De nombreux patients estiment que la nouvelle formule de ce médicament, destiné aux malades de la thyroïde, provoque d'importants effets secondaires.
Un soulagement pour les patients en colère ? Le laboratoire Merck, qui commercialise le Levothyrox, a annoncé mardi 6 novembre que l'ancienne formule de son médicament resterait disponible "tout au long de 2019", pour les patients disposant d'une ordonnance. Mais moins de 50 000 boîtes seront mises à disposition par mois.
Ce volume correspond "aux volumes mis à disposition en 2018" et aux "besoins des patients", estime Valérie Leto, pharmacienne responsable de Merck France. Elle estime que cette période de disponibilité doit être "transitoire" et "permettre aux patients de trouver une solution alternative pérenne".
De nombreux patients accusent la nouvelle formule, mise sur le marché l'an dernier, de causer d'importants effets secondaires. Lundi, le tribunal de grande instance de Toulouse, saisi par 48 de ces patients, a condamné Merck à leur mettre à disposition l'ancienne formule du médicament et ordonné une expertise médicale pour déterminer "en quoi la nouvelle formule diffère de l'ancienne".
Le TGI de Toulouse a ordonné lundi, pour la première fois sur le fond dans le dossier du Levothyrox, à des experts d'examiner des patients disant souffrir d'effets secondaires après la prise de la nouvelle formule du médicament, a-t-on appris de sources concordantes.
"C'est une décision extrêmement sage avant de se prononcer sur la demande d'indemnisation. C'est la première fois que l'on va analyser cette affaire sur le fond", a indiqué à l'AFP Me Jacques Lévy, qui représente 42 patients ayant assigné le 10 septembre le laboratoire Merck.
Ces patients réclament notamment des indemnités pour préjudice d'anxiété et préjudice moral.
Le Levothyrox, prescrit contre l'hypothyroïdie, a changé de formule en France en mars 2017. À partir de juillet et août, des milliers de patients ont commencé à signaler des effets secondaires parfois très invalidants : fatigue, maux de tête, insomnie, vertiges, douleurs articulaires et musculaires et chute de cheveux.
Dans leur jugement que s'est procuré l'AFP, les magistrats toulousains demandent notamment à trois experts médicaux "d'expliquer en quoi le Levothyrox nouvelle formule diffère de l'ancienne formule, quels étaient les effets attendus et dire s'il est possible d'expliquer les symptômes rapportés (...) et s'ils étaient évitables par une adaptation thérapeutique adéquate".
"séquelles"
Ils enjoignent également, avant de se prononcer sur les préjudices moral et d'anxiété, de déterminer si la nouvelle formule "a aggravé des symptômes existants" ou en a créé de nouveaux et de décrire les éventuelles "séquelles".
"Aucun préjudice n'est établi à ce stade", souligne de son côté le laboratoire Merck dans un communiqué de presse envoyé à l'AFP.
"Une expertise médicale, à laquelle Merck ne s'est jamais opposé, est un prérequis indispensable à toute demande d'indemnisation pour analyser l'état de santé de chacun des plaignants et pour évaluer s'il y a un lien de causalité avec le médicament", précise le directeur juridique du Groupe Merck, Florent Bensadoun, dans son texte.
Le juriste affirme "que la qualité de (la) nouvelle formule a été confirmée à plusieurs reprises par les Autorités de santé".
"Le tribunal a tenu compte des arguments de Merck qui rappelait qu'il existait des alternatives thérapeutiques pérennes", indique encore M. Bensadoun précisant que les juges ont "limité l'obligation de mise à disposition de Levothyrox ancienne formule (Euthyrox), sous astreinte de 500 euros, à une durée de 3 mois à compter du 1er janvier 2019".
En juin, la cour d'appel de Toulouse a confirmé la condamnation prononcée en novembre qui ordonnait aux laboratoires de délivrer l'ancienne formule du médicament à 25 patients de Haute-Garonne.
Le troisième rapport de pharmacovigilance sur le Levothyrox, dévoilé début septembre par l'Agence du médicament, ne permet toujours pas d'expliquer la vague des effets indésirables .
L’ANSM a empêché la transmission d’informations sur la provenance du principe actif du Levothyrox, dont la nouvelle formule est au cœur d’une polémique.
Selon les chiffres officiels, plus de 30 000 patients ressentent des effets secondaires (grande fatigue, douleurs, chute de cheveux, dépression…) depuis le changement de formule du médicament, en mars 2017.
C’est la première application connue de la loi sur le secret des affaires, définitivement validée par le Conseil constitutionnel en juillet. Jeudi 27 septembre, le site d’information Les Jours a révélé que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait censuré partiellement une copie de l’autorisation de mise sur le marché du Levothyrox, ce médicament controversé fabriqué par le groupe pharmaceutique allemand Merck.
La demande de transmission de ce document public avait été effectuée par Me Emmanuel Ludot, avocat de plusieurs malades de la tyroïde, victimes d’effets secondaires importants depuis la mise sur le marché de la nouvelle formule du Levothyrox.
Secret des affaires
Si la transmission de ce document par l’ANSM est obligatoire, en vertu du code des relations entre le public et l’administration, celle-ci a utilisé la loi sur le secret des affaires, entrée en vigueur cet été, afin de caviarder certains passages de l’autorisation de mise sur le marché. Et non des moindres : impossible de lire les informations concernant le lieu de production et le nom de l’entreprise qui fabrique le principe actif de la nouvelle formule du Levothyrox.
Selon Les Jours, l’Agence nationale de sécurité du médicament aurait volontairement attendu l’entrée en vigueur cet été de la loi sur le secret des affaires, répondant à la demande de transmissions de documents effectuée le 23 avril… quatre mois plus tard, le 4 septembre. Dans sa réponse à Emmanuel Ludot, l’ANSM estime que le recours à cette loi est justifiée, car elle vise à protéger « le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles ».
« Difficile de comprendre que la provenance du principe actif soit incluse dans ces catégories, et ce alors même qu’un rapport a été récemment remis à la ministre de la santé, Agnès Buzyn, pour améliorer… l’information autour du médicament », déclare Aurore Gorius, qui a révélé l’affaire dans Les Jours.
Intérêts privés
Le collectif Informer n’est pas un délit (INPD), qui avait combattu la loi sur le secret des affaires, a publié un communiqué vendredi, affirmant :
« Nous ne pouvons tolérer que la défense des intérêts d’une entreprise privée passe avant l’intérêt général, en l’espèce, la santé des citoyens. »
Et de poursuivre :
« Cette atteinte au droit d’être informé ne vient pas d’un groupe privé. Elle est le fait d’une agence publique. C’est inacceptable ! »
Le collectif INPD souhaite de l’ANSM « s’explique publiquement sur cette affaire » et demande au gouvernement de rendre publique l’intégralité des informations concernant le Levothyrox.
Le rapport Kierzek-Léo ne fera pas date pour les propositions qu’il formule, d’une timidité et d’une complexité confondantes face aux enjeux posés par le dossier du Lévothyrox. On notera par exemple la proposition de créer une « plateforme » d’information sur les médicaments à destination du public. Le réflexe français très solutionniste du « un problème, une solution technique de plus dans le mille-feuilles » a encore agi. Pour le reste, la mission propose de confier à l’Agence Nationale de Sécurité de Médicament (ANSP) la fonction de communiquer sur tous ces sujets.
La même ANSM qui est au coeur de l’affaire Mediator ou de l’affaire Depakine.
Avec ces propositions, on est donc certain que la situation n’est pas près d’évoluer!
Silence presque total sur l’accès aux données de santé
L’ensemble du rapport reste à peu près muet sur la question de l’ouverture des données de santé, qui demeurent encore et toujours une propriété jalousement gardée par l’Etat, avec les conséquences que l’on connaît. Les scandales sanitaires récents ont tous mis en exergue les limites d’un monde où l’information et le traitement des données de santé est rationné par l’État.
Malgré ces évidences, les pouvoirs publics s’obstinent à verrouiller l’accès à des données qu’ils se montrent incapables de traiter correctement. Et le rapport Kierzek-Léo ne trouve pas grand chose à redire à ce sujet. On notera jusque cette phrase: « À plus long terme, ouvrir plus largement l’accès aux données », qui en dit long sur le manque d’ambition du rapport, et sur le sous-dimensionnement des mesures proposées. On est très loin de l’ouverture large et rapide dont la santé a besoin en France pour sortir de sa préhistoire.
La question du mépris médical et des pouvoirs publics au coeur du rapport
Mais il faut reconnaître au rapport le mérite de reconnaître une réalité qui est au coeur du dossier du Levothyrox: les pouvoirs publics sanitaires, en accord avec la communauté médicale, ont foulé aux pieds la parole des patients et n’ont pas pris la mesure de l’évolution qui touche la société dans son ensemble. On lira donc dans le rapport quelques phrases châtiées qui résument assez bien le sujet:
« L’approche principalement réglementaire de l’information sur le médicament a pour conséquence de reléguer au second plan la réflexion sur son appropriation par le public et les professionnels de santé. La dimension « utilisateurs » de l’information a ainsi été délaissée pour répondre principalement au besoin de « se couvrir » au plan médico-légal. (…)
Le primat, dans l’ensemble des dispositifs informationnels, de la rationalité scientifique et de l’expertise a, en outre, peu intégré la richesse spécifique de l’information ascendante. Ses « remontées » dans les dispositifs de veille sanitaire (comme l’ouverture aux usagers de la plateforme de signalement des événements indésirables) ne semblent intéresser les pouvoirs publics que dès lors qu’elle répond aux canons de l’imputabilité « classique ». Cefaisant, les autorités sanitaires se privent d’informations de « vie réelle » pourtant cruciales et utiles à l’évaluation des médicaments (courriers des lecteurs de la presse écrite, remontées aux associations de patients, réseaux sociaux, questions fréquentes en officine, etc.). »
Les médecins et les pouvoirs publics ne tireraient donc aucun profit de la parole des malades? Le fait qu’un rapport officiel l’écrive est déjà un bon point. Mais au rythme où vont les choses, la surdité des principaux intéressés n’est pas prête de guérir.
Une centaine de patients disant souffrir de la nouvelle formule du Levothyrox décide de porter plainte pour "trafic d'influence", a appris franceinfo, vendredi 6 juillet, auprès de leur avocat. Plusieurs patients avaient déjà porté plainte pour "tromperie aggravée, blessures involontaires mise en danger de la vie d'autrui."
Ces plaignants demandent à la juge d'instruction du pôle santé de Marseille, saisie du dossier, d'enquêter sur des conflits d'intérêts présumés. Ils disent s'interroger sur les conditions dans lesquelles la nouvelle formule du Levothyrox a été mise sur le marché et pointent du doigt le travail, qu'ils jugent orienté en faveur du laboratoire Merck, de la commission à l'Assemblée nationale qui a conclu, en octobre 2017, à une simple "crise médiatique et non sanitaire".
L'avocat fait des découvertes
Alors que le laboratoire Merck a toujours affirmé que l'Agence du médicament lui avait imposé de changer la formule du médicament, au motif que l'ancienne posait un problème de conservation, l'avocat Gauthier Lefevre affirme avoir découvert que le laboratoire travaillait déjà depuis plusieurs années sur ce nouveau médicament, et que l'ancienne formule ne posait pas de problème particulier.
Me Lefevre fait reposer sa plainte sur le fait que le professeur Philippe Lechat, de l'Agence du médicament, qui a signé la demande de nouvelle formule adressée à Merck, a travaillé plusieurs années et jusqu'en 2004 pour ce laboratoire : "On découvre que la personne qui a signé le courrier, en février 2012, pour solliciter le changement de formule, a travaillé pour le laboratoire Merck. Il suffit de se référer à la déclaration publique d'intérêt rédigée par l'intéressé, et on voit qu'il a travaillé pour Merck plusieurs années. Il y a donc évidemment un conflit d'intérêt, ça pose question (…). Quand le laboratoire Merck vous donne sa version officielle qui est de dire 'c'est une autorité complètement indépendante qui nous a donné le feu vert', on s'aperçoit qu'en réalité, ce n'est pas une autorité si indépendante que ça; C'est un ancien de la maison, si je puis dire."
Ces gens-là ont des liens d'intérêt financier avec les laboratoires, c'est-à-dire que concrètement, certains professeurs sont régulièrement rémunérés pour des interventions, des réunions, pour le laboratoire Merck.Gauthier Lefevre, avocatà franceinfo
L'avocat dénonce également les liens entre les professeurs de médecine entendus par la commission de l'Assemblée en octobre et le laboratoire Merck : "Les personnes auditionnées sont quasiment toutes des proches ou des gens qui ont travaillé pour le laboratoire. Et, évidemment, quand ces gens-là sont auditionnés, ils omettent bien de le dire. Ça va même jusqu'au député qui rédige ce rapport, M. Jean-Pierre Door [Les Républicains], dont on apprend en réalité qu'il a une usine Merck sur sa circonscription du Loiret."
Me Lefevre joint à sa plainte les certificats médicaux de sa centaine de clients souffrant depuis un an, entre autre, de perte de cheveux, douleurs articulaires, et dépressions sévères
L’étude, commandée par l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), relève deux anomalies.
Elle conclut que la nouvelle formule contient moins de Lévothyroxine que les spécifications en vigueur: "Les patients se trouvent sous-dosés en hormones thyroïdiennes, nous avons observé de façon conséquente des réveils de cancers endormis depuis des années", écrit l’étude.
Deuxième constat: la présence de Dextrothyroxine qui ne figure pas, selon l’association, dans la liste des composants du médicament.
Cette substance de synthèse, non commercialisée en France, a été retirée de la vente aux États-Unis en raison d’effets secondaires semblables à ceux rencontrés parles malades de la thyroïde (maux de tête, crampes, vertiges, perte de cheveux...).
Les résultats ont été transmis à la juge d’instruction du pôle santé de Marseille chargée du dossier.
L’association en appelle à l’Agence nationale de sécurité du médicament(ANSM) et estime que "la sécurité sanitaire ne permet pas d’attendre l’issue de l’instruction pénale pour agir".
L'Association française des malades de la thyroïde (AFMT) a appelé la Justice, mercredi 2 mai, à examiner le rôle que pourraient avoir selon elle des nanoparticules de métal dans les effets secondaires du médicament Levothyrox.
Présentes dans la nouvelle formule controversée de ce médicament, ces nanoparticules n'étaient pas dans l'ancienne, a affirmé Jacques Guillet, un médecin qui a mené des analyses au profit de l'AFMT.
"On met en évidence des nanoparticules avec des alliages fer-chrome, chrome-nickel, fer-chrome-silicium, ferrochrome-aluminium, alors que dans l'ancienne formule il y avait seulement quelques débris d'acier", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Paris en présence de l'actrice Anny Duperey.
Ce spécialiste de médecine nucléaire a précisé avoir passé sous son microscope et à la spectrométrie "plusieurs dizaines de comprimés" de Levothyrox nouvelle formule et ancienne formule (aujourd'hui appelée Euthyrox).
Pour des raisons toujours inconnues, le changement de formule en 2017 du Levothyrox, traitement contre l'hypothyroïdie, a provoqué une vague d'effets secondaires (fatigue, maux de tête, insomnie, vertiges, douleurs articulaires et musculaires et chute de cheveux).
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Selon les autorités sanitaires, un demi-million de malades en France, sur quelque trois millions, avaient abandonné ce médicament fin 2017. Environ 1.200 d'entre eux ont porté plainte contre le fabricant, Merck.
L'avocate de l'AFMT, Marie-Odile Bertella-Geffroy, a annoncé qu'elle transmettrait ces analyses à la juge d'instruction de Marseille enquêtant sur des faits de tromperie aggravée, blessure involontaire et mise en danger d'autrui.
"il ne s'agit pas d'affoler les gens"
Le laboratoire Merck a rejeté toute faute.
"Qu'il s'agisse de l'ancienne comme la nouvelle formule, nous rappelons que l'analyse de l'ensemble des métaux lourds a été réalisée conformément à la réglementation en vigueur, et nous réaffirmons que tous ces contrôles se sont révélés conformes aux spécifications", a souligné le groupe dans un communiqué.
"Nous démentons formellement la présence de 'nanoparticules' ou de n'importe quel 'débris d'acier' dans notre médicament", a-t-il insisté, déplorant un "type de contre-vérité et d'effet d'annonce qui ne font qu'inquiéter les patients".
Le Dr Guillet a estimé que ce communiqué ne répondait pas aux interrogations. "Il n'y a aucune spécification sur ces métaux dans les textes réglementaires", a-t-il relevé.
La presse n'a pas pu voir ses analyses, Me Bertella-Geffroy disant qu'elle en réservait l'exclusivité à la Justice. "Pour nous il ne s'agit pas d'affoler les gens. Des nanoparticules, on en inhale bien plus en marchant dans les rues de Paris. Et on n'a pas mis là en évidence de lien de cause à effet", a par ailleurs expliqué le médecin.
L'AFMT et son avocate défendent la théorie selon laquelle le changement de formule du Levothyrox a été dicté non par des exigences scientifiques ou sanitaires, mais par un impératif économique, celui de supprimer le lactose afin d'avoir un médicament mieux adapté au marché chinois.
"Le pénal est pour moi nécessaire dans cette crise sanitaire (...) J'espère qu'il y aura un procès où comparaîtront tous ceux qui sont responsables", a affirmé Me Bertella-Geffroy.