Initialement prévue pour être une œuvre en deux parties, le « Dune » de Denis Villeneuve pourrait bien avoir droit à un 3e volet adapté du roman « Le Messie de Dune ».
Par Loïse Delacotte
TRILOGIE - Voilà une nouvelle qui permet d’apaiser un peu la tristesse des fans de Dune. La sortie de Dune : Deuxième Partie a été reportée au mois de mars 2024 en raison de la grève à Hollywood qui continue de secouer le milieu du divertissement. Mais les amateurs de science-fiction vont pouvoir trouver du réconfort malgré tout. Dans une interview avec le magazine spécialisé Empire, Denis Villeneuve a fait une révélation réjouissante au sujet de son œuvre. Le réalisateur a confié qu’il envisageait une suite. « Si je parviens à faire une trilogie, ce serait un rêve ».
Celles et ceux qui ont lu la saga Dune de Frank Herbert savent qu’elle s’étend sur de nombreux tomes. En effet, la suite directe de Dune est intitulée Le Messie de Dune et suit toujours le destin de Paul Atréides. La matière existe donc, et Denis Villeneuve envisage déjà de la travailler à sa façon. « Le Messie de Dune a été écrit pour corriger le tir car les gens percevaient Paul Atréides comme un héros. Alors que ce n’était pas l’objectif premier. Mon adaptation de Dune est donc un peu plus fidèle à sa vision, et sert d’avertissement. »
Ce 3e volet de Dune est corrélé au succès de Dune : Deuxième Partie au box-office lors de sa sortie dans quelques mois. Mais s’il obtient un feu vert des studios pour lancer Le Messie de Dune, ou Dune : Troisième Partie, Denis Villeneuve ne partira pas d’une page blanche, comme il l’a confié à Empire. « Je peux simplement vous dire, qu’il y a déjà des mots écrits sur une page… » .
Quid du destin du personnage principal incarné par Timothée Chalamet dans l’adaptation de Denis Villeneuve, le mystérieux Paul Atréides ? Attention, si vous n’avez pas lu les romans de Frank Herbert et souhaitez garder le suspense, arrêtez votre lecture.
S’il respecte la trame des livres, ce 3e film, encore hypothétique, suivrait le destin de Paul devenu l’empereur Muad’Dib et régnant sur l’univers et l’épice. Le guerrier (qui peut voir l’avenir) n’est pas au bout de son combat puisque ses adversaires vaincus feront tout pour le destituer : la Guilde, les Bene Gesserit, l’ancienne maison impériale. Pour ce faire ils s’attaqueront à ce que Paul a de plus précieux, sa famille, et notamment sa compagne Chani, incarnée par Zendaya dans les films. Et leur histoire ne s’arrête pas là, puisqu’après leur disparition, ce sont leurs enfants Leto et Ghanima qui reprennent le flambeau… Denis Villeneuve est-il prêt pour un Dune : Quatrième Partie ? Nous, oui.
L'actrice française rejoint Timothée Chalamet, Zendaya, Christopher Walken et Austin Butler à l'affiche du deuxième volet réalisé par Denis Villeneuve.
Par Sarah Deslandes
CINÉMA - Un casting de haut vol se dévoile peu à peu pour Dune: partie deux. Léa Seydoux rejoint Timothée Chalamet et Zendaya à l’affiche de la suite du premier volet réalisé par Denis Villeneuve, annonce la presse américaine ce mardi 21 juin.
L’actrice française jouera le rôle de Lady Margot, qui n’est pas apparu dans le premier film mais qui est bien présent dans les romans de Frank Herbert. Dans les livres, ce personnage est une Bene Gesserit, une membre de la Communauté des sœurs. Le couple qu’elle forme avec le compte Hasimir Fenring est particulièrement influent auprès de l’Empereur Shaddam IV.
Dune: partie deux s’ajoute donc à la longue liste des apparitions internationales de Léa Seydoux. L’actrice a notamment joué aux côtés de Daniel Craig dans Mourir peut attendre, et Tom Cruise dans Mission Impossible et a également tourné dans Inglourious Basterds, The French Dispactch ou encore The Grand Budapest Hotel.
Léa Seydoux n’est pas la seule nouvelle recrue de la franchise Dune. En mai dernier, le nom du légendaire Christopher Walken a été annoncé pour le rôle de l’empereur Padishah Shaddam IV. Bien qu’il n’apparaisse pas dans le premier volet, il s’agit d’un personnage clé dès le début de l’histoire puisque c’est lui qui envoie la maison Atréides dans une mission vouée à l’échec sur la planète Arrakis.
On retrouvera également Austin Butler, actuellement en tête d’affiche d’Elvis. Dans Dune: partie deux, il sera Feyd-Rautha Harkonnen, l’héritier présumé de la dynastie Harkonnen et rival de Paul Atréides (Timothée Chalamet). Florence Pugh (Black Widow), interprètera, elle, la fille de l’empereur, la princesse Irulan.
La première partie de Dune a généré 400 millions de dollars à sa sortie en septembre 2021. Le film a remporté six Oscars en mars dernier, dont celui des meilleurs effets visuels, et de la meilleure musique pour la bande originale composée par Hans Zimmer.
Le tournage de la suite n’a pas encore débuté mais sa sortie en salles est prévue pour octobre 2023.
CINÉMA - Lorsqu’on adapte une œuvre, il faut s’attendre à voir déferler les hordes de fans, quel que soit le soin avec lequel on a travaillé: ce sera forcément le cas du film Dune, basé sur l’œuvre monumentale de Frank Herbert, sorti en salles le 15 septembre et diffusé sur Canal+ ce vendredi 20 mai. Je suis bien placé pour en témoigner: je fais partie de la horde. Mais Denis Villeneuve a manifestement travaillé, donnant un écrin à 165 millions de dollars réussi aux aventures de Paul Atréides. Et me contenter, moi, c’était mettre d’accord à peu près toutes les étapes de ma vie.
J’avais neuf ans lorsque j’ai découvert Dune, à l’époque d’assez loin. Mon frère plus âgé les dévorait, et habitant le lit au-dessus du mien, ses livres, ou du moins leurs couvertures passaient, immanquablement devant mes yeux. Je fixais les illustrations, et les connaisseurs vont le diront: lorsque l’on arrive aux alentours du troisième tome, les portes de l’étrange ont été franchies. Cette étrangeté, elle est partout dans le Dune de Villeneuve. On est jamais tout à fait à son aise, et c’est très bien: on n’est pas sur Terre, on n’est pas chez soi. Rien n’est censé être familier.
À treize ans, j’ai donc relevé le défi, et attaqué le fameux cycle, pour caler assez tôt dans les étapes de montagne. Que les connaisseurs me pardonnent: dans les sept tomes du cycle de Dune, il y a un roman d’aventures qui en épuise deux, puis une réflexion philosophico-politique qui s’installe dans les cinq suivants. J’ai eu beau arriver au bout, les derniers milliers de pages étaient arides.
Assez logiquement, le film adapte le tout début de la saga, le premier tome, qui tient plus du livre d’aventure. Il réussit à faire assez peu d’impasses sur la richesse de ce monde, son vocabulaire, mais réussit à rester palpitant. Au fond, il reste focalisé sur l’essentiel: un désert gigantesque, l’affrontement sanglant de deux familles, et au milieu, des hommes qui survivent à un milieu absurdement hostile. Ce sont d’ailleurs ces éléments-là qui ont fait le succès de Dune ailleurs qu’en librairie.
J’avais beau mordre la poussière avec les bouquins, mon père avait installé les jeux vidéo Dune 1 et 2 sur notre PC familial, et c’était fantastique. Je jouais, mon père jouait, nous bottions les fesses de l’empereur Shaddam Corrino IV: les subtilités du livre m’échappaient certes un peu, mais avec les jeux, j’étais transporté.
Faut-il vraiment respecter une œuvre au détail près pour lui montrer qu’on l’aime à la folie? Dans le film de Villeneuve, les hommes en vadrouille dans le cagnard implacable du désert ont souvent la tête entièrement découverte, une véritable sentence de mort sur la planète Arrakis. Mais le cinéma exige qu’on voie régulièrement la bouille de Timothé Chalamet: ainsi soit-il. Il faut parfois faire des compromis sur les détails, qu’on soit Denis Villeneuve ou Matthieu Balu à 13 ans.
À quinze ans, dans l’été qui séparait ma seconde et ma première, j’ai relu la saga, et l’extase littéraire et intellectuelle s’est produite. La température de ma chambre y était pour beaucoup, en cette canicule de 1999, mais cette fois, j’y étais. Je vivais la prise du pouvoir des Atréides, la bataille de l’épice, j’exultais de lire la puissance des Fremen, je souffrais avec Paul, je devenais monstrueux avec l’empereur-Dieu, je comprenais son projet, et le tome d’après j’épousais la révolte de ses opposants. C’était ébouriffant.
Sur grand écran, ce premier volet, qui pose les bases d’une histoire ultra-riche, ne surjoue pas le côté café philo, et c’est tant mieux. On se laisse emporter, oubliant même l’emphase lourdingue de certains dialogues: après tout, Dune ressemble beaucoup plus à Star Wars que les fans ne voudront jamais l’avouer.
Avec la passion, la vraie, commence la longue tragédie de ne pouvoir communiquer ce que l’on a ressenti. Alors au lycée,en bon moine-soldat, j’entamais une quête perdue d’avance. À la place de Slipknot gravé au tipex sur mon sac à dos, j’avais stabiloté une phrase sur la couverture de mon agenda:“Recherchez la liberté et devenez esclave de vos désirs. Recherchez la discipline et trouvez votre liberté.” Certes, c’est complètement gênant une fois sorti du cadre de Dune, franchement réac aussi, mais je vous incite à vous replonger dans vos propres agendas d’ados.
Parler de Dune à mes amis était un exercice rendu périlleux par l’impératif de simplifier, toujours simplifier, pour donner envie. Denis Villeneuve, lui, a carrément gommé l’un des personnages les plus vils de Dune, Feyd-Rautha Harkonnen, sans doute avec le même objectif que moi. Je dois avouer qu’il m’a manqué.
Deux ans plus tard, nouvelle lecture sérieuse. Il était l’heure de m’apprendre la politique. Un bon livre de science-fiction, c’est souvent un manuel de sciences po à peine déguisé. Avec Dune, quelques grandes familles s’affrontent dans le silence intergalactique, avant une dictature sanguinaire à mi-chemin entre le califat, la cour de Louis XIV et le 3e Reich. En bref, ce n’est pas vraiment Borgen.
J’ai d’ailleurs appris, en écrivant ce texte, que les fascistes aimaient beaucoup Dune, cette saga pensée avant tout comme une fable écologique. Sur cet aspect, le film est quasi-irréprochable. Villeneuve a préservé tous les éléments qui font de cet univers une poudrière complexe où s’affrontent des visions du monde.
À moins bien sûr que l’on voie un problème dans le fait d’avoir féminisé un personnage de cet échiquier. Liet-Kynès, l’écologiste de Dune, l’idéaliste du désert, le remède à la force brute, est en effet incarné à l’écran par Sharon Duncan-Brewster. Mais je cherche encore quel mal à l’œuvre originale pourrait bien faire ce changement. Dans Dune, le genre est extrêmement important pour une poignée de personnages, et absolument sans intérêt pour tous les autres.
À 17 ans, je m’inscrivais pour la première fois sur un forum de discussion, et prenais, évidemment, le nom de l’un des héros du livre. À ce point du récit, je ne vais donner ni le nom du site, ni mon pseudo-enthousiaste: internet n’oublie jamais, une petite recherche sur le Wayback machine vient de me le démontrer, et il y a un niveau de gêne que je ne suis pas encore prêt à affronter.
Côté études, ma décision était prise depuis assez longtemps. Le livre, c’était moi. J’allais faire ma thèse universitaire dessus: peu importait l’angle, le sujet précis. Comme toujours, je voulais expliquer à tous ceux qui voulaient l’entendre pourquoi la saga était géniale - mais cette fois j’allais utiliser des méthodes d’adulte, en bon homme mûr que j’étais devenu. J’écrirais un pavé de doctorat sur Dune. Ça ne s’est pas fait. Pas le temps, sûrement.
Un an plus tard, nouvelle lecture. Là franchement, c’était trop. Après la philo, la politique, je me souviens que mes 18 ans furent ceux d’une lecture...amoureuse, les hormones y étaient sans doute pour beaucoup. J’étais fasciné par la tension sexuelle entre les personnages, ce qui, il faut l’avouer, est plutôt étrange. Plusieurs couples se font et se déchirent dans Dune, mais peu de gens décriraient l’œuvre d’Herbert comme romantique, ou même empreinte qu’un quelconque sentimentalisme. Vraiment pas, vraiment pas du tout, mis à part le très émouvant post-scriptum de Frank Herbert en hommage à sa femme éteinte.
Je ne crois pas non plus que ce soit la force de ce long-métrage. La relation entre Jessica et son fils Paul, la plus ambiguë, tient plus du boulet que du ressort dramatique. Le reste est très classique: Paul admire son père (Oscar Isaac, tellement beau), Paul admire son mentor (Jason Momoa, tellement costaud), Paul rêve parfois de sa promise (Zendaya, tellement Zendaya)...ces moments-là sont justement les plus familiers, les plus interchangeables avec n’importe quel autre film hollywoodien.
J’ai quand même réussi à associer Dune à ma vie sentimentale: l’une des tables de mon mariage en porte le nom. Celle, évidemment, où était placé mon frère. Cet hommage-là était plutôt facile: on avait choisi des titres de livres comme thématique. Une autre, comme les fromages, aurait demandé plus d’imagination.
Depuis, Dune reste dans ma bibliothèque, trône souverainement comme un totem, transféré d’appartement en appartement. Comme on exposerait ses premiers X-men, sa collection complète de Friends en VHS ou de Naruto en Manga. Aujourd’hui, ce n’est plus ma bible, mon livre de philo, de politique, ou d’art amoureux (je ne suis toujours pas bien sûr, là, de ce qui s’est passé). C’est un élément de ma culture. C’est aussi ce qui fait qu’un fan inconditionnel, un otaku, un nerd, aura toujours ma sympathie. Denis Villeneuve, tu as donc toute ma sympathie.
Certains en sont à leur quatrième fois. Plus d’un mois après sa sortie en France le 15 septembre, le cycle poursuit son cours. Dès sa première semaine, Dune (2021), toute dernière création de Denis Villeneuve avec, à l’affiche, Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson ou encore Oscar Isaac, attire plus d’un million de spectateurs, surpassant le blockbuster Marvel Shang-Chi ainsi que Bac Nord.
Plus de 50 ans après la publication du roman éponyme de Frank Herbert (Dune, 1965) et 36 ans après l’adaptation de David Lynch (Dune, 1985), Denis Villeneuve explore les enjeux d’une œuvre mythique pour une société plus que jamais concernée par la notion de crise.
Décrit comme « le meilleur démarrage depuis le début de la pandémie en mars 2020 », le film de science-fiction américano-canadien retrace le parcours de Paul Atréides, descendant aux allures messianiques chargé de rejoindre Arrakis, planète où les périls et les conflits avec les nations ennemies sont omniprésents, afin d’y exploiter une ressource essentielle à la survie des siens : l’« Epice ».
Celle-ci rend possibles à la fois la navigation interplanétaire et la confection d’explosifs ou de papier. L’Épice confère par ailleurs à ceux qui l’ingèrent d’étranges pouvoirs et le sens du mystère que cultive le récit est notamment fondé sur une onomastique (noms propres) à la fois réaliste et dépaysante faisant voyager à travers une épopée entièrement fictive.
Quelques critiques négatives reprochent toutefois à Dune son atmosphère « glacée ». Face au désintérêt de certains spectateurs peu satisfaits de la progression de l’intrigue, du manque d’émotivité ou d’action, Denis Villeneuve répond par une critique des films de l’enseigne Marvel, qu’il qualifie de « copier-coller » peu novateurs.
Il est indéniable que le format privilégié par Denis Villeneuve, soit un film en deux volets (séparés par deux ans d’attente) pose un problème structural de taille : comment satisfaire le public avec un premier volet nécessairement inachevé puisqu’il n’est qu’une première moitié ? Certains reprochent à la fin du premier volet de Dune l’absence d’une véritable conclusion, fût-elle temporaire. Celle-ci aurait-elle permis aux spectateurs de patienter plus sereinement jusqu’à la sortie du prochain volet ?
Le premier opus du Seigneur des Anneaux avait, sans conteste, davantage soigné le rythme structural de la trilogie, consistant originellement en une trilogie. Mais le sens de la conclusion n’est justement pas l’enjeu principal du premier volet de Dune, caractérisé par le mystère autant que par un sens de l’ouverture et du potentiel.
Partagé entre traditions primitives et visions futuristes, Dune est une œuvre universelle qui tend à rassembler ses spectateurs autour d’une lutte commune. Adultes comme enfants pourront voyager dans ce monde immersif où la beauté des paysages n’a d’égal que la cruauté d’habitants hostiles et divisés – les conflits demeurant adoucis, voire poétisés par le réalisateur qui précise avoir voulu créer « le film le plus populaire possible. Un film pour tous », et ce, au même titre que le roman de Frank Herbert dont il s’inspire.
En dépit des quelques objections formulées à l’encontre du film, critiques et spectateurs se plaisent à établir une analogie entre l’esthétique de Dune et celle de La Guerre des Étoiles ou encore du Seigneur des Anneaux. Dune partage à cet égard bien des points communs avec la saga Star Wars qui, dès le premier opus de 1977, n’avait pas manqué d’indigner l’auteur américain, Frank Herbert, qui renonça de peu d’intenter un procès pour plagiat contre George Lucas.
En témoignent, sous l’impulsion de Villeneuve, les paysages désertiques et minimalistes d’Arrakis, évoquant ainsi Tatooine (cité fictive de Star Wars inspirée de la ville tunisienne de Tataouine) ; l’ordre du « Bene Gesserit » rappelle l’ordre Jedi (capacités mentales hors du commun, longues toges cérémoniales, etc.). Bien des personnages issus des deux sagas semblent revêtir plus que de simples similitudes, George Lucas s’étant inspiré du roman de Herbert au préalable : il est aisé d’établir un lien entre les Fremens de Dune et les Tuskens de La Guerre des Étoiles, entre Vladimir Harkonnen et Dark Vador, entre Paul Atréides et Luke Skywalker, ou encore entre les deux Empires respectifs, au pouvoir excessif et inique.
Bien que divergeant des productions de type Marvel, Dune offre à l’écran une qualité d’image particulièrement poétique. Les images haute résolution sont partagées entre des plans panoramiques épurés où les espaces géographiques et les costumes sont légion, et des gros plans étayant l’identification du spectateur grâce aux portraits mi-réalistes, mi-fantaisistes des personnages du récit.
Les images époustouflantes de Dune sont accompagnées de sons inouïs qui compensent, à bien des égards, le manque de scènes d’action ou encore la faible émotivité des personnages. Les émotions se retrouvent notamment disséminées dans le lyrisme musical de certains titres tels qu’« Eclipse » (thème principal notamment utilisé pour la bande-annonce) ou dans la dimension épique des autres.
Intitulée The Dune Sketchbook et signée Hans Zimmer (à qui l’on doit les musiques de Tenet ou encore de la trilogie Batman de Christopher Nolan), la bande originale du dernier film de Villeneuve répond à un souhait du compositeur allemand de « créer un nouveau langage musical [et] un paysage sonore inédit », lequel serait ancré dans une « dimension spirituelle et sacrée » destinée à évoquer un sentiment mystique : c’est effectivement le rôle des tambours et des cymbales aux résonances épiques, des voix de chorale litaniques (répétitives et parfois murmurées à l’instar de la prière), des instruments à vent langoureux issus de gammes lyriques aux accents du désert oriental, ou encore des phrasés mélodiques plus froids aux allures de plain-chant (chant religieux médiéval a cappella).
C’est plus précisément l’association de textures visuelles et sonores qui confère à Dune cet équilibre exquis ayant conquis le public. Parfaitement accordées aux images qu’elles théâtralisent, les tonalités du célèbre titre « Paul’s Dream » sont si riches qu’elles en deviennent tactiles tant elles caressent l’oreille. Les amateurs de basses fréquences seront enchantés par les résonances offertes par le son IMAX, qui permet une meilleure spatialisation des sons se baladant alors, dans la salle obscure, de gauche à droite et de bas en haut. Notons qu’en attendant les prochaines innovations de l’artiste, on peut écouter la BO de Hans Zimmer pour le film James Bond : No Time to Die.
Dune fascine et ce n’est pourtant que le premier volet d’une saga qui s’achèvera probablement en 2023, avec un second opus dont le tournage est imminent (2022). Le réalisateur annonce que la suite constituera « un incroyable terrain de jeu. Un pur plaisir cinématographique. ». Sous réserve de son succès dans les salles américaines et sur la chaîne HBO Max (pour une sortie prévue le 22 octobre uniquement), Denis Villeneuve confirmera rapidement le tournage de la suite.
En attendant, outre l’adaptation de David Lynch (Dune, 1985), la lecture du roman de Frank Herbert permettra aux spectateurs de patienter quelque peu tout en se plongeant de nouveau dans l’univers unique imaginé par l’auteur.
Divertir et édifier
Publié en 1965, Dune est un roman de science-fiction de l’auteur américain Frank Herbert, qui n’a pas tant souhaité prédire avec justesse un avenir dystopique, notamment sur le plan écologique, qu’explorer les multiples périls potentiels auxquels les humains pourraient être confrontés plus tard (« Il n’y a pas d’échappatoire. Il faut payer le prix pour la violence de nos aïeux »).
C’est précisément ce qu’offrent les œuvres de fiction, destinées aussi bien à divertir qu’à édifier, et ce, en littérature comme au cinéma. Les années 60, aux États-Unis, sont celles d’une prise de conscience des dangers environnementaux et sociaux, dans un contexte d’après-guerre où le nucléaire est en constante expansion.
Dans sa saga, Frank Herbert s’attache à étudier le comportement des êtres vivants face à une adversité aussi bien naturelle et écologique que sociopolitique, et l’on s’aperçoit qu’en 2021, avec l’adaptation de Denis Villeneuve, ces prédictions étaient fondées : la foi religieuse et ses possibles excès, la question du genre et le pouvoir unique des femmes (avec l’ordre des « Bene Gesserit »), la relation entre un dirigeant et son peuple, l’union et la trahison, l’amour et la folie constituent autant de préoccupations au cœur de la modernité.
L’absence de machines (ordinateurs, robots, etc.) permet au récit d’offrir un portrait universel de peuples divisés luttant pour leur survie mais également pour le pouvoir : « On utilise le pouvoir en le tenant avec légèreté. Si on le serre trop fort, on est pris par lui, on en devient la victime ». Sans machine, l’homme a dû s’adapter et évoluer de diverses manières : grâce à leurs capacités mémorielles, mathématiques et cognitives hors du commun, les « Mentats », à titre d’exemple, ont pour tâche de prodiguer des conseils notamment stratégiques aux « Grandes Maisons », remplaçant ainsi les ordinateurs et étayant le goût du public pour les héros dotés de capacités hors normes.
C’est, somme toute, l’originalité du film de Villeneuve qui justifie sa réception, certes polarisée mais dynamique, comme le retranscrit cette critique du Monde :
« Le cinéaste fait de la saga de science-fiction une tragédie futuriste à l’esthétique très réussie. Loin des blockbusters, il a su imposer un monde qui, en dépit de sa grande violence, relève d’une esthétique du retrait. »
Dune, le mégafilm de Denis Villeneuve, fait un tabac sur les écrans américains, mais Wired rappelle que le livre dont il est tiré, le chef-d’œuvre de science-fiction de Frank Herbert, publié en 1965, fait toujours le bonheur d’un groupe particulier de lecteurs : les agents de la CIA et la foule des analystes des douze agences de renseignement américaines. Pour une simple raison : l’œuvre, bourrée de génie et de superpuissances interstellaires acharnées à occuper de lointaines planètes désertiques, offre la description la plus prémonitoire et la plus pertinente qui soit des conflits d’Irak et d’Afghanistan, et de leur issue : la défaite des géants technologiques contre, oui, des vers de terre géants et carnassiers, mais surtout contre “des autochtones spartiates” adeptes des embuscades et de la “guerre asymétrique”. Dune, selon l’article, est au programme des lectures obligatoires dans certaines classes d’écoles militaires. - Présentation de Courrier International
Just before his deployment to Iraq in 2003, Ryan Kort spotted a paperback copy of Dune in a bookstore near Fort Riley, Kansas. The 23-year-old second lieutenant was intrigued by the book’s black cover, with an inset image of a desert landscape next to the title and the silhouettes of two robed figures walking across the sand. Despite its 800-plus pages, its small print made it a relatively compact cubic object. So he bought it and carried it with him to the Gulf, the only novel he packed in his rucksack along with his Army manuals and field guides.
Kort read the book during moments of downtime over the next weeks, as he led his platoon of 15 soldiers and four tanks through the Kuwaiti desert, and later when they took up residence in a powerless, abandoned building in Baghdad. It told the story of a young man who leaves a lush green world and arrives on the far more dangerous and arid planet of Arrakis, which holds beneath its sands a critical resource for all of the universe’s competing great powers. (“At the time, when people said ‘This is a war for oil,’ I would kind of roll my eyes at them,” he notes regarding the Iraq War. “I don’t roll my eyes about that anymore.”)
The parallels felt uncanny, he remembers. As the call to prayer rose up around him one afternoon in that darkened building in Iraq’s capital, he says he sensed a connection to Dune. Reading the book felt almost like seeing into a larger story that mirrored the one in which he was playing a small part. “Something in the book really clicked,” he says. “It transcended the moment I was in.”
Kort would become a Dune fanatic, reading and rereading Frank Herbert’s entire six-book series. But it was only years later, after his second deployment to Iraq—a far tougher tour of duty in which he was stationed in a hotbed of Sunni insurgency, with his troops repeatedly hit by roadside bombs—that he began to see deeper similarities.
After all, in Dune it’s the native Fremen whose insurgent, guerrilla tactics ultimately prove superior. Not those of the Atreides protagonists, the Harkonnen villains, or even the galactic emperor and his spartan Sardaukar warriors. No matter which analogy you choose for the United States—or whether the Fremen in that analogy are Iraqi or Afghan—the insurgents outmatch or outlast the superpower.
“You look at it now and you think to yourself, well, of course the lessons are there, right? We’ve learned that a preponderance of technology doesn’t guarantee success. That the military element of national power alone can’t secure your objectives at times,” says Kort, who today serves as a strategic planning and policy officer for the Army. “There are these messy human characteristics in there, where people have honor and interest bound up into it. And the adversary is sometimes willing to pay higher costs.”
In the decades since Herbert published Dune, in 1965, the book’s ecological, psychological, and spiritual themes have tended to get the credit for its breakout success beyond a hardcore sci-fi audience. In his own public commentary on the book, Herbert focused above all on its environmental messages, and he later became a kind of ecological guru, turning his home in Washington state, which he called Xanadu, into a DIY renewable energy experiment.
But reading Dune a half century later, when many of Herbert’s environmental and psychological ideas have either blended into the mainstream or gone out of style—and in the wake of the disastrous fall of the US-backed government in Afghanistan after a 20-year war—it’s hard not to be struck, instead, by the book’s focus on human conflict: an intricate, deeply detailed world of factions relentlessly vying for power and advantage by exploiting every tool available to them. And it’s Herbert’s vision of that future that is now revered by a certain class of sci-fi-reading geek in the military and intelligence community, war nerds who see the book as a remarkably prescient lens for understanding conflict on a global scale.
Written even before the advent of America’s war in Vietnam, Dune captures a world in which war is inherently asymmetric, where head-on, conventional military conflict has largely been replaced with all the subtler ways that humans seek to dominate one another: insurgency and counterinsurgency, sabotage and assassination, diplomacy, espionage and treachery, proxy wars and resource control. For the military officers and intelligence analysts who still read and reread Dune today, it presents an uncanny reflection of the state of geopolitical competition in 2021—from the pitfalls of regime change to the terra incognita of cyberwar.
On a recent Sunday afternoon, I brushed the dust off of an original Dune board game I had found in my late father’s house, a pristine cardboard relic released in 1979 that sat untouched on a shelf in my office for two years. The game, whose object is to conquer the entire territory of Arrakis, seemed like a helpful way to understand Dune’s microcosm of galactic conflict. So I persuaded some unsuspecting friends to try it.
It quickly became clear that, rather than simplifying Dune’s dynamics, the game aggressively leans into the book’s Talmudic complexity. Opting for the “basic” rather than “advanced” version of the rules, it still took two and a half hours for us to get through the first turn. Understanding any card required consulting a reference sheet that read like the fine print on a credit card statement. Rules had caveats, caveats had exceptions. And every player seemed to be able to break the rules in different ways. The Atreides player could look at cards that remained face down for the rest of us. Sandworms destroyed all the armies they touched, except the Fremen’s, who could ride them around the board. The Harkonnen player periodically revealed that other players’ characters were actually traitors secretly working for him.
A spartan native population disillusioned with invaders after a previous superpower's incursion: The parallels between Dune and Afghanistan were difficult to avoid.
Different sides even had their own paths to victory: The Fremen could win by preventing anyone else from winning. The Bene Gesserit player, representing Dune’s genetically engineered order of psycho-manipulative illuminati, wrote down a prediction before the first turn, guessing which player would win and when. If that prediction came true, they would win instead. The conflict wasn’t merely asymmetric; each player was in some sense playing a different game.
Dune’s vision of human struggle might appear on its face to be the opposite of the world in which Herbert lived in 1965, when two superpowers seemed locked in an existential stalemate. But the Cold War’s threat of mutual nuclear annihilation set the stage for the era of unconventional warfare that Herbert saw so clearly. In Dune, the Great Houses have signed a convention against the use of atomic weapons. That results in warring powers—namely the Atreides and Harkonnens—resorting to exactly the sort of restricted, covert, deceptive tactics that defined modern conflict during the Cold War and ever since.
“You have two parties that have no recourse but violent conflict. But you also have norms that mean violence must be as narrowly constrained through as tight an aperture as possible,” says Alex Orleans, a threat intelligence analyst at security firm CrowdStrike and a former analyst under contract at the Department of Homeland Security, who arrived to our interview with seven single-spaced pages of notes about Dune’s lessons for national security. “And so the idea becomes to engage in very limited, discrete, clandestine operations.”
In Dune, Herbert creates a term for that not-quite-war: kanly, defined in the book’s glossary (yes, it has a glossary) as a “formal feud or vendetta under the rules of the Great Convention, carried on according to the strictest limitations.” Just as the Harkonnens plant hunter-seeker assassination bots in the Atreides compound and the Emperor hides his Sardaukar supersoldiers in Harkonnen uniforms, Orleans sees kanly today in everything from US drone strikes to Russia’s invasion of Ukraine with “little green men” wearing no insignia.
The term kanly itself gives one hint of where Herbert pulled some of his ideas of unconventional warfare: It’s a word for “blood feud” used for centuries by some Islamic tribes of the Caucasus, which Herbert read about in historian Lesley Blanch’s 1960 book The Sabres of Paradise, an epic chronicle of those tribes’ brutal and mismatched war with Russian imperialist invaders. Herbert explicitly borrowed from that history: His Fremen speak Chakobsa, named for a language from the Caucasus, and entire lines from Blanch’s text end up in the mouths of Dune’s characters.
But in the Caucasus, the Russian invaders eventually won. In the Vietnam War, which Herbert would cover as a reporter for the Hearst newswire only years after writing Dune and its first sequel, Dune Messiah, the insurgents did. In Dune, Herbert placed his bet on the insurgents. “If you’d said in the wake of World War II that the United States would lose a war to guerrillas who didn’t have an air force or navy or even really heavy weapons, people would have just thought that you were insane,” says Major General Mick Ryan, commander of the Australian Defence College and author of the forthcoming book War Transformed. “But Dune did kind of presage that, didn’t it?”
For Ryan and other Dune-reading soldiers, the two wars in Iraq and the war in Afghanistan were even clearer echoes of Herbert’s vision. When Ryan describes serving as the commander of the Australian Army’s Reconstruction Task Force in Afghanistan’s Oruzgan Province in 2006 and 2007, he finds the parallels with Dune difficult to avoid. A spartan native population disillusioned with invaders after a previous superpower’s incursion, with the Soviet occupation of Afghanistan standing in for years of Harkonnen rule on Arrakis. Young locals whose tribal code of honor dictated that every casualty among them be avenged. The same cultural divisions—and the wholly different games each side was playing—always making victory more elusive than it first appeared.
Today, even in the wake of the Taliban’s victory in Afghanistan, Dune reads just as much like a parable about the growing tensions between China and other world powers, says Lieutenant Colonel Nate Finney, a former lead China planner for the US Army in Hawaii who’s now getting a doctorate in history at Duke University. In that analogy, it’s the Chinese who are the Atreides, a rising power threatening to shuffle the galactic order but trying to do so carefully, within the bounds of its rules. “When I started to see the interstellar politics of Dune and why certain houses are doing certain things, it just jumped out at me,” Finney says.
Compared to other works of sci-fi popular among military thinkers—he cites Ender’s Game and Starship Troopers—Finney says Herbert’s invented universe uniquely captures the human messiness and sheer complexity of conflict in the real world. “It’s really about the interesting, hard part of war. It’s not ‘a nuclear bomb goes off and this many millions of people die’ or ‘this plane can fly this far and drop this type of munitions’ or ‘this is the size of the army we need to hold a country.’ What Herbert was looking at was the human aspect,” Finney says. “When it comes to that human experience of war and politics and human interaction, in my mind, it’s Dune.”
Ryan, the commander of Australia’s Defence College, says he has included Herbert’s novel on his recommended reading lists for years for the same reason. “I think Dune is a very complete story for those who want to study war and human competition as a phenomenon,” he says. He compares its lessons to those of Thucydides’ History of the Peloponnesian War in their timelessness. “It looks at big strategic ideas and it looks at motivators for people, whether it’s ideology, whether it’s greed, whether it’s the old Greek ‘fear, honor, and interest,’” Ryan says, quoting Thucydides. “Dune represents the world as it is: a very complex, sometimes beautiful, sometimes awful thing.”
Amid all its predictions, Dune avoids thinking about how computers, the internet, and AI would reshape the world 25,000 years in the future. Herbert skirts that question by inventing a rebellion against an all-powerful sentient computer thousands of years before the events of Dune, leading to a galactic ban on “thinking machines.” The book sums up that future history in a single aphorism: “Once men turned their thinking over to machines in the hope that this would set them free. But that only permitted other men with machines to enslave them.”
But the contemporary era of cyberespionage and cyberwar has, in reality, provided yet another domain for Dune’s kanly to play out. That domain has, in some senses, proven to be the one where Herbert’s lessons about nonconventional tactics are the most apt of all, where deception, deniability, and asymmetric warfare thrive outside strictures of global conventions.
In 2014, cybersecurity threat intelligence firm iSight Partners discovered a group of Russian-speaking hackers carrying out what appeared to be a widespread espionage campaign focused on Eastern Europe. In their malware, the hackers had included strings of text to identify victims: arrakis02, BasharoftheSardaukars, SalusaSecundus2, epsiloneridani0. All references to Dune. Drew Robinson, an iSight analyst who worked on reverse-engineering the malware, remembers thinking, “Whoever these hackers were, it seems like they’re Frank Herbert fans.”
The analysts at iSight gave the hackers a fitting name: Sandworm, after the giant subterranean monsters that roam the deserts of Arrakis. Over the next four years, members of Sandworm planted their malware in the US power grid, targeted Ukrainian electric utilities with the first- and second-ever cyberattacks to trigger blackouts, attempted to sabotage the 2018 Winter Olympics while framing North Korea for the deed, helped carry out hack-and-leak operations against US and French political candidates, and unleashed a strain of self-spreading destructive malware known as NotPetya that inflicted $10 billion in damage globally, the most destructive act of cyberwar ever seen.
In their malware, the hackers had included strings of text to identify victims: arrakis02, BasharoftheSardaukars. All references to Dune.
In 2018, after iSight Partners had been acquired by the security giant FireEye and I was a year into tracking Sandworm for a book about the group, FireEye’s director of intelligence analysis, John Hultquist, sat at his kitchen table and laid out the evidence identifying its members: All signs, he said, pointed to Sandworm being Unit 74455 of the GRU, Russia’s military intelligence agency, a theory that would be confirmed by US and UK intelligence only last year.
In the same conversation, Hultquist also explained what he, after four years of analyzing Sandworm attacks, had come to believe were the group’s motives: They were carrying out a kind of guerrilla warfare much like what he’d faced while serving in Iraq and Afghanistan more than a decade prior. Rather than declare open war on the international order, Russia was using digital means to undermine it with brazen but deniable acts of cyber sabotage. “The reason you carry out terrorism is rarely to kill those particular victims,” Hultquist told me. “That’s never why someone tried to hit me with an IED. It’s about scaring the shit out of people so they lose the will to fight or change their mind about the legitimacy of their own security service, or overreact.”
In other words, Russia’s Sandworm hackers were experimenting with a fresh form of asymmetric warfare against a dominant power. After 50 years, Dune’s ideas had found new life again—not in the minds of that ruling power’s military analysts but in the minds of those seeking to topple it.
Dès leur première mention, les Fremen sont présentés comme autochtones, nomades, autonomes et libres. Deux autres traits viennent compléter ce tableau : leurs yeux sont entièrement bleus et les femmes fremen sont les égales des hommes. Enfin, Thufir Hawat achève leur portrait par ces mots : « Ils portent tous ces grandes robes flottantes. Et ils puent autant les uns que les autres dès qu’ils sont en lieu clos. C’est à cause de ce vêtement qui récupère l’eau de leur corps. Ils appellent ça un distille ».
Bref, ce qui est central pour eux (l’eau) n’a pas le même sens pour les autres – ce pour quoi un vêtement spécifique les distingue – et ils « puent » : il s’ensuit une population méconnue car méprisée, et méprisée car considérée comme moins civilisée que la société dont Paul est issu. Le génie de Frank Herbert, c’est de représenter les Fremen selon une analogie syncrétique, faisant appel à un vaste ensemble de références.
Tout d’abord, l’association de la couleur bleue avec un peuple vivant au seuil du désert ne peut que faire penser aux « hommes bleus », expression qui désigne les Marocains du sud, les Maures et surtout les Touaregs, cette population jadis nomade, liée au Sahara central, et qui, à force d’employer l’indigo pour la teinture de ses vêtements, pouvait se retrouver avec du bleu sur la peau. À noter que ces mêmes Touaregs se désignent comme les « Imazighen », ou « hommes libres », ce qui se traduit en anglais par « free men ».
Par ailleurs, nombre des mots employés par les Fremen sont à consonance arabe. Enfin, le personnage de Liet-Kynes et Paul semblent inspirés de Thomas Edward Lawrence (1888-1935), l’officier de liaison britannique, témoin de la grande révolte arabe de 1916 à 1918, que l’on connaît surtout grâce au film de David Lean, Lawrence d’Arabie (1962). Les Fremen sont des Touaregs ou des Arabes.
Mais la mention de T. E. Lawrence nous donne une autre clef de lecture. En effet, Lawrence est le modèle de l’explorateur qui prend fait et cause pour la population qu’il devait domestiquer. En cela, son histoire résonne avec celle de toutes ces figures d’Américains d’origine européenne qui rejoignent les rangs des populations amérindiennes. Songeons à l’expression propre à la critique cinématographique de « rédemption mécanique » qui a été forgée pour désigner l’évolution du western, de la fin des années 1940 à la fin des années 1960. Au début, les « Indiens » (terme d’époque) sont hors champ et sont l’ennemi, ensuite ils passent dans le champ et deviennent des alliés, enfin ils deviennent des héros, comme dans Little Big Man (1970), film inspiré d’un roman de Thomas Berger publié en 1964. Mais peut-être que la figure la plus connue de l’Européen devenu « natif » (de manière illusoire) est celle de John Dunbar, dans le film Danse avec les loups de Kevin Costner (1990). Les Fremen sont un peuple premier qui se rebelle contre le joug de l’homme blanc.
Or, pour des Américains, la rébellion d’un peuple contre un oppresseur étranger réveille aussi l’imaginaire des minutemen. Ce terme fut utilisé dès 1645, et surtout à partir de 1774, pour désigner les habitants d’une ville américaine susceptibles, en deux minutes, d’être mobilisés, d’abord pour défendre leur cité, ensuite pour combattre l’Empire britannique lors de la révolution américaine. Les Fremen, ce sont alors les premiers Américains (au sens de « premiers citoyens des États-Unis ») qui repoussent la Couronne.
Mais cette dernière analogie peut être inversée. L’Empire américain, au moment où Frank Herbert écrit Dune, est engagé dans plusieurs aventures militaires : Cuba (1959-1961), Vietnam (1964). Les Fremen sont en ce cas les porte-drapeaux de tout mouvement de libération nationale, y compris des mouvements d’inspiration communiste, puisqu’ils ont une économie où la mise en communauté semble plus importante que la défense de la propriété privée.
Les Fremen ne sont pas les Touaregs, ni les Arabes, ni un peuple premier, ni les Pères fondateurs, pas plus les mouvements de libération nationale d’inspiration communiste. Ils sont tout cela à la fois. Complètement familiers pour notre imaginaire, et parfaitement étrangers à notre monde. Mais là où le syncrétisme de Frank Herbert prend tout son sens, c’est dans la sphère religieuse. Car les Fremen sont un mélange des adeptes des trois religions du Livre. Ils sont les armées de l’Islam du VIIe siècle, comme le suggèrent le Jihad Butlérien et leur vénération pour un prophète qui est chef spirituel et chef militaire, ils sont les Hébreux menés par Moïse à travers le désert, depuis la servitude jusqu’à la Terre promise, et ils sont les chrétiens qui vénèrent un homme qui est plus qu’un homme.
Une société égalitaire, mue par l’intérêt collectif, respectueuse de l’environnement, une société mobilisée, tendue vers un but, où hommes, femmes, enfants ont parts égales
Cette analogie religieuse multiple s’articule avec les analogies politiques décrites précédemment, notamment autour de cette idée, importante pour Herbert, que toute population tend à abandonner son libre arbitre au premier leader capable d’effectuer une synthèse des mythes qui la structurent. Dans cette perspective, Paul devient un Fremen (yeux bleus, distille, nouveau nom), et les Fremen les acteurs de l’histoire humaine car, tout simplement, les autres factions n’ont pas, à leur tête, de messie.
Ce triomphe final des Fremen donne en creux les traits de ce que devrait être l’humanité entière. Une société égalitaire, mue par l’intérêt collectif, respectueuse de l’environnement, une société mobilisée, tendue vers un but, où hommes, femmes, enfants ont parts égales. Mais c’est un triomphe ambivalent car il ne semble possible que par le biais d’une personnalisation extrême du pouvoir. C’est sans doute une des raisons qui expliquent que les Fremen nous parlent tant ils sont une métaphore complexe de l’humanité. Et selon l’âge auquel nous lisons Dune, nos propres croyances religieuses et nos convictions politiques, nous ferons saillir un trait plus qu’un autre. Seule certitude, nous ne parviendrons pas à épuiser la métaphore.
Dans cet article issu du mook Dune, dont Numerama est partenaire, Catherine Dufour décrypte l’ordre du Bene Gesserit par le prisme du féminisme. Les femmes de cette sororité fictive sont-elles des « sorcières » au sens mis en avant par Mona Chollet ?
Dune a mis en scène la plus puissante et la plus agaçante sororité de l’histoire de la littérature : l’ordre du Bene Gesserit. Revoyons tout d’abord quelques fondamentaux. Le nom même du Bene Gesserit vient du latin et signifie peu ou prou : « bien se comporter ». L’ordre a été fondé par une femme de la Maison Atréides (ce que nous apprennent les préquelles écrites par Brian Herbert et Kevin J. Anderson), famille régnante dont est issu le principal protagoniste du cycle : Paul, connu plus tard sous le nom de Muad’Dib ; le Héros.
Chaque membre du Bene Gesserit s’entraîne corps et âme pendant des années pour parfaire un éventail de compétences à la fois physiques et psychiques : art du combat, concentration, mémoire, habileté sexuelle et aptitudes sensorielles qui leur aiguisent les cinq sens jusqu’à développer un sens de l’observation digne de Sherlock Holmes. Elles excellent également dans l’art de l’éloquence et maîtrisent ce qu’elles nomment « la Voix », grâce à laquelle elles subjuguent leurs interlocuteurs.
Enfin, les Bene Gesserit ont un contrôle de leur métabolisme tel qu’elles peuvent se soigner elles-mêmes, détecter les poisons qu’on glisse dans leur soupe et décider de leur fertilité, voire du sexe de leur progéniture. Ces capacités, jointes à un profond esprit de corps et au noyautage systématique des familles dirigeantes, permettent à l’ordre d’exercer un pouvoir politique majeur au sein de l’Imperium, mais un pouvoir qui demeure dans l’ombre, parce qu’il est mis au service de buts internes aussi grandioses qu’obscurs.
Fatalement, des compétences si étonnantes qu’elles côtoient la magie valent à ces femmes d’être qualifiées de sorcières, surtout par leurs ennemis.
Les membres du Bene Gesserit sont, dans l’ordre hiérarchique : les Postulantes, les Acolytes, et enfin les Sœurs. Les dirigeantes, elles, sont appelées Révérendes Mères, qui désignent l’une d’entre elles pour être la patronne de l’ordre : la Mère supérieure. Ne se croirait-on pas dans un couvent ? Ou un pensionnat catholique. À l’instar de leurs consœurs chrétiennes, les sœurs du Bene Gesserit ont choisi, pour façade sociale, l’enseignement. Les familles des Grandes Maisons y ont toutes recours pour leurs filles.
Une fois formées, ces jeunes filles de haute naissance deviennent épouses ou concubines dans d’autres familles régnantes, propageant les desseins du Bene Gesserit dans tout l’Imperium. Mais le Bene Gesserit n’agit pas qu’au niveau individuel : il intervient aussi au niveau macro, par exemple en lançant des « fake news » religieuses, des corpus de légendes destinées à influencer des groupes sociaux précis pour réaliser la fameuse Missionaria Protectiva.
Cependant – spoiler –, le Bene Gesserit échouera dans son plus grand projet, qui est aussi le plus secret : la création d’un Kwisatz Haderach, homme supérieur obtenu par sélection génétique. Planifié de longue date par les Révérendes Mères, le Kwisatz Haderach naîtra hors de leur programme, et restera toujours hors de leur contrôle. Son arrivée inopinée une génération plus tôt que prévu représente le point de départ de la saga Dune. La raison ? L’amour que Dame Jessica voue à son mari Léto Atréides la pousse à donner naissance à un fils plutôt qu’à une fille. Quand l’amour d’une femme pour un homme met en échec les plans machiavéliques des femmes, faut-il y voir un triomphe de la liberté individuelle sur l’oppression politique, ou autre chose un peu moins progressiste ?
Le terme « sorcière », que les ennemis du Bene Gesserit utilisent comme un anathème, a connu depuis une sévère revalorisation, notamment par la voix de Mona Chollet, auteure en 2018 du cultissime Sorcières : la puissance invaincue des femmes. Qu’en dit-elle ? « Si vous êtes une femme et que vous osez regarder à l’intérieur de vous-même, alors vous êtes une sorcière. » Sur ce plan, pas de doute, les Bene Gesserit, avec leur sens de l’observation et de l’introspection, sont des sorcières. Mais sur d’autres, carrément moins.
L’ordre se positionne davantage comme un outil de domination que comme un facteur de libération
Pour Mona Chollet, « la sorcière incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations ». Or l’ordre se positionne davantage comme un outil de domination que comme un facteur de libération. Les membres du Bene Gesserit doivent obéir, et l’injonction majeure consiste à se mettre en couple avec un homme haut placé puis à enfanter judicieusement. Là où la journaliste féministe américaine Gloria Steinem affirme qu’elle refuse de se marier parce qu’elle « n’arrive pas à [s]’accoupler en captivité », Dame Jessica gémit interminablement de n’être que la concubine du Duc Léto.
Ainsi, le jour où arrive la Princesse Irulan, vouée pour des raisons politiques à épouser son fils Paul, Jessica glisse à Chani, l’amante de Paul : « Vois donc cette princesse, là-bas, si hautaine, si confiante. On dit qu’elle a des prétentions littéraires. Espérons que cela remplit son existence car elle n’aura que peu de choses en dehors. […] Pense à cela, Chani, pense à cette princesse qui portera le nom mais qui sera moins qu’une concubine, qui ne connaîtra jamais un instant de tendresse avec l’homme auquel elle est liée. Alors que nous, Chani, nous que l’on nomme concubines… l’Histoire nous appellera : épouses. » Bonjour la sororité.
Autre zone d’ombre : le Bene Gesserit ne s’intéresse guère aux arpètes, aux mal-nées, bref, aux sans-dents. Fasciné par la haute société, l’ordre est un concentré de ce que nous, en 2020, appelons les « white fem’ » – cette branche vieillotte du féminisme qui ne se préoccupe que des soucis des femmes privilégiées en occultant les combats des autres. Heureusement, les Bene Gesserit ont une qualité immense : leur orgueil luciférien. Enfin des femmes qui ne sont pas accablées par le « syndrome de l’imposteure ». Les sorcières de Frank Herbert se considèrent ni plus ni moinscomme « les bergères de l’humanité ». Ce n’est pas très démocratique mais, s’agissant d’une communauté féminine, c’est féministe.
Jamais le Bene Gesserit n’a l’idée de sortir de l’ombre, ni de réclamer le pouvoir pour ses membres : pour les femmes. L’agacement nous submerge.
Ici, pas d’humilité, pas de mignonitude, pas d’effacement. Les Bene Gesserit veulent le pouvoir, elles le prennent et elles le gardent. Hélas, ce n’est que pour l’offrir au Kwisatz Haderach, cet homme supérieur qui est, eh bien, un homme. Jamais le Bene Gesserit n’a l’idée de sortir de l’ombre, ni de réclamer le pouvoir pour ses membres : pour les femmes. L’agacement nous submerge.
Mais cessons de bouder notre plaisir. Comme le dit judicieusement Étienne Augé dans son article « Cinquante ans après sa sortie, il est temps de (re) lire Dune » : « Il faut surtout se concentrer sur la formidable analyse de la religion que Herbert fournit, notamment avec la Missionaria Protectiva, le bras armé du Bene Gesserit, chargé d’implanter des superstitions qui se transformeront en prophéties autoréalisatrices. Herbert démontre comment la religion peut être exploitée à des fins politiques […]. La science-fiction possède cette capacité de faire réfléchir en avertissant des dangers qui menacent notre monde à court et long terme. »
Partenaire du mook Dune, publié en librairies chez L'Atalante et Leha, Numerama vous livre un extrait en avant-première de l'entretien avec Brian Hebert et un avant-goût exclusif de celui avec Denis Villeneuve.
Œuvre littéraire culte signée Frank Herbert, Dune est en cours d’adaptation au cinéma par la réalisateur Denis Villeneuve. On retrouvera Timothée Chalamet dans le rôle de Paul Atréides ou encore Zendaya dans le rôle de Chani. En raison de la pandémie, Warner a décidé de décaler le film, initialement programmé pour décembre 2020.
Il n’en reste pas moins que la production de l’adaptation a remis un coup de projecteur sur l’univers monumental de Frank Herbert. Il fallait donc un mook tout aussi massif pour en aborder l’étendue. C’est ainsi qu’est né le mook Dune, imaginé par le journaliste Lloyd Chéry (C’est plus que de la SF), et dont Numerama est partenaire depuis le crowdfunding. Au fil de 256 pages, des figures littéraires, des scientifiques et des journalistes se relaient pour décrypter toutes les branches et toute la complexité de Dune.
On y retrouve également des entretiens rares, avec Denis Villeneuve, seule interview qu’il ait accordé à un journaliste français pour l’instant sur ce film, mais aussi avec Brian Herbert, fils de Frank Herbert, qui perpétue l’œuvre de son père. « Il était important d’avoir Brian Herbert avec nous. Sa présence légitime notre projet car Brian est le garant du Frank Herbert’s estate. Son accord a été nécessaire pour avoir le soutien de Warner Bros. Il connaît mieux que tout le monde la saga et nous voulions mettre en avant tous ceux qui avaient travaillé sur Dune », nous explique Lloyd.
L’écologie dans Dune : « J’y vois une porte d’espoir pour notre futur », explique Denis Villeneuve
À la veille de la sortie du mook en librairies, Numerama vous partage un extrait exclusif de cet entretien avec l’héritier de Frank Herbert. « Je souhaitais l’interroger sur la face sombre de son père, qu’il décrit lui-même dans sa biographie et qu’il tempère finalement dans notre interview », précise Lloyd. On retrouve aussi, dans cette interview, un lien tout sauf anodin avec celle de Denis Villeneuve : la portée environnementale de l’œuvre.
Le réalisateur confie, dans le mook, une partie de son approche pour son film à venir : l’écologie. Pour Villeneuve, Frank Herbert aborde cet aspect à la fois avec une « précision toute scientifique » et en tant que « source d’inspiration d’une spiritualité ». Puisque Dune imagine un peuple ayant une « relation sacrée très sophistiquée » avec son environnement, « c’est donc par un rapport sacré au monde naturel que j’aborde l’écologie dans le film. J’y vois une porte d’espoir pour notre futur », raconte-t-il à Lloyd Chéry. Nous vous parlions aussi de cet aspect écologique en décryptant les premières images du film. En définitive, Dune n’a peut-être jamais été autant actuel.
L’entretien avec Brian Herbert : extrait
Brian Herbert : C’était en 1962. Nous vivions dans un quartier pauvre de San Francisco. Mon père travaillait depuis quelques années sur ce projet. Il était assis dans la salle à manger de l’appartement à côté de ma mère Beverly. Il lui narrait la scène du gom jabbar. À l’époque, c’était elle qui faisait vivre la famille. Elle a été un soutien de tous les instants pour mon père. Elle avait elle aussi des talents d’écriture et elle relisait tous ses romans.
B.H. : Bien sûr ! C’est même elle qui a trouvé le titre « Dune ». Elle conseillait mon père sur la psychologie féminine de ses personnages en lui disant : « Une femme ne pense pas comme ça » (rire). Elle était incroyable. Un jour que mon père était interviewé par Jim French, un animateur de radio de Seattle assez connu, au début des années 1980, le producteur de l’émission lui a dit avant que l’interview commence : « Ne pose pas de questions stupides et interroge-le plutôt sur l’importance de Beverly dans son œuvre. » Ce qu’il fit, pour le plus grand plaisir de mon père. Il ne s’était pas trompé, ma mère a été extrêmement importante pour la création de l’univers de Dune.
« Mon père aimait analyser l’être humain »
B.H. : Il n’avait pas de côté sombre, il était humain. Il ne faut pas oublier qu’il a eu une enfance et une relation compliquée avec ses propres parents. La discipline que son père policier instaurait à la maison était dure et ce ne fut pas toujours rose. Il a été enfant dans les années 1930, pendant la Grande Dépression. Je crois qu’il a fait sincèrement ce qu’il pouvait. Nous sommes des produits de notre époque. Je lui ai pardonné pour tout qui ne s’était pas bien passé. Si on regarde dans son intégralité sa bibliographie, mon père aimait analyser l’être humain.
B.H. : Le roman a su capter son époque dans les années 1960 avec l’épice. Il a d’abord séduit les étudiants des campus américains. Mais Dune est avant tout un grand livre écologiste qui parle de la raréfaction des ressources, dont l’eau. C’est aussi un formidable roman d’aventures centré sur Paul Atréides et son chemin initiatique, qui suit très fidèlement le parcours imaginé par Joseph Campbell. On peut tout autant lire Dune pour ce qu’il dit sur la politique et sur la religion. Enfin, Dune ne cesse d’évoquer la cause des femmes et comment elles finissent par diriger l’univers. C’est pour toutes ces raisons que ce roman restera un classique.
Cela fait des années que l’on attend enfin que la saga Dune revienne sur grand écran. On ne peut pas vraiment dire que l’on ait été gâtés jusque-là. L’ambitieux film de Denis Villeneuve nous permet donc de nourrir de nombreux espoirs. Alors qu’il est annoncé en décembre 2020, il fait aussi partie des quelques miraculés, dont le tournage n’a pas été trop chamboulé en raison de la pandémie de coronavirus. Mais, avant de retrouver les sables d’Arrakis et la famille Atréides, les prochains mois s’annoncent encore très long. Le réalisateur canadien a livré quelques informations en plus sur le sujet.
Dune, un projet colossal
Premier aspect, le film Dune est bien impacté par la pandémie de coronavirus, même si c’est marginalement. Il doit gérer la post-production en confinement. Par ailleurs, il voulait avoir plus de temps pour faire d’autres shootings. Résultat, l’agenda va être très serré.
L’impact de la pandémie a complètement écrasé mon agenda. Ce sera un sprint pour finir le film à temps, car nous avons eu l’autorisation de repartir tourner ces éléments dans quelques semaines. Et cela veut également dire que je devrais terminer certains éléments du film, effets spéciaux et montage, à distance puisque je suis à Montréal et mon équipe à Los Angeles.
Mais surtout, on a la confirmation que pour lui, Dune est tout sauf un projet anecdotique. A l’âge de 12-13 ans, il imaginait déjà filmer des plans lorsqu’il voulait calmer ses crises d’anxiété.
Je dirais que [Dune] a augmenté un désir d’être au contact avec l’infinité du désert. Il y a quelque chose avec le désert… L’impact du vide, l’impact du silence amène une sorte de voyage intérieur, subconscient. Plus le personnage y passe du temps, plus on entre profondément en lui. Ça, c’est quelque chose qui est propre au livre et qui m’a fait comprendre l’impact du paysage sur l’âme humaine.
Denis Villeneuve semble aussi particulièrement heureux de sa collaboration avec Timothée Chalamet (« un acteur incroyable »), Josh Brolin ou encore Oscar Isaac (« un des meilleurs acteurs d’aujourd’hui »). Le réalisateur canadien semble en tout cas fier par avance de son projet. Il ne reste plus qu’à savoir si les fans en seront aussi contents. Rendez-vous le 23 décembre 2020.
Les premières images de Dune, l'adaptation cinématographique de Denis Villeneuve, viennent d'être dévoilées. Que nous disent-elles sur l'approche du réalisateur par rapport à l’œuvre originale ?
La saga Dune a profondément marqué l’imaginaire de la science-fiction depuis sa première parution en 1965. Mais le récit écrit par Frank Herbert n’a jamais réussi à se frayer un chemin définitif sur grand ou petit écran, tant et si bien que ce chef d’œuvre n’est pas aussi présent qu’il le devrait dans la pop culture. Pourtant, le potentiel est bien là pour imprégner les esprits d’un public bien plus large. Voilà qui pourrait changer, car Denis Villeneuve est aux commandes d’une adaptation cinématographique qui, sur le papier, a déjà de la saveur. De premières images viennent d’être publiées par Vanity Fair et confirment cette première impression.
Difficile de ne pas retrouver, dans ces extraits, le type de plans et de décors auxquels Denis Villeneuve nous a déjà habitués dans Premier contact puis dans Blade Runner 2049. Il y a quelque chose de grandiose, d’épique, dans cette esthétique pourtant si éthérée. L’approche est idéale pour porter à l’écran Dune et sa planète centrale, Arrakis. Recouverte de sable, cette terre aride représente un enjeu économique de premier plan dans la Guilde spatiale : sur Arrakis, des vers géants sécrètent l’Épice, un ingrédient essentiel d’un produit permettant de prolonger la vie — ce qui permet une conquête spatiale démesurée. La multitude de mondes de la Guide spatiale est régie par un Empereur et par une noblesse, divisée en maison. Paul, le personnage interprété par Timothée Chalamet, est membre de la Maison Atréïdes. Après un piège tendu par les rivaux, la Maison Harkonnen, il est présumé mort et se réfugie chez les Fremen, le peuple autochtone d’Arrakis.
Pas la peine d’en dire davantage : le récit de Dune est complexe, riche et se vit davantage qu’il se raconte. Cela étant, il est possible, sans même spoiler aux curieux et curieuses, de trouver dans les images du film de Denis Villeneuve des détails marquants, qui montrent que les ambitions comme les subtilités de Dune sont respectées… et que vous devez absolument vous intéresser à cette œuvre à venir.
Sous la plume de Frank Herbert, la planète Arrakis n’est pas qu’un élément de décor. Ce n’est pas un simple cadre comme si elle n’était que le socle des aventures des personnages. Arrakis est un écosystème total, complet, fourmillant : elle est Dune, elle est les personnages, leurs histoires, au sein d’un maillage complexe. On sent, page après page, que les Fremen sont les « extraterrestres » sur cette planète, mais qu’ils ont finalement trouvé leur place dans cet écosystème : ils n’ont pas cherché à le posséder, à le maîtriser, mais plutôt à le comprendre autant que possible et à s’y adapter. Ils n’avaient de toute façon pas le choix : c’était s’adapter ou rien face à une nature aussi puissante. En revanche, les nobles et soldats de l’Empire, lorsqu’ils débarquent sur la planète, adoptent une stratégie conquérante… loin d’être la meilleure, donc, face aux dunes imposantes, mystérieuses, d’Arrakis.
« Ce qui pour moi marque immédiatement dans les quelques images diffusées, c’est que Villeneuve semble avoir compris une idée centrale du roman qui est l’interaction fondamentale entre l’Homme et son environnement », commente pour Numerama l’auteur du blog L’Épaule d’Orion, spécialisé en littérature de science-fiction, et auteur d’une analyse sur le genre littéraire du chef-d’œuvre.
L’image sur laquelle on voit toute la Maison des Atréides est le premier indice, selon lui, de la profonde compréhension par Denis Villeneuve de cette interaction centrale. « Ils viennent d’arriver sur Arrakis, la posture est martiale, rigide et arrogante. »
Même constat pour la photo où Oscar Isaac prend les traits du Duc Leto, « engoncé dans une armure inadaptée dont on devine déjà qu’elle ne le protégera pas ». Une description valable aussi pour Gurney Halleck, lieutement de la Maison Atréides. Ces images représentent le premier versant de l’interaction écologique fondamentale de Dune : l’inadaptation de ces humains à un environnement naturel qu’ils ne maitrisent pas, qu’ils vont chercher à maîtriser par la force.
Les autres photographies révèlent des personnages qui épousent l’autre aspect de l’interaction : l’adaptation absolue. « À l’inverse, le corps animal de Duncan Idaho exprime la transformation nécessaire, le moment du choix, l’adaptation en cours, nous décrit L’Épaule d’Orion. Puis, les portraits de Chani et Liet montrent les deux femmes inscrites dans leur environnement. Elles appartiennent à Arrakis et Arrakis leur appartient. » Ces personnages semblent en effet se fondre dans le paysage de la planète, comme s’ils faisaient profondément partie de cet écosystème.
Par les choix esthétiques, dans les mouvements, les couleurs ocres ou métalliques, les costumes, les environnements naturels dominants par leur amplitude, Denis Villeneuve prouve en seulement quelques images qu’il a su saisir et représenter l’élément philosophique, écologique, spirituel le plus fondamental de l’œuvre immense — et si difficile à adapter — de Dune. Même ses choix personnels, qui s’éloignent en apparence des matériaux originels, font honneur au message de Frank Herbert.
C’est ce que tient à nous préciser l’auteur de L’Épaule d’Orion au sujet d’un changement que les fans de la saga n’ont pas pu manquer : Liet Kynes est devenu une femme. Mais est-ce que cela n’aurait pas, finalement, encore plus de sens dans le cadre de cette adaptation ? « Denis Villeneuve a fait ce choix magnifique de faire jouer Liet par une femme. Cela me semble pleinement justifié par le rôle transformatif de ce planétologue qui a compris l’écologie et la culture d’Arrakis, et engage avec le peuple Fremen sa mutation sur des générations. Pour ma part, j’ai toujours imaginé que Liet Kynes était une femme », confie le blogueur.
Les romans de Dune peignent un futur si lointain que plus rien de ce que l’on connaît n’existe vraiment tel que notre monde le conçoit. Des modes de vie, des accessoires technologiques, des sciences font bien écho à des éléments que l’on connaît, mais s’éloignent parfois aussi tellement de nos référentiels qu’il se dégage parfois de Dune des ingrédients proches de la Fantasy… mais qui appartiennent malgré tout à la SF. C’est là toute la beauté de la fresque futurologique de Frank Herbert, cette part d’incompréhension, de légende, dans un avenir si éloigné.
Comme nous l’explique L’Épaule d’Orion, le contexte du premier tome de Dune se caractérise par deux aspects : « Il y a une véritable régression historique due au Jihad Butlérien qui a fait disparaitre l’informatique et les machines pensantes. D’un autre côté, la technologie est devenue invisible à notre œil, car extrêmement avancée, mais elle est bien présente. » Ainsi, les lecteurs et lectrices de Dune imaginent les technologies décrites comme des choses à l’apparence vieillotte, mais au fonctionnement parfois plus puissant que des technologies issues de futurs par exemple cyberpunk. Sur cette étrange évolution technologique, le blogueur SF porte à notre attention une phrase écrite dans l’ouvrage : « Le Jihad Butlérien [épisode historique de régression technologique dans l’univers de Dune] a forcé l’esprit humain à se développer. »
Comme la fable écologique, cet aspect technologique « fondamental » de Dune semble avoir, lui aussi, été parfaitement épousé par Denis Villeneuve si l’on regarde les premières images. Par exemple, le distille : il s’agit de la tenue portée les Fremen, et qui recycle tous les fluides corporels pour les convertir en eau potable (sans cela, la survie serait impossible sur l’aride planète Arrakis). Cette technologie, aussi primaire qu’ultra-avancée, est représentée dans les images par un costume paradoxal : cela pourrait tout aussi bien être quelques vieux bouts de tissus et de métal condensés en un semblant de vêtement, mais tout est si bien agencé, en plus d’être adapté à l’environnement, que l’on voit bien qu’il s’agit d’une technologie futuriste, peu familière.
On a hâte.
La nouvelle adaptation au cinéma du roman de l'écrivain Frank Herbert, par Denis Villeneuve, commence à prendre forme.
CINÉMA - Entourée de mystère, la nouvelle adaptation sur grand écran de "Dune" se dessine au fil des mois. Ce mercredi 30 janvier, c'est un nouvel acteur de renom qui s'ajoute au casting du prochain projet du réalisateur Denis Villeneuve.
Selon les informations du très fiable Variety, c'est l'acteur Oscar Isaac qui rejoint à son tour le film inspiré de l'œuvre de l'écrivain Frank Herbert. L'acteur devrait y incarner le rôle de Leto Atréides, le père de Paul Atréides, héros principal de l'histoire incarné par Timothée Chalamet.
Longtemps jugé inadaptable après l'avortement du pharaonique projet du réalisateur Alejandro Jodorowsky dans les années 1970, "Dune" aura attendu 1984 et le film de David Lynch pour connaître enfin sa première adaptation au cinéma, malgré un cuisant échec commercial et critique.
Depuis, bon nombre de réalisateurs ont essayé de relancer le projet, sans succès. Finalement réamorcé par Legendary Pictures en 2017, le projet "Dune" se retrouve maintenant entre les mains expertes du Canadien Denis Villeneuve, qui a su prouver ses dernières années sa capacité à réaliser des films de science-fiction au style bien distinctif ("Premier contact", "Blade Runner 2049").
Dave Bautista et Charlotte Rampling à l'affiche
Côté casting, "Dune" s'annonce déjà comme une belle vitrine du cinéma hollywoodien. Et c'est le jeune Timothée Chalamet qui aura la lourde tâche d'incarner Paul Atréides. Sa mère dans les romans, Lady Jessica, sera jouée par l'actrice suédoise Rebecca Ferguson.
Déjà aperçu dans "Blade Runner 2049" de Denis Villeneuve, l'ancien catcheur reconverti en acteur Dave Bautista sera quand à lui Rabban la Bête. Pour incarner le grand vilain de ce récit de science-fiction, c'est Stellan Skarsgård ("Thor", "Will Hunting") qui a été choisi dans le rôle du baron Vladimir Harkonnen. Enfin, Charlotte Rampling vient compléter ce casting et sera Gaius Helen Mohiam plus connue sous son titre de Révérende Mère Mohiam.
Encore au stade de préproduction, "Dune" devrait débuter son tournage en 2019, mais ne devrait pas arriver en salle avant 2020, voire 2021. Oscar Isaac aura donc le temps d'incarner un autre père célèbre d'ici là, puisqu'il a été choisi pour jouer Gomez Addams dans un nouveau remake de "La famille Addams".