Voici comment cette marque de ponctuation a divisé le monde.
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Repéré sur The Guardian
Six siècles après son invention, notre cher point d'exclamation alimente toujours autant de controverses. Imaginez quand même qu'une dispute peut débuter sur un simple quiproquo quant à son utilisation. Mais que seraient nos conversations sans cette ponctuation? Probablement ennuyeuses. Tombé en désuétude puis héros de la campagne présidentielle américaine, le «!» n'a jamais cessé de nous surprendre.
Comme le rapporte le Guardian, l'érudit italien Iacopo Alpoleio da Urbisaglia aurait inventé le point d'exclamation vers le milieu du XIVe siècle. Autrefois représenté par une barre inclinée à droite sous laquelle deux points étaient dessinés, ce signe grammatical symbolisait l'admiration. En 1611, soit 300 ans après sa conception, le lexicographe Randle Cotgrave a certes défini le «!» comme une incarnation de l'admiration, mais également de la détestation. Cette ponctuation était la première à traduire des sentiments.
Pourtant, en 1920, le point d'exclamation a disparu des radars et n'a plus figuré que dans la propagande politique et la publicité. «!» a patiemment attendu son heure jusqu'à l'apparition de son véritable foyer: internet, avec ses pièges et ses promesses de communication rapide et facile. Mais, surprise: témoin de notre spontanéité, allégresse ou mécontentement, le point d'exclamation est devenu clivant.
Les baby-boomers perçoivent un message ponctué de ce signe comme criard, tandis que les millennials interprètent un manque de points d'exclamation comme de la mauvaise humeur. Les membres de la génération Z évitent quant à eux la controverse en préférant intégrer des émojis à leurs conversations.
En 2014, certains se sont même demandés si cette ponctuation n'avait pas atteint son pic d'utilisation, spéculant qu'elle deviendrait bientôt désuète. Ces derniers avaient tort. Ils étaient loin de se douter de la venue prochaine d'un personnage qui allait se présenter à l'élection présidentielle des États-Unis: Donald Trump, alias le grand roi MAGA.
La palme du plus grand crieur sur les réseaux sociaux revient, bien sûr, à (roulement de tambours) l'ex-président américain. Depuis ses débuts sur Twitter en 2009 jusqu'à la suspension de son compte onze ans plus tard, Donald Trump s'est livré à une véritable surenchère du point d'exclamation. 33.000 «!» en douze ans. Selon le site de données statistiques FiveThirtyEight, 60% de ses tweets en contenaient au moins un. Le Républicain a même établi son record personnel à quinze «!» d'affilée. Il serait parfois utile de rappeler qu'il n'y a pas que l'alcool qui doit être consommé avec modération.
Cette utilisation excessive n'est cependant peut-être pas qu'un simple coup de folie, mais un véritable coup de maître. Le «!» active le système d'alarme de notre cerveau: nous prêtons davantage attention aux messages en comportant. Pour le démontrer, le logiciel d'analyse marketing TrackMayen a examiné 1,5 million de messages Facebook de 6.000 grandes marques, et a constaté que les posts contenant au moins un point d'exclamation suscitaient trois fois plus d'interactions.
L'utilisation excessive de ce signe a même impacté l'enseignement. En 2016, l'Éducation britannique a émis une directive pour faire échouer aux examens les élèves qui ne l'utilisaient pas de manière appropriée. L'idée était de bannir tout abus d'usage avant que ce trop-plein d'exclamations ne devienne –ce que le dictionnaire urbain appelle– la bangorrhée, c'est-à-dire l'écriture abusive de cette ponctuation.
Aujourd'hui, l'image du «!» en tant que vecteur de bonnes nouvelles se démocratise et équivaut de plus en plus à un sourire. Alors saupoudrez vos messages d'un, de deux voire de trois points d'exclamation si vous êtes particulièrement enthousiaste. Mais par pitié, pas quinze.
L’accent circonflexe, vous savez, c'est ce petit chapeau qui coiffe certaines voyelles. Son nom lui vient du latin "circumflexus", fléchi autour, car il est courbé autour de la lettre qu’il accompagne. Mais à quoi sert cet accent qui se prononce comme un accent grave à tel point qu’il nous arrive d’hésiter entre les deux ?
Lisa Kamen Lisa Kamen publié le 29/05/2021 à 06:12
Faisons d'abord un petit retour aux sources : cet accent est d’abord un signe étymologique. Il a progressivement remplacé une autre lettre, en général un s. C’est un imprimeur tourangeau, un certain Christophe Plantin, qui a systématisé l'usage de l'accent circonflexe en remplacement d’une autre lettre qui tendait à disparaître : teste est devenu tête, asinus, âne et hostel, hôtel, etc...
L’étymologie nous est souvent d’une grande aide pour orthographier les mots, on le sait. Et si l’on hésite entre les différents accents possibles sur le e, on peut toujours convoquer les racines latines. La pêche, le fait de pêcher dans l’eau, nous vient du latin piscis (poisson en latin), mot dans lequel on a bien un s, disparu au fil du temps.
La pêche qui nous désaltère si bien est issue des mots persicum mala (le fruit de Perse) ; là encore il y avait un s. Mais quand je dis "je pèche" car j’ai commis un péché, une faute, ça vient de peccare dans lequel il n'y a pas de s. Pas de circonflexe dans la version actuelle donc, mais des accents graves ou aigus suivant la conjugaison.
Le s n’a pas toujours complètement disparu de la famille. L’adjectif relatif au nom Pâques est l’adjectif pascal. Dans la famille de fenêtre, il reste défenestrer. A l’hôpital, on se fait hospitaliser. Un sentier peut-être forestier et quand quelque chose a bon goût, on ressent un plaisir gustatif. On retrouve également parfois ce bon vieux s dans les langues étrangères : château se dit castle en anglais, la fête, fiesta en espagnol...
Tous les verbes prennent un accent circonflexe :
– aux 1re et 2e personnes du pluriel du passé simple :
Nous mangeâmes, vous mangeâtes
Nous finîmes, vous finîtes
Nous prîmes, vous prîtes
– à la 3e personne du singulier de l’imparfait du subjonctif :
Qu’il mangeât. Qu’il sortît. Qu’il tînt
Attention: ceci est vrai pour tous les verbes, exception faite du verbe haïr car la présence du tréma remplace celle de l’accent circonflexe: nous haïmes, vous haïtes. Qu’il haït
L'accent circonflexe permet également de distinguer des homonymes. Un dû est quelque chose qu’on me doit : accent circonflexe pour ne pas le confondre avec l’article contracté du. Sûr, dans le sens de certain, prend lui aussi un accent qui évite la confusion avec la préposition sur… Il y a aussi jeûne / jeune, mûr / mur, crû / cru… Enfin, il sert parfois à indiquer une voyelle longue comme dans les mots grâce, âme ou les adjectifs dépréciatifs en "âtre" : idolâtre, saumâtre, verdâtre...
Pour transcrire une mélodie, vous le savez, on utilise sept notes : do, ré, mi, fa, sol, la et si. Sept notes qui correspondent à sept tons, que l’on peut écrire à différentes hauteurs, de la plus grave à la plus aiguë. Mais très souvent, ces sept tons ne suffisent pas, à transcrire la mélodie que l’on a en tête. Les compositeurs utilisent alors des demi-tons : les bémols et les dièses.
Le dièse permet donc de hausser une note d’un demi-ton. Et il a la grâce de joindre la forme et le fond car pour le dessiner, il faut tracer un petit parallélogramme ascendant (♯). L’astuce que je donne à mes élèves c’est qu’il ressemble à une minuscule échelle pour monter dans la gamme. Un do dièse est donc un demi-ton plus haut qu’un do, et sur un piano correspond à la touche noire qui suit le do.
Le hashtag, lui, viendrait d’un symbole romain représentant une unité de poids : la libra pondo, qui signifie "livre". Si on ligature le l minuscule pour ne pas le confondre avec le chiffre 1 on obtient plus ou moins un croisillon qui a évolué pour prendre la forme que nous lui connaissons : #. Il est plus "carré" que le dièse.
Ce symbole a d’abord été utilisé sur les téléphones, même si personne ne savait vraiment à quoi il servait, puis par les informaticiens entre eux pour regrouper une conversation autour d’un thème. Il a été utilisé sur Twitter pour la première fois en 2007, puis s’est répandu comme une traînée de poudre pour faire référence à un contenu ou centraliser les publications autour d'un terme bien précis sur l’ensemble des réseaux sociaux.
L'usage des majuscules en français est un véritable casse-tête. Si tout le monde sait qu’une phrase commence par une majuscule et se termine par un point, il nous arrive à tous d’hésiter devant certains noms, surnoms, fonctions… Examinons ensemble les erreurs les plus courantes afin de ne plus les commettre.
Les titres et sous-titres prennent une majuscule, mais une seule, au début, contrairement à ceux écrits en anglais. On écrit Gone with the Wind mais Autant en emporte le vent. D’autres erreurs communes nous viennent de l’anglais, langue que l’on fréquente tous de plus en plus. Je pense aux noms des mois, que je vois fréquemment affublés d’une majuscule par mes élèves. Or en français, les noms des mois n’en demandent pas. Nous sommes aujourd’hui le dimanche 7 mars. Les jours, les semaines non plus, sauf s’ils représentent une fête. On écrira donc : le Lundi de Pâques est férié.
En français, les noms propres prennent une majuscule : patronymes, prénoms, surnoms, toponymes... On écrit donc Christophe, Alger-la-Blanche, Alexandre le Grand, la Terre, Mars…
Les antonomases font exception. Antonomase ? Vous rappelez-vous cette figure de style par laquelle un nom propre est généralisé, pris comme nom commun car il désigne alors une qualité ou un défaut ? Alors dans ce cas, l’usage de la majuscule se complique : tout dépend du degré de lexicalisation, de la fréquence d’utilisation de ce mot. On écrira donc "j’aime boire un bourgogne avec mon roquefort". Ou encore : "Chéri ! Sors la poubelle !", sans majuscule (alors que ce nom vient du préfet Eugène Poubelle) mais un Harpagon pour désigner un homme avare, faisant référence au fameux personnage de Molière. Le mieux est alors de vérifier dans un dictionnaire.
Vous aurez noté au passage que les deux points, lorsqu’ils introduisent une citation, sont suivis d’une majuscule.
Les noms propres prennent une majuscule, on l’a vu. Cela vaut bien sûr pour les noms d’habitants de villes, de pays. Mais attention : les adjectifs dérivés de ces gentilés n’en prennent pas. On écrirait donc "je suis berlinois" mais "je suis un Berlinois". Les habitants de Besançon sont les Bisontins, mais ils vendent des spécialités bisontines… Les noms de religions s’écrivent en minuscules : les chrétiens, les musulmans, les bouddhistes.
Ou à Madame la Présidente bien sûr! En effet, les titres, les fonctions, les charges civiles s’écrivent sans majuscule. C’est le terme qui caractérise la fonction qui s’en empare. Exemples : le président de la République française, le ministre de l’Intérieur, l’archevêque de Lyon…
NB : les titres honorifiques, eux, prennent une majuscule : Sa Majesté, Votre Sainteté, Son Altesse... Et si vous écrivez au chef d’État ou l’une de ses ministres, commencez par "Monsieur le Président", ou "Madame la Ministre"…
Les sigles s’écrivent en majuscules : HLM, SNCF, CGT, RTL. C'est plus compliqué pour les acronymes, ces successions d'initiales qui se prononcent comme des mots normaux et non lettre par lettre : certains s'écrivent en majuscule (OTAN, INRI), d'autres n’en prennent qu’au début (Medef, Nasa) ou pas du tout s’ils désignent un objet commun : on écrit un radar, un laser.
NB : si vous détaillez un sigle, il suffit d’une majuscule au début. On écrit : Société nationale des chemins de fer.
On tolérait autrefois, lorsque l’accentuation des majuscules impliquait des manipulations savantes sur les machines à écrire, qu’elles ne soient pas accentuées. Mais ça, c’était autrefois. Avec les logiciels et applications actuels, plus d’excuses. À vous de jouer!
Aujourd’hui, amis des mots, c’est cours de latin ! Mais, vous savez, d’une certaine façon, le latin n’est jamais que du très très très vieux français. Ce qui est rigolo, c’est que le "bon" français est issu d’un "mauvais" latin. Enfin, d’un latin pas très châtié. Celui qu’on appelle le latin "vulgaire".
Entendons-nous bien : à l’origine, vulgaire n’a rien de péjoratif. Il vient du latin vulgus, "la foule". Le sens originel de vulgaire, c’est "populaire", c’est celui que l’on retrouve dans vulgariser, que le Robert définit comme "répandre des connaissances en les mettant à portée du grand public".
Donc, me demanderez-vous, le français n’est pas issu du latin classique ? Eh bien, comment pensez-vous que, en Gaule, le latin ait supplanté le gaulois ? Pas par une invasion de profs de langue. Après la conquête de César, en milieu du Ier siècle avant J.-C., le latin a peu à peu été adopté par les populations locales parce qu’il est devenu la langue des échanges administratifs et commerciaux. On est bien avant l’invention de l’école, du cartable, du livre scolaire et de la méthode Assimil, donc comment apprend-on le latin ? En se frottant aux envahisseurs qui le parlent, qui sont avant tout des légionnaires, des commerçants, bref pas des lettrés.
Donc, nos Gaulois sont confrontés à un latin populaire, une langue parlée, qui n’est pas le latin classique et qui peut en être très différent ! Prenons l’exemple du mot cheval. En latin classique, le "cheval", c’est equus, en latin vulgaire, c’est caballus : rien à voir ! Et c’est caballus qui sera adopté chez nous, donnant caval au Moyen Age puis cheval aujourd’hui. Or, par rapport à equus, caballus était à la fois un terme populaire et péjoratif.
Un "canasson", si vous voulez ! Dans son livre, Etcetera, etcetera, chez First éditions, Julien Soulié donne un autre exemple du même phénomène : celui de la tête. C’est le mot testa qui a donné notre tête, un terme du latin vulgaire qu’on pourrait traduire par "la caboche", "le carafon" ou "la tronche", alors que la tête en latin classique se dit caput (qui, lui, donnera la capitale ou le capitalisme). On peut aussi citer le mot champ, qui vient du latin vulgaire campus, alors que le mot classique était ager.
Il n’y aurait donc aucune trace de latin classique en français ?
Eh si, le français a également emprunté au latin des lettrés romains, mais plus tard. Et d’ailleurs, c’est ce qui explique certaines étrangetés du français actuel.
"À partir du XIVe siècle, quand nos clercs, pétris de culture antique, eurent besoin d’inventer de nouveaux mots, vers qui se retournèrent-ils ? Vers le latin, mais le latin écrit, donc classique », raconte Julien Soulié.
C’est sans doute pourquoi nous ne pratiquons pas le "chevalisme" mais l’équitation, par exemple, les clercs ayant créé ce mot en se basant non sur le latin vulgaire caballus mais sur equus, du latin classique. C’est aussi pourquoi ceux qui font profession de cultiver les champs sont aujourd’hui des agriculteurs, mot bâti sur le latin classique ager, alors que si on avait décidé de construire le nom de leur métier sur le mot champ, on les appellerait peut-être des "champions" !
Jadis indispensable à notre organisation quotidienne, ce carnet dont les couvertures cuir colorées et le papier fin velouté font encore rêver les amoureux de papeterie est relégué au placard, victime des plannings numériques.
Je le lorgnais depuis le trottoir, le nez quasiment collé à la vitre du numéro 32 de la rue des Francs-Bourgeois, dans le Marais: il semblait m'attendre, lisse, gonflé, écarlate, adulte. Cher. Un magnifique agenda Filofax, les pages du semainier ligné grandes ouvertes dans sa couverture cuir qui me faisait de l'œil.
La devanture de la boutique Filofax –disparue en 2013– et ses agendas multicolores étaient devenus une étape incontournable de mes promenades parisiennes. Pigiste précaire, hors de question pour moi à l'époque d'en franchir le seuil. Des années plus tard, je craque pour un joli Filofax rouge (en simili cuir) qui m'accompagne encore aujourd'hui, quand la plupart de mes congénères (journalistes ou non) ont opté pour un Google Agenda bien plus pratique et moins contraignant.
Certes, il est lourd, épais, griffonné, déchiré, très souvent illisible. Mais sans lui, je suis perdue. Même en temps de confinement où il ne se passe pas grand-chose à noter.
«Inscrire une information sur son agenda personnel, c'est faire entrer cette information (événement, renseignement pratique, adresse) dans son territoire le plus personnel, son espace d'intimité. [...] Il est alors loisible de comprendre que les personnes égarant par inadvertance leur agenda se trouvent tout d'un coup détemporalisées, désocialisées, privées d'engagement et par le fait même dépersonnalisées», écrivait en 2004 le psycho-sociologue Jean-Pierre Boutinet.
Comment, alors, avons-nous pu abandonner ce précieux objet pour un outil virtuel qui, il est vrai, est physiquement imperdable mais semble aussi complètement impersonnel? Et l'organisation de notre temps, et donc de nos vies, est-elle vraiment plus simple grâce au tout-numérique?
Nourriture de nostalgie
Comme moi, Mathilde ne peut vivre sans agenda. Artisane textile, elle collectionne les semainiers depuis le collège. À la fac, après quinze ans de Filofax, adoré pour son design mais aussi ses gadgets (notes, intercalaires), elle lui fait une infidélité pour le Moleskine 12x21cm «plus pratique à mettre dans des petits sacs». Au fil des ans, Mathilde conserve ses pages griffonnées de listes de films à voir, de disques, d'envies de voyages, et de choses diverses. «L'agenda, c'est pour moi un espace où je consigne à la fois le quotidien et mes rêves.» Les jours de la semaine s'affichent à gauche, les notes à droite.
Rigoureuse et méthodique, Mathilde a toujours refusé le passage au numérique: «Ce n'est pas si simple à utiliser. Et pour moi c'est même une sorte de barrière. J'ai besoin d'une vue d'ensemble, de pouvoir feuilleter. Et puis j'aime la trace de l'écriture, la possibilité de raturer, de séparer les choses», souligne celle qui relit régulièrement ses anciens agendas, devenus «nourriture de nostalgie».
«L'adoption de l'agenda électronique a complètement effacé toute trace d'intimité, la sienne mais aussi celle de toutes les personnes extérieures à l'univers professionnel», analyse François-Xavier de Vaujany, professeur de sciences de gestion à PSL, Université Paris-Dauphine et spécialiste des nouvelles formes du travail. Certains découvraient un dessin de leurs enfants dans leur agenda, pour d'autres c'était une liste de courses. Pour Mathilde, c'est le lieu où elle note systématiquement la date d'anniversaire de ses proches ou d'autres événements à fêter. «C'est une forme d'attention envers les autres. Pour autant, mon agenda n'est pas mon journal intime, je n'y écris aucun état d'âme.»
L'agenda papier permet aussi de se «décharger mentalement», remarque Diane Ballonad Rolland, formatrice, directrice du cabinet Temps & Équilibre. «Les gribouillages, les traces donnent une sensation de contrôle et permettent aussi de garder une forme de chronologie dans sa vie.»
Une impression que partage Emmanuelle Léon, spécialiste de l'organisation du travail. Adepte de l'agenda papier jusqu'en 2019, cette enseignante-chercheuse de l'école ESCP s'est récemment mise «par nécessité» à l'agenda électronique, avec notamment les options de partage d'agenda pour les cours et les réunions.
Jonglant toute l'année 2020 avec les deux formes d'agendas, elle admet avoir raté quelques rendez-vous. Pour la chercheuse, le «contrôle du temps est un luxe et sa gestion, un enjeu de société majeur. [...] On a gagné en flexibilité avec le télétravail mais la synchronisation et le partage d'un agenda autrefois personnel ont paradoxalement donné lieu à une inflation de prises de rendez-vous et une surcharge de travail qu'on évalue moins bien. Potentiellement, cela peut aggraver le stress au travail.»
L'accumulation des informations brouille parfois l'organisation de ces dernières. Or, rappelle Diane Ballonad Rolland, «la gestion des priorités est au cœur de la gestion du temps». Et d'observer que le fait de partager son emploi du temps affecte d'autant plus la charge mentale des femmes, amenées à organiser le temps de tout le monde («rendez-vous médicaux des enfants», «réunion Zoom avec la famille», «Doodle pour la résa de la loc'»).
Perte d'intimité
Le rappel par notifications –un petit outil lancé en 2009 notamment par l'entreprise Research in Motion, créatrice du Blackberry– s'immisce de plus en plus dans la sphère privée.
«Les objets hybrides comme les agendas partagés créent de l'intrusion: on a le sentiment que l'entreprise à un œil partout», explique François-Xavier de Vaujany pour qui l'avènement du télétravail et sa forme exacerbée avec la crise sanitaire ont complètement brouillé les temporalités, et donc la nature des objets qui les accompagnent.
La chercheuse Emmanuelle Léon fait le lien entre les synchronisations multiples d'agenda, les mails, les rappels, et une organisation du travail très, trop encadrée. «Il me renvoie un peu à cette sirène du monde ouvrier qui sonnait les étapes de la chaîne. Les notifications c'est pratique, mais très intrusif.»
Pour retrouver un peu de sérénité, certains inventent des plages horaires dans leurs agendas partagés pour respirer, observe François-Xavier de Vaujany. Ou juste pour mieux travailler, sans constantes interruptions, renchérit Emmanuelle Léon qui constate, inquiète, un transfert des méthodes de management par le contrôle permanent dans l'organisation à distance
Dans ce tourbillon d'outils numériques dits de workflow (des to-do lists à Trello, Evernote et autres Slack ou WhatsApp) le recours au papier permet de respirer.
«Les gens ont besoin de se raccrocher à des choses tangibles, qu'ils maîtrisent pour protéger leur intimité», souligne François-Xavier de Vaujany qui, s'il n'observe pas de retour massif au papier, perçoit certains avantages intemporels. «Les agenda papiers, les carnets remplissent cette fonction. C'est une forme physique qui permet de passer du symbole au concret.» Selon une étude de ScienceDirect portant sur une population étudiante, le simple fait de noter physiquement une information permet non seulement de l'évacuer mais aussi de mieux la retenir sur le plan cognitif et d'optimiser sa capacité ensuite à effectuer des recherches (en ligne par exemple).
Cette possibilité de s'organiser par tâches et informations a été au cœur de la conception de l'Agenda Planning élaboré en 1952 à Marseille par le Dr Beltrami, créateur du fameux Quo Vadis.
Marque leader dans les années 1960, le Quo Vadis et son format Ministre 16x24, objet fétiche du cadre sup', atterrit rapidement sur tous les bureaux. Aujourd'hui, l'usine de Carquefoux, près de Nantes, fabrique encore quelque 8,2 millions d'agendas de la marque, rachetée en 2002 par le groupe Clairefontaine-Exacompta. «Les gens veulent désormais un agenda unique, personnalisé qui leur ressemble», souligne Jérôme Nusse, PDG de Quo Vadis, qui a notamment développé l'offre vers des collaborations avec d'autres marques de papeterie contemporaine ou des agendas numérisables.
Malgré ces efforts, les plus jeunes, ceux «qui naissent avec le numérique» restent hors cible. «Les agendas Quo Vadis séduisent ceux qui ont encore un rapport fort avec l'écrit. C'est un acte engagé en quelque sorte», relève celui qui conserve tous ses agendas, pour ne pas avoir l'impression de «jeter» sa vie. Réfléchissant à de nouveaux marchés, Quo Vadis songe à adapter son semainier noir vers des corps de métiers spécialisés comme le personnel soignant –un clin d'œil qui aurait fait plaisir au docteur Beltrami, décédé à l'âge de 102 ans début septembre 2020. Et attirer les fourbus du vertige numérique?
Nous sommes les élus. Dans chaque famille, il en est un qui semble appelé à retrouver les ancêtres, à redonner de la matière à ces fantômes et à les faire revivre, à raconter l'histoire de la famille et à sentir que d'une certaine manière, ils le savent et approuvent.
Pour moi, faire de la généalogie n'est pas une froide collecte de faits, plutôt une renaissance de tous ceux qui nous ont précédés.
Nous sommes les narrateurs de la tribu. Toutes les tribus en ont un.
Nous avons été appelés par nos gènes. Ceux qui nous ont précédés nous en conjurent : racontez notre histoire. C'est ce que nous faisons. En les retrouvant, nous nous retrouvons nous-mêmes, en quelque sorte.
Cela va au-delà du simple exposé de faits. Il s'agit de savoir qui je suis et pourquoi je fais les choses que je fais. Je suis fière de ce que nos ancêtres ont pu accomplir, de leur contribution à ce que nous sommes aujourd'hui. Écrire leur histoire, c'est respecter leurs épreuves et leurs peines, leur résistance et leur constance, leur détermination à continuer et à construire une vie pour leur famille.
J'écris aussi leur histoire parce que j'ai compris qu'ils l'avaient fait pour nous. Pour que nous puissions naître tels que nous sommes. Et que nous puissions nous souvenir d'eux.
Et c'est ce que nous faisons. Avec respect et bienveillance, en décrivant chaque pas de leur existence, parce que nous sommes eux et qu'ils sont nous. Ainsi, comme un scribe que l'on convoque, je raconte l'histoire de ma famille. C'est maintenant à l'élu de la génération suivante de répondre à l'appel et de prendre sa place dans la longue lignée des conteurs de famille.
Voilà pourquoi je fais de la généalogie, et voilà ce qui incite les jeunes, et les moins jeunes, à s'engager et à redonner vie à ceux qui nous ont précédés.
Librement traduit et inspiré d'un poème en prose anglaise aux origines obscures, souvent cité sur les sites de généalogie anglophones, mais généralement attribué à Della M. Cummings Wright
Plaidoyer en faveur d’un logiciel de relations épistolaires électroniques, échanges sacrifiés au culte de l’instantanéité.
J’aime l’email. Je ne me lasse pas de m’émerveiller sur la beauté de ce système qui nous permet d’échanger par écrit, de manière décentralisée. D’entretenir des relations épistolaires dématérialisées à l’abri des regards (si l’on choisit bien son fournisseur). Je l’ai déjà dit et le redis.
Pourtant, l’indispensable email est régulièrement regardé de haut. Personne n’aime l’email. Il est technique, laborieux. Il est encombré de messages. Alors toute nouvelle plateforme nous attire, nous donne l’impression de pouvoir communiquer plus simplement qu’avec l’email.
Beaucoup trop d’utilisateurs sont noyés dans leurs emails. Ils postposent une réponse avant que celle-ci ne soit noyée dans un flux incessant de sollicitation. Entrainant, effet pervers, une insistance de l’expéditeur.
Désabusé, la tentation est grande de se tourner vers cette nouvelle plateforme aguichante. Tout semble plus simple. Il y’a moins de messages, ils sont plus clairs. La raison est toute simple : la plateforme est nouvelle, les échanges entre les utilisateurs sont peu nombreux. Dès le moment où cette plateforme sera devenue particulièrement populaire, votre boîte à messages se retrouvera noyée tout comme votre boîte à email. Tout au plus certaines plateformes s’évertuent à transformer vos boîtes en flux, de manière à vous retirer de la culpabilité, mais entrainant une perte d’informations encore plus importante.
C’est pour cela que l’email est magnifique. Après des décennies, il est toujours aussi utile, aussi indispensable. Nous pouvons imaginer un futur sans Google, un futur sans Facebook. Mais un futur sans email ?
L’email pourrait être merveilleux. Mais aucun client mail ne donne envie d’écrire des mails.
Je rêve d’un client mail qui serait un véritable logiciel d’écriture. Pas d’options et de fioriture. Pas de code HTML. Écrire un email comme on écrit une lettre. En mettant l’adresse du destinataire en dernier, comme on le fait pour une enveloppe.
Un logiciel d’écriture d’email qui nous aiderait à retrouver un contact avec sa correspondance plutôt qu’à permettre l’accomplissement d’une tâche mécanique. Un logiciel qui nous encouragerait à nous désabonner de tout ce qui n’est pas sollicité, qui marquerait des mails les correspondances en attente d’une réponse. Qui nous encouragerait à archiver un mail où à le marquer comme nécessitant une action plutôt qu’à le laisser moisir dans notre boîte aux lettres.
Bref, je rêve d’un client mail qui me redonne le plaisir d’interagir avec des personnes, pas avec des fils de discussions ou des onomatopées.
D’un autre côté, j’abhorre ces tentatives de classement automatique qui fleurissent, par exemple sur Gmail. Outre qu’elles augmentent le pouvoir de ces algorithmes, elles ne font que cacher le problème sans tenter d’y remédier. Si les mails doivent être triés comme « promotions » ou « notifications », c’est la plupart du temps que je n’avais pas besoin de les voir en premier lieu. Que ces emails n’auraient jamais dû être envoyés.
Enfin, un véritable logiciel de correspondance devrait abandonner cette notion de notification et de temps réel. Une fois par jour, comme le passage du facteur, les courriels seraient relevés, m’indiquant clairement mes interactions pour la journée.
De même, mes mails rédigés ne seraient pas envoyés avant une heure fixe du soir, me permettant de les modifier, de les corriger. Mieux, je devrais être forcé de passer en revue ce que ‘envoie, comme si je me rendais au bureau de poste.
En poussant le bouchon un peu plus loin, les mails envoyés pourraient prendre une durée aléatoire pour être remis. Un lecteur de mon blog a même imaginé que cette durée soit proportionnelle à la distance, comme si le courriel était remis à pied, à cheval ou en bateau.
Car l’immédiateté nous condamne à la solitude. Si un mail est envoyé, une réponse reçue instantanément, l’ubiquité du smartphone nous oblige presque à répondre immédiatement. Cela même au milieu d’un magasin ou d’une activité, sous peine d’oublier et de penser paraitre grossier.
La réponse à la réponse sera elle aussi immédiate et la conversation s’achèvera, les protagonistes comprenant que ce ping-pong en temps réel ne peut pas durer plus de quelques mots.
Paradoxalement, en créant l’email, nous avons détruit une fonctionnalité majeure des relations épistolaires : la possibilité pour chacune des parties de répondre quand l’envie lui prend et quand elle est disponible.
Jusqu’au 20e siècle, personne ne s’étonnait de ne pas recevoir de réponse à sa lettre pendant plusieurs jours voire pendant des semaines. Écrire une lettre de relance était donc un investissement en soi : il fallait se souvenir, garder l’envie et prendre le temps de le faire.
Cette temporisation a permis une explosion de la créativité et de la connaissance. De grands pans de l’histoire nous sont accessibles grâce aux relations épistolaires de l’époque. De nombreuses idées ont germé lors d’échanges de lettres. Pouvez-vous imaginer le 21e siècle vu par les yeux des historiens du futur à travers nos emails ?
Une lettre était lue, relue. Elle plantait une graine chez le destinataire qui méditait avant de prendre sa plume, parfois après plusieurs brouillons, pour rédiger une réponse.
Une réponse qui n’était pas paragraphe par paragraphe, mais bien une lettre à part entière. Une réponse rédigée en partant du principe que le lecteur ne se souvenait plus nécessairement des détails de la lettre initiale. Aujourd’hui, l’email nous sert à essentiellement à « organiser un call » pour discuter d’un sujet sur lequel personne n’a pris le temps de réfléchir.
Des parties d’échecs historiques se sont déroulées sur plusieurs années par lettres interposées. Pourrait-on imaginer la même chose avec l’email ? Difficilement. Les échecs se jouent désormais majoritairement en ligne en temps réel.
Pourtant, le protocole le permet. Il s’agit simplement d’un choix des concepteurs de logiciel d’avoir voulu mettre l’accent sur la rapidité, l’immédiateté, l’efficacité et la quantité.
Il ne faudrait pas grand-chose pour remettre au centre des échanges écrits la qualité dont nous avons cruellement besoin.
Nous utilisons le mail pour nous déresponsabiliser. Il y’a une action à faire, mais en répondant à l’email, je passe la patate chaude à quelqu’un d’autre. Répondre le plus rapidement, si possible avec une question, pour déférer le moment où quelqu’un devra prendre une décision. Tout cela au milieu d’un invraisemblable bruit publicitaire robotisé. Nous n’échangeons plus avec des humains, nous sommes noyés par le bruit des robots tout en tentant d’échanger avec des agents administratifs anonymes. Nous n’avons plus le temps de lire ni d’écrire, mais nous croyons avoir la pertinence de prendre des décisions rapides. Nous confondons, avec des conséquences dramatiques, efficience et rapidité.
Pour l’interaction humaine, nous nous sommes alors rabattus sur les chats. Leur format nous faisait penser à une conversation, leur conception nous empêche de gérer autrement qu’en répondant immédiatement.
Ce faisant, nous avons implicitement réduit l’interaction humaine à un échange court, bref, immédiat. Une brièveté et une rapidité émotive qui nous pousse à agrémenter chaque information d’un succédané d’émotion : l’émoji.
Nous en oublions la possibilité d’avoir des échanges lents, profonds, réfléchis.
Parfois, je rêve d’abandonner les clients mails et les messageries pour un véritable client de correspondances. De sortir de l’immédiateté du chat et de la froideur administrative du mail pour retrouver le plaisir des relations épistolaires.
Malgré la rapidité des doigts sur le clavier, plusieurs raisons poussent à privilégier un stylo et un bon vieux carnet.
La sensation tactile offerte par l'écriture manuscrite est extrêmement bénéfique lors de prises de notes.
Rédiger à la main est une manière efficace d'aider le cerveau à extraire et à retrouver des informations. C'est d'ailleurs dès leur plus jeune âge, à l'école primaire, que les élèves apprennent à former de belles lettres en écriture cursive. Avec le temps, un enfant devient capable de rédiger rapidement et lisiblement. Son aisance en matière d'écriture manuscrite s'en ressent. Une fois cette fluidité acquise, il peut mobiliser les exigences cognitives que demande la prise de notes.
Grâce à l'écriture manuscrite, toute personne qui se trouve en situation d'apprentissage étudie de manière active et de façon productive. Pourtant, les années passant, de plus en plus d'étudiant·es troquent leurs stylos et leurs calepins pour des claviers d'ordinateurs. Dénigrer l'usage des écrans n'est pas le sujet. Dans une ère comme la nôtre où la communication numérique ne cesse de croître, savoir se servir d'un clavier sans même y réfléchir est une compétence primordiale.
Cependant, saisir ses textes en les tapant reste un acte extrêmement monotone, qui fait appel à un geste répétitif et identique. L'écriture manuscrite, parce que ses sensations tactiles sont nombreuses et variées, crée un neurocircuit entre la main et le cerveau.
Rédiger à la main pour lutter contre la prise de notes «non générative»
Malgré la rapidité des doigts sur le clavier, il existe plusieurs raisons qui poussent à privilégier un stylo et un bon vieux carnet. Selon certaines études, l'utilisation d'un clavier revient souvent à transcrire ses notes de façon textuelle et manque cruellement de traitement des informations. C'est ce que des chercheurs et des chercheuses appellent une prise de notes «non générative». Écrire à la main oblige au contraire à faire preuve d'un engagement cognitif qui permet à la personne munie d'un stylo de résumer, manipuler et transformer l'information. En somme, prendre des notes manuscrites aide à s'approprier un discours.
Pour réussir à bien comprendre et se rappeler un nouveau concept, le cumul d'un usage de références personnelles et créatives à une écriture manuscrite est une stratégie efficace et durable. Pour un grand nombre d'étudiant·es, cette technique de travail reste indispensable afin de mieux apprendre à long terme. Si les écrans et les claviers sont d'excellents alliés dans certaines situations, il ne faut pas jeter ni ses cahiers ni ses stylos.
Prenez-vous un vieux cahier et un stylo, ou vous avez un faible pour les Moleskine et les Montblanc ?
Que vous soyez sélectif ou non, sachez que les outils pour les mains sont des outils pour le cerveau. Les notes manuscrites sont excellentes pour le cryptage de la cognition incarnée et, en retour, elles améliorent la capacité du cerveau à récupérer de l’information. De plus, en écrivant à la main, on crée une très bonne mémoire externe : le carnet.
La prise de notes manuscrites est un processus utile qui fait partie de la panoplie d’outils cognitifs de chaque élève. L’apprentissage d’une prise de notes manuscrites efficace et son intégration en tant qu’outil d’apprentissage et d’étude peut commencer dès la troisième ou quatrième année, mais il n’est jamais trop tard pour s’y mettre.
La communication numérique s’intègre désormais dans notre quotidien. Développer la capacité d’écrire au clavier de manière automatique est une compétence importante, et les outils et applications de la communication numérique continueront d’évoluer et d’être utiles. Mais la saisie au clavier ne fournit pas au cerveau la rétroaction tactile que permet le contact entre le crayon ou le stylo et le papier — qui crée les circuits neuronaux du système main-cerveau.
Si l’ordinateur portable peut sembler plus rapide et plus efficace, il existe de bonnes raisons de garder à portée de main un cahier et un bon stylo.
Les chercheurs ont découvert que lorsque l’on prend des notes au clavier, on le fait textuellement sans traiter l’information. On parle alors d’une prise de notes « non générative ». En revanche, en écrivant à la main, on doit faire preuve d’un engagement cognitif pour arriver à résumer, paraphraser, organiser, mettre en correspondance des concepts et du vocabulaire. La manipulation et la transformation de l’information approfondissent la compréhension.
La prise de notes écrites devient une prise de notes mentale. On travaille activement à donner du sens pour pouvoir ensuite passer à la réflexion, à l’étude ou au partage afin de comparer sa compréhension avec des partenaires de laboratoire ou des camarades de classe. Il s’agit d’une bonne stratégie d’étude, car le traitement de l’information ainsi amassée peut être consolidé par la discussion.
Il existe des modèles et des formats qui enseignent des façons efficaces de prendre des notes manuscrites. La méthode Cornell, élaborée par le professeur Walter Pauk, est très populaire. On peut explorer d’autres moyens selon ses besoins, tels que les tableaux de comparaison/contraste ou les sites web.
Comment prendre des notes avec la méthode Cornell.
La qualité de la prise de notes dépend de l’habileté de la main, c’est-à-dire de la capacité à combiner lisibilité et rapidité. Pour cela, il faut une écriture propre, épurée et liée, soit une écriture cursive, que les jeunes commencent à apprendre en deuxième année. L’habileté de la main se développe dans les premières années d’école grâce à l’enseignement et à la pratique et nécessite de fréquentes activités d’écriture, ce qui permet d’allouer de l’espace de mémoire de travail aux besoins cognitifs de la prise de notes.
Le passage de la troisième à la quatrième année constitue un grand pas pour les élèves. Le contenu des programmes de sciences, d’études sociales, de la langue maternelle et des mathématiques exige des enfants qu’ils améliorent rapidement leurs compétences en lecture et en écriture.
Plus on avance dans son parcours scolaire, plus on doit développer sa capacité à lire et à écrire, à comprendre et à donner un sens à de grandes quantités d’informations dans des formats multimodaux.
Léonard de Vinci a écrit : « … plus une description est minutieuse, plus on risque d’embrouiller l’esprit du lecteur et de l’éloigner de la connaissance de la chose décrite. C’est pourquoi il est nécessaire de faire un dessin… en plus d’une description… »
Les carnets de l’artiste révèlent un esprit créatif, curieux, inventif et un homme de science et d’art sans pareil, en avance de plusieurs siècles sur son temps. Fergus Craik et Robert Lockhart, pionniers de la recherche en neurosciences cognitives, ont observé trois niveaux de traitement de l’information. Leur théorie dévoile comment, d’un point de vue neuroscientifique, les découvertes de Vinci ont été possibles il y a plusieurs siècles. Lorsque les gens illustrent l’information visuellement, ils peuvent approfondir leur compréhension de concepts tels que les cycles et les relations. C’est pourquoi certains chercheurs en neurosciences cognitives préconisent d’enseigner dès le plus jeune âge en présentant la connaissance de différentes façons.
Florence Nightingale est connue pour sa contribution à la réforme de la médecine grâce à ses observations, son enregistrement de données, sa prise de notes et ses écrits, le tout fait de manière détaillée et méticuleuse. On lui doit la création du diagramme circulaire qui représente ces informations.
Je demande à mes étudiants, qui se préparent à devenir enseignants, de dessiner la disposition de la classe où ils travaillent dans le cadre de leur stage. Ils prennent également des notes d’observation manuscrites qu’ils consignent selon la méthode Cornell. Ce travail vise à interpréter ce qui se passe en classe. Ce processus de documentation constitue une bonne base pour la réflexion et l’élaboration d’une théorie sur l’art de l’enseignement.
Si l’écriture fait partie de votre travail, que ce soit en journalisme, en enseignement, en architecture, en ingénierie, en mode ou dans tout autre domaine, vous connaissez déjà les avantages et l’importance de la prise de notes et de l’élaboration de croquis.
Pour comprendre et se souvenir, établir des liens personnels et susciter une réflexion créative, les notes manuscrites sont utiles et ont l’avantage de se conserver.
Il est intéressant d’observer que l’art de tenir un journal ou un agenda en version papier a fait naître de nombreuses communautés en ligne. Beaucoup prennent plaisir à préparer des calendriers, des agendas, des cartons, des notes et des listes de toutes sortes, ou à écrire à la main l’histoire familiale pour leurs descendants — pour ensuite partager le tout en ligne.
Pour les étudiants sérieux, la prise de notes est un outil cognitif et une technique d’étude indispensables. La création de circuits neuronaux pour la mémoire et le sens à travers la connexion main-cerveau est la clé pour décoder les notes manuscrites. Réfléchissez-y à deux fois avant de vous fier uniquement à votre ordinateur portable cet automne !
DÉCLARATION de l’ACADÉMIE FRANÇAISE
sur l'ÉCRITURE dite « INCLUSIVE »
adoptée à l’unanimité de ses membres
dans la séance du jeudi 26 octobre 2017
Prenant acte de la diffusion d’une « écriture inclusive » qui prétend s’imposer comme norme, l’Académie française élève à l’unanimité une solennelle mise en garde. La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs.
Plus que toute autre institution, l’Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu’elle a pour mission de les codifier. En cette occasion, c’est moins en gardienne de la norme qu’en garante de l’avenir qu’elle lance un cri d’alarme : devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures.
Il est déjà difficile d’acquérir une langue, qu’en sera-t-il si l’usage y ajoute des formes secondes et altérées ? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit ? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s’empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d’autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète.
La virgule est une imposteuse de la pire espèce, une intrigante et une capricieuse, une comploteuse et une usurpatrice qui se plaît à embrouiller l'esprit des auteurs.
J’ai beau être l’écrivain le plus doué de ma génération, le blogueur le plus accompli de la place de Paris, une éminence intellectuelle à l’aura incomparable dont les œuvres complètes sont disséquées dans les plus prestigieuses universités de la planète, une sorte de phare au génie intemporel courtisé par les grands de ce monde, quand arrive l’heure de ponctuer mes écrits, au moment où il me faut décider où je dois apposer une virgule parmi le savant embrouillamini de mes phrases, je suis aussi embarrassé qu’un «gilet jaune» interrogé sur la nature exacte de ses revendications.
Je n’ai aucun respect pour la virgule et elle me le rend bien. Parfois je peux aligner une phrase longue comme un discours de Fidel Castro sans jamais avoir recours à ses services, ivre de ma propre prose au point de la laisser prospérer, libre de toute ponctuation. Et d’autres fois, subissant leur charme insidieux, je les distribue à tout-va avec une générosité telle que quiconque me lirait penserait être confronté à un auteur frappé de dyslexie, atteint d’un hoquet incurable.
Je ne ponctue pas, je bégaye des virgules que je dispose au gré de mon humeur, sans aucun respect pour leurs règles d’usage, règles probablement apprises un jour mais aussitôt oubliées, reléguées dans le caniveau de mon esprit, règles si complexes à appliquer que lorsque pris de remords, j’essaye de comprendre leur fonctionnement par l’étude d’un quelconque livre de grammaire, j’abandonne au bout de deux paragraphes, sourd à ces explications dont je ne comprends ni le sens, ni la portée.
Pour moi, une virgule se met quand elle se met, là où mon intuition me dit de la fixer, au milieu d’un attroupement d’adjectifs, au détour d’un adverbe, dans l’anarchie de verbes qui se répondent et s’entrecroisent. Est-ce donc de ma faute si mon intuition, neuf fois sur dix, me trompe et m’abuse, m’obligeant à clore le premier mouvement d’une phrase là où je devrais la laisser respirer et vagabonder toute à son aise tandis qu’elle me condamne à un laxisme coupable au moment où, tout au contraire, je devrais marquer les adjectifs à la culotte et sanctionner un malheureux verbe d’un coup de faux ferme et résolu?
La virgule est une imposteuse de la pire espèce, une intrigante et une capricieuse, une comploteuse et une usurpatrice, une bébé star venue au monde juste pour compliquer à outrance la vie d’un honnête auteur comme moi, obligé de passer des heures à lire à haute voix sa propre prose afin de déterminer l’endroit exact où apposer sa seigneurie, elle qui quand elle se retrouve là où elle ne devrait pas être, se met à brailler si fort que n’importe quel lecteur la remarque et appelle aussitôt le standard de l’Académie française pour me dénoncer.
La virgule est une grand-mère grincheuse qui met son grain de sel là où on ne lui a rien demandé. Quand on l’oublie, elle crie au sacrilège, à l’abandon, au déclassement, et lorsqu’on la sollicite de trop, elle se vexe, se renfrogne et se plaint d’être mal logée. «Sortez-moi de là, bourreau de virgule», s’exclame-t-elle si d’aventure on en abuse de trop, quand pour une raison quelconque, un oubli ou un étourdissement passager, l’envie nous prend de corseter de près un paragraphe particulier. Mais si jamais à ce même paragraphe on donne congé en la laissant vivre sa vie à sa guise, voilà qu’au bout de deux minutes à peine, elle vient frapper au carreau de la grammaire ainsi malmenée et vitupère: «Et moi alors, je compte pour du beurre peut-être?».
Savez-vous que toutes les fois où je donne à ma bien-aimée –professeure de français dans la vie civile, tortionnaire sans scrupules dans le privé– une de mes chroniques à corriger, par sa faute –la faute de la virgule s’entend– je tremble de peur et manque de m’évanouir. Je vois son regard qui se fronce à la première virgule mal employée, et quand elle en rencontre une deuxième puis une troisième… bien vite une dixième, ses soupirs se font si lourds que je me renfonce dans l’épaisseur de mon canapé au point de vouloir disparaître tout à fait.
Peine perdue!
Arrive toujours un moment où ses soupirs deviennent des grommellements, ses grommellements des petits cris d’exaspération, avant d’exploser en un tonitruant: «Non mais dis-moi la vérité, tu as décidé de te foutre de ma gueule ce soir, c’est ça?! Ce n’est pas possible d’être à ce point nul en ponctuation. Tu prends des cours du soir pour t’emmêler autant avec les virgules? Tu sais qu’avec une grammaire pareille, tu pourrais facilement prétendre au poste de porte-parole des “gilets jaunes”?». La vache.
Penaud je file sans demander, mon reste et ma, chronique, pourtant, superbe, demeure vierge de toute correction au point où quand je l’envoie au secrétaire de rédaction lequel n’a pas son pareil pour traquer les fautes de ponctuation surtout quand elles n’existent que dans son imaginaire détraqué à l’image de son aversion pour les erreurs de syntaxe sans oublier les lourdeurs de style il n’y comprend goûte et me, convoque, derechef, pour, me passer un, savon, un drôle de, savon.
Oui un drôle, de savon!
Bérengère Viennot — 5 décembre 2019 à 8h06
[TRIBUNE] Cessez de faire la guerre à la langue, elle ne vous a rien fait.
Attachez vos ceintures, sortez les flingues, affûtez les couteaux: je vais vous parler d'écriture inclusive. Si vous êtes déjà sur le qui-vive rien qu'à l'idée, c'est que vous êtes membre (comme moi) du Landerneau intellectuel qui se déchire sur le point médian et autres accords de proximité et féminisation de noms de métiers.
À Slate, les consignes sont claires: après un essai de double flexion (les traducteurs et les traductrices...) et un consensus toujours d'actualité sur l'accord de proximité (...sont de plus en plus mécontentes...), le point médian a fait une entrée fracassante et non négociable (...de la décision du rédacteur en chef, prise après consultation des éditrices et au grand dam d'un certain nombre de pigistes agacé·es).
À mon sens, la féminisation des noms de métiers ne fait pas partie de l'écriture inclusive. En effet, dans «écriture», il y a (roulement de tambour) «écrit», or la féminisation des noms de métiers dans la langue française est un phénomène avant tout oral. C'est d'ailleurs bien pour cela qu'elle gagne du terrain, et à raison.
Cette évolution de la langue est le reflet d'une évolution sociétale; de plus en plus de métiers autrefois (presque) exclusivement masculins se sont ouverts aux femmes, et on assiste à une normalisation de l'égalité des fonctions dans le monde professionnel. C'est une nouveauté dont la langue se fait l'interprète: d'abord un phénomène se produit, puis naît un vocabulaire qui le désigne.
Il existe de plus en plus de femmes cheffes d'orchestre, magistrates ou, euh, entraîneuses... Quoi de plus logique que la langue suive le mouvement? Et on n'a pas eu besoin d'attendre l'autorisation de l'Académie française dont, il faut bien l'admettre, la plupart des gens se tamponnent le coquillard dans leurs communications verbales quotidiennes. Cette transformation, n'en déplaise aux immortels, est d'abord passée par l'oral, comme tout ce qui touche l'évolution de la langue.
Rappelons qu'avant l'invention de l'imprimerie (et même un bon moment après), la langue écrite (et ses éventuelles règles) était réservée à une minorité (principalement religieuse) et qu'elle concernait à peine la grande majorité de ceux qui la parlaient.
Les règles de grammaire et de syntaxe françaises sont un phénomène extrêmement récent, ce qui rend d'autant plus amusants les individus qui s'y accrochent comme des moules à leur bouchot pour justifier d'un éventuel retour à d'anciennes lois sages et forcément meilleures (c'était mieux avant).
L'être humain a environ quatre millions d'années. Les premières grammaires imprimées remontent au XVIe siècle de notre ère, soit un tantinet plus tardivement. Entre les deux, un bon paquet d'Homo sapiens (ou erectus, ou neanderthalensis, ou autres) ont dû joyeusement écorner les participes passés sans que ça les empêche de dormir ou de chasser le mammouth.
L'accord de proximité fait l'objet de moult débats entre linguistes de toutes chapelles quant à son usage en ancien français et français moderne et quant à sa potentielle légitimité dans le français d'aujourd'hui en fonction de son histoire réelle ou supposée –débats qui concernent les linguistes historiens et que je ne suis pas qualifiée pour trancher.
L'accord de proximité est à mi-chemin entre la féminisation des noms de métiers, avant tout orale, et le point médian, exclusivement écrit: il est réalisable dans le discours (mon père et ma mère sont mortes et enterrées; vous me mettrez un maquereau et une limande, bien grosses!), mais force est de constater que son usage n'est pas encore bien courant dans la vie de tous les jours.
Qu'il soit enraciné ou non dans l'histoire, l'accord de proximité présente le grand avantage d'être assez facilement escamotable quand on ne veut pas le pratiquer, puisqu'il suffit d'inverser les termes pour clore le débat sans trop dénaturer le propos.
Mais le point médian. Aaaah, le point médian.
Signe typographique uniquement réservé à l'écrit (mais si, regardez: lisez à voix haute «les rapports dont les infirmierères sont les auteurices ont été déclamés par des acteurices» devant d'autres francophones et filmez leurs réactions), le point médian est censé rétablir l'égalité entre les hommes et les femmes dans un monde lexical intoxiqué par la domination masculine.
Ce raisonnement, qui confond genre grammatical et sexe, implique que comme les êtres humains, les mots ont un sexe et que celui-ci est un reflet de la domination sociale exercée par les hommes sur les femmes dans notre société: il s'agit d'une anthropomorphisation de la syntaxe.
«Les mots tuent, c'est vrai, au même titre que les armes: s'il n'y a pas un être humain pour appuyer sur la détente, ils ne servent à rien et n'ont aucun effet.»
Les mots ont un sens, une force, un pouvoir: celui de détruire ou de déshumaniser, de créer, de rendre heureux ou malheureux, mais jamais hors de tout contexte. Les mots qui détruisent, que ce soit les insultes d'un mari maltraitant, d'un parent indigne ou d'un gardien de prison sadique, les mots qui construisent, que ce soit les mots d'amour d'une mère, d'un amant, d'une sœur ou les encouragements d'un professeur qui marqueront à vie, les mots qui jugent, dans un tribunal ou pendant le dîner familial à Noël, tous ces mots n'ont que la valeur qu'on leur donne.
Les mots tuent, c'est vrai, au même titre que les armes: s'il n'y a pas un être humain pour appuyer sur la détente, ils ne servent à rien et n'ont aucun effet.
Quant à l'écriture, comme l'explique Yuval Noah Harari dans Sapiens, il s'agit d'«une méthode de stockage de l'information à travers des signes matériels», c'est-à-dire que ce n'est que le moyen de représenter une réalité, un instrument au service du réel.
On m'opposera que certains mots sont sexistes («pute»), racistes («nègre»), homophobes («pédale»). Mais quand c'est un groupe féministe qui l'utilise (Ni putes, ni soumises), un Noir qui le revendique (Nègre je suis, nègre je resterai), un homosexuel qui se l'approprie (Pédale!), alors il en va tout autrement. De mots proscrits, ils deviennent des revendications acceptables, des appropriations positives qui visent à corriger un déséquilibre social en défaveur d'une minorité opprimée.
Parce qu'en réalité, ce ne sont pas les mots qui sont sexistes (ou racistes, ou homophobes), ce sont ceux qui les disent et les contextualisent. Les mots sont des outils et rien d'autre: avec des mots comme avec un marteau, on peut enfoncer un clou et construire quelque chose ou bien détruire quelqu'un en lui défonçant le crâne. Qui, dans ce dernier cas, aurait l'idée saugrenue d'accabler le marteau?
À l'image de l'artisan qui bichonne ses outils de travail, je suis une amoureuse fanatique des mots. J'ai mes préférés, parce qu'ils sont pratiques, qu'ils sonnent bien ou qu'ils m'aident à façonner des textes que je trouve beaux ou bien tournés. Il y en a que je n'aime pas du tout, souvent de façon très subjective, parce que je les trouve laids, mal fichus ou pas pratiques du tout, ou bien parce qu'ils déboulent dans une phrase comme un cheveu sur la soupe.
Mais je ne les accuse de rien: chaque fois que je les utilise, c'est moi qui parle, pas eux. Je m'en sers, je les manipule, je les tords parfois dans tous les sens; ce sont mes jouets, ma glaise, ma chose.
Si je décide d'écrire une phrase raciste ou diffamatoire ou révisionniste ou que sais-je encore, c'est moi qui devrai en assumer les conséquences, pas les auteurs du Grand Robert. Si j'écris une phrase très moche ou mal construite, il m'en sera fait le reproche à moi, pas aux outils dont je me serai servie. Je m'attache à ne jamais confondre le message avec le messager…
Les mots ne sont pas sexistes, ils sont vides tant qu'on ne les remplit pas de sens, et le recours au point médian ne va pas modifier la réalité de ceux qui le prônent et l'utilisent.
Le but du point médian est d'englober une certaine réalité dans un mot, mais si cette réalité existe déjà, il n'est pas besoin de tordre le mot et de défigurer un texte pour la rendre. Comme disait je ne sais qui (Guitry? Le pape?), «quand je dis les hommes, j'embrasse toutes les femmes». Blague à part, dans une société (on l'espère) de moins en moins sexiste, les mots et les structures qui existent déjà désignent la réalité telle qu'elle est.
Pour un Français en 1960, le mot «couple», c'était un homme et une femme, point final. En 2019, le mot couple désigne «deux personnes; un homme et une femme ou deux hommes ou deux femmes qui s'aiment» et personne n'a besoin de le préciser, parce que la part d'implicite est évidente pour tout le monde. La signification a évolué avec la société sans qu'on ait eu besoin de changer le vocabulaire.
De même, si autrefois «les dirigeants du monde occidental» ne faisait référence qu'à des hommes, la même proposition désigne aujourd'hui un groupe composé d'hommes et de femmes, et ce n'est pas nier cette réalité que de ne pas l'expliciter grammaticalement.
L'usage et le débat autour du point médian, phénomène élitiste s'il en est, concernent principalement ceux qui entretiennent un rapport quotidien à l'écrit en tant qu'outil professionnel: profs, journalistes, traducteurs, sociologues et autres intellectuels. Les infirmières, les réparateurs de bicyclette, les charcutières, les masseurs ayurvédiques et les plumassières (je vous avais dit que j'affectionnais certains mots plus que d'autres) peuvent s'y intéresser sans pour autant se sentir concernés dans leur vie quotidienne et sans en faire un cheval de bataille.
Vouloir l'imposer sous prétexte de changer la réalité est un geste politique réservé à un cercle assez fermé qui, s'il me fait parfois sourire malgré mon agacement, car il crée des textes tellement illisibles qu'il en décrédibilise souvent ses auteurs, déclenche souvent un léger frisson d'angoisse.
«Mettre la langue sur le banc des accusés et non les personnes qui agissent de façon discriminatoire, c'est se tromper de combat.»
Comme on l'a vu, c'est la réalité qui influence la langue, pas l'inverse. La normalisation du français par des instances supérieures, qu'elles soient formelles (l'Académie française) ou autoproclamées (les partisans du point médian), ça ne fonctionne pas. Ces instances ne peuvent qu'entériner les changements, pas les imposer, et c'est heureux.
Les seules occurrences où les règles sont mises au point de manière théorique pour être ensuite imposées dans l'usage, au forceps et de manière non organique, c'est dans le cadre (excusez-moi du peu) de régimes autoritaires ou qui ont des velléités de le devenir.
La novlangue de 1984 en est la parfaite illustration et elle a l'avantage d'être notoire, mais ce n'est pas qu'une fiction. Transformer les mots pour transformer la réalité est une démarche dangereuse, une entreprise qui à ma connaissance n'a jamais été sans arrière-pensée politique radicale. Réformer la langue pour transformer la réalité, c'est créer une réalité sémantique alternative virtuelle en souhaitant qu'elle se concrétise. Aïe.
Mais si c'est pour la bonne cause?, m'oppose-t-on. Certes, vouloir plus d'égalité entre les sexes est une bonne cause pour tout un tas de gens, mais d'une part, on n'est jamais sûr de rester du côté du manche quand on impose sa volonté sur une base doctrinaire, le retour de bâton peut être particulièrement violent, et d'autre part, il ne faut pas oublier que tout débat autour de la forme a tendance à éclipser le fond.
Lutter contre les discriminations est une bonne cause; mettre la langue sur le banc des accusés comme si c'était elle la coupable et non les personnes qui agissent de façon discriminatoire, c'est se tromper de combat.
Enfin, le dernier argument que j'opposerai à ce point médian qui m'agace tant (et, comble d'ironie, que l'on me reproche si souvent d'utiliser dans mes articles pour Slate alors qu'il est ajouté après coup à mon corps défendant), c'est celui qui m'est le plus cher, et le plus douloureux, celui que j'oppose à ma rédaction (je crie dans le désert mais il me reste du souffle): c'est une mutilation.
Tous les textes que j'écris et que je traduis –articles, livres, mails, SMS et sommations de vider le lave-vaisselle– sont composés avec un amour des mots que je ne trahis jamais.
Mon style n'est évidemment pas du goût de tout le monde, normal, mais je jure que jamais je n'écris au petit bonheur la chance. Tout est calibré, en fonction du moment, du lecteur, de l'âge de la capitaine, de l'équilibre des phrases, de la vitesse du vent, de la rythmique générale, de la musicalité de l'ensemble. Tantôt j'y mets des mots obscurs, tantôt j'y mets des mots abscons.
Et c'est toujours une œuvre d'art à mon humble niveau d'amatrice, toujours un hommage que je rends à ma langue que j'aime avec passion et qui me procure depuis l'enfance un plaisir infini. «Une bonne phrase de prose doit être comme un bon vers, inchangeable, aussi rythmée, aussi sonore», disait Flaubert.
Un point médian, un seul, et c'est toute la phrase qui se casse la figure. Des doublons en veux-tu en voilà, et c'est tout un paragraphe qui morfle. Le tout mélangé, et le texte perd son âme. C'est une forme de censure de l'esprit, d'atteinte à l'intégrité de l'esthétique de la pensée. En gros: c'est moche. Et ça, c'est tellement dur à avaler.
Lorsqu’il s’agit de lire ou de prendre des notes, papier et écran ne logent pas à la même enseigne. Lorsque nous lisons, si la longueur du texte ne dépasse pas une page ou, en d’autres termes, si le texte n’a pas besoin d’être déroulé à l’écran, il n’y a aucune différence de compréhension entre les deux supports.
Toutefois lorsque le texte dépasse les 500 mots, le recours aux outils de navigation entame la qualité de la compréhension.
Certaines études précisent toutefois que le papier et l’écran sont sur un pied d’égalité lorsqu’il s’agit d’évaluer la compréhension générale d’un texte, quelle que soit sa longueur, si on n’exige pas du lecteur de fournir un compte rendu détaillé ou nuancé. Cela est particulièrement vrai pour les adolescents confrontés à des textes longs et complexes.
Les avantages écologiques et pratiques de l’écran remportent de plus en plus de succès. De plus, ils ont beaucoup évolué au fil des ans, prenant progressivement l’allure d’une feuille de papier. Alors, comment expliquer l’avantage « cognitif » que semble conserver le support papier ?
Conceptualisation
Parmi les hypothèses avancées, voici celles qui sont les plus souvent invoquées. Sur papier, le texte est fixe. Cette fixité permet au lecteur de construire une représentation spatiale du texte qui sert de repères pour la mémoire. La répartition physique du texte sur le papier permet de naviguer à travers une cartographie de mots.
Subrepticement, l’écran se présente à l’utilisateur comme un outil doté d’une performance innée et rend le lecteur trop confiant face à ses capacités. Ainsi, la tâche lui semble facile, alors qu’inversement, le support papier est traditionnellement associé à un processus d’apprentissage plus ardu.
Qu’en est-il de la prise de notes ? Des expériences ont été menées pour y voir plus clair. Utiliser un portable permet d’enregistrer un plus grand nombre de mots que sur le papier.
La prise de notes sur portable s’apparente à une transcription ; alors que la prise de notes sur papier, plus courte, se concentre sur les concepts. Par conséquent, la prise de notes sur papier favoriserait le traitement des données.
Pour savoir à quoi s’en tenir, on a demandé à ceux qui ont pris des notes sur papier et à ceux qui ont pris des notes sur un portable de se soumettre à un examen trente minutes après la prise de notes.
S’agissant de données factuelles, ceux qui ont pris des notes sur un portable obtiennent une meilleure performance que ceux qui ont pris des notes sur papier. Par contre, lorsqu’il s’agit de mémoriser des données conceptuelles, ceux qui ont pris des notes sur papier surclassent de manière significative ceux qui ont pris des notes sur un portable.
Un nouveau test, réalisé cette fois-ci une semaine après, confirme cette tendance. Ceux qui ont pris des notes sur papier ont obtenu un meilleur résultat.
Il semblerait que la prise de notes sur papier facilite le traitement cognitif de l’information en sélectionnant les concepts les plus importants, en synthétisant et en transcrivant ces données dans leurs propres mots. La prise de notes sur papier favoriserait en quelque sorte la pensée critique.
Nos façons d'écrire évoluent avec le temps: elles sont conditionnées par les outils que nous utilisons.
L'entreprise Bic en fait régulièrement un argument de vente: les stylos aident à préserver l'écriture manuscrite, évidence bonne à rappeler. Le stylo à bille pourtant, derrière ses allures démocratiques et traditionnelles, pourrait bien être à l'origine du déclin de l'écriture cursive.
Son usage généralisé est relativement récent dans l'histoire de l'écriture manuscrite. En 1888, un tanneur américain, John Loud, brevète la première version du stylo à bille. Lacunaire, elle devient vite caduque, et d'autres brevets se succèdent à sa suite. Il faudra attendre 1938 pour que le journaliste hongrois László Bíró, aujourd'hui considéré comme l'inventeur du stylo-bille que nous connaissons, dépose son propre brevet.
Une nouvelle vedette dans le monde de l'écriture
La réussite de László Bíró tient au type d'encre que lui et son frère Georg élaborent: une encre épaisse à séchage rapide, inspirée de celle utilisée pour les impressions de journaux dans les presses de l'époque. À terme, ils modifient également le design du stylo, afin que celui-ci ne fuie pas –ou moins.
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Les hommes d'affaires ne tardent pas à flairer le marché. En France, l'industriel Marcel Bich rachète les droits du brevet, et bâtit sa fortune en commercialisant le produit à bas coût.
«Quand il arrive sur le marché en 1946, un stylo à bille se vend autour de 10$, ce qui correspond environ à 100$ aujourd'hui. La concurrence a fait baisser le prix de façon constante, mais la stratégie de Bich l'a tiré à ras du sol. Quand le Bic Cristal s'attaque aux marchés américains en 1959, le prix était tombé à 19 centimes le stylo. Aujourd'hui, le Cristal se vend à peu près au même prix, en dépit de l'inflation», écrit Josh Giesbrecht dans The Atlantic.
C'est un succès mondial. Le stylo à bille offre dès lors un outil de longue durée, à bas coût, et qui permet de remédier aux inconvénients du stylo à plume: plus de bavures importunes causées par une main maladroite, moins de fuites, moins fragile... la seule contrepartie, ce sera une pression supplémentaire de la main, pour appuyer la bille sur le papier. Peu à peu, l'apparition du stylo-bille allait modifier l'expérience physique de l'écriture.
Le faux procès du numérique
Dans son livre Apprenez à mieux écrire, Rosemary Sassoon relevait pour sa part que si le stylo-plume a naturellement tendance à produire une écriture attachée par la fluidité de l'encre, le stylo-bille, qui nécessite une pression plus forte et un angle de tenue plus haut et plus douloureux à long terme, pousse davantage aux lettres séparées.
L'idée la plus souvent convoquée pour expliquer le déclin de l'écriture cursive est pourtant l'arrivée des ordinateurs: ayant pris l'habitude du clavier et de son écriture tapuscrite, nous serions amenés à écrire de moins en moins, et l'écriture détachée aurait progressivement pris le pas sur l'attachée.
Les légendes des photos sont une partie importante du journalisme. Elles doivent être précises et informatives[1]. En fait, la plupart des lecteurs ont tendance à regarder les photos, puis les légendes avant de décider s'ils ont envie de lire l'histoire qui les accompagne[2]. Servez-vous de certaines astuces pour écrire une légende qui va intriguer les lecteurs et les amener à lire la suite.
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Apprendre les bases des légendes
Vérifiez les faits. Un des aspects les plus importants de tout type de journalisme est la précision. Si vous utilisez des informations incorrectes, l'histoire ou la photo perd de sa crédibilité. Avant de confirmer ou d'imprimer une légende sur une photo, vous devez vous assurer que tout ce que vous avez mis dedans est correct[3].
N'imprimez pas une légende incorrecte si vous avez du mal à vérifier les faits, que ce soit parce que vous ne pouvez pas trouver la source ou parce que vous devez rendre l'article au plus vite. Il vaut mieux que vous omettiez une information plutôt que d'en mettre une fausse.
Décrivez quelque chose qui n'est pas évident. Si la légende ne fait que décrire ce qu'il se passe sur la photo, elle est plutôt inutile. Si vous avez une photo d'un coucher de Soleil et si vous écrivez « un coucher de Soleil », vous ne donnez pas d'informations supplémentaires au lecteur. Essayez plutôt de décrire les détails qui ne sont pas évidents, par exemple le lieu, l'heure, la saison ou un évènement spécial qui se déroulait en même temps[4].
Par exemple, si vous avez une photo d'un coucher de Soleil, vous pourriez écrire la légende suivante : « Côte d'Azur, mars 2016, depuis la jetée du port de Toulon ».
Évitez aussi les termes comme « on voit », « il apparait », « au-dessus ».
Évitez certains mots au début. Une légende ne devrait pas commencer avec un article comme « un », « une », « le » ou « la » si c'est possible. Ces mots sont trop basiques et ils occupent un espace précieux dans la légende alors qu'ils sont parfois inutiles. Par exemple, au lieu d'écrire : « un geai bleu dans la forêt boréale », écrivez simplement : « geai bleu qui vole dans la forêt boréale[5] ».
Ne commencez pas non plus la légende avec le nom de quelqu'un, démarrez avec une description et incluez le nom à la fin. Par exemple, ne dites pas : « Jean Dupont dans le parc aux platanes », mais plutôt : « Parc aux platanes et Jean Dupont faisant son jogging ».
Lorsque vous identifiez quelqu'un dans la photo, vous pouvez aussi dire : « depuis la gauche ». Il n'est pas nécessaire de dire : « de la gauche vers la droite ».
Identifiez les personnages principaux. Si votre photo inclut des gens importants, vous devez les identifier. Si vous connaissez leurs noms, marquez-les (à moins qu'ils vous aient demandé de rester anonymes). Si vous ne connaissez pas leurs noms, vous pourriez plutôt décrire qui ils sont à la place (par exemple « manifestants dans les rues de Paris »[6]).
Même si cela va sans dire, vous devez vous assurer que les noms sont bien écrits et précédés du titre qui leur convient.
Si la photo présente un groupe de personnes ou des gens qui n'ont pas de rapport avec l'histoire (c'est-à-dire que leurs noms ne sont pas importants pour l'histoire), il n'est pas nécessaire de les nommer dans la légende[7].
Soyez le plus spécifique possible. Ce conseil va de pair avec le précédent à propos de la précision des informations. Si vous n'êtes pas sûr de l'endroit où ont été prises les photos ou des personnes qui se trouvent dessus, renseignez-vous. Si vous montrez une photo sans aucune information, cela pourrait ne pas être utile au lecteur, surtout si vous ne pouvez pas l'informer du contexte dans lequel la photo a été prise[8].
Si vous travailliez avec un autre journaliste sur l'histoire, vous pouvez le contacter pour lui demander plus d'informations.
Si vous essayez d'identifier une personne en particulier sur la photo, il pourrait être utile de décrire l'endroit où elle se trouve. Par exemple, si Jean Dupont est le seul avec un chapeau, vous pouvez dire : « Jean Dupont, dernière rangée avec le chapeau ».
Même s'il vaut mieux être précis, vous pouvez aussi tourner votre phrase pour qu'elle démarre avec quelque chose de général avant d'arriver à quelque chose de plus précis ou le contraire. Une de ces méthodes vous assure d'être suffisamment précis tout en créant des phrases faciles à lire[9].
Étiquetez correctement les photos historiques. Si vous utilisez une photo historique dans votre histoire, vous devez vous assurer de lui mettre une légende correcte et d'y inclure la date (au moins l'année). Selon la personne qui détient les droits de la photo, vous allez aussi devoir mentionner un autre photographe ou une autre institution (par exemple un musée, des archives, etc.[10])
Utilisez le présent dans vos légendes. Puisque la plupart des photos présentées aux informations font partie d'évènements qui se produisent en ce moment, utilisez le présent dans vos légendes. Les photos historiques sont une exception évidente à cette règle, car vous devriez utiliser le passé[11][12].
Un des avantages du présent est de pouvoir donner un sens d'immédiateté et d'augmenter l'impact de la photo sur le lecteur.
Évitez l'humour si ce n'est pas approprié. Si la photo que vous décrivez présente un évènement sérieux ou sombre, n'essayez pas de faire de l'humour. Les légendes amusantes ne doivent être utilisées que lorsque la photo est une blague ou un évènement amusant qui est fait pour faire rire le lecteur[13].
N'oubliez jamais les crédits et les citations. Chaque photo doit inclure le nom du photographe ou de l'organisme qui en possède les droits. Dans les magazines et les publications photographiques, les photos indiquent même des détails techniques relatifs à la prise (par exemple l'aperture, la vitesse, la lentille, etc.[14])
Lorsque vous écrivez les crédits, il n'est pas nécessaire de l'indiquer de manière évidente avec des mots comme « crédits à » ou « photo par » si l'information est présentée de manière consistante et compréhensible. Par exemple, vous pourriez les écrire en italique ou dans une police plus petite.
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Faire ressortir l'histoire avec la légende
Utilisez-la pour dire quelque chose au lecteur. Lorsqu'il regarde la photo, il va généralement ressentir certaines émotions et recevoir certaines informations (en se basant sur ce qu'il voit sur la photo). La légende, en retour, devrait lui donner des informations qu'il n'a pas vues lorsqu'il a regardé la photo. En clair, la légende est là pour apprendre quelque chose au lecteur à propos de la photo[15].
Elle doit intriguer le lecteur pour qu'il creuse plus loin dans l'histoire et recherche plus d'informations.
La légende doit aussi éviter de répéter des aspects de l'histoire. La légende et la photo doivent se compléter et éviter de répéter des informations.
Évitez les jugements. Les légendes doivent être informatives et elles ne doivent pas juger ou critiquer. À moins que vous ayez pu discuter avec les gens sur la photo pour leur demander ce qu'ils ressentent ou pensent, ne faites pas de suppositions en vous basant sur leur apparence sur la photo. Par exemple, ne dites pas : « clients mécontents qui font la queue » à moins que vous soyez sûr qu'ils étaient mécontents[16].
Le journalisme est fait pour être objectif et informatif pour le lecteur. Les journalistes sont censés présenter les faits d'une manière objective et permettre aux lecteurs de se faire leur opinion.
Ne vous inquiétez pas de la longueur. Une photo peut en dire plus que des centaines de mots, mais parfois quelques mots sont nécessaires pour mettre la photo dans son contexte. Si une description longue est nécessaire pour donner du sens à la photo, ce n'est pas un problème. Même si vous voulez être le plus clair et le plus bref possible, ne limitez les informations que vous mettez dans la légende si elles peuvent être utiles[17][18].
Écrivez dans un langage du quotidien. Le journalisme en général n'a pas besoin de langage trop compliqué. Mais il n'utilise pas non plus de clichés ou d'argot. Les légendes doivent suivre les mêmes conditions de base. Écrivez vos légendes dans un langage de la vie de tous les jours, comme vous parleriez à votre famille en leur montrant la photo en question. Évitez les clichés et l'argot (ainsi que les acronymes). N'utilisez pas de mots compliqués s'ils ne sont pas nécessaires[19].
Si la photo s'accompagne d'une histoire, essayez d'utiliser le même ton dans la légende que celui utilisé dans l'histoire[20].
Incluez des éléments moins importants. Les histoires qui accompagnent les photos ont tendance à parler de quelque chose en particulier et évidemment, à raconter une histoire. S'il y a une information utile pour comprendre la photo, mais si elle n'est pas nécessaire pour raconter l'histoire, mettez-la dans la légende au lieu de la mettre dans l'histoire[21].
Cela ne veut pas dire que les légendes ne sont utilisées que pour y mettre des informations inutiles, mais plutôt des éléments qui ne sont pas essentiels au reste de l'histoire. Voyez la légende comme une petite histoire qui inclut des éléments utilisés à l'intérieur de l'histoire elle-même.
Une fois de plus, vous devez vous souvenir que la légende et l'histoire doivent se compléter l'une l'autre. Évitez les répétitions.
Déterminez la ponctuation à utiliser. Si la photo représente simplement une personne (par exemple un portrait) ou si c'est une photo d'un objet en particulier (par exemple un parapluie), vous pouvez mettre le nom de la personne ou de l'objet dans la légende sans aucune ponctuation. Dans d'autres cas, vous pouvez utiliser des phrases incomplètes, mais cela va dépendre de la publication et des conditions qu'elle pose[22].
Voici un exemple de légende sans ponctuation : « Toyota 345X boite manuelle ».
Voici un exemple qui illustre la différence entre une légende complète et une légende incomplète : « l'actrice Ann Levy fait un tour en Acura 325 sur le circuit de test britannique à Londres » (complète), « Tour en Acura 325 » (incomplète).
Simplifiez les descriptions dans les autres légendes. S'il y a plusieurs photos dans la même histoire qui montrent le même lieu, la même personne ou le même évènement, il n'est pas nécessaire de répéter les mêmes détails dans chaque légende. Par exemple, si vous présentez la personne dans la première légende en utilisant son nom complet, vous pouvez ensuite vous y référer par son nom de famille dans le reste des légendes[23].
Vous pouvez supposer que le lecteur a vu la photo et lu la légende des photos précédentes, car vous avez probablement choisi un certain ordre pour raconter l'histoire.
Vous pouvez aussi éviter de mettre trop de détails dans la légende si l'histoire elle-même donne déjà beaucoup de détails. Par exemple, si l'histoire raconte les détails de l'évènement, vous n'avez pas à répéter ces détails dans les légendes.
Indiquez les photos retouchées. Les photos peuvent parfois être élargies, réduites ou coupées pour s'adapter à une situation, une histoire, une page, un espace, etc. Ce genre de changement ne doit pas être expliqué, car il ne change pas ce qui apparait sur l'image. Cependant, si vous avez modifié la photo d'une autre façon (par exemple en changeant la couleur, en supprimant un élément, en en ajoutant un autre, en mettant en valeur un élément, etc.), vous devez l'indiquer dans la légende[24].
Il n'est pas nécessaire d'indiquer clairement ce que vous avez changé, mais vous devriez au moins le mentionner.
Cette règle s'applique aussi aux méthodes photographiques comme des prises de vue à intervalle régulier, etc.
Envisagez d'utiliser une formule de légende. Jusqu'à ce que vous preniez l'habitude d'écrire des légendes, vous devriez commencer avec une certaine formule. Éventuellement, vos légendes vont commencer à suivre cette formule ou quelque chose de similaire sans que vous ayez à y penser. Mais jusqu'à ce que cela devienne automatique, vous devez suivre la formule pour vous assurer d'inclure les éléments nécessaires[25].
Voici un exemple de formule : [nom] [verbe] [objet direct] pendant [nom de l'évènement] à [nom du lieu]à [ville] le [jour de la semaine], [date] [mois], [année]. Vous pouvez aussi ajouter la raison ou la manière de ce qu'il s'est passé.
Voici un exemple écrit avec cette formule : « les pompiers de Dallas (nom) luttent (verbe au présent) contre un incendie (objet direct) qui s'est déclaré à la mairie (lieu) de Dallas (ville) le jeudi (jour de la semaine) 1er (date) juillet (mois) 2004 (année) »[26].
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Éviter certaines erreurs
Évitez d'être arrogant. L'arrogance dans les légendes est le fait des journalistes qui les écrivent sans se soucier de leurs lecteurs ou qui se contentent de quelque chose de facile à écrire. Cela pourrait sembler égoïste, car l'auteur se soucie plus de lui-même que des lecteurs qui essayent de déchiffrer ce que la photo et l'histoire racontent[27].
Cela peut aussi se produire lorsque l'auteur essaye une nouvelle technique ou quelque chose d'intelligent pour se faire bien voir. Il n'est pas nécessaire de faire compliqué. Gardez les choses simples, claires et précises.
Évitez les suppositions. Dans le journalisme comme dans la vie de tous les jours, les suppositions sont une mauvaise chose. Elles pourraient se produire au niveau du journaliste, du photographe ou même de quelqu'un au journal au moment où l'article est mis en place. Ne faites pas de suppositions à propos de ce qu'il se passe sur la photo et des individus qui se trouvent dessus. Trouvez la vérité et ne tirez que des conclusions sures[28].
Il en va de même pour le style et le format. Si vous n'êtes pas sûr du format demandé par la publication, posez la question. N'en utilisez pas un que vous aimez qui devra être complètement changé plus tard parce que vous n'avez pas pris la peine de poser la question.
Ne vous relâchez pas. Cela se produit lorsque vous ne vous souciez pas de ce que vous faites ou lorsque vous ne trouvez pas que la situation est assez importante pour vérifier vos informations. Le résultat de ce comportement pourrait se manifester sous forme de fautes d'orthographe, de noms erronés, de légendes qui ne correspondent pas aux photos, de photos qui ne correspondent pas à l'histoire, etc. Si vous êtes fier de votre travail, faites de votre mieux du début à la fin[29].
Cela peut aussi se produire lorsque quelqu'un essaye d'utiliser une autre forme de langage dans la légende et ne vérifie pas si elle a été bien écrite. Google Translate ne va pas vous aider à vérifier que vous avez bien écrit la légende !
N'oubliez pas que la légende est un fait. En tant que journaliste, tout ce que vous écrivez, que ce soit dans l'histoire ou dans la légende, est considéré comme un fait par vos lecteurs. Ils supposent légitimement que vous avez fait vos recherches et que ce que vous dites est juste. Si vous avez été trop paresseux ou laxiste pour faire le travail, vous risquez de rapporter des informations incorrectes à de nombreuses personnes[30].
N'oubliez pas aussi qu'une fois que l'information se retrouve « dans la nature », il va être difficile de la corriger. C'est d'autant plus difficile si l'information est liée à un évènement tragique, stressant ou qui n'est pas encore terminé.
Conseils
La photo et la légende doivent se compléter. Elles doivent raconter une histoire ensemble. Vous devriez éviter les répétitions. Une légende devrait expliquer ce qu'il se passe, quand et où. La photo devrait surtout provoquer une réaction émotionnelle[31].
Selon les journaux, les légendes peuvent porter d'autres noms.
Les légendes des photos de National Geographic sont un bon exemple de légendes de photojournalisme. Il est célèbre pour la qualité de ses photos, mais la plupart d'entre elles dans le magazine incluent une histoire. Cependant, la plupart des lecteurs ont tendance à regarder la photo en premier, à lire la légende, à regarder la photo une deuxième fois avant de décider s'ils veulent lire l'histoire. Une bonne légende devrait permettre au lecteur de prendre la décision après avoir regardé la photo de lire l'article.
En tant que photographe, vous devez toujours avoir un carnet et un crayon sur vous pendant que vous prenez des photos. Servez-vous du temps entre chaque prise ou pendant que vous attendez un certain sujet pour noter le nom des gens sur les photos avec la bonne orthographe[32].
Avertissements
Lorsque vous écrivez des légendes, réfléchissez à celles que vous avez lues et qui vous ont embrouillé. Par exemple, certains organes de presse utilisent des photos générales pour illustrer une histoire parce qu'ils n'ont pas de photos de l'évènement. Même si ce n'est pas un problème en soi, il devrait être indiqué que la photo ne représente pas l'évènement tel qu'il s'est produit.
Sources et citations
↑ http://www.poynter.org/2002/hot-tips-for-writing-photo-captions/1753/
↑ http://nwscholasticpress.org/2012/09/30/follow-these-simple-techniques-to-write-the-perfect-caption-every-time-to-intrigue-inform-readers-2/
↑ http://www.poynter.org/2002/hot-tips-for-writing-photo-captions/1753/