontal, mais bien sur une entreprise qui a un objectif visant de la population, visant des individus usagers, pour capter à son bénéfice au début leur commerce, puis leurs données, puis l’ensemble de leur activité, de leurs traces humaines dans la vie.
Un programme informatique aujourd’hui il enregistre. Toutes les connaissances, les savoirs du monde sont quelque part dans les systèmes informatiques. Or, on le voit bien avec les médias sociaux par exemple, nous agissons dessus, nous croyons voir, mais nous ne voyons que la surface. Toute l’utilisation des traces qui se réalise en dessous, toutes les interprétations qui sont faites par des algorithmes nous échappent, parce que le système n’est pas libre, parce que personne ne sait réellement ce que fait Facebook avec nos usages et nos pratiques.
L’intérêt du logiciel libre1 c’est justement d’être transparent sur ce qui va être fait et donc de garantir qu’il n’y a pas des chevaux de Troie installés à l’intérieur d’un logiciel, qu’il n’y a pas des choses qui vont être contraires à la liberté d’usage de l’utilisateur.
En fait, quand on prive les gens du savoir, quand on les prive du droit d’usage sur des produits qu’y compris ils ont achetés, les gens ne le supportent pas. Ils ont envie de hacker le système. Et ce qu’il y a de bien avec l’informatique, avec les logiciels libres au démarrage, c’est qu’ils peuvent le faire ; il suffit d’apprendre à faire de l’informatique pour hacker le système. Ce qui a fait que des milliers et des milliers de personnes ont créé des sites web au tout début des années 90 à partir de savoirs qui étaient transmis comme ça, qui n’avaient été prévus par personne.
C’est ce qui fait qu’aujourd’hui les paysans ont de plus en plus envie de savoir ce qu’ils plantent, de maîtriser leur chaîne de production et donc d’utiliser des semences fermières, de créer un réel commun de la semence qui ne soit pas dépendant de grandes entreprises où on ne sait plus trop quelle est la qualité, l’adaptation du produit.
C’est le succès des fab labs2 dont il faut tenir compte. Les gens ont envie d’apprendre à faire des choses et ils le font, c’est ça qui est intéressant. On voit des tas de communs se développer dans tous les domaines d’activité. On voit des gens qui créent des activités coopératives, des jardins partagés à l’intérieur des villes, qui créent des villes résilientes et ça, ça construit du commun. Et les gens le font de manière plus ou moins spontanée, souvent sans utiliser le mot. Le mot « commun » c’est nous universitaires qui le mettons quand on regarde des pratiques très diverses, mais les gens font leurs échanges de graines, ils font leurs fab labs, ils font leurs fabrications coopératives, ils font les jardins partagés, ils le font sans mettre un mot dessus.
C’est important d’avoir aussi des intellectuels qui regardent les choses et qui disent : « Là il y a des ressemblances, il y a tout un mouvement, toute une dynamique par en bas qui dit "nous voulons nous réapproprier le monde". » Et ça c’est la dynamique du commun. Et nous voulons le réapproprier de manière coopérative, collaborative, ensemble, pas tout seuls. Ça existe, ça promet une nouvelle société. Ouvrons les yeux et servons-nous-en pour nous coordonner.
S’il y a un retour des communs aujourd’hui c’est parce que le numérique nous a remis cette question du partage, cette question d’échange au goût du jour.
À l'ère du Big data et de l’intelligence artificielle, les chercheurs du Québec comme ceux du monde entier souhaitent plus que jamais avoir accès aux renseignements personnels de santé des citoyens afin de réaliser des études novatrices en se basant sur des données probantes.
Avoir accès aux données de santé est essentiel pour l’avancement des connaissances et pour le bien commun de notre société.
Or il n’est pas toujours facile de savoir qui a accès à quelles données (dossiers médicaux, hospitalisations, revenus), pour quelles raisons, ni comment celles-ci peuvent faire progresser la science et favoriser le bien commun.
Quand nos données sont comparées à une vraie mine d’or pouvant résoudre tous les maux de notre société, il y a probablement lieu de s’interroger, voire de s’inquiéter des motifs justifiant un engouement aussi important.
Un consentement difficile à obtenir
Au Québec, comme ailleurs dans le monde, les renseignements personnels de santé sont nécessaires pour la surveillance des maladies infectieuses, pour la gestion d’épisodes de soins ou encore pour le développement des connaissances. Lorsqu’il s’agit de recherche, les chercheurs doivent solliciter notre consentement libre et éclairé pour avoir accès à nos renseignements personnels, une étape primordiale qui témoigne du respect accordé aux participants. D’ailleurs, le respect de la personne (de son autonomie et de son autodétermination) constitue le premier des grands principes de l’éthique de la recherche.
Mais que se passe-t-il si vous êtes décédé ou que vous faites partie d’une population si imposante qu’il est impossible de solliciter votre consentement? Dans un tel contexte, le législateur a prévu des exceptions à l’obtention du consentement des personnes de manière à rendre possible la recherche. Par exemple, des instances légales comme la Commission d’accès à l’information du Québec ou le directeur des services professionnels d’un centre hospitalier peuvent, sans consentement, autoriser la communication de renseignements personnels à des fins de recherche.
Pour justifier cette brèche au principe éthique du respect de la personne, il faut démontrer la nécessité de réaliser une telle étude, dans l’intérêt du public, et promettre de protéger la confidentialité des renseignements recueillis. Il faut également conserver les données de manière sécuritaire pendant toute la durée de l’étude et les détruire à son aboutissement.
En cet ère des Facebook et Google, il devient de plus en plus difficile d’obtenir le consentement des personnes et d’imposer des conditions et des limites quant à la conservation des renseignements. La technologie permet désormais d’entreposer des tonnes de renseignements, de les croiser avec d’autres données et de les conserver pendant plusieurs années pour la recherche ou pour d’autres raisons (ex. gains financiers par des entreprises d’informatique, d’assurances ou pharmaceutiques).
Quel bien commun?
Ainsi, que présuppose cette quête de « bien commun »?
Pour les chercheurs du secteur public et des universités, où la recherche est valorisée, le bien commun vise notamment à favoriser le bien-être et la santé des citoyens. Il vise également le maintien d’une société libre et démocratique, où il y a un juste équilibre entre l’intérêt personnel et collectif, en permettant de concilier vie privée et recherche en santé publique.
Mais pour atteindre cet équilibre, des balises sont nécessaires, et face aux récentes dérives d'usages inappropriés des données par des entreprises privées (ex. Cambridge Analytica), la rhétorique aveugle de l’accès ubiquitaire, ou libre accès, aux données personnelles convient de moins en moins, plus particulièrement si la compréhension de la notion de bien commun n’est pas partagée socialement.
Pour mieux saisir l’importance des enjeux liés à la notion de bien commun, prenons l’exemple du dossier médical électronique au Québec, lequel contient plusieurs renseignements personnels de santé.
Ces données sont de plus en plus enregistrées dans les centres de recherche des établissements de santé avec l’autorisation du directeur des services professionnels, mais sans notre consentement. De même, les compagnie privées, qui emmagasinent ces renseignements sur leur serveurs pour les organismes publics, semblent s’en servir à d’autres fins.
Ces renseignements sont exploités pour la recherche et certains gestionnaires de données ne se gênent pas pour les offrir à d’autres chercheurs, les présenter en public (moyennant certains frais) lors de conférences scientifiques, au nom du bien commun.
Si vous faites partie des milliers de personnes qui n’ont jamais consenti à faire partie de ces banques de données publiques ou privées, vous aurez probablement envie d’affirmer haut et fort que vos renseignements de santé ne sont pas à vendre.
Cet exemple illustre qu’il est peut-être venu le temps d’ajouter quelques balises législatives aux lois en vigueur au Québec et ailleurs afin de mieux assurer la protection de la vie privée de la population. À priori, il semble urgent que nous puissions identifier qui (les chercheurs issus des secteurs publics ou privés ou les deux?) devrait avoir accès à nos données personnelles (de santé et d’autres formes) et, socialement, comment concevons-nous le bien commun?
Puisque la protection de la vie privée fait encore partie des valeurs fondamentales de notre société, toute dérogation au consentement de la personne devrait-elle se justifier par la démonstration d’un potentiel réel de contribution au bien commun ou sociétal? Devrions-nous exiger des redditions de compte et plus de transparence de la part de ceux qui détiennent tous ces renseignements en notre nom?
En l’absence d’information facilement accessible à propos des détenteurs de nos renseignements, de qui y a accès et pour quelles raisons et quelles seront les retombées positives attendues pour la société, il semble que ce proverbe africain d’auteur inconnu soit pertinent : « Ce que tu peux faire pour moi, sans moi, tu le fais contre moi ».