Donnons une nouvelle chance à notre plume, réécrivons notre texte. Nous le modifions ou nous l’écrivons à nouveau ? Nous le précisons, l’annotons et le consolidons ou nous recommençons, le remplaçons et en établissons un nouveau ? Nous fondons-nous sur le donné de l’existant ou préférons-nous l’inaltéré du renouveau ? De cette distinction fondamentale procède notre conception de l’ontologie. Et si les phrases étaient les histoires et la page l’Histoire, de quel côté tendre ?
L’actualité d’une réécriture de l’Histoire est le fruit d’un long cheminement moderne. Du passage de l’Histoire à l’historicisme précipité par Hegel. En postulant la cyclicité de l’Histoire, il achève la tradition, déjà mise à mal par la Révolution française. L’Histoire est ce développement continu aux soubresauts répétitifs, ce fil déroulé par la Raison. Inaltérable et supérieur. Elle est ce « processus par lequel l’esprit se découvre lui-même » nous dit-il. Nous ne sommes que ses humbles descendants. Aux côtés d’Héraclite et d’Hegel, nous ne faisons qu’attendre l’éternel retour du même.
Réécrire l’histoire, c’est donc être arrivé à penser l’Histoire comme support d’une réécriture. Réécrire l’Histoire, c’est donc pouvoir réécrire l’Histoire. Ce pouvoir rendu possible par un monde perçu comme res extensa. Ce pouvoir qui ne saurait être délimité par les frontières de l’existant et du donné. Finalement, comme Valéry : « L’homme sait ce qu’il fait, mais ne sait jamais ce que fait ce qu’il fait ». A récuser l’héritage, l’homme n’en est que plus héritier.
THOMAS DUTRIEZ
par KÉVIN COUTURIER
En mai dernier, la mort de Georges Floyd fut l’élément déclencheur d’un important mouvement de contestations, l’épicentre d’un tsunami de revendications dont les remous traversèrent l’Atlantique et atteignirent le Vieux Continent. Aux Etats-Unis, ces mouvements s’autoproclamant volontiers antiracistes manifestèrent et s’attaquèrent aux statues de nombreux personnages. De Christophe Colomb à Robert Lee en passant par les Pères Fondateurs, tout le monde y eut droit. Quelques semaines plus tard, par un mimétisme habituel mais navrant, certains groupuscules en France calquèrent simplement le passé et les revendications américaines sur l’histoire de notre pays, clamant ainsi avec rage que Colbert, Napoléon ou même le général De Gaulle n’étaient que d’affreux racistes esclavagistes. « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle ne déboulonnera pas de statues » affirmait alors Emmanuel Macron au point culminant de la polémique, soutenu par la quasi-totalité du monde politique. Cependant, force est de constater que la France ne fut pas épargnée par cette haine du passé : en Martinique, deux statues de Schoelcher, député à l’origine du décret mettant fin à l’esclavage, furent déboulonnées ; une pétition fut lancée pour enlever la statue de Colbert trônant devant l’Assemblée Nationale. A Cergy, il est même possible de lire sur un mur de la ville : « De Gaulle esclavagiste ». Agonisante, l’Histoire n’a pourtant d’autre choix que de s’en remettre à nous, contemporains : quelle effroyable responsabilité. « Et surtout que la laissant tomber de nos mains, de ces mêmes mains, de ces inertes mains, nous pouvons lui administrer la mort », s’alarmait Péguy. Qui donc aurait pu tuer l’Histoire ?
Avant de trouver les coupables, encore faut-il s’assurer qu’il s’agisse bien là d’un crime et que la cohésion nationale en est une victime collatérale. Il est naturel et commun que toutes les générations cherchent à s’inscrire dans le cours du temps et à marquer l’Histoire de leur nom. A la recherche des lendemains qui chantent, les jeunes se sont en effet souvent opposés à leurs anciens et à ce qu’ils trouvaient injuste dans le monde qu’ils leur laissaient. Cependant, cette volonté de changer la société devient dangereuse quand, pour regarder vers le futur, on décide de totalement faire table rase du passé, quand, pour se tourner vers l’avenir, on décide de traiter le récit national comme un vulgaire palimpseste.
Il y a deux dangers principaux à réécrire l’Histoire. Le premier est de la considérer comme une simple succession d’événements, n’ayant elle-même aucune valeur en soi. On pourrait alors sans trop de soucis modifier à son aise et selon les codes de son époque tel ou tel événement. Or, l’Histoire est bien plus que ça. C’est le ciment d’une nation, l’élément œcuménique du pays rassemblant des êtres différents autour d’un socle commun, autour d’une destinée commune. Réécrire l’Histoire, c’est alors défaire les liens qui fondent l’identité de la France, c’est créer des êtres déracinés, sans repères. Ceci ne revient pas à dire que toutes les périodes de la France furent glorieuses ni que tous les personnages qui firent l’histoire de France sont louables. C’est simplement dire que l’histoire de France est ce qu’elle est et que tous les Français, qu’ils en héritent ou qu’ils s’y agrègent, sont les descendants temporels de ces moments passés.
Le second danger est de se priver, en voulant supprimer des pans chronologiques entiers, des enseignements les plus précieux : ceux qui sont délivrés par le temps. « Le coup d’œil sur l’Histoire, le recul vers une période passée ou, comme aurait dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet d’y penser davantage, d’y voir davantage les problèmes qui sont les mêmes ou les problèmes qui diffèrent ou les solutions à y apporter » écrivait justement Marguerite Yourcenar. Le passé est un livre ouvert devant nos yeux qui nous enseigne les remèdes les plus efficaces contre les maux de la société. Qui aurait alors pu commettre un tel crime ? Le premier et principal ennemi de l’histoire, c’est l’anachronisme. Les défenseurs de la réécriture historique, iconoclastes nouveaux, créent un cadre – très exigu, du reste – dont les bords sont formés par l’antiracisme et l’anticolonialisme tels qu’ils l’entendent. Ils appliquent alors ce cadre à l’histoire de France et tous les événements ou personnages qui n’entrent pas strictement dans celui-ci sont jugés infâmes, ignobles et méritent alors d’être effacés. C’est en faisant l’économie d’une recontextualisation pourtant nécessaire que tel ou tel personnage est subitement couvert d’opprobre. Nous isolons souvent un évènement de son temps et le simplifions volontiers pour tisser des liens plus ou moins évidents avec notre époque. Or, chaque moment de l’histoire est le produit d’une période particulière où les individus avaient des intérêts particuliers et où les rapports de force entre les puissances n’étaient nullement ceux que nous connaissons.
C’est l’un des rôles de l’éducation historique que de permettre à tous de faire cet effort de contextualisation et de se défaire des simplifications. Son autre rôle est de fédérer l’ensemble du pays autour d’une histoire commune. Cet enseignement, sous la Troisième République, avait donc la lourde tâche de faire émerger un passé commun de la pluralité des identités régionales. Par exemple, pour que les écoliers savoyards devinssent des citoyens français, il fallait alors que leur histoire fût nationale. Pour se faire, on décida de concentrer l’attention des enfants sur les événements les plus glorieux du pays. Toutefois, cette manière d’enseigner l’histoire n’était pas parfaite, l’objectif qui vise à en saisir la complexité n’étant pas encore atteint. « Est-il vrai qu’il faille enseigner l’histoire aux enfants sans qu’ils la comprennent et de façon à meubler leur mémoire de quelques dates et de quelques événements ? C’est extrêmement douteux. On ne s’y prendrait pas autrement si l’on voulait tuer l’intérêt. » Cette critique de Jacques Bainville dans son Histoire de France reflète ce qu’il restait encore à accomplir dans les années 1920 pour aboutir à un bon enseignement : lier les événements entre eux. Pour y parvenir, tous les moments de l’histoire de France furent enseignés et des sujets tels que la traite des Noirs ou la collaboration par la suite furent alors étudiés à l’Ecole. Cependant, avec le temps, ce qu’on utilisait naguère pour instruire se retrouve aujourd’hui à servir l’obscurantisme. Depuis quelques années en effet, un grand nombre de citoyens ayant pourtant suivi l’enseignement de la République s’attachent uniquement aux événements moins glorieux pour tenter de les effacer de la mémoire collective. Or, « on peut éclaircir l’histoire, on ne la renouvelle pas » disait justement ce même Bainville. Le plus grand défi pour l’Ecole aujourd’hui est de le faire comprendre à ses élèves et de leur rappeler que tous les moments du passé, fussent-ils ou non louables, forment l’histoire de France.
L’Histoire fut donc tuée par l’anachronisme et sa complice, l’Ecole. C’est par un étrange paradoxe que cette institution qui devait rassembler les Français se retrouve à les opposer, ne leur ayant pas tous appris que l’histoire est une et indivisible. Cependant, aujourd’hui plus que jamais, un enseignement historique exhaustif et objectif est nécessaire pour sauver l’unité du pays. L’Histoire est morte, certes, mais vive l’Histoire !
par LOUIS ALEXANDRE
« Les vainqueurs l’écrivent, les vaincus racontent l’histoire. » Par cette maxime, sans doute inspirée d’une phrase de Robert Brasillach, Booba pose le problème central de la question posée : la tyrannie d’être du mauvais côté de l’histoire. J’ajouterais, pire encore, faire partie des oubliés de l’histoire, volontairement ou non, n’a rien de bon. Dans la dernière Confrontation, on pointait l’absence de la grippe de Hong Kong de nos références. Si à titre individuel, ne pas faire partie de l’histoire peut être douloureux, à titre collectif, cela peut avoir des conséquences plus importantes.
L’histoire dépend en effet trop souvent de ceux qui l’ont écrite. Ce pêché originel peut engendrer dans le meilleur des cas de la douleur pour ceux qui se sentent blessés de ne pas y être. Mais c’est davantage du ressentiment que crée cette situation. En effet, l’homme est généralement attaché à sa famille, ses origines. Il peut ne pas supporter un décalage entre les histoires de famille ou les valeurs qu’il projette sur ses ancêtres, et ce que l’histoire en dit. Si ce fardeau historique est pesant, l’individu va en vouloir à ceux qui ont écrit l’histoire potentiellement de manière tendancieuse, pour préserver un groupe social ou une appartenance politique, on peut ici penser aux historiens de la IIIème République ou juste après la Seconde Guerre Mondiale. Certains vont s’écraser sous ce fardeau historique. D’autres n’accepteront jamais de subir l’histoire. Ils vont en parallèle construire un ensemble de représentations tirées de souvenirs ou de fantasmes, donc aussi peu fidèle à la réalité historique. En réaction à une histoire partisane, se développe donc la mémoire, davantage du côté de la passion. L’histoire est quant à elle évidemment du côté de la raison et doit donc pouvoir évoluer raisonnablement. Plus que par une simple reconnaissance de son incomplétude, garder l’histoire du côté de la raison passe par sa réécriture. On pourrait citer en exemple le travail de Michelle Perrot sur la place des femmes et des ouvriers dans l’histoire. Plutôt que d’alimenter un statu quo délétère, réécrire l’histoire permet d’exorciser les blessures du passé, de se libérer d’un enfermement mortifère. Cela ne doit jamais avoir pour but de créer de nouvelles tensions mémorielles. Ce serait dénaturer la finalité de l’histoire. La réécriture doit permettre de prendre le temps et la hauteur nécessaires pour ne jamais tomber dans la rancœur et l’animosité.
Néanmoins, si l’école des Annales avait déjà chahuté les manuels de Lavisse, certains souhaitent pourtant y revenir. Pourquoi ? Par confort peut-être. Si rester enfermé dans une vision de l’histoire, unie, univoque, limpide emprisonne hors de l’histoire ceux qui n’étaient pas du bon côté au moment de sa rédaction, elle permet aussi de protéger ceux qui sont du bon côté. Cela a en effet un côté très rassurant de nous dire que nous sommes tous des Gaulois, que nous avons tous été résistants et tous Charlie. Ne pas réécrire l’histoire permet également de laisser de côté ses cadavres, de ne pas reconnaître ses erreurs. Ne pas réécrire l’histoire c’est souvent préférer porter une charge mémorielle lourde plutôt que d’assumer a posteriori une vérité historique dont nous ne sommes pas responsables. Cette attitude semble assez contre-productive et infondée. Les erreurs et oublis font partie intégrante de l’histoire. Toutefois, ce ne sont pas des fatalités. L’histoire peut être réécrite. Elle l’est même constamment. Cette dynamique lui donne son souffle et sa crédibilité. En effet, l’histoire fossilisée, fixée une bonne fois pour toute n’a rien de bon. Défendre cette conception de l’histoire, immuable, presque sacrée, c’est refuser de croire que la vérité historique peut changer. Les écrits historiques n’ont pas la même ambition que les Écritures même si certains leur vouent une foi quasi transcendante.
A l’heure de l’instantanéité, les grandes figures de l’histoire présente, consacrées ainsi par le FC Twitter ou les chroniqueurs sur les chaînes d’information en continu, peuvent être taillées en pièces le lendemain. Que doit-on retenir d’Éric Drouet, l’homme présenté comme le leader d’une révolte populaire inédite en France, qui faisait trembler l’Elysée et dont presque plus personne ne se soucie aujourd’hui ? L’emballement médiatique cherche sans cesse à produire de nouvelles personnalités historiques, sous couvert de l’avis de prétendus experts pour étayer ces constructions. Des constructions oui : là est le problème, beaucoup n’ont pas la carrure, la profondeur historique qu’on leur prête, mais il faut bien faire de l’audience ! Dans une époque où la figure du journaliste est très (trop) contestée, les héritiers d’Albert Londres franchissent peut-être parfois trop souvent la frontière ténue entre journaliste et conteur d’histoire. The show must go on ! Plus que jamais il faut donc réécrire l’histoire. Pour déconstruire l’histoire artificielle résultant du présentéisme. La réécrire avec du recul, avec une exigence de sincérité et de perfectionnisme. A ce titre il est intéressant de dresser un parallèle entre la technique de la fresque et la manière donc l’histoire doit être réécrite : toutes deux ont une base fraîchement figée sur laquelle de nombreuses personnes vont repasser ensuite pour ajuster le trait. La fresque évolue, se corrige, on y ajoute de nouvelles couches, se patine sans arrêt au fil des années. C’est ainsi qu’il faut réécrire l’histoire.
Conscient que réécrire l’histoire pour la réécrire n’a pas toujours un intérêt, voire peut être dangereux, réécrire l’histoire doit consacrer le travail de l’historien, l’historien indépendant, dévoué à l’Histoire avec un grand H et n’obéissant à aucun intérêt. Certes il est illusoire de concevoir l’histoire comme une science objective et que les historiens travaillent de manière totalement détachée. Mais l’appréhender comme un travail collectif, écrite par des historiens variés, chacun venant avec ses biais et ses thématiques particulières, permet de construire une grande fresque historique où les nuances se contrebalancent pour finalement produire un équilibre objectif. En ce sens, une réécriture unique de l’histoire n’est pas nécessairement féconde, bien au contraire. Mais des réécritures plurielles, qui peuvent se confronter, accoucheront forcément d’une histoire plus fine, plus précise, plus exhaustive.
Quelle place dans l’histoire pour Greta Thunberg, Elon Musk, ou le Coronavirus ? Certains trouvent qu’on en fait trop, d’autres qu’ils ne sont pas reconnus à leur juste mesure ? Finalement nul ne peut le dire. Et plutôt que de se contenter d’un « L’histoire nous le dira », il faut que l’histoire soit sincèrement réécrite pour leur donner leur juste place.
L'inscription du français dans la Constitution de la France remonte seulement à 1992. C'est l'une des informations que vous (re)découvrirez à la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts dont les portes sont désormais ouvertes.
La Cité internationale de la langue française est ouverte au public depuis le 1er novembre 2023, l'occasion d'en apprendre davantage sur cette langue qui permet à plus de 320 millions de personnes de communiquer à travers le monde. Une visite du parcours permanent vous en révélera les mille et un secrets (de polichinelle parfois). En attendant, en voilà déjà sept avec les explications de Xavier North, le commissaire principal du parcours permanent dédié au français à Villers-Cotterêts.
Depuis 1992, cette phrase est inscrite dans la Constitution française et, non pas "le français est la langue de la République" parce qu'il est la langue de pays autres que la France, souligne Xavier North, le commissaire principal du parcours permanent dédié à "L'aventure du français" dans la nouvelle Cité internationale de la langue française. Cette inscription, rappelle-t-il, a coïncidé avec l'ouverture du "grand marché européen, c'est l'année où tombent les frontières en Europe". L'occasion est propice pour la France de réaffirmer "sur quoi repose son identité". "Le législateur a éprouvé le besoin de marquer, de souligner fortement que ce qui fait de nous des Français, c'est parler français", indique le commissaire. Il est "un élément constitutif de notre identité au même titre que l'attachement à un territoire".
Le français apparaît depuis des siècles comme un instrument au service de l'État en France. "C'est une langue, qui dans sa dimension politique justement, a été instrumentalisée par un pouvoir, affirme Xavier North. D'abord le pouvoir royal, puis la République. On en a fait l'instrument d'une unification politique de la Nation. Autrement dit, nous sommes dans un univers ou l'unité politique et l'unité linguistique de la Nation ont marché de pair, ont fonctionné ensemble. Ce qui explique, alors même que ce pays est fondamentalement plurilingue – on a toujours parlé plusieurs langues en France – , que c'est un monolinguisme officiel qui s'est imposé. L'ordonnance de Villers-Cotterêts a joué un rôle considérable à cet égard", explique Xavier North.
Quelques siècles après ce document qui fait du français la langue administrative et juridique, "au moment de la Révolution française, seul un tiers des Français (le) parlaient". La langue française s'est finalement imposée "très lentement". En faisant de la Cité internationale de la langue française "son" projet culturel, le président Emmanuel Macron s'est inscrit dans cette vieille tradition politique singulièrement française.
Le français est utilisé par 321 millions de locuteurs, ce qui en fait la 5e langue la plus parlée au monde après l’anglais, le chinois, l’hindi et l’espagnol. C'est la 4e langue la plus présente sur Internet, derrière l’anglais, l’espagnol et l’arabe. De même, "le français est la 2e langue la plus apprise dans le monde par plus de 50 millions d’individus", selon l'Observatoire de la langue française. Et ce n'est pas Paris, la ville où l'on parle le plus français mais Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, au centre du continent africain qui abrite la majorité des francophones. Selon Xavier North, la meilleure défense du français et par conséquent la bonne formule pour laisser son empreinte partout dans le monde, est sa littérarité. En d'autres termes, sa capacité à produire des concepts qui ne peuvent s'énoncer que dans cette "langue-monde".
C'est la seule institution de l'Union où le français occupe cette place. La Cour européenne a ainsi préservé sa dimension juridique. L'institution délibère ainsi dans cette langue. Le français est sa langue de travail : un cas est introduit dans sa langue originelle, traduit en français et les juges rendent leur verdict dans cette même langue. Leur décision est ensuite retranscrite dans les 23 autres langues de l’Union. "C'est la langue d'un droit européen", résume Xavier North.
"La réalité du français dans le monde, c'est celle-là (...) : le français est toujours en coexistence avec d'autres langues", analyse Xavier North, avec "l'arabe au Maghreb", "l'extraordinaire foisonnement des langues africaines, il dialogue avec l'anglais et ce dialogue est conflictuel en Amérique du Nord parce qu'il y a des rapports de force entre les langues". Le français est "toujours en contact avec d'autres langues" et "c'est ce qui lui confère sa fonction médiatrice". Il est "par excellence une langue de dialogue entre les cultures". Sur son territoire d'origine, le français cohabite avec l'arabe, langue la plus parlée après lui, et 72 langues régionales.
L'écrivaine Annie Ernaux a été distinguée en 2022 par le prix Nobel de littérature, pour "le courage et l'acuité clinique avec lesquels elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle". Elle est ainsi devenue le 16e auteur français à recevoir la prestigieuse récompense littéraire. "La France, explique Xavier North, est le pays qui a gagné le plus grand nombre de prix Nobel de littérature." De même, après l'anglais, le français occupe le deuxième rang des langues qui en ont le plus reçu.
Pourquoi la périphrase "La langue de Molière" désigne-t-elle le français ? Contrairement à Racine et à Corneille, répond Xavier North, "Molière parle, lui, la langue des Français : des aristocrates, des bourgeois, des médecins, des paysans (…), le patois a sa place dans les pièces et même la lingua franca, la langue des marins.Toutes les manières de parler français à l'époque de Molière figurent dans son répertoire dramatique."
La définition de ce qui constitue l’espace européen a toujours été à la fois inspirante et incohérente, affirme l’hebdomadaire britannique “The Economist”. Or redéfinir ce qu’est l’Europe redevient urgent au moment où le bloc communautaire étudie la question de son élargissement vers l’est et aux Balkans.
Bizarrement, le seul continent à s’être uni sous la forme d’un gouvernement multinational relativement efficace n’en est pas un, de continent. Les Anglais ont beau appeler l’Europe “le continent”, c’est juste parce que leur langue a évolué sur une île qui en est séparée par la mer. Ce continent n’est au fond qu’une extension alambiquée de l’Eurasie.
D’où la question qui chiffonne les géographes : où s’arrête l’Europe ? La frontière orientale, en particulier, est floue. Selon le consensus actuel, elle court à travers la Russie tout le long de l’Oural, se perd dans la brume puis réapparaît pour suivre la ligne de partage des eaux du Caucase et rejoindre la mer Noire. Ainsi sont à demi européens non seulement la Russie, la Turquie et la Géorgie, mais aussi le Kazakhstan et peut-être même l’Azerbaïdjan. Et l’Arménie se retrouve en dehors de l’Europe, ce qui n’est certainement pas pour plaire à nombre d’Arméniens.
L’Europe est bien plus qu’un concept géographique. Les autres définitions sont elles aussi sources de confusion, cependant. Si l’Europe désigne tous les lieux où le pouvoir est détenu par des puissances européennes, alors le colonialisme l’a étendue sur toute la surface du globe : passez la frontière la plus occidentale des Pays-Bas et vous voilà en France – vous êtes sur l’île de Saint-Martin, dans les Antilles, que ces deux pays se partagent.
Si l’on considère l’Europe comme un espace culturel, force est de constater que la polka ressemble plus au norteño mexicain qu’au flamenco espagnol, et que l’ouzo grec et l’arak libanais ne sont en réalité qu’un seul et même alcool.
Prenez les valeurs politiques, et vous verrez bien des démocraties situées hors d’Europe qui s’y retrouvent, quand des quasi-dictatures situées elles sur le Vieux Continent ne les partagent pas. Fondez-vous sur la religion ou la couleur de peau, et vous verserez dans le sectarisme – ce qui est anti-européen au possible.
Tout cela peut sembler bien abstrait – sauf que la définition de l’Europe est essentielle pour les pays qui souhaitent adhérer à l’Union européenne. La plupart des candidats actuels (six pays des Balkans occidentaux, ainsi que la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine) se trouvent dans les frontières physiques du continent. S’ils n’ont pas encore intégré l’UE, c’est parce qu’ils n’en respectent pas encore les critères d’adhésion. Critères qui eux-mêmes sont, en partie, le produit de plusieurs siècles de débats sur ce qu’est être européen. Alors qui a sa place dans ce club ? L’idée que s’en font les Européens a été façonnée par l’histoire.
L’idée d’Europe est née dans la Grèce antique, où elle est opposée à une Asie despotique et barbare. Après la chute de l’Empire romain, le rêve d’une réunification de l’Europe reviendra régulièrement. Au Moyen Âge, c’est la chrétienté que l’on veut unir contre l’islam.
Aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, quand font rage les guerres de religion et les guerres d’empires, des idées laïques s’imposent. En 1712, l’abbé de Saint-Pierre appelle à une “Union européenne”, et en 1795 Emmanuel Kant propose lui aussi quelque chose en ce sens avec sa “paix perpétuelle”. Hélas, l’homme qui à l’époque s’attelle à unir l’Europe use de moyens sanglants, il faudra l’arrêter à Waterloo.
L’idée que se faisaient les Lumières de l’appartenance à l’Europe reposait sur la rationalité et le cosmopolitisme, qualités qu’on disait européennes. Le XIXᵉ siècle est venu y ajouter la notion que des cultures et des peuples (voire, et c’est dangereux, des races) seraient intrinsèquement européens. Un tel nationalisme ne pouvait que nourrir de nouvelles guerres, puis en retour, la culpabilité de l’après-guerre a nourri de nouveaux appels à l’unité européenne.
Le mouvement proeuropéen moderne naît ainsi après la Première Guerre mondiale. Certains de ses fondateurs y voyaient un moyen pour l’Europe de rivaliser avec les États-Unis et avec l’Union soviétique. De ce fait, la Russie ne pourrait jamais faire partie de l’Europe. Ni la Grande-Bretagne, pensaient alors certains, puisqu’elle se sentait davantage appartenir à son empire qu’à l’Europe – pour le coup, la suite a montré que la question était pertinente.
Quand un proto-gouvernement fédéral européen a enfin vu le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il s’est donné une mission politique et économique : unir l’Europe de l’Ouest dans une intégration trop forte pour que ses États puissent un jour se refaire la guerre, et dans une prospérité suffisante pour tenir le communisme à distance. Ce sont alors les circonstances de la guerre froide qui déterminent qui est membre ou ne l’est pas, et non de vaporeuses considérations philosophiques.
Les dirigeants communautaires ne se pencheront qu’en 1973 sur une définition de l’“identité européenne”. Ils invoquent “les valeurs d’ordre juridique, politique et moral auxquelles ils sont attachés” et s’engagent à “préserver la riche variété de leurs cultures nationales”. Puisque les valeurs sont universelles (la démocratie, l’état de droit, ce genre de choses) et les cultures, elles, diverses, rien ne peut justifier de fermer la porte à l’Europe de l’Est dès lors que le communisme se sera effondré. Ainsi l’entrée dans l’UE est-elle devenue, en théorie du moins, une question de critères purement techniques.
Mais il se trouve que les institutions pensées pour unifier l’UE ont commencé elles-mêmes à raviver les tensions. La libre circulation imposait aux Français (et aux Britanniques, jusqu’à récemment) d’accepter l’entrée de Polonais et de Bulgares en nombre illimité. La monnaie unique obligeait Allemands et Néerlandais à faire budget commun avec les Italiens et les Grecs. Le droit européen était tel que, quand la Hongrie bourrait les tribunaux de juges partiaux, c’était un problème pour tout le monde.
Des lignes de faille antédiluviennes se sont rouvertes : entre protestants, catholiques et orthodoxes, entre Latins, Germaniques et Slaves. Si bien qu’après la crise de l’euro en 2010-2012, puis la crise des migrants en 2015-2016, il ne restait pas beaucoup de peuples européens aspirant à voir arriver de nouveaux entrants.
Depuis peu, les dirigeants européens s’enthousiasment de nouveau pour un élargissement. Pour comprendre ce regain, on peut avec profit se pencher sur celui qui fut sans doute le plus grand philosophe européen du XXᵉ siècle, Ludwig Wittgenstein.
Le penseur autrichien a d’abord postulé que le langage ne devait renvoyer qu’à des objets nettement distincts dans le monde réel et que la philosophie devait avoir pour rôle de le rendre exact, à l’image d’une science. Puis il a estimé que cette position était absurde. Les mots ne peuvent avoir de définition précise, leurs contours sont flous : leur sens est donc dans l’usage qu’en font les locuteurs pour l’action.
Le mot “Europe” en est un parfait exemple. Pour les Européens, qui a ou n’a pas sa place dans l’UE est fonction des questions du moment. L’union monétaire et les conflits autour de l’état de droit sont des questions relatives aux institutions et à la culture, qui braquent donc les projecteurs sur la diversité des identités et des histoires européennes.
Or les plus grands défis du moment (la guerre en Ukraine, la concurrence avec la Chine, l’augmentation des traversées de la Méditerranée, l’adaptation au changement climatique) sont de nature géopolitique. L’Europe a donc réorienté son attention vers la géographie. Français et Albanais ne sont peut-être pas totalement d’accord sur ce qu’ils ont en commun, mais ils se savent coincés ensemble sur le même morceau de plaque eurasienne. Et pour l’heure, à leurs yeux, cela l’emporte sur tout le reste.
Après des débats très animés qui ont ravivé le clivage gauche-droite, les sénateurs ont voté ce texte qui permet d’interdire l’utilisation de l’écriture inclusive dans un large panel de documents.
THOMAS SAMSON / AFP
LANGUE - « Idéologie mortifère » ou « chemin vers l’égalité » ? Le Sénat a adopté ce lundi 30 octobre une proposition de loi de la droite visant à « protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive », au jour de l’inauguration par Emmanuel Macron de la Cité internationale de la langue française dans le château restauré de Villers-Cotterêts. Le président a dit craindre de voir la langue française « céder aux airs du temps ».
Après des débats très animés qui ont ravivé le clivage gauche-droite, les sénateurs ont voté à 221 voix contre 82 ce texte qui permet d’interdire l’utilisation de l’écriture inclusive dans un large panel de documents.
Son périmètre est grand : elle prévoit en effet de bannir cette pratique « dans tous les cas où le législateur (et éventuellement le pouvoir réglementaire) exige un document en français », comme les modes d’emploi, les contrats de travail, les règlements intérieurs d’entreprise.
Sont également visés les actes juridiques, qui seraient alors considérés comme irrecevables ou nuls si le texte venait à devenir loi, ce que rien n’assure actuellement car son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale est loin d’être garantie.
Dans l’Aisne, Emmanuel Macron avait donné le ton à la mi-journée, défendant « les fondements » de la langue, « les socles de sa grammaire, la force de sa syntaxe » et invitant à « ne pas céder aux airs du temps ».
« Dans cette langue, le masculin fait le neutre, on n’a pas besoin d’ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre lisible », avait ajouté le chef de l’État dans une offensive peu masquée envers le fameux « point médian » - comme dans « sénat.rice.s » -, l’un des pans de l’écriture inclusive.
Le texte de la sénatrice Les Républicains Pascale Gruny s’y attaque frontalement mais il va plus loin : il interdit aussi les « mots grammaticaux » constituant des néologismes tels que « iel », une contraction de « il » et « elle », ou « celleux », contraction de « celles » et « ceux ».
« L’écriture inclusive affaiblit la langue française en la rendant illisible, imprononçable et impossible à enseigner », a attaqué pascale Gruny, son collègue Étienne Blanc dénonçant lui une « idéologie mortifère ».
Les bancs écologiste et socialiste ont répondu par de l’indignation : « La droite sénatoriale nous inflige ses lubies rétrogrades et réactionnaires », s’est offusqué le sénateur socialiste Yan Chantrel. « Vouloir figer la langue française, c’est la faire mourir ».
« Quand on parle de l’écriture inclusive, on parle du chemin vers l’égalité femmes-hommes », a plaidé l’écologiste Mathilde Ollivier.
Ce débat clivant a même dépassé le Palais du Luxembourg. La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a expliqué sur le réseau X (ex-Twitter) vouloir « protéger » la langue française « contre le wokisme dont l’écriture inclusive est une sinistre et grotesque manifestation ». « La langue française est une créolisation réussie » et elle « appartient à ceux qui la parlent ! », lui a rétorqué Jean-Luc Mélenchon, leader de la France insoumise.
L’écriture « dite inclusive » désigne selon le texte du Sénat « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ».
Peu convaincue, la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak a jugé quelques mesures « excessives » sur l’extension aux contrats privés, et estimé que le « rôle » de l’État et du législateur n’était « pas d’être une police de la langue mais de garantir l’égalité devant la langue ».
Tout en prenant soin de s’adresser à « Madame le sénateur Gruny », elle a rendu un « avis de sagesse » sur le texte du Sénat, ni favorable ni défavorable, rappelant que deux circulaires encadrent déjà cette pratique dans les textes publiés au Journal officiel (circulaire d’Édouard Philippe en 2017) et dans l’enseignement (circulaire de Jean-Michel Blanquer en 2021).
Les débats ont révélé plusieurs désaccords. La droite assure par exemple qu’il resterait possible d’utiliser la « double flexion » qui vise à décliner le pendant féminin d’un mot, comme « les sénateurs et les sénatrices » au lieu de « les sénateurs ». Ce que la gauche réfute.
Yann Chantrel a lui estimé que la rédaction actuelle du texte rendrait caduques toutes les pièces d’identité éditées sous l’ancien format, où figure la mention « né(e) le » pour la date de naissance. Ce que la droite a nié. Irréconciliables...
Lors de l’inauguration de la Cité de la francophonie, Emmanuel Macron s’est positionné sur le sujet de l’écriture inclusive, au cœur d’un projet loi étudié au Sénat ce lundi.
Par Maxime Birken
POLITIQUE - Pour le chef de l’État, il s’agit de « ne pas céder aux airs du temps ». Durant la cérémonie d’inauguration de la Cité de la francophonie à Villers-Cotterêts, Emmanuel Macron ne s’est pas dérobé sur le sujet de l’écriture inclusive, alors que le Sénat doit étudier ce lundi 30 octobre une proposition de loi visant à « protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive ».
Sur cette question délicate, le président de la République a estimé que « la force de la syntaxe [de la langue française] est de ne pas céder aux airs du temps ». Des propos accueillis par des applaudissements nourris. « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin de rajouter des points au milieu des mots ou des tirets pour la rendre lisible », a également tranché Emmanuel Macron au château de Villers-Cotterêts, dans l’Aisne.
Déjà interdite à l’école depuis 2021 lors du passage de Jean-Michel Blanquer au ministère de l’Éducation nationale, l’écriture inclusive se retrouve à nouveau au cœur des débats avec cette proposition de loi cherchant à bannir cette forme d’écriture « dans tous les cas où le législateur (et éventuellement le pouvoir réglementaire) exige un document en français ».
De la sorte, des documents comme les contrats de travail, les règlements intérieurs d’entreprises, les modes d’emploi ou les actes juridiques ne seront plus recevables si le texte est adopté par une majorité de sénateurs.
Le texte prévoit aussi d’interdire certains néologismes, comme « iel » (mélange neutre de « il » et « elle ») ou bien « celleux » (qui suit la même logique avec « celles » et « ceux »). La proposition de loi a également pour objectif d’inscrire l’interdiction de l’écriture inclusive dans le code de l’éducation pour acter définitivement son usage dans les établissements scolaires.
La date du 6 juin 1944 qui vit la destruction totale des collections et du bâtiment des Archives départementales de la Manche, scindera toujours en deux leur histoire.
Avant 1944 : un dépôt d'archives, dont l'importance (plus de 85000 articles) n'était connue ou plutôt soupçonnée que des initiés, dont deux séries étaient fort belles : la série A (Domaine royal et domaines engagés) et la série E (état civil, familles, notaires), mais dont la série H (Clergé régulier) écrasait les prétentions en ce domaine de tous les autres dépôts départementaux par sa splendeur numériquement et quantitativement inimaginable :
Abbayes de Blanchelande : 1300 articles ; de Cerisy : 550 articles ; de Cherbourg : 2300 articles ; de Hambye : 300 articles ; de Lessay : plus de 3400 articles ; de Montebourg : 5000 articles ; de Montmorel : 1500 articles ; du Mont Saint-Michel : 3000 articles et 1500 sceaux ; de Saint-Lô : 750 articles ; de Saint-Sauveur-le-Vicomte : 2200 articles ; de Savigny : 2200 articles ; de Torigni : 250 articles ; Abbaye blanche : 615 articles ; etc ...
De multiples instruments de travail, inventaires et répertoires, en facilitaient l'accès. La majorité, manuscrits, ont péri, à l'exception de quelques notes de travail de Dubosc et de Doblet.
Après 1944 : Mise en place d'une dynamique politique de reconstitution (à l'identique parfois, grâce à des copies d'avant 1944 ; à l'"équivalence" le plus souvent) des collections afin de restituer aux Manchois, par tous les moyens possibles, une part de la mémoire perdue. Celle-ci est multiforme : campagnes de microfilmages, relayées maintenant par la numérisation, reconstitutions de corpus documentaires et indexation systématique de ces collections, collecte tous azimuts des archives antérieures aux désastres de la guerre, actions multiples auprès des particuliers pour faire déposer leurs papiers familiaux ou professionnels, classements et inventaires.
Signée en 1539 par François Ier, elle est souvent présentée comme l'acte qui a officialisé le français. C'est oublier sa nature originelle et ses parts d'ombre.
L'ordonnance de Villers-Cotterêts devrait être visible à la Cité internationale de la langue française le 1er novembre 2023.
Eliselfg via Wikimedia Commons
Le 1er novembre 2023, le château royal de Villers-Cotterêts (Aisne) et sa Cité internationale de la langue française devraient ouvrir leurs portes au grand public. Condamnés à la ruine, les murs du château ont été sauvés par Emmanuel Macron. Déjà parce que le lieu représente un témoignage majeur du patrimoine de la Renaissance. Ensuite parce qu'un événement enseigné dans toutes les écoles s'y est déroulé en août 1539 (la date exacte est incertaine). «Aucun autre lieu au monde ne symbolise mieux la naissance du français, s'enthousiasme Jacques Krabal, l'ancien député de l'Aisne qui a ardemment œuvré pour son sauvetage. Dans l'Aisne, nous connaissons beaucoup de difficultés, mais nous avons cette fierté.»
Le roi de France d'alors, François Ier, avait signé l'année précédente une paix de dix ans avec son ennemi Charles Quint. Ce qui lui a permis de se recentrer sur les affaires domestiques du royaume et le quotidien de ses sujets. Sa cour itinérante a passé tout l'été dans son château de Villers-Cotterêts, où le roi est tombé malade. C'est alors qu'il reprend du poil de la bête qu'il signe l'ordonnance dite «de Villers-Cotterêts».
La mémoire collective a retenu que François Ier avait signé l'acte officialisant le français. On imagine des trompettes de la renommée retentir dans le château, alors qu'en fait, le souverain a approuvé un texte strictement juridique, assez technique d'ailleurs, avec un objectif: obtenir le soulagement de ses sujets par l'abréviation (c'est-à-dire l'abrégement) des procès. On veut accélérer le cours de la justice, on supprime les formalités inutiles. C'est un texte de procédure.
«Il s'agit de remédier aux lenteurs de la justice pour désencombrer les tribunaux», décrypte Charles Baud, chartiste et docteur en droit, qualifié aux fonctions de maître de conférences et auteur de la thèse «L'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) et sa réception jusqu'aux codifications napoléoniennes». On est assez loin d'une volonté visionnaire pour la langue…
Parmi ses 192 articles, l'ordonnance en comprend un seul, le 111, dans lequel il est bien question de linguistique: les actes de justice devront dorénavant être rédigés «en langage maternel françois et non autrement». Mais, là encore, cette décision s'inscrit dans une logique de simplification des procédures. On exclut de facto le latin, cette langue élitiste que ne maîtrise pas le peuple. En optant pour la langue maternelle, la justice devenait moins obscure pour le quidam. En ce sens, l'ordonnance démocratisait le droit.
Cela témoigne d'un basculement alors qu'en ce XVIe siècle, le savoir ne s'exprimait qu'en latin. Beaucoup voulaient en découdre avec cette langue prestigieuse qui ne voulait pas mourir et donnait des complexes au français. Dans les parlements, ces hautes cours de justice d'alors, on a appliqué la disposition royale sans résistance –en matière de justice, on pouvait bien se passer des mots de Cicéron. «Le parlement de Paris a enregistré le texte le 6 septembre 1539 et dès cette date, tous les actes ont été enregistrés en français, précise Charles Baud, qui a fouillé les archives judiciaires. Le français était d'ailleurs déjà employé dans certains tribunaux de province, notamment dans le Sud-Ouest.»
Plus décisif que l'ordonnance: l'élan littéraire. Dix ans après sa signature, c'est Joachim du Bellay qui a enfoncé le clou avec sa Défense et illustration de la langue française. La langue française «sortira de terre, et s'élèvera en telle hauteur et grosseur, qu'elle se pourra égaler aux mêmes Grecs et Romains», annonçait-il. La mythification de Villers-Cotterêts semble avoir commencé dès l'origine, car elle servait le dessein d'écrivains et d'écrivaines qui s'efforçaient de donner au français une vitalité inédite. Quant à lui immobile, le latin restera une langue considérable de culture, de diplomatie et de religion, même si son lent déclin sera irréversible. En 2021, l'option latin n'a été suivie que par 3% des lycéens.
Revenons sur la formulation: dorénavant, les actes juridiques doivent être rédigés «en langage maternel françois et non autrement». Un chef-d'œuvre d'ambiguïté digne d'un quatrain de Nostradamus. Ce langage maternel françois déchire depuis longtemps les linguistes: s'agit-il de toutes les langues maternelles parlées en France, ou bien de la seule langue du roi? «Mon hypothèse est que François Ier a volontairement employé cette formule très ambiguë pour contenter tout le monde et prévenir certaines contestations parlementaires pour ménager les particularismes provinciaux», estime Charles Baud.
Ce qui est certain, c'est que le roi n'avait certainement pas l'ambition, ni même le désir, que tout le monde parle français. «Colette Beaune l'a bien montré dans Naissance de la nation France: on était très fier, au XVIe siècle, de la richesse linguistique de la France, où il y avait de multiples dialectes, poursuit le docteur en droit. Cela ne posait pas de problème politique.»
Toujours est-il que cette formulation flottante sera par la suite interprétée à l'encontre des langues régionales. À partir de la Révolution, le latin n'est plus le seul ennemi: s'y ajoutent les différents parlers régionaux. Comme si seul le français pouvait être républicain, les autres langues et dialectes devaient être combattus. Le 2 Thermidor 1794 (20 juillet 1794), Maximilien Robespierre a fait publier un décret lançant la Terreur linguistique. Le chef du Comité de salut public tombera peu après, mais l'anathème jacobin était jeté sur les langues régionales qui susciteront la méfiance tout au long du XIXe siècle.
C'est ainsi que la justice s'appuiera sur l'ordonnance pour refuser l'emploi d'une langue régionale dans la procédure judicaire. La plus ancienne décision trouvée par Charles Baud est l'arrêt «Giorgi contre Masaspino», rendu le 4 août 1859 par la Cour de cassation. Un siècle plus tard, dans le célèbre arrêt «Quillevère» du 22 novembre 1985, le Conseil d'État estimait à son tour que seuls des actes rédigés en français étaient recevables. Cette ordonnance royale a traversé les régimes en raison d'une lacune: le français n'est devenu langue officielle qu'en 1992, avec son insertion tardive dans la Constitution (article 2). C'est à la fois le dernier texte de l'Ancien Régime directement applicable et le plus ancien.
«Les juges judiciaires ou administratifs continuent à s'y référer, alors qu'ils pourraient très bien se contenter de citer la loi Toubon de 1994 ou la version révisée en 1992 de la Constitution. L'ordonnance est un peu une clause décorative, insérée ici pour faire joli, sans raison juridique véritable.» Inutile juridiquement, l'ordonnance de Villers-Cotterêts apporte un souffle symbolique jusque dans nos salles d'audience. Probablement parce que ce texte célèbre une forme de communion nationale autour de la langue.
Avec cette ordonnance, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. C'est elle qui oblige à tenir des registres de baptêmes et de sépultures: il s'agit de l'ancêtre de notre état civil et les généalogistes peuvent aujourd'hui saluer la mémoire de François Ier. Moins reluisant, cette ordonnance comprend aussi un volet pénal qui paraît, regardé avec des yeux contemporains, terriblement cruel et arbitraire. Les procès devaient être rapides et toute une série de mesures visait à aggraver le caractère inquisitoire de la procédure en rognant très sévèrement sur les droits de l'accusé.
Cette justice expéditive cherchait avant tout des coupables, au détriment des droits les plus élémentaires de la défense. Tout ce que combattront les philosophes des Lumières. «Si l'ordonnance n'avait pas été connue pour sa décision sur la langue, elle aurait pu devenir tristement célèbre pour les procès kafkaïen où l'accusé est livré à lui-même, seul, sans ressources ni connaissance des pièces du dossier et, surtout, sans l'assistance d'un avocat, constate Charles Baud. On s'étonne que les révolutionnaires n'aient pas agité ce texte comme symbole de l'iniquité du droit pénal sous l'Ancien Régime!»
Fort heureusement, seul son volet linguistique est passé à la postérité, au point d'incarner l'officialisation du français. «Dire que le français est devenu officiel à Villers-Cotterêts est évidemment un raccourci, sourit Charles Baud. Quand je l'entends dans les médias, en tant qu'historien attaché à la véracité des sources, je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est un manque de précision et de rigueur. Mais c'est le jeu: les gens ont besoin d'avoir des jalons, des repères spatio-temporels communs. C'est ce qui permet de faire société.» Ce texte mythique est aujourd'hui revenu au bercail: on pourra bientôt le découvrir là où il est né, dans le flambant neuf château de Villers-Cotterêts.
Depuis le 1er septembre 2023 : interdiction de l'utilisation des eaux de pluie dans les locaux d'habitation entre autres
« Dispositions communes aux eaux de pluie et aux eaux usées traitées
« Art. R. 211-123.-I.-L'utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées, telles que définies respectivement aux articles R. 211-124 et R. 211-125, est possible dans les lieux et aux conditions définies aux articles R. 211-126 et R. 211-127 pour les usages non domestiques.
« L'utilisation des eaux de pluie est possible sans procédure d'autorisation.
« L'utilisation des eaux usées traitées peut être autorisée selon la procédure définie à la sous-section 2 de la présente section. Lorsqu'il est envisagé d'utiliser les eaux usées traitées à des fins agronomiques ou agricoles, seule l'utilisation des eaux mentionnées au 1° de l'article R. 211-125 peut être autorisée.
« II.-Les utilisations d'eau dans les domaines suivants sont régies exclusivement par les dispositions qui leurs sont propres :
« 1° Les usages domestiques et dans les entreprises alimentaires, sur le fondement de l'article L. 1322-14 du code de la santé publique ;
« 2° Les usages dans une installation relevant de la nomenclature annexée à l'article R. 511-9 ou de la rubrique 2.1.1.0 de la nomenclature définie à l'article R. 214-1, tels qu'ils sont réglementés par l'arrêté préfectoral encadrant le fonctionnement de cette installation ;
« 3° Les utilisations d'eaux douces issues du milieu naturel encadrées par un arrêté préfectoral pris sur le fondement de la nomenclature définie à l'article R. 214-1.
« Art. R. 211-124.-Pour l'application de la présente section, on entend par “ eaux de pluie ” celles issues des précipitations atmosphériques collectées à l'aval de surfaces inaccessibles aux personnes en dehors des opérations d'entretien et de maintenance.
...
« Art. R. 211-126.-L'utilisation des eaux mentionnées aux articles R. 211-124 et R. 211-125 n'est pas possible à l'intérieur des lieux suivants :
« 1° Les locaux à usage d'habitation ;
« 2° Les établissements sociaux, médico-sociaux, de santé, d'hébergement de personnes âgées ;
« 3° Les cabinets médicaux ou dentaires, les laboratoires d'analyses de biologie médicale et les établissements de transfusion sanguine ;
« 4° Les crèches, les écoles maternelles et élémentaires ;
« 5° Les autres établissements recevant du public pendant les heures d'ouverture au public.« Art. R. 211-127.-L'utilisation des eaux mentionnées aux articles R. 211-124 et R. 211-125 n'est pas possible sur le fondement de la présente section pour les usages suivants :
« 1° Alimentaires, dont la boisson, la préparation, la cuisson et la conservation des aliments, le lavage de la vaisselle ;
« 2° D'hygiène du corps et du linge ;
« 3° D'agrément comprenant, notamment, l'utilisation d'eau pour les piscines et les bains à remous, la brumisation, les jeux d'eaux, les fontaines décoratives accessibles au public et l'arrosage des espaces verts des bâtiments.
La Ford Capri 1975 de Francis
par Gaëtan Mangin 1er octobre 2023
L’urgence écologique nous impose désormais de repenser nos mobilités, seul secteur pour lequel les émissions n’ont jamais cessé de croître. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics multiplient les directives qui enjoignent les citoyens à abandonner leurs voitures thermiques pour des véhicules électriques. En témoignent les récentes annonces du gouvernement qui entend généraliser leur possession par des subventions massives permettant à de nombreux ménages de s’équiper pour une centaine d’euros par mois.
Un certain nombre de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), qui consistent à restreindre l’accès aux véhicules qui dépassent un certain seuil d’émission de gaz polluants, ont ainsi été instaurées dans quelques métropoles : Paris, Lyon ou Grenoble par exemple. Avec la loi « climat et résilience » adoptée en 2021, l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants seront concernées d’ici 2024.
De fait, dans ces zones, seules les voitures qui répondent à des normes écologiques très récentes (majoritairement électriques ou hybrides) seront autorisées à circuler. Nous assistons dès lors à une épuration de grande ampleur du parc automobile, qui traduit une conception pour le moins enchantée des mobilités électriques présentées comme salvatrices. Cette vision fait reposer le problème de la pollution de l’air sur les usagers de voitures qui, parce que trop anciennes, ne répondent plus aux exigences actuelles en termes d’émissions polluantes, soit celles disposant d’un moteur thermique et construites avant les années 2010.
Notre thèse de doctorat en sociologie menée entre 2017 et 2022, qui se donne pour ambition de comprendre la possession et l’usage d’une voiture de plus de 20 ans à l’époque contemporaine, révèle pourtant que les impératifs de durabilité ne sont pas étrangers à de telles mobilités. Dans la quarantaine d’entretiens réalisés, l’analyse de la presse spécialisée, mais aussi les moments plus informels de bricolage et de discussion dans des garages ou en rassemblements de passionnés d’automobiles qui ont constitué les terrains de cette thèse, il devient même possible d’entrevoir, chez certains usagers, qu’ils soient urbains ou ruraux, des engagements forts en faveur d’une certaine écologie.
Dans une large majorité, les propos des usagers de vieilles automobiles expriment une rhétorique du réemploi opposée à la production et la consommation de masse. Il s’agit de promouvoir une écologie priorisant l’usage d’outils fonctionnels (ou réparables) au recours à du neuf. Dans leurs discours, cette écologie du réemploi apparaît comme davantage réaliste parce qu’elle se veut plus accessible financièrement, et correspondrait à un mode de vie sobre déjà dont l’expertise existe déjà dans les catégories populaires qui la développent au quotidien.
La dauphine bleue de 1969, toujours à Francis
Peu coûteuse à l’achat comme à l’entretien, la voiture d’occasion désuète serait aussi écologique parce que le coût écologique de sa production a déjà été assumé.
Il n’est pas évident d’expliquer à nos chers écolos que conserver et faire rouler une “vieille” auto à la place d’en fabriquer une neuve permet d’économiser des hectolitres d’eau, des kilos d’acier, de caoutchouc et de plastique, etc. C’est tout le problème de ne s’en tenir qu’à la des gaz qui sortent de l’échappement, plutôt que d’analyser le cycle de vie total, de la fabrication au recyclage en passant par l’usage… » (Richard, s’exprimant dans la revue « Youngtimers » n°79)
Comme tout objet technique, une voiture a besoin d’être entretenue pour durer, et une vieille automobile nécessite une attention soutenue, à l’état de ses organes de sécurité notamment (plusieurs fois par an).
Aujourd’hui, un grand nombre de concessions automobiles ne sont plus équipées pour intervenir sur des véhicules dénués de systèmes de diagnostic électronique, et les mécaniciens ne sont plus formés pour intervenir sur une mécanique commercialement dépassée. Dès lors, la maintenance incombe largement aux possesseurs qui développent, aux fil de leurs interventions, un attachement à la voiture dont ils prennent soin, ainsi qu’une connaissance fine qui leur permet de croire que leur objet perdurera encore longtemps à leurs côtés.
« Moi, ma voiture, je l’entretiens ! Pour qu’elle soit belle et pouvoir continuer de rouler avec. Je voudrais l’user jusqu’à la corde, celle-là. Attends, une Golf comme ça, je fais 300 000 kilomètres avec ! Elle peut encore vivre 30 ans, ma voiture ! » (Larry, 64 ans, décorateur retraité, roule en Volkswagen Golf 3 de 1993)
Refuser de passer à une voiture plus récente relève également d’un scepticisme assumé envers les intentions écologiques des constructeurs. La voiture contemporaine, surtout lorsqu’elle est électrique, est soupçonnée d’être bien plus polluante qu’il n’y paraît, notamment par sa production qui nécessite l’extraction de métaux précieux tels que le lithium ou le cobalt.
Le pick-up Honda de 1981 au bac de Tchibanga vers Ndende
Ses équipements électroniques et numériques font eux aussi l’objet de méfiance quant à la planification de leur obsolescence. C’est, là aussi, la logique de remplacement précoce qui est critiquée, et avec elle la stratégie consistant à rendre chaque modèle rapidement obsolète en le remplaçant par un autre ou en en proposant une version restylisée.
« Par leur fiabilité, elles se retrouvent plus vite à la casse qu’une voiture ancienne. Elles ont pas vocation à durer, non… le but, c’est de consommer ! Avant, on faisait des voitures robustes ! La Saab 900, c’est de la voiture robuste. Pourquoi ? Parce qu’on n’était pas dans cette démarche-là, de consommation ! » (Yannis, 40 ans, Chef d’entreprise, roule en Saab 900 de 1985)
Si on les compare aux voitures récentes, les voitures de plus de 15 ans sont moins confortables et moins sécurisées, ce qui requière une attention plus soutenue de la part du conducteur qui devra davantage faire preuve d’observation et d’anticipation.
Elles sont aussi plus exigeantes à conduire, ce qui sollicite davantage ses cinq sens. Par exemple, elles ne bénéficient pas de régulateurs de vitesse, d’aide au freinage d’urgence, ni même parfois de direction assistée, ce qui complique particulièrement les manœuvres. Parce qu’elles se trouvent à l’opposé des impératifs d’efficacité, de telles voitures deviennent l’outil idéal pour tenir à distance un sentiment d’accélération qui caractérise notre époque, en s’immergeant dans des mobilités « douces » car convoquant un imaginaire du voyage, empreint de lenteur et de contemplation.
« Mes parents, ils sont là-dedans. Ils gagnent du temps, ils ont le petit boîtier pour passer au péage et puis tout est prélevé sur leur compte… Moi, je trouve ça effrayant ! C’est effrayant ! T’as l’impression que c’est simple, mais au final, ça va encore plus vite ! » (Lucas, 22 ans, étudiant en philosophie reconverti en charpentier traditionnel, roule en Renault 4 de 1982)
Plus encore que des marchandises et un système économique, c’est aussi tout un système de mobilité qui se trouve tenu à distance. Pour bon nombre d’usagers en effet, faire persister la centralité de la voiture dans l’aménagement du territoire et dans les mobilités quotidiennes, ce serait manquer d’ambition face aux enjeux écologiques contemporains.
Ainsi, nombre d’usagers de vieilles voitures plaident pour une refonte ambitieuse du système de mobilité qui ferait la part belle aux mobilités alternatives, et qui prendrait notamment au sérieux la bicyclette en tant que moyen de transport efficace. Aussi, tous affirment qu’ils se passeraient de voiture au quotidien si cela leur était possible.
« Moi, je suis pas nostalgique. Je pense que cette société d’avant, celle de la conquête, on se trompait. Elle a oublié la finitude des choses, comme je pense qu’aujourd’hui on oublie qu’il y a des perspectives ! La perspective c’est le vélo par exemple […] Avec le vélo, on va dans des endroits où la voiture ne va plus, on s’affranchit des embouteillages, voilà. On peut se projeter de nouveau ! » (Fabrice, 47 ans, enseignant-chercheur, roule avec plusieurs Citroën des années 1970 à 2000)
La Dyane à Belle-Isle en 1988
Rouler en vieille voiture, c’est donc pour certains une manière de vivre ses mobilités de façon plus sobre, en privilégiant la qualité (du trajet, de l’objet…) à une forme d’abondance.
« Je trouve qu’on a été trop loin sur certaines choses, qu’on va trop loin par rapport à la planète aussi, la pollution, tout ça. Je veux pas rentrer là-dedans, enfin je veux plus. Un de mes rêves, ce serait d’être autonome au niveau énergétique. Donc il y a, dans ma démarche, quelque chose d’écolo… Oui, écolo ! On peut dire écolo. » (Bruno, 56 ans, éducateur spécialisé, roule en Renault 4 de 1986).
Cette éthique de la sobriété se trouve bien souvent au fondement d’un mode de vie plus frugal, et suppose une posture réflexive quant à nos actions et leurs conséquences. Si convertir tout un chacun à la « vieille voiture » ne peut représenter un projet de transition écologique, le rapport de tels usagers à leurs mobilités nous invite toutefois à ne plus prendre la route à la légère. Il exhorte, au contraire, à questionner la banalité de notre recours à la voiture pour penser un automobilisme plus éclairé.
Le terme "route" vient du latin "rupta" (via), "voie rompue" "voie frayée", aménagée dans la roche.
COMPLÉTER ILLUSTRATIONS
Le réseau routier a été historiquement développé par les Romains. Ils ont mis en place environ 12 000 kms de voies partiellement pavées afin de pouvoir facilement déplacer leurs armées d'une région à une autre. Ce sont les voies romaines. Selon la tradition, le premier constructeur de routes fut Appius Claudius le Censeur qui, en 312 avant JC. entreprit la construction de la route qui porte son nom, la Via Appia, principale route menant de Rome au sud de l’Italie. C'est de Rome au bout du forum que partaient 29 routes disposées en éventail qui reliaient la ville aux provinces d’Italie et continuaient dans des pays limitrophes au-delà des Alpes. Certaines se prolongeaient vers les différentes régions de l’Empire, du Sud au Nord et de l’Est à l’Ouest. Elles permettaient les rapides mouvements de troupes destinés à réprimer les révoltes et formaient un important réseau de communication, la clé du succès et de la survie de Rome.
Table de Peutinger
Extrait de la Table de Peutinger (Tabula Peutingeriana ou Peutingeriana Tabula Itineraria), appelée aussi carte des étapes de Castorius
Le reste du territoire était parcouru par de simples chemins de terre. Après la chute de l'Empire Romain, ces routes devenues moins utiles se dégradent. La "Table de Peutinger", copie médiévale d’une carte des routes de l’Empire, donne les distances entre les villes et les hébergements disponibles. Plus de 80.450 kilomètres de routes couvrent l’Empire dans sa totalité en l’an 114 après JC.
Au Moyen Age, la France n'a plus vraiment de réseau routier, mais des routes régionales et des chemins en plus ou moins bon état. Par la suite, les gouvernements successifs ne font que des efforts temporaires de mise en état sous Louis XI, puis Sully et Colbert. C'est au XVIIIème siècle que l'établissement d'un véritable réseau routier se met en place. Le service des Ponts et Chaussées développe et entretient les routes les plus importantes avec le concours du ministère de la Guerre. Il construit avec le système de la corvée près de 30 000 km de voies entre 1728, date de sa création, et la Révolution. Les routes sont bordées d'arbres afin de protéger les piétons et les chevaux. Les voies locales restent à la charge des riverains.
En 1776, un arrêt du Conseil d'état définit quatre classes de routes, depuis les grandes routes qui traversent la totalité du royaume, ou qui conduisent de la capitale dans les principales villes, ports ou entrepôts de commerce, jusqu'aux petites routes d'intérêt local.
Les routes de première classe, ou routes royales, devront désormais avoir 42 pieds de largeur (environ 13 m). Après la Révolution, les routes sont dans un état déplorable. Pour Napoléon Bonaparte, les routes impériales, qui remplacent les routes royales, permettent d'unifier le pays et de faciliter le passage des troupes, comme à l'époque romaine. Il s'attache à développer les routes vers l'Italie, à laquelle il attribue une importance politique particulière. Il construit ou aménage les voies passant par le col du Simplon vers Milan, par le col du Mont-Cenis, par le col du Lautaret et Briançon, en Oisans et le long de la côte méditerranéenne (future Nationale 7).
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Point zéro des routes de France sur le parvis de Notre-Dame de Paris (Photo Wikipédia)
Le décret impérial du 16 décembre 1811 divise les routes de l'Empire en routes impériales, départementales et chemins vicinaux. Il distingue trois classes de routes impériales. La première classe comprend quatorze routes dont dériveront les principales routes nationales que l'on connait aujourd'hui. Toutes ces routes partent de Paris, même si certaines ont un tracé commun à leur début. Conçues à l'époque d'extension maximale de l'Empire, certaines de ces routes se terminent de nos jours, dans des villes étrangères. Les voies reliant les grandes villes de province entre elles sont reléguées dans une seconde catégorie. Le décret mentionne aussi les routes départementales, qui correspondent aux routes de 3e classe de l'Ancien Régime.
Dans le Var, le réseau routier départemental compte alors 17 routes. Ce sont les routes : N°1 de Brignoles à Marseille, N°2 de Draguignan à Saint-Raphaël, N°3 de Grasse à Cannes, N°4 du Beausset à Bandol, N°5 de Toulon à Barjols et à Digne, N°6 de Marseille à Barjols, N°7 de Draguignan à Barjols, N°8 du Luc à Saint-Tropez, N°9 de Draguignan à Riez, N°10 de Lorgues à Fréjus, N°11 de Cuers à Brignoles, N°12 de Cuers aux salins (Hyères), N°13 de l'embranchement de Saint-Julien pour aller de La Roquebrussanne à Tourves, N°14 de Castellane à Toulon, N°15 de Grasse à Cagnes, N°16 de Grasse à Vence, N°17 de Vence à Cagnes par Saint-Paul. A noter que les routes N°3, 15, 16 et 17 ont été intégrées au département des Alpes-Maritimes en 1861.
Agay-route de la Corniche
Il n'y a pas de domaine public départemental. Les routes départementales restent la propriété de l'Etat. Le Conseil général les gère, les entretient et les aménage. Il faudra attendre 1871 pour qu'elles intègrent le domaine public départemental. Déjà en 1873, le Conseil général du Var innove en la matière en délibérant et décidant "que le service des routes départementales et celui des chemins vicinaux seraient confiés à un personnel unique, que ce personnel serait exclusivement départemental, et que le chef de service prendrait le titre de Directeur de la voirie départementale". Le Conseil général du Var exprimait sa volonté de simplifier la gestion de la voirie, de coordonner au mieux la politique routière et de mettre fin aux disparités qui existaient entre les personnels du service vicinal et celui des Ponts et Chaussées. C'est au XXe siècle que les grands changements interviennent. Pour faciliter l'orientation des automobiles, en 1930 les voies départementales sont signalisées. On roule à 30 km/h en rase campagne et à 20 km/h en agglomération. En 1972, débute le grand transfert des routes nationales vers les départements. La loi du 2 mars 1982 transfère la responsabilité du Préfet vers le Président du Conseil général. Les directions départementales - DDE - sont mises à la disposition des Départements pour la gestion des routes. Dernière étape, en 2004, avec la loi de Décentralisation, dans le Var, l'Etat transfère tout son réseau routier national (hors réseau autoroutier) au Département. Le Conseil général du Var récupère 315 km de routes supplémentaires.
Le réseau routier varois aujourd'hui : Au 31 décembre 2011, la longueur totale du réseau routier du département du Var est de 10 352 km, se répartissant en 195 km d'autoroutes, 4 km de routes nationales, 2 931 km de routes départementales et 7 221 km de voies communales. Il occupe ainsi le 61e rang au niveau national sur les 96 départements métropolitains quant à sa longueur et le 67e quant à sa densité avec 1,7 kilomètres par km2 de territoire.
Le saviez-vous ? : La taille des départements nés sous la Révolution a été calculée pour qu'on puisse les traverser en une journée à cheval.
Col de Gratteloup
La RD 25 entre Le Muy et Sainte-Maxime : Il y a deux cents ans environ, la municipalité de Sainte-Maxime s'échinait déjà à améliorer le sentier qui allait vers le route Royale du Muy. En 1832, le Conseil général du Var classe ce chemin en route Départementale. C'est au début du XXème siècle, juste avant l'ère automobile, que le chemin fut empierré sur une bonne largeur. Du coup, le trafic de charrettes tirées par des chevaux s'intensifie. En 1937, il passe en été au Col du Gratteloup, 100 véhicules par jour, contre 12 000 aujourd'hui.
Sources : D'après un article paru dans Var Mag' Le magazine du Conseil Général N° 176 - Janvier 2012 et Wikipédia - l'encyclopédie libre.
Après la lecture, jetez-les, donnez-les, échangez-les –ça vous fera de la place.
J'ai validé le titre, donc je sais que vous êtes hors de vous et pourquoi. Mais écoutez-moi juste un peu.
par Dorie Chevlen
J'adore les livres. Leur odeur, sentir leur poids dans ma main, regarder leurs dos bien alignés sur une étagère. Arpenter les rayonnages des bibliothèques, feuilleter des ouvrages dans la librairie indépendante de mon quartier et évidemment, par-dessus tout, les lire, tout cela me comble. Je les aime au point que j'ai étudié la littérature à la fac et que comme je n'étais jamais rassasiée, je me suis faite écrivaine.
Je vous raconte tout ça pour que vous compreniez une chose: je ne suis pas en train de vous provoquer juste pour m'amuser. Je sais que ce ne sera pas facile. Mais mon conseil est ferme et définitif: il faut vous débarrasser de vos livres.
O tempora! O mores! O tout ce que vous voudrez! Je ne suis pas différente de vous. Tous les bibliophiles grandissent en rêvant de posséder un jour une gigantesque bibliothèque. Si comme moi vous êtes un millennial, vous l'avez sans doute imaginée comme celle de Belle dans le dessin animé La Belle et la Bête, avec des rayonnages du sol au plafond et un escabeau qui roule pour glisser de l'un à l'autre.
Mais vous ne vivez pas dans un palais rococo français, si? Non. Le plus probable, c'est que vous êtes obligé de faire de la géométrie dans l'espace chaque fois que vous déménagez (et vous déménagez souvent), que vous êtes au désespoir quand il s'agit de trouver où déballer cet énième carton de livres, que vous vous demandez si c'est une idée absurde d'en coller tout en haut du frigo et que vous finissez par vous demander si vous l'utilisez vraiment si souvent que ça, ce four.
Une fois lus, vous devez vous engager à les passer à quelqu'un d'autre –à des amis, à des voisins, à des boîtes à livres, à des écoles.
Si vous êtes un millennial et que vous êtes propriétaire, félicitations d'avoir gagné à la loterie de notre génération –mais je suis prête à parier que chez vous, c'est quand même plus petit que ce que vous espériez et que votre bureau/chambre d'amis/chambre d'enfant gagnerait à être délivré de ces mètres carrés dévorés par la bibliothèque.
Je ne suis pas en train de vous dire qu'il ne faut pas avoir de livre du tout. Tout le monde devrait avoir une collection permanente (et vous avez même ma permission de l'appeler comme ça si vous avez envie de faire un peu classe). Mais soyez réaliste vis-à-vis de l'espace dont vous disposez et des titres qui ont gagné leur droit à s'y faire une place, parce que vos étagères ne vont pas s'agrandir par l'opération du Saint-Esprit.
Évidemment certains livres sont trop précieux pour qu'on s'en sépare, peu importe le nombre de fois que vous les aurez lus: une certaine première édition de T.S. Eliot offerte par mon petit ami préféré a une place ad vitam aeternam sur mes étagères et je relis «le sermon» de Moby-Dick à chaque Yom Kippour au lieu d'aller à la synagogue, donc ça, ça reste.
Si c'est un livre auquel vous revenez régulièrement, ou que vous relisez souvent, ou juste auquel vous attachez une grande importance émotionnelle –gardez-le. Les autres? Donnez-les.
Après l'abattage, il faut continuer à acheter des livres, que ce soit des précommandes de vos auteurs préférés ou des trésors d'occasion achetés sur un coup de tête. Mais une fois lus, vous devez vous engager à les passer à quelqu'un d'autre –à des amis, à des voisins, à des boîtes à livres, à des écoles.
John Waters prône même de ne surtout pas coucher avec quelqu'un qui n'en a pas.
Oui, les bibliothèques municipales et les e-books (qui retournent dans le néant) correspondent exactement à l'idée: les livres sont faits pour être lus, puis virés. Et quand un nouvel élément intègre la collection permanente, un ancien doit en sortir.
Je comprends pourquoi il peut être difficile d'appauvrir votre collection actuelle. Pour commencer, c'est une question d'ego: après tout, chaque livre est un témoin physique de votre érudition, un trophée de papier à votre immense intelligence. Et naturellement, certains titres fournissent un complément de contexte à cette immense intelligence: les Nora Ephron prouvent que vous êtes romantique, mais les Stephen King laissent entendre qu'il y a en vous une part d'ombre.
Chacun est méticuleusement sélectionné et placé, tel un petit kit de base pour savoir Qui Vous Êtes™. Nous attribuons une telle valeur au fait de posséder des livres que John Waters prône même de ne surtout pas coucher avec quelqu'un qui n'en a pas.
Et si, dans cette quête du nettoyage par le vide, nous pensions à nos livres physiques non comme à des babioles servant à impressionner de potentiels partenaires, mais comme à un moyen d'exister dans le monde et à nous y relier?
En donnant un livre, vous lui donnez l'occasion de devenir ami avec un inconnu. Vous lui donnez la possibilité d'étonner, d'effarer, de marquer. Et non, vous ne le reverrez probablement plus jamais. Même en le prêtant, vous savez qu'il ne reviendra pas.
Mais si ça se trouve, dans quelques années, peut-être entendrez-vous quelqu'un évoquer une scène, faire allusion à une intrigue, ou même mal citer un passage, et reconnaîtrez-vous l'esprit de votre vieil ami sorti de son enveloppe corporelle: «Je l'ai lu, ça, il y a longtemps», vous direz-vous alors. Et vous penserez: «Moi aussi, je l'ai aimé.»
Peu de gens savent ce qui se cache derrière les murs du musée des Archives nationales. Pour les Journées européennes du patrimoine, l'artiste Ami Karim ouvre un tiroir insolite de l'histoire de France.
par Elodie Palasse-Leroux
J'ai plus de souvenirs que si j'avais 1.000 ans.
gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances.
Charles Baudelaire surgit à l'esprit quand s'ouvrent les lourds battants de «l'armoire de fer». Mais Karim Zaïdi, slameur connu sous le nom de scène Ami Karim, n'éprouve aucun spleen en se remémorant ce jour de 2009 durant lequel il a fait une entrée inattendue –et littérale– dans l'histoire de France. Il est le «défricheur de rimes, détrousseur de quatrains» du chanteur Renaud, le sujet de son morceau «Pour Karim, pour Fabien» (Fabien, alias Grand Corps malade, ami et complice des débuts de Karim), sorti en 2016.
À l'approche du musée des Archives nationales, on aperçoit, au croisement des rues Rambuteau, des Archives et des Francs-Bourgeois, à la limite des IIIe et IVe arrondissements de Paris, les tourelles érigées au-dessus de la porte fortifiée de l'ex-hôtel de Clisson (désormais hôtel de Soubise), qui date de la fin du XIVe siècle. Il y a trois minutes à peine, la silhouette radicale du Centre Pompidou nous propulsait dans les années 1970. Quelques centaines de mètres plus loin, nous voilà de retour en 1371. Levez le nez: cette éruption médiévale dans le mur d'enceinte de l'hôtel de Soubise (construit, lui, entre 1705 et 1709) constitue l'unique vestige de l'architecture privée de l'époque à Paris.
Les pas de promeneurs pressés claquent sur les pavés. Rares sont ceux qui jettent un regard, au-delà de l'immense portail laissé ouvert, à l'imposant hôtel particulier qui abrite le musée des Archives nationales. Il leur aurait suffi de s'y engouffrer pour être happés par cette machine à remonter le temps. Savent-ils seulement ce qui s'y cache? «J'adore l'histoire, mais moi non plus je n'avais jamais entendu parler des Archives avant 2009», confie Ami Karim.
Il a rattrapé son retard. Sa connaissance de l'histoire des lieux ferait rougir Stéphane Bern. En 1808, un décret impérial affecte l'hôtel de Soubise aux Archives de l'Empire. Napoléon Ier y fait regrouper les documents jusque-là éparpillés dans divers dépôts parisiens.
Le musée des Archives nationales ouvre ensuite en 1867 pour offrir aux visiteurs «un abrégé des preuves de l'histoire de France» à travers les «monuments écrits de la patrie». Aujourd'hui, l'hôtel abrite un musée des documents français, depuis les Mérovingiens jusqu'au Premier Empire (1804-1814-1815), dont l'interrogatoire des Templiers en 1307 ou la révocation de l'édit de Nantes en 1685. Le musée des documents étrangers rassemble quant à lui des traités et documents diplomatiques.
L'hôtel de Soubise fait aussi office de conservatoire de «pièces à conviction et objets saisis» (attentat contre Louis XV en 1757, procès contre l'Organisation de l'armée secrète de 1959 à 1965) et d'objets historiques (l'étalon des poids et mesures ou les clefs de villes prises à l'ennemi). Sans oublier la fameuse «armoire de fer». Coffre-fort composé de deux monumentaux caissons de métal de 2,60 mètres de largeur sur 2,60 mètres de hauteur, enchâssés l'un dans l'autre, il est considéré comme un chef-d'œuvre de l'ingénierie du XVIIIe siècle.
Sa serrure est pourvue de six molettes, chacune permettant d'encoder toutes les lettres de l'alphabet, pour une infinité de combinaisons. En plus du code, elle s'ouvre au moyen de clés à quatre tours (faites d'acier massif et dépourvues de soudure). Peu de meubles ont été produits pendant la Révolution, ce qui renforce encore le caractère exceptionnel de l'armoire construite en 1790-1791. Elle conservait à l'Assemblée nationale les prototypes des étalons du système métrique, la Constitution ou les minutes des lois et décrets révolutionnaires.
Derrière ses portes se cachent l'ensemble des constitutions de la France et une variété hétéroclite de documents historiques: le journal de Louis XVI y côtoie la gazette des atours de Marie-Antoinette, les mètre et kilogramme étalon jouxtent le serment du Jeu de paume, les testaments de Louis XIV et de Napoléon Ier. «Et puis, il y a mon texte, s'étonne encore Ami Karim. Le seul document émanant d'un civil.»
En 2009, pour parer à la saturation des deux sites des Archives nationales à Paris et à Fontainebleau (ils reçoivent plus de quatre kilomètres linéaires de documents chaque année), a commencé la construction d'un nouveau bâtiment à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Il a ouvert en 2013 pour accueillir les documents post-période révolutionnaire. L'architecture a été confiée au controversé Massimiliano Fuksas, et la première pierre posée en septembre 2009 en présence du Premier ministre de l'époque, François Fillon, et du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand.
Le premier album d'Ami Karim, sorti en 2008, avait alors fait grand bruit et l'artiste venait d'achever une tournée de 150 concerts en France et en Amérique du Nord. C'est à lui qu'on propose d'écrire un texte, lu en 2009 lors de la cérémonie de la pose de la première pierre. «Pour l'occasion, ils voulaient quelque chose de moins conventionnel. J'ai grandi à Saint-Denis, ils m'ont appelé pour me demander ce que représentait pour moi l'implantation des Archives dans le 93.»
Pour Ami Karim, «fan d'histoire de France», les Archives nationales organisent une immersion dans leurs coulisses. «Je conserve un souvenir extraordinaire de ce moment, au cours duquel j'ai parcouru des documents vieux de plusieurs siècles, souvent manuscrits, signés des rois de France…» Il impose cependant une condition: «Je ne voulais pas de récupération politique. J'étais d'accord pour leur soumettre mon texte, mais ils ne pouvaient en changer le moindre mot.»
Il en faut de la place pour garder le temps, texte que vous pouvez lire en intégralité à la fin de cet article, décrypte «la différence entre un musée et les Archives nationales: décider que l'histoire est importante jusque dans ses moindres détails, soigner avec la même tendresse une lettre d'amour et les rapports de Napoléon, imaginer une vie changer dans une demande de naturalisation».
Le Journal des arts s'étonne à l'époque du peu de médiatisation de l'événement: «C'est l'un des chantiers les plus ambitieux portés à l'heure actuelle par le ministère de la Culture. Il est le seul à être financé à 100% par l'État, […] pour un budget global de 242 millions d'euros.» Le média souligne également la justesse des propos tenus par Ami Karim. Il n'est ni «universitaire ni responsable politique», mais «résume parfaitement l'importance de cette institution. Point de convergence entre histoire, identité et mémoire, celle-ci reste garante de la transmission des sources majeures de l'histoire de France.»
En dépit d'un patrimoine culturel costaud, on nous renvoyait l'image d'enfants de nulle part.» - Ami Karim, artiste
Raconter le 93, «ça prendrait du temps. Et aussi pas mal de statistiques, pas très glorieuses évidemment, parce qu'un département né sur les cendres d'une révolution, déclare le slameur en septembre 2009. Mais ça crée aussi des hommes, qui survivront aux bidonvilles, des ouvriers aux doigts calleux, aux rides profondes, indélébiles.»
Des questions d'histoire, d'identité et de mémoire, Ami Karim s'en pose depuis toujours. «J'ai grandi à cheval entre deux mondes auxquels, enfant, je n'appartenais jamais complètement. Il faut devenir un jeune adulte pour mesurer qu'il s'agit aussi d'une richesse»: celle d'une double culture et des leçons tirées de l'histoire du couple formé par ses parents.
Tout a commencé à l'hiver 1954
«Mon père est arrivé d'Algérie en hiver 1954.» Celui, particulièrement cruel, de l'appel de l'Abbé Pierre. «Il a grandi à Stains [Seine-Saint-Denis, ndlr], dans une cité d'urgence, une cité de transit. Ce devait être éphémère, mais il y est resté quinze ans. Ce sont aussi les réalités d'une période de l'histoire de France. Ma mère, elle, vivait à Paris, dans le VIIe [Cliquer et glisser pour déplacer] arrondissement. Mon grand-père maternel était polytechnicien. À 20 ans, elle s'est engagée dans une association caritative –pour laquelle elle allait travailler toute sa vie. Une de ses premières missions l'a amenée à Stains.»
Cinquante ans et quatre enfants plus tard, ils font toujours mentir les prévisions. Karim est né en 1976. «Mais rien n'a été facile, jamais.» Il reconnaît toutefois que l'expérience lui a permis, ainsi qu'à ses deux sœurs et à son frère, de «devenir des caméléons»: «Nous sommes aussi à l'aise à Pierrefitte dans la cité qu'en visite chez notre grand-mère dans sa maison de retraite du XVe arrondissement. Pourtant, en dépit d'un patrimoine culturel costaud, on nous renvoyait l'image d'enfants de nulle part.»
En «protégeant son passé on en devient fier», écrit-il pour l'inauguration des Archives de Pierrefitte. «Imaginer demain, c'est plus facile quand on a fait la paix avec hier.» La suite va prendre des allures de «pied de nez à ces discours d'intégration qui [l]e hérissent parfois».
Dans son texte, Ami Karim remercie les employés des Archives «pour faire de la connaissance bien plus qu'un droit, un devoir». «Par chez nous, ça manque souvent d'attaches, de racines. Merci de venir combler les blancs de nos origines.» Cette attention lui vaut un traitement particulier: «Je ne devais pourtant que lire ce texte.» Mais «les Archives nationales sont avant tout un lieu républicain», rappelait Isabelle Neuschwander, alors directrice des Archives nationales. C'est elle, conjointement avec la directrice de l'atelier de restauration, qui décide de faire entrer Ami Karim dans l'histoire.
«Elles ont tellement apprécié que je rende à la fois hommage à la France et à leur travail d'archivage et de conservation qu'elles ont décidé que mon texte avait sa place aux Archives.» Il est ainsi relié dans les règles de l'art, en deux exemplaires. «J'en garde un, le deuxième est conservé aux Archives nationales. Le jour de la cérémonie, toute ma famille était réunie pour observer le livre être rangé dans “l'armoire de fer”. Mes mots, les seuls d'un civil, rejoignaient ceux de personnages qui ont fait l'histoire de France. Quelle fierté, quel bonheur ils ont ressenti!»
Il est ensuite invité par le ministère de la Culture à prendre part à une mission de terminologie et de néologisme. Ses vers ont même résonné outre-Atlantique: en 2017, Ami Karim a appris avec stupéfaction qu'une professeure de la prestigieuse Université de Georgetown, à Washington, «faisait étudier [s]es textes à ses élèves».
Ils échangent et l'artiste est invité à donner plusieurs conférences sur les banlieues françaises, dont une portant sur «les discriminations liées aux lieux d'habitations, pour le département d'anthropologie». Il y tient aussi une masterclass et des ateliers d'écriture. Une autre consécration pour lui, qui a dédié un de ses morceaux à son ancienne professeure de français. Avec son troisième album, dont le premier extrait («Jamais content, toujours fâché») doit sortir en octobre 2023, il espère y retourner.
Une question me brûle les lèvres: avec qui partage-t-il sa boîte d'archives au sein du coffre-fort de l'histoire de France? On y trouve aussi le testament signé de la main de Louis XIV, m'apprend-t-il. Mais le Roi-Soleil n'est pas son seul voisin: «Il paraît que je suis posé au-dessus d'un texte de Pétain!» La coïncidence l'amuse beaucoup. Très à propos, le tiroir est classé dans la catégorie «Mélanges». Cela ferait un beau titre d'album.
J'en avais jamais entendu parler.
Pour moi la mémoire collective, c'étaient les expos et les jours fériés,
C'était le Louvre, le musée de l'Homme et le samedi soir l'arc de Triomphe,
C'étaient aussi les cours d'histoire et la moitié de la classe qui ronfle.
Alors ça a beau être grand, ça a beau être symbolique,
C'est compliqué de s'identifier aux icônes de la République,
Et puis même si ce sont de grands hommes qui dessinent une nation,
Pour la construire on aura toujours besoin de juristes, de boulangers ou de maçons.
C'est là, la différence entre un musée et les Archives nationales,
Décider que l'histoire est importante jusque dans ses moindres détails,
Soigner avec la même tendresse une lettre d'amour et les rapports de Napoléon,
Imaginer une vie changer dans une demande de naturalisation.
Mais il en faut de la place pour garder le temps,
Et deux cents ans de détails, ça n'a pas l'air, mais c'est imposant,
Alors aujourd'hui le sentiment qui domine c'est la fierté,
Au moment de construire, la nouvelle armoire du passé.
S'il fallait raconter le 93... Ça prendrait du temps.
Et aussi pas mal de statistiques, pas très glorieuses évidemment,
Parce qu'un département né sur les cendres d'une révolution,
Ça fait des enfants turbulents souvent victime d'hypertension.
Mais ça crée aussi des hommes, qui survivront aux bidonvilles,
Des ouvriers aux doigts calleux, aux rides profondes, indélébiles,
Et puis des journalistes, des commerçants, des artistes, des avocats.
C'est peut-être un petit peu prétentieux, mais y a que chez nous qu'on trouve tout ça.
Alors merci,
Merci de rendre hommage à notre histoire,
De faire de la connaissance bien plus qu'un droit, un devoir.
Par chez nous, ça manque souvent d'attaches, de racines,
Merci, de venir combler les blancs de nos origines.
Avec ce bâtiment, vous faites de la Seine-Saint-Denis un écrin.
Sacrée responsabilité, mais on en prendra soin.
Parce qu'en protégeant son passé on en devient fier,
Et qu'imaginer demain c'est plus facile quand on a fait la paix avec hier.
Merci, enfin, de nous rappeler que ce terrain a eu une vie avant,
Et que d'ici à Pantin, pour alimenter Paris, il y avait du blé, il y avait des champs.
C'est pas seulement un terrain vague, des hommes ont cultivé ici,
Et maintenant que le corps est rassasié, on va nourrir l'esprit.
Ami Karim, 11 septembre 2009
Si vous avez déjà pris un selfie et que vous vous êtes demandé à quoi il ressemblerait si Léonard de Vinci le peignait, vous avez de la chance. Grâce à la puissance de l’IA, vous pouvez transformer vos souvenirs en tableaux qui ressemblent aux coups de pinceau d’artistes peintres. Si de nombreuses plateformes vous offrent cette possibilité, toutes ne le font pas gratuitement. Dans cet article, nous allons voir quelques outils en ligne gratuits que vous pouvez utiliser pour convertir vos images en peintures.
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Comme la plupart des éditeurs de photos AI gratuits en ligne, vous trouverez presque tout ce dont vous avez besoin dans la version gratuite de BgRem. Mais si vous préférez la retouche photo sans limitations, il peut être intéressant de s’abonner.
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Vous devez vous connecter pour utiliser l’outil et vous recevrez cinq crédits par mois avec la version gratuite.
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Le plus intéressant dans l’utilisation d’Al Gahaku, c’est que le processus est simplifié. Vous n’avez pas besoin d’être un pro de la retouche photo pour l’utiliser, il vous suffit de télécharger votre photo et de laisser Al Gahaku s’occuper de tout pour vous.
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Au début, il peut être un peu difficile de s’y retrouver dans l’outil tant il y a de choses à faire. Néanmoins, le résultat final en vaut la peine. Vous avez le choix entre des options telles que l’aquarelle, le style cartoon et le pastel.
Bien que gratuit, vous devrez vous abonner pour accéder à des fonctionnalités premium telles que l’absence de publicité et l’accès illimité aux fonctionnalités AI.
Conclusion
Ces outils ont redéfini la créativité visuelle en vous permettant d’expérimenter différents styles artistiques. Leur accessibilité en fait des outils de premier choix pour transformer vos photos préférées en tableaux et œuvres d’art étonnants.
Nombre d’entre eux ne se contentent pas de transformer vos photos en peintures : vous pouvez effectuer d’autres tâches de retouche photo, comme modifier la densité des couleurs et effacer les parties indésirables d’une image.
Murdered by My Replica?
Margaret Atwood responds to the revelation that pirated copies of her books are being used to train AI.
Remember The Stepford Wives? Maybe not. In that 1975 horror film, the human wives of Stepford, Connecticut, are having their identities copied and transferred to robotic replicas of themselves, minus any contrariness that their husbands find irritating. The robot wives then murder the real wives and replace them. Better sex and better housekeeping for the husbands, death for the uniqueness, creativity, and indeed the humanity of the wives.
The companies developing generative AI seem to have something like that in mind for me, at least in my capacity as an author. (The sex and the housekeeping can be done by other functionaries, I assume.) Apparently, 33 of my books have been used as training material for their wordsmithing computer programs. Once fully trained, the bot may be given a command—“Write a Margaret Atwood novel”—and the thing will glurp forth 50,000 words, like soft ice cream spiraling out of its dispenser, that will be indistinguishable from something I might grind out. (But minus the typos.) I myself can then be dispensed with—murdered by my replica, as it were—because, to quote a vulgar saying of my youth, who needs the cow when the milk’s free?
To add insult to injury, the bot is being trained on pirated copies of my books. Now, really! How cheap is that? Would it kill these companies to shell out the measly price of 33 books? They intend to make a lot of money off the entities they have reared and fattened on my words, so they could at least buy me a coffee.
A certain amount of hair-tearing and hair-splitting is bound to go on over such matters as copyright licenses and “fair use.” I will leave those more knowledgeable about the hair business to go at it. I recall, though, some of the more fatuous comments that were made in my country during the “fair use” debate some years ago, when the Canadian government was passing a bill that in effect granted universities the right to repackage the texts of books gratis, and then sell them to students, pocketing the change. But what are writers to live on? was the question. Oh, they can, you know, get grants and teach creative writing in universities and so on, was the airy reply from one lad, an academic. He had clearly never existed as a freelancer.
Beyond the royalties and copyrights, what concerns me is the idea that an author’s voice and mind are replicable. As young smarty-pants, we used to write parodies of writers older and more accomplished than ourselves. The more mannered an author, the easier it was for us. Hemingway? Dead simple! (Dead. Simple.) Henry James? Max Beerbohm had beat us to it, with his baroque masterpiece, The Mote in the Middle Distance. Shakespeare? Nay, needst thou ask, thou lily-livered pup? Jane Austen? Jane visits the dentist: “It is a tooth universally acknowledged …” The sentence structure, the vocabulary—adjectives and adverbs, especially—the cadence, the subject matter: All were our fodder, as they are the fodder, too, of chatbots. But we were doing it for fun, not to impersonate, to deceive, to collect, and to render the author superfluous.
Orwell, of course, was there before: In 1984, there are machines that crank out trashy romance novels as opium for the proles, and I suppose if a literary form is generic and formulaic enough, a bot might be able to compose examples of it. But judging from the attempt recently made with one of these entities—“Write a Margaret Atwood science-fiction short story about a dystopian future”—anything more complex and convincing is as yet beyond it. The result, quite frankly, was pedestrian in the extreme, and if I actually wrote like that, I would defenestrate myself immediately. The program, so far, does not understand figurative language, let alone irony and allusion, and its flat-footed prose was the opposite of effective storytelling. But who knows what the machines might yet achieve? you may say. I’ll wait and see. Maybe they’ll at least turn out a mediocre murder mystery or two.
I am, however, reminded of the Hans Christian Andersen story “The Nightingale.” The clockwork bird can sing, but only the song with which it has been programmed. It can’t improvise. It can’t riff. It can’t surprise. And it is in surprise that much of the delight of art resides: Otherwise, boredom sets in quickly. Only the living bird can sing a song that is ever renewed, and therefore always delightful.
A former teacher of mine once said there was only one important question to be asked of a work of art: “Is it alive, or is it dead?” Judging from the results I’ve seen so far, AI can produce “art” of a kind. It sort of looks like art; it sort of sounds like art. But it’s made by a Stepford Author. And it’s dead.
Margaret Atwood is a Canadian poet and short-story writer, as well as the author of more than a dozen novels. Her novel The Handmaid’s Tale is among the most frequently banned books in the United States.
Ah, the wind in your hair, the open road ahead, and not a care in the world… except all the trackers, cameras, microphones, and sensors capturing your every move. Ugh. Modern cars are a privacy nightmare.
Car makers have been bragging about their cars being “computers on wheels" for years to promote their advanced features. However, the conversation about what driving a computer means for its occupants' privacy hasn’t really caught up. While we worried that our doorbells and watches that connect to the internet might be spying on us, car brands quietly entered the data business by turning their vehicles into powerful data-gobbling machines. Machines that, because of their all those brag-worthy bells and whistles, have an unmatched power to watch, listen, and collect information about what you do and where you go in your car.
All 25 car brands we researched earned our *Privacy Not Included warning label -- making cars the official worst category of products for privacy that we have ever reviewed.
The car brands we researched are terrible at privacy and security
Why are cars we researched so bad at privacy? And how did they fall so far below our standards? Let us count the ways!
We reviewed 25 car brands in our research and we handed out 25 “dings” for how those companies collect and use data and personal information. That’s right: every car brand we looked at collects more personal data than necessary and uses that information for a reason other than to operate your vehicle and manage their relationship with you. For context, 63% of the mental health apps (another product category that stinks at privacy) we reviewed this year received this “ding.”
And car companies have so many more data-collecting opportunities than other products and apps we use -- more than even smart devices in our homes or the cell phones we take wherever we go. They can collect personal information from how you interact with your car, the connected services you use in your car, the car’s app (which provides a gateway to information on your phone), and can gather even more information about you from third party sources like Sirius XM or Google Maps. It’s a mess. The ways that car companies collect and share your data are so vast and complicated that we wrote an entire piece on how that works. The gist is: they can collect super intimate information about you -- from your medical information, your genetic information, to your “sex life” (seriously), to how fast you drive, where you drive, and what songs you play in your car -- in huge quantities. They then use it to invent more data about you through “inferences” about things like your intelligence, abilities, and interests.
It’s bad enough for the behemoth corporations that own the car brands to have all that personal information in their possession, to use for their own research, marketing, or the ultra-vague “business purposes.” But then, most (84%) of the car brands we researched say they can share your personal data -- with service providers, data brokers, and other businesses we know little or nothing about. Worse, nineteen (76%) say they can sell your personal data.
A surprising number (56%) also say they can share your information with the government or law enforcement in response to a “request.” Not a high bar court order, but something as easy as an “informal request.” Yikes -- that’s a very low bar! A 2023 rewrite of Thelma & Louise would have the ladies in custody before you’ve had a chance to make a dent in your popcorn. But seriously, car companies' willingness to share your data is beyond creepy. It has the potential to cause real harm and inspired our worst cars-and-privacy nightmares.
And keep in mind that we only know what companies do with personal data because of the privacy laws that make it illegal not to disclose that information (go California Consumer Privacy Act!). So-called anonymized and aggregated data can (and probably is) shared too, with vehicle data hubs (the data brokers of the auto industry) and others. So while you are getting from A to B, you’re also funding your car’s thriving side-hustle in the data business in more ways than one.
All but two of the 25 car brands we reviewed earned our “ding” for data control, meaning only two car brands, Renault and Dacia (which are owned by the same parent company) say that all drivers have the right to have their personal data deleted. We would like to think this deviation is one car company taking a stand for drivers’ privacy. It’s probably no coincidence though that these cars are only available in Europe -- which is protected by the robust General Data Protection Regulation (GDPR) privacy law. In other words: car brands often do whatever they can legally get away with to your personal data.
It’s so strange to us that dating apps and sex toys publish more detailed security information than cars. Even though the car brands we researched each had several long-winded privacy policies (Toyota wins with 12), we couldn’t find confirmation that any of the brands meet our Minimum Security Standards.
Our main concern is that we can’t tell whether any of the cars encrypt all of the personal information that sits on the car. And that’s the bare minimum! We don’t call them our state-of-the-art security standards, after all. We reached out (as we always do) by email to ask for clarity but most of the car companies completely ignored us. Those who at least responded (Mercedes-Benz, Honda, and technically Ford) still didn’t completely answer our basic security questions.
A failure to properly address cybersecurity might explain their frankly embarrassing security and privacy track records. We only looked at the last three years, but still found plenty to go on with 17 (68%) of the car brands earning the “bad track record” ding for leaks, hacks, and breaches that threatened their drivers’ privacy.
At a glance: How the car brands stack up
Here’s how the cars performed against our privacy and security criteria.
Some not-so-fun facts about these rankings:
Tesla is only the second product we have ever reviewed to receive all of our privacy “dings.” (The first was an AI chatbot we reviewed earlier this year.) What set them apart was earning the “untrustworthy AI” ding. The brand’s AI-powered autopilot was reportedly involved in 17 deaths and 736 crashes and is currently the subject of multiple government investigations.
Nissan earned its second-to-last spot for collecting some of the creepiest categories of data we have ever seen. It’s worth reading the review in full, but you should know it includes your “sexual activity.” Not to be out done, Kia also mentions they can collect information about your “sex life” in their privacy policy. Oh, and six car companies say they can collect your “genetic information” or “genetic characteristics.” Yes, reading car privacy policies is a scary endeavor.
None of the car brands use language that meets Mozilla’s privacy standard about sharing information with the government or law enforcement, but Hyundai goes above and beyond. In their privacy policy, it says they will comply with “lawful requests, whether formal or informal.” That’s a serious red flag.
All of the car brands on this list except for Tesla, Renault, and Dacia signed on to a list of Consumer Protection Principles from the US automotive industry group ALLIANCE FOR AUTOMOTIVE INNOVATION, INC. The list includes great privacy-preserving principles such as “data minimization,” “transparency,” and “choice.” But the number of car brands that follow these principles? Zero. It’s interesting if only because it means the car companies do clearly know what they should be doing to respect your privacy even though they absolutely don’t do it.
What can you do about it? Well…
This is usually where we’d encourage you to read our reviews, and to choose the products you can trust when you can. But, cars aren’t really like that.
Sure, there are some steps you can take to protect more of your privacy, and we’ve listed them all in each of our reviews under “Tips to protect yourself.” They’re definitely worth doing. You can also avoid using your car’s app or limit its permissions on your phone. (Since many of the apps share a privacy policy with the vehicle, we can’t always tell which data is taken from your phone so it’s probably better to err on the side of caution by not using it.) But compared to all the data collection you can’t control, these steps feel like tiny drops in a massive bucket. Plus, you deserve to benefit from all the features you pay for without also having to give up your privacy.
The lack of choice has really been among the biggest bummers in reading up on cars and privacy. Consumers’ choices are limited in so many ways with cars, because:
They’re all bad
People don’t comparison-shop for cars based on privacy. And they shouldn’t be expected to. That’s because there are so many other limiting factors for car buyers. Like cost, fuel efficiency, availability, reliability, and the features you need. Even if you did have the funds and the resources to comparison shop for your car based on privacy, you wouldn’t find much of a difference. Because according to our research, they are all bad! On top of all that, researching cars and privacy was one of the hardest undertakings we as privacy researchers have ever had. Sorting through the large and confusing ecosystem of privacy policies for cars, car apps, car connected services, and more isn’t something most people have the time or experience to do.
Like we mentioned, all of the cars we researched earned our *Privacy Not Included warning label. All of the car brands we researched got our “data use” and “security” dings -- and most earned dings for poor data control and bad track records too! We can’t stress enough how bad and not normal this is for an entire product guide to earn warning labels.
It’s so confusing
We spent over 600 hours researching the car brands’ privacy practices. That’s three times as much time per product than we normally do. Even still, we were left with so many questions. None of the privacy policies promise a full picture of how your data is used and shared. If three privacy researchers can barely get to the bottom of what’s going on with cars, how does the average time-pressed person stand a chance?
But wait, there’s more!
"Consent” is an illusion
Many people have lifestyles that require driving. So unlike a smart faucet or voice assistant, you don’t have the same freedom to opt out of the whole thing and not drive a car. We’ve talked before about the murky ways that companies can manipulate your consent. And car companies are no exception. Often, they ignore your consent. Sometimes, they assume it. Car companies do that by assuming that you have read and agreed to their policies before you step foot in their cars. Subaru’s privacy policy says that even passengers of a car that uses connected services have “consented” to allow them to use -- and maybe even sell -- their personal information just by being inside.
So when car companies say they have your “consent” or won’t do something “without your consent,” it often doesn’t mean what it should. Like when Tesla says, that sure! You can opt out of data collection, but it might break your car:
However, “if you no longer wish for us to collect vehicle data or any other data from your Tesla vehicle, please contact us to deactivate connectivity. Please note, certain advanced features such as over-the-air updates, remote services, and interactivity with mobile applications and in-car features such as location search, Internet radio, voice commands, and web browser functionality rely on such connectivity. If you choose to opt out of vehicle data collection (with the exception of in-car Data Sharing preferences), we will not be able to know or notify you of issues applicable to your vehicle in real time. This may result in your vehicle suffering from reduced functionality, serious damage, or inoperability."
Tesla's Customer Privacy Notice
https://www.tesla.com/legal/privacy
A few of the car companies we researched take manipulating your consent one step further by making you complicit in getting “consent” from others, saying it’s on you to inform them of your car’s privacy policies. Like when Nissan makes you “promise to educate and inform all users and occupants of your Vehicle about the Services and System features and limitations, the terms of the Agreement, including terms concerning data collection and use and privacy, and the Nissan Privacy Policy.” OK, Nissan! We would love to meet the social butterfly who drafted this line.
Don’t worry!! There is something you can do!
Hey woah don’t hang up your driving gloves just yet! We’re not saying the situation is hopeless. What we are saying is that it’s not fair for the burden to be on consumers to make “better choices” that in this case don’t exist. And we don’t want to take a page from car companies’ books by asking you to do things no reasonable person would ever do -- like reciting a 9,461-word privacy policy to everyone who opens your car’s doors.
You’re already helping us to spread the word just by reading our research. Our hope is that increasing awareness will encourage others to hold car companies accountable for their terrible privacy practices too. But that’s not all. On behalf of the Mozilla community, we’re asking car companies to stop their huge data collection programs that only benefit them. Join us!
Add your name to ask car companies to respect drivers’ privacy and to stop collecting, sharing and selling our very personal information.
Après la Seconde Guerre mondiale, la Marine s’est lancée dans le creusement d’un arsenal souterrain afin de protéger certaines de ses installations sensibles. Mais le projet… a pris l’eau.
Par Matthieu Dalaine - Publié le 29/08/2023
En janvier2023, des spéléologues ont pu explorer la "galerie de la Marine" qui devait, en 1946, lancer le grand projet de "base industrielle protégée du Faron". Tout au bout de ce tunnel brut, qui succède à une première partie maçonnée, se trouvent deux vannes et un mur en béton. (Photos DR)
C’est une histoire méconnue. Documentée par quelques érudits et redécouverte récemment par un groupe de plongeurs spéléologues. C’est une histoire étonnante, comme le Toulon militaire en regorge, où subsistent encore de nombreuses zones d’ombre.
C’est une histoire qui prend racine à la fin de la guerre 1939-1945. Les bombardements ont alors lourdement endommagé la ville et la base navale. Marquée par les menaces venues du ciel, mue par de nécessaires ambitions de reconstruction, la Marine cherche à abriter certaines installations stratégiques.
Lesquelles? Mystère. Une chose est sûre: l’idée folle d’un arsenal souterrain qui serait caché à l’abri des bombes dans la masse calcaire du Faron fait son chemin dans les couloirs de l’amirauté.
"Une équipe d’ingénieurs se met à réfléchir à cette problématique, des plans sont dressés, des spécialistes consultés", raconte l’hydro-spéléologue Philippe Maurel, qui se passionne depuis plusieurs années pour ce sujet. "Le projet se veut pharaonique, avec des ramifications en sous-sol qui iraient du Jonquet à La Valette." Certains évoquent même des accès depuis le port.
Loin de rester à l’état de maquette, l’opération est mise en œuvre dès août 1945. Sans tambour ni trompette. "Ils attaquent une galerie d’exploration depuis les abords de la route des Moulins", poursuit André-Jean Tardy. Cet ancien directeur de la régie municipale des eaux a enquêté sur cette stupéfiante entreprise, dont il livre les moindres détails: "Sur la partie aval de cette route, pas très loin des actuels HLM du Jonquet, un ingénieur des travaux maritimes possédait un terrain. Aucune autorisation ne sera nécessaire…"
Problème: après un tir de mine, les techniciens tombent sur un os. Ou plutôt sur de l’eau, beaucoup d’eau. Début 1946, le boyau qui atteint maintenant la longueur de 162mètres est partiellement noyé sans que personne ne sache vraiment d’où provient le précieux liquide.
"Au même moment, une partie de Toulon se retrouve subitement à sec, explique Philippe Maurel. C’est le branle-bas de combat: les autorités civiles pressent alors les autorités militaires d’arrêter immédiatement leurs travaux."
La mairie envoie des agents contrôler le débit de cette rivière souterraine. "Mais cela leur est plusieurs fois interdit car la Marine considère son opération comme du secret-défense", précise André-Jean Tardy.
Un éminent professeur de Dumont d’Urville, par ailleurs président de la Société des sciences naturelles de Toulon, est missionné pour documenter les lieux. Après un début d’altercation avec un officier qui n’apprécie guère la présence de curieux sur un terrain militaire, ce dénommé Jean-Baptiste Gaignebet confirme le problème: la galerie a bien recoupé l’alimentation de la source Saint-Antoine, qui alimente Toulon.
L’affaire remonte jusqu’au ministère. L’armée n’a plus le choix. Le tunnel est obstrué par un solide mur en béton comportant deux vannes. Comme par enchantement, l’eau réapparaît aussitôt en ville. "Le projet de base est purement et simplement abandonné", relate Philippe Maurel.
À la place, les crédits de l’État seront fléchés vers… Mers el-Kébir, en Algérie, où quelque 15km de tunnels "antiatomiques" et autres hangars vont être creusés dans les années qui suivent. Casernements, hôpital, magasins à vivres, réservoirs à mazout, soutes à munitions, arsenal et même une centrale électrique sont enterrés sous la montagne. C’est la plus grande base militaire souterraine du monde!
Est-ce cela qui avait été imaginé pour la "base industrielle protégée du Faron", ainsi nommée sur un vieux plan de la DCAN? Peut-être.
A Toulon, le souvenir de "la galerie de la marine" s’estompe peu à peu. Il faudra attendre 1970 pour que des plongeurs, passant par le siphon de Saint-Antoine, redécouvrent le boyau.
En 1988, un discret acte administratif signé du ministère de la Défense national scelle le sort de l’endroit. "Pour la somme de 100 francs, à laquelle il fallait ajouter 480 francs de frais de publicité, la commune de Toulon devenait propriétaire d’une galerie de mine abandonnée", sourit André-Jean Tardy.
Ce qu’il en reste aujourd’hui? Philippe Maurel et ses camarades spéléologues y sont allés de leur exploration en début d’année. Ils en ont ramené de magnifiques photos du tunnel, pour partie maçonné, pour partie brut, qui garde les stigmates des explosions qui ont permis son creusement. Les vestiges d’un projet titanesque qui a tourné court.
Quelques rares plans de la direction des constructions et armes navales (DCAN) documentent le projet de l’époque. (Photo DR).
Initialement prévue pour être une œuvre en deux parties, le « Dune » de Denis Villeneuve pourrait bien avoir droit à un 3e volet adapté du roman « Le Messie de Dune ».
Par Loïse Delacotte
TRILOGIE - Voilà une nouvelle qui permet d’apaiser un peu la tristesse des fans de Dune. La sortie de Dune : Deuxième Partie a été reportée au mois de mars 2024 en raison de la grève à Hollywood qui continue de secouer le milieu du divertissement. Mais les amateurs de science-fiction vont pouvoir trouver du réconfort malgré tout. Dans une interview avec le magazine spécialisé Empire, Denis Villeneuve a fait une révélation réjouissante au sujet de son œuvre. Le réalisateur a confié qu’il envisageait une suite. « Si je parviens à faire une trilogie, ce serait un rêve ».
Celles et ceux qui ont lu la saga Dune de Frank Herbert savent qu’elle s’étend sur de nombreux tomes. En effet, la suite directe de Dune est intitulée Le Messie de Dune et suit toujours le destin de Paul Atréides. La matière existe donc, et Denis Villeneuve envisage déjà de la travailler à sa façon. « Le Messie de Dune a été écrit pour corriger le tir car les gens percevaient Paul Atréides comme un héros. Alors que ce n’était pas l’objectif premier. Mon adaptation de Dune est donc un peu plus fidèle à sa vision, et sert d’avertissement. »
Ce 3e volet de Dune est corrélé au succès de Dune : Deuxième Partie au box-office lors de sa sortie dans quelques mois. Mais s’il obtient un feu vert des studios pour lancer Le Messie de Dune, ou Dune : Troisième Partie, Denis Villeneuve ne partira pas d’une page blanche, comme il l’a confié à Empire. « Je peux simplement vous dire, qu’il y a déjà des mots écrits sur une page… » .
Quid du destin du personnage principal incarné par Timothée Chalamet dans l’adaptation de Denis Villeneuve, le mystérieux Paul Atréides ? Attention, si vous n’avez pas lu les romans de Frank Herbert et souhaitez garder le suspense, arrêtez votre lecture.
S’il respecte la trame des livres, ce 3e film, encore hypothétique, suivrait le destin de Paul devenu l’empereur Muad’Dib et régnant sur l’univers et l’épice. Le guerrier (qui peut voir l’avenir) n’est pas au bout de son combat puisque ses adversaires vaincus feront tout pour le destituer : la Guilde, les Bene Gesserit, l’ancienne maison impériale. Pour ce faire ils s’attaqueront à ce que Paul a de plus précieux, sa famille, et notamment sa compagne Chani, incarnée par Zendaya dans les films. Et leur histoire ne s’arrête pas là, puisqu’après leur disparition, ce sont leurs enfants Leto et Ghanima qui reprennent le flambeau… Denis Villeneuve est-il prêt pour un Dune : Quatrième Partie ? Nous, oui.
Nous sommes terriblement mal préparés pour faire face à la plus grande menace qui pèse sur l'humanité.
L'un des premiers essais importants de Friedrich Nietzsche s'ouvre sur une étrange fable aux allures de science-fiction. Située sur une petite planète mélancolique où «des animaux intelligents inventèrent la connaissance», la parabole du philosophe raconte l'ascension, le règne et l'extinction de cette espèce savante, dont la carrière est décrite comme ne représentant qu'une «minute» dans l'histoire de l'univers. «La nature respira encore un peu et puis l'astre se figea dans la glace, les animaux intelligents durent mourir», écrit-il.
La ruse de Nietzsche devient rapidement transparente: bien sûr, les «animaux intelligents» ne sont autres que nous, et le but de la parabole est de forcer le lecteur à imaginer notre espèce du point de vue de Dieu, de révéler le «fantôme misérable, éphémère, insensé et fortuit que constitue l'intellectuel humain au sein de la nature». L'histoire se termine sur une note résolument nihiliste: «Lorsque c'en sera fini de lui, il ne se sera rien passé de plus», observe Nietzsche. «Car ce fameux intellect ne remplit aucune mission au-delà de l'humaine vie.»
Naturellement, la plupart des lecteurs se concentrent sur l'avant-dernière phrase, extrêmement pessimiste, dans laquelle Nietzsche annonce l'insignifiance cosmique de l'humanité. Pourtant, c'est la dernière phrase, qui explique expressément pourquoi il ne se sera rien passé, qui délivre la clé de cette parabole.
Pour Nietzsche, si l'extinction des «animaux intelligents» importe si peu, ce n'est pas parce que leur existence est intrinsèquement dénuée de valeur, mais parce qu'ils ne poursuivent pas de «mission» qui donnerait un sens à leur existence collective. Ils ne se fixent pas d'objectif en tant qu'espèce.
La nécessité d'un surhomme
En 1873, Nietzsche insistait sur le fait que l'humanité n'atteindrait une signification cosmique que si elle se transcendait elle-même –si elle évoluait vers quelque chose de plus grand et de plus grandiose–, ce qui était à la fois scandaleux et révolutionnaire.
Mais aujourd'hui, de tels propos sont monnaie courante. Leur forme la plus extrême, le transhumanisme –avec sa fixation sur le risque existentiel pour l'humanité, les esprits numériques et le génie génétique– est l'idéologie dominante de certaines des personnes et des institutions les plus puissantes du monde.
Lorsqu'une journaliste interviewe le Dr No sur son île privée, elle aborde avec lui la question de la démocratie.
Pourtant, la parabole de Nietzsche ne fait pas qu'anticiper le transhumanisme contemporain en tant que philosophie centrée sur la croyance que le destin de l'humanité est de repousser les limites de l'esprit et de la matière à son avantage. Son travail anticipe également le transhumanisme en tant que politique.
Philosophe antidémocratique par excellence, Nietzsche pensait que l'humanité ne pouvait accomplir son prochain saut évolutif que si un leader fort –appelé «Übermensch», ou «surhomme»– exerçait sa volonté sur les masses désorientées.
Dans sa nouvelle «No Regrets» publiée dans Future Tense sur Slate.com, Carter Scholz ressuscite avec humour l'adversaire emblématique de James Bond, le Dr No, dépeint comme un magnat de la tech à la Elon Musk et un Übermensch nietzschéen.
Dans le monde d'aujourd'hui, un Dr No réhabilité –avec un penchant pour les thérapies «new age», l'IA, le pillage d'astéroïdes et le désir de contrôler le destin de l'humanité– découvre que les plans qui ont fait de lui par le passé un super-vilain mondial font désormais de lui une célébrité sur internet et l'objet d'une couverture médiatique flatteuse.
Doit-il essayer d'attirer l'astéroïde suffisamment près pour l'exploiter, ou jouer la carte de la sécurité en le détournant?
Lorsqu'une journaliste interviewe le Dr No sur son île privée, elle aborde avec lui la question de la démocratie, lui demandant pourquoi il devrait avoir le pouvoir d'entreprendre des projets à l'échelle de la planète, comme l'exploitation minière d'astéroïdes ou la géo-ingénierie solaire, sans le consentement de ses habitants.
«N'est-il pas problématique de faire cela tout seul?», lui demande-t-elle. «N'est-il pas plus problématique de ne pas le faire?», rétorque le docteur, d'une manière qui rappelle celle de certains milliardaires de la tech dans la vie réelle.
Dans ces moments-là, la fable commence à nous paraître familière. Nous savons que le génie du mal va parier; nous savons que l'humanité va probablement perdre. Pourtant, Scholz nous réserve un rebondissement.
Lorsqu'un astéroïde que le Dr No espérait exploiter dans le cadre d'un projet complexe de géo-ingénierie se rapproche à toute allure de la Terre, il demande conseil à ses légions de followers sur les réseaux sociaux: doit-il essayer d'attirer l'astéroïde suffisamment près pour l'exploiter, ou jouer la carte de la sécurité en le détournant? «Organisons un crowdsourcing», dit-il à son assistant IA. «Demande aux gens ce qu'ils veulent faire de l'astéroïde.»
Les votes arrivent, comme il se doit, avec un grand nombre de répondants souhaitant une extinction de l'humanité et suggérant des cibles pour la frappe de l'astéroïde allant de Moscou à Mar-a-Lago. Comme dans la parabole de Nietzsche, c'est ici que le tour de passe-passe de l'auteur devient évident: nous comprenons enfin que c'est l'espèce humaine qui est le véritable ennemi dans cette histoire, et non le savant fou qui ne fait qu'intervenir.
Certes, nous ne sommes pas censés éprouver de la sympathie pour «le Docteur». Il est mégalomane, se fiche de la démocratie et s'arroge le droit de prendre en main le destin du monde. Mais la question que Scholz nous incite à poser n'est pas de savoir pourquoi un homme peut exercer un tel contrôle sur le destin de la planète et de ceux qui l'occupent.
Non, la vraie question est la suivante: pourquoi existe-t-il un tel vide en matière de leadership? Pourquoi avons-nous pris l'habitude de confier les problèmes les plus sérieux –l'avenir même de l'humanité– à des milliardaires excentriques qui auraient été parfaits dans un James Bond en super-méchants rêvant de dominer le monde?
Nous sommes distraits par d'étroites questions identitaires qui reflètent la balkanisation de notre politique.
La conclusion de la nouvelle suggère une réponse à ces questions: parce que notre culture ne tient plus l'humanité en haute estime. En tant que chercheur étudiant l'extinction de l'humanité dans l'histoire de la pensée occidentale, je m'inquiète depuis longtemps de voir grossir la sphère des élites technophiles –qui inclut des mégalomanes comme Musk et Peter Thiel, des escrocs célèbres comme Sam Bankman-Fried, ainsi que d'influents chercheurs enquêtant sur le «risque existentiel» ou des philosophes prônant le «long-termisme»– qui s'estiment, eux et leur entourage, les plus à même de prendre les bonnes décisions concernant la survie de l'humanité.
Pourtant, ce qui m'empêche de dormir la nuit, ce ne sont ni les innombrables scénarios d'extinction qui menacent notre espèce, ni les savants fous et les milliardaires qui aspirent à les conjurer. Ce qui m'empêche de dormir, c'est notre indifférence collective à l'égard de ces deux dangers. À l'exception de quelques individus fortunés et de quelques universitaires, personne ne semble vraiment se soucier de l'extinction de l'humanité. Certains s'en réjouissent même.
Notre paysage politique et notre culture, du moins aux États-Unis, semblent terriblement mal préparés à faire face aux menaces qui pèsent sur notre espèce.
À droite, nous avons des troglodytes qui se sont retirés dans leur caverne de déni, tandis que la planète brûle sous l'effet du changement climatique. À gauche, nous sommes distraits par d'étroites questions identitaires qui reflètent la balkanisation de notre politique, réduite à un jeu à somme nulle par la concurrence que se livrent les groupes d'intérêt. Les questions relatives à l'humanité et à son destin collectif semblent au mieux désuètes, au pire hors de propos.
Comme toute grande nouvelle, celle de Scholz nous montre la vérité: des surhommes sans envergure règnent sur les animaux intelligents.
Au lieu de cela, c'est ce que j'ai appelé «la nouvelle misanthropie» qui règne: nous considérons de plus en plus la civilisation occidentale comme désespérément raciste (à gauche) et décadente (à droite). Nombre des personnes qui se préoccupent des risques existentiels tels que le changement climatique considèrent l'humanité comme irrémédiablement corrompue, incapable d'une bonne gestion environnementale et ne valant probablement pas la peine d'être sauvée.
Nous sommes pessimistes. Nos politiques sont anémiques. Et les jeunes n'offrent guère de raisons d'être optimistes: plutôt que d'organiser des sit-in, de s'enchaîner à des arbres ou de protester dans la rue, la génération Z a largement accepté la confiscation de son avenir, sans trop d'éclats. Le mouvement Sunrise n'a pas le mordant du radicalisme étudiant d'autrefois. Mes étudiants me demandent la permission avant d'aller manifester.
Compte tenu de tout cela, est-il surprenant que nous ayons laissé les milliardaires se disputer notre planète, notre espèce et l'avenir de l'une et l'autre? «No Regrets» n'est pas un réquisitoire contre «le Docteur», la caricature à peine voilée d'Elon Musk. C'est un réquisitoire contre nous. Notre misanthropie paresseuse et nos tendances apocalyptiques teintées d'ironie. Notre optimisme falot qui consiste à nous en remettre aux grandes entreprises de la tech. Notre attachement à une politique du moi à un moment où notre espèce est en danger.
Comme toute grande nouvelle, celle de Scholz nous montre la vérité: des surhommes sans envergure règnent sur les animaux intelligents. Notre «mission» est insipide, comme tirée d'un mauvais récit de science-fiction. L'horreur finale n'est pas la fin du monde, mais notre indifférence à son égard. Comme le dit le docteur: «Le peuple a parlé.»
Je suis tombé par hasard, dans La Nouvelle République, sur l'interview en 2014 d'un archéologue réduisant l'apport celtique en Bretagne à un mythe. Voici quelques extraits commentés :
Question du journaliste : « La Bretagne celtique, c'est un mythe ?
Réponse de l'archéologue : Complètement ! Dans la préhistoire du Massif armoricain, les Celtes ne sont qu'une anecdote qu'on a cherché à monter en épingle à partir du XVIII esiècle, en partie, pour des raisons politiques, Bonaparte voulant recréer une Nation sur des bases identitaires très fortes, lançant la fameuse académie celtique qui a attribué aux Celtes le mégalithisme. »
Comment, au vu des recherches génétiques récentes, et historiques (notamment sur la transmission orale depuis le moyen-âge), peut-on faire remonter la présence celte en Bretagne à une invention politique sous Bonaparte ? Je m'interroge. Mais continuons :
«En tout cas, c'est un mythe persistant…
-Il est particulièrement entretenu, au point que l'on voit aujourd'hui se mettre en place des pratiques néodruidiques complètement construites puisque les communautés du Massif armoricain, de tradition orale, n'ont laissé aucun écrit ! Les Celtes ne sont jamais venus en Bretagne. Les recherches archéologiques démontrent que les Celtes sont venus d'Europe centrale et se sont partagés en deux groupes, l'un remontant vers l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande par la Belgique et la Normandie ; l'autre descendant vers la péninsule, ibérique par le centre de la France en évitant la Bretagne. »
Ce point de vue n'est-il pas en contradiction totale avec à peu près toutes les recherches sur les tribus/peuples celtiques (Vénètes, Osismes, Coriosolites, Redonnes...) qui ont occupé l'Armorique ? Et cela ne ruine-t-il pas les travaux sur l'interpénétration entre les langues celtiques insulaires et continentales en Armorique ? Je pense que l'archéologie travaille parfois en silo en faisant fi des travaux des autres disciplines (linguistique, recherche historique et aujourd'hui génétique...), peut-être au prétexte que les archéologues sont précurseurs, dans le sens antérieur sur un plan chronologique aux autres disciplines.
Enfin :
« Pourquoi ont-ils snobé la Bretagne ?
Il y a une contradiction qui pointe en fin d'interview. Au bout de combien d'années d'interpénétrations considère-t-on qu'un peuple "n'a pas réussi à s'intégrer" ? Les Celtes ont-ils fait qu'effleurer de leur présence l'Armorique pour finalement se dire : "Bon, ce n'est pas pour nous..." Tout en y laissant une trace encore palpable ? On a envie d'en savoir plus. De comprendre ce qui a alors suscité ce non événement, cette non interpénétration supposée. Et qu'est-ce que cela signifie sur l'intégration ? Peut-on nier la présence d'un peuple au motif qu'il n'a pas réussi à s'intégrer ? Les tentatives certes infructueuses ne font-elles pas en elles-mêmes parties de l'histoire de l'humanité ?
Comment explique-t-on alors cette forte présence, parmi les Bretons actuels, des marqueurs génétiques des celtes continentaux gallo-romains (R1b U152 par exemple) ou celtes insulaires (R1b L21) ?
La notion de mythe évoquée dans l'interview n'est-elle pas une réponse un peu facile qui escamote les questions non élucidées ? Le terme est fort et catégorique. Je préfère encore celui de mystère, qui aurait été plus mesuré, et plus juste.
Yannick Lecerf, archéologue et chercheur au CNRS, affirme que les Celtes ne se sont jamais installés en terre bretonne. Pour lui, la littérature romantique a largement fondé le mythe.
Mercredi, dans la salle d'honneur de la mairie, la conférence de Yannick Lecerf, archéologue, chercheur au CNRS, a surpris son public. Après avoir expliqué la chronologie du peuplement de la Bretagne depuis 750 000 ans avant J.-C. jusqu'aux Gaulois, ce chercheur a affirmé que jamais les Celtes n'étaient venus s'installer en Bretagne. Une thèse confirmée aujourd'hui par bon nombre de scientifiques.
« De nombreuses traces de la civilisation celte ont été retrouvées dans une grande partie de l'Europe, en Espagne et en France. Mais pas l'once d'un Celte en Bretagne. Les Parisiens, les Strasbourgeois ou les Rouennais sont plus celtes que les Bretons. » Les dernières cartes migratoires établies grâce aux fouilles des archéologues dans les régions concernées l'attestent.
Mais comme l'a rappelé Yannick Lecerf, cette légende de la celtitude bretonne « a commencé au XVIIIe siècle, avec la grande période de la littérature romantique chère à François-René de Chateaubriand ». Facétieux, le conférencier ajoute : « Le Festival interceltique de Lorient est une grande et belle manifestation, mais qui se déroule sur un territoire qui n'a jamais vu un celte. »
Un spectateur ajoute tout bas : « Ce n'est pas grave, la course du Paris-Dakar se déroule bien en Amérique du Sud. » Cette conférence était donnée dans le cadre de la Fête de la Bretagne, et cela ne s'invente pas, dimanche dans le cadre de cette même fête, la ville accueille le groupe Panick celtic. On ne saurait mieux dire.
Renseignements : La Bretagne préhistorique, de Yannick Lecerf, aux éditions Skol Vreizh.