À l’occasion de la Semaine de la langue française, nous nous interrogeons sur la manière dont évolue la langue et comment les nouveaux mots trouvent leur chemin vers le dictionnaire.Le français est « une langue vivante, on a beaucoup de mots qui apparaissent, parfois qui disparaissent », explique Géraldine Moinard, lexicographe et directrice de rédaction des éditions Le Robert. Entretien.
RFI : En quoi consiste le travail d’un lexicographe ?
Géraldine Moinard : Le travail d'un lexicographe est de concevoir, de rédiger et surtout de mettre à jour les dictionnaires. Mettre à jour un dictionnaire, c'est à la fois faire entrer des nouveaux mots, puisque la langue française est une langue vivante, donc on a beaucoup de mots qui apparaissent, parfois qui disparaissent. Beaucoup de mots apparaissent et restent dans la langue et on a besoin de les comprendre. Notre travail est de repérer ces mots et d'ajouter les plus représentatifs et les plus pérennes dans le dictionnaire pour décrire leur sens évidemment, mais aussi leur orthographe et leur prononciation. Ensuite, on explique comment ils sont employés et on donne leurs synonymes. On pense à ces mots nouveaux, mais il y a aussi tous les mots qui existent déjà dans le dictionnaire, qui ont déjà des articles et qu'il va falloir actualiser, parce qu'on a aussi des mots qui existent déjà, qui vont prendre de nouveaux sens. Par exemple, « hybride ». On va pouvoir le définir plutôt comme un moteur, mais aussi dans le sens plus varié qui va s’appliquer aussi dans le domaine du travail et aux réunions depuis la Covid. Des nouvelles expressions apparaissent aussi comme « être en PLS », qui a intégré le dictionnaire l'année dernière. « PLS », c'était une position latérale de sécurité dans le domaine médical. Et puis, d'un coup, les jeunes vont employer cette expression pour désigner : être en PLS, en gros, je suis au bout de ma vie ! Il y a aussi des choses qui existent et qu'il va falloir mettre à jour. C'est un travail un peu invisible, mais très important.
Comment choisissez-vous les mots qui entrent dans le dictionnaire ?
Nous avons trois critères principaux qui sont la fréquence, la diffusion et la pérennité. Pour la fréquence, il faut que le mot apparaisse, qu’il soit suffisamment utilisé, pas seulement par deux ou trois personnes, puis le voir apparaître beaucoup. En ce qui concerne la diffusion, on voit le mot apparaître dans différentes sources, pas uniquement dans le vocabulaire purement scientifique. Par exemple, le mot « microplastique ». C’est un mot qui apparaît en 2004. On découvre qu’il désigne un petit volume de plastique, des micro-morceaux de plastique qui vont pouvoir se retrouver ensuite chez les poissons ou chez les hommes. Au début de la recherche, le terme reste cantonné au domaine scientifique avec une fréquence basse de diffusion. Puis, au fur et à mesure des avancées de la recherche, on va en parler dans la presse, donc cela va être diffusé. Les gens vont entendre parler de « microplastique », on va le trouver dans la presse scientifique, mais aussi dans la presse plus générale de vulgarisation. Là, tout le monde va avoir besoin de comprendre ce mot-là et on voit qu'il reste dans l’usage. Cela prend quelques années et ce n'est pas un mot qui va disparaître, parce que c’est la réalité et le problème existe. Donc, nous remplissons aussi le troisième critère qui est la pérennité. On constate que « microplastique » répond à trois critères : fréquence, on en entend souvent parler et pas seulement dans la presse scientifique très spécialisée, et finalement la pérennité, le mot est bien installé et il va durer.
Comment les réseaux sociaux jouent dans la création des nouveaux mots qui vont entrer dans le dictionnaire ?
Je ne suis pas sûre que les réseaux sociaux jouent tellement dans la création, parce qu'on a toujours créé beaucoup de mots. La langue française est très vivante depuis toujours et les mots il y en a. Il y en a beaucoup qui se créent. En revanche, je pense que ça joue un rôle très important dans la diffusion par les réseaux, par le fait qu'on se parle beaucoup, que l'information circule extrêmement vite par les réseaux. Donc, le mot qui se crée, s’il fonctionne bien et s’il s’avère utile, il va pouvoir être repris très vite. Mais avant les réseaux sociaux, on avait la diffusion qui se faisait principalement par les médias plus traditionnels : la presse, la télévision, la radio. Aujourd'hui, c'est le quatrième canal qui permet une diffusion très rapide.
De nombreux anglicismes sont utilisés dans le langage courant depuis des années. Comment expliquez-vous l’influence de l’anglais et d’autres langues sur le français ?
Oui, depuis de nombreuses années ! On voyait des anglicismes déjà dans la littérature du milieu du XXe siècle. Il y a toujours eu des anglicismes, ce n’étaient pas les mêmes. On disait un drink pour un verre ou un attaché-case pour désigner une petite valise. Il y a toujours eu des anglicismes, mais ils n'ont pas une durée de vie très importante. Les anglicismes du XXe siècle, nous en avons plein dans nos dictionnaires et qui sont aujourd'hui uniquement dans Le Grand Robert, parce qu'on ne les emploie plus tellement. Donc, ce n'est pas nouveau ce phénomène de l'emprunt. C'est un phénomène qui a lieu dans toutes les langues. On emprunte plus à l'anglais qu'à d'autres langues du fait de la place de l'anglais dans le monde. C’est une langue qui est très présente dans les médias, très présente à la fois sur des concepts scientifiques souvent écrits en anglais ou dans les séries américaines qui ont beaucoup de place. Alors, évidemment, il y a beaucoup d'anglicismes, mais ils ne sont pas toujours très pérennes. On fait entrer effectivement tous les ans dans Le Petit Robert quelques anglicismes tout simplement parce qu'ils finissent par s'implanter dans la langue française et qu'il n’y a pas forcément d'autres mots pour désigner la réalité en question. On l'a vu avec le mot crush, par exemple, pour désigner un petit coup de cœur, un béguin. Aujourd'hui, les jeunes emploient énormément ce mot. C'est vrai aussi pour les mots scientifiques. En général, comme ils viennent de l'anglais, mais qui parfois sont traduits, comme le mot metavers en anglais qui va être traduit par « métavers ». Il y a aussi des anglicismes dans le domaine des séries comme spoiler et c'est un peu incontournable. Même s'il y a des propositions comme divulgâcher, c'est spoiler qui est majoritairement employé. Donc à un moment, on va avoir besoin de le comprendre et de le mettre dans le dictionnaire.
Mais il n’y a pas que des anglicismes. Nous remarquons des mots dans le domaine de la gastronomie qui viennent un peu du monde entier. Des spécialités qui vont se développer, comme le poke bowl, par exemple, qui vient de l'hawaïen et la cuisine libanaise, par exemple, avec le taboulé. Et puis, il y a aussi des mots qui viennent d'Afrique, qui vont se diffuser un peu plus par la chanson et par les échanges culturels. Je pense par exemple à la go, mot qui désigne une petite amie qui est entré dans Le Petit Robert il y a deux ans. C'est un mot venu de Côte d'Ivoire et qui a fini par être employé aussi en France et dans les pays de la francophonie en Europe. Donc, au bout d'un moment, il rentre aussi dans le dictionnaire.
Quelle est l’influence de l’Afrique dans l’évolution de la langue française ?
Il y a beaucoup de mots qui restent employés presque essentiellement en Afrique. C’est tellement vaste et on est tellement loin, mais il y a quand même des échanges. Je pense aux exemples comme « ambiancer » ou « brouteur », qui sont entrés dans Le Petit Robert. Nous avons tous les ans au moins un mot qui est né en Afrique.
Combien de nouveaux mots entrent par an dans le dictionnaire ?
Il y a entre 100 et 150 nouveaux mots ou expressions nouvelles chaque année. Il y a aussi des sens, comme le mot « hybride » qui va prendre un sens différent de celui qui existait déjà ou encore le mot « cryptomonnaie » qui évolue.
Comment évolue la langue française ?
Il y a énormément de mots qui apparaissent. À partir du moment où la langue est toujours capable de créer de nouveaux mots, elle évolue. Ce ne sont pas uniquement des entrées de l'anglais, on peut voir aussi les mots se créer avec des préfixes, même sur des préfixes grecs. Je parlais de « microplastique » ou de la « réparabilité » : les mots qu'on arrive à former en français, qui prennent et qui diffusent. Donc, la langue est capable de s'adapter à la société actuelle. Cela étant, on peut toujours entendre des discours des gens qui disent que les jeunes ne savent plus parler. Mais c’est un discours qu’on a toujours entendu. Il y a déjà des ouvrages sur le sujet au début du XXe siècle. Je crois que, dans le fond, il faut faire attention, il faut continuer à entretenir son langage, à consulter les dictionnaires.
Vous avez mis à disposition des internautes un outil gratuit, Le Petit Robert en ligne.
Dans ce dictionnaire en ligne, nous avons toute la référence du Robert, un dictionnaire qui est déjà assez complet, certes pas tout à fait aussi complexe que Le Petit Robert ou Le Grand Robert qu'on va pouvoir trouver sur abonnement. Mais, le dictionnaire en ligne est quand même riche, gratuit, accessible à tous dans le monde entier à condition d’avoir une connexion internet. Ce n’est pas toujours évident d’avoir accès à un dictionnaire imprimé ou de l’avoir sur soi. Quel que soit l'endroit, avec cet outil, on a accès à une source de référence. Entre autres, on peut consulter le sens des mots, la définition, on peut écouter la prononciation, trouver des synonymes, évidemment l'orthographe, des combinaisons de mots, c'est-à-dire quels mots s'emploient fréquemment avec ce mot, des conjugaisons, de la grammaire, etc. Il y a aussi tout un tas d'articles de fond autour de la langue française qui décodent certains mots et présentent la langue de manière vivante et sympathique. Et puis des exercices pour s'entraîner, pour jouer avec la langue. C’est un outil formidable pour enrichir son vocabulaire.
Quarante, cinquante, soixante et puis… soixante-dix ! D’où vient cette curieuse façon de compter en France ? Ce quotidien allemand répond à la question d’un jeune lecteur de 8 ans surpris par cette particularité hexagonale.
Merci et merci pour ta curiosité, cher Philipp. En effet, pourquoi le nombre 70 se dit-il soixante-dix, c’est-à-dire 60 + 10, en français ? Et pourquoi 80, c’est 4 x 20, quatre-vingts en français, et pourquoi 90 se dit quatre-vingt-dix*, c’est-à-dire (4 x 20) + 10 ? Allez, spoiler : c’est à cause de la base 20, qu’on appelle le système vigésimal… Mais commençons par le commencement.
Le français est une langue latine très ancienne – il vient du latin de l’Antiquité. Cependant, le système de numérotation français mélange deux façons de compter : le système décimal des Romains, que nous utilisons aussi dans tous les pays germanophones et qui est le plus utilisé dans le monde. Ce mot contient le mot latin decem qui signifie “dix”.
Certains voient dans ce système un rapport avec les cinq doigts de nos deux mains. Ce qui veut dire qu’on compte en s’aidant de ses doigts. Le scientifique allemand Harald Haarmann a découvert qu’il existait dans le monde de petits groupes linguistiques chez lesquels le chiffre 5 se dit “main” et le chiffre 10 “deux mains”. Mais revenons aux nombres français.
Ils reposent sur le système décimal et le système vigésimal. Qui a bien pu inventer ce mélange ? Est-ce Panoramix qui a concocté cette mixture délirante dans son chaudron ?
Non, les parents celtes d’Astérix, que les Romains appelaient “Gaulois”, vivaient vers 50 avant Jésus-Christ. Selon l’historien des mathématiques Karl Menninger, ce sont d’abord les Normands – qui vivaient bien plus tard, au Moyen-Âge, mais à partir de 911 après Jésus-Christ, dans la région qui s’appelle aujourd’hui la Normandie – qui ont adopté la nouvelle façon de compter. Le système vigésimal (du mot latin vicesimus, “vingtième”) repose sur le nombre 20 : on compte par tranche de 20. On suppose qu’à l’époque les gens utilisaient leurs doigts et leurs orteils pour compter ou qu’ils retournaient leurs mains après la première dizaine.
Nous n’avons pas encore parlé de Claude Favre de Vaugelas ni de Gilles Ménage, cher Philipp. Ce sont ces deux chercheurs qui ont fait en sorte qu’on emploie le système décimal jusqu’à 60 au XVIIe siècle, mais le système vigésimal est resté pour 70, 80 et 90. En Belgique et en Suisse francophone, on dit en général “septante”, “huitante” et “nonante” !
C'est très simple: ils ne le savaient pas, car les frontières n'existaient pas encore.
Jusqu'à l'année 1500, les frontières n'existaient pas, ni l'idée de frontières. Le concept moderne de la frontière a été créé pendant le traité de Tordesillas entre l'Espagne et le Portugal qui a défini scientifiquement les zones d'influence entre ces deux pouvoirs. Avant cela, cette idée n'avait jamais existé. Pourtant, il y avait des «limes». Le mot vient du latin et signifiait «bord».
Prenons l'une des cartes que l'on voit dans les livres d'histoire, avec toutes les belles couleurs, et des royaumes et empires soigneusement dessinés. Ce sont des mystifications. Vous les regardez avec votre cerveau du XXIe siècle et vous pensez: «La Hongrie s'arrête ici, voici la Pologne.» Non, cela ne fonctionnait pas comme cela. Il y avait des limes, des zones (qui pouvaient être plus larges ou plus étroites) de no man's land, où l'autorité des deux royaumes avait disparu et où ils se mêlaient l'un et l'autre. Sur parfois des centaines de kilomètres, personne n'avait le pouvoir.
Généralement, ce limes coïncidait avec des frontières physiques: une mer, un fleuve majeur, une chaîne de montagnes, un désert, une zone si infertile que l'on ne pouvait pas l'utiliser pour l'agriculture. Parfois, il s'agissait juste d'une zone sur laquelle deux États se faisaient la guerre. Pendant le Xe siècle, l'Empire byzantin s'est divisé entre différents empires à cause d'une guerre civile (il sera bientôt réuni), et il faisait aussi la guerre avec la Bulgarie concernant le contrôle des territoires sains et fertiles qui constituaient le limes et que voulaient les deux États.
Là où la population était plus dense, le limes était plus étroit. Le limes se déplaçait aussi en fonction des alliances et des petites guerres. La ville de Canossa, en Italie, était officiellement dans le Grand-duché de Toscane, mais si un seigneur de Canossa (à l'époque une forteresse majeure) venait à changer de côté et former une nouvelle alliance avec le royaume de Lombardie, le limes entier était par conséquent modifié. Le limes était un concept bien plus liquide qu'une frontière.
Alors, comment un Romain savait-il s'il se trouvait toujours à l'intérieur de l'Empire? Il ne le savait pas, tout simplement. L'Empire lui-même n'était pas ce que montre la carte. Si vous regardez une carte moderne du Brésil par exemple, vous saurez que la zone entière qui se trouve dans la frontière s'agit du Brésil, et c'est aussi simple que cela. Mais ce n'était pas si facile pendant l'Antiquité.
L'Empire romain habituellement représenté était en fait un territoire composite constitué du Pomerium, qui appartenait en quelque sorte officiellement aux villes et aux colonies de Rome, dont les habitants (y compris les paysans qui vivaient à la campagne) étaient des citoyens romains, ainsi que des territoires qui étaient influencés par Rome en conservant leur propre structure du pouvoir local (comme c'était le cas pour la Palestine par exemple). Même au sein du limes, on ne savait pas si on se trouvait dans les domaines romains, ou dans une zone sur laquelle Rome avait une forte influence.
Une fois que l'on s'approche du limes, tout ce que l'on savait, c'est que l'on se trouvait sur le limes: la protection romaine n'était donc pas garantie. En revanche, le limes était souvent si négligeable que personne n'y allait, sauf quelques bergers, ou des commerçants allant vendre des marchandises romaines aux bandits et aux «tribus» (qui n'en étaient pas vraiment, mais tenons-nous en au mythe pour l'instant).
Après l’explosion de la poudrière de Lagoubran en mars 1899, un mausolée avait été érigé à Toulon en mémoire des 65 victimes. Celui-ci est désormais introuvable.
Mathieu Dalaine Publié le 07/03/2024
Le mausolée en mémoire des victimes de l’explosion de Lagoubran a disparu du cimetière central de Toulon, où il avait été implanté en 1911. Passionné d’histoire, Michel Augier cherche sa trace. Photo Ma. D
Le fracas, l’effroi et un immense panache de fumée noire qui s’élève, à l’ouest de Toulon. Le 5 mars 1899, à 2h20 du matin, l’explosion d’une poudrière à canon de la pyrotechnie tue 65 civils et militaires. Le hameau de Lagoubran, à proximité immédiate de la base navale, est rayé de la carte. À l’origine de cette épouvantable catastrophe: l’instabilité de la poudre B.
Le traumatisme est gigantesque sur les bords de rade. Le ministre de la Marine évoque "un deuil national". Des souscriptions sont ouvertes dans toute la France pour venir en aide aux familles. Un crédit considérable est débloqué au niveau de l’État. Le conseil municipal, lui, décide d’ériger un mausolée. D’un coût de 3.760 francs, il est inauguré le 5 mars 1911 par le maire Joseph Gasquet. Devant la stèle et la longue liste des victimes, l’élu l’assure: "Nous garderons fidèlement votre souvenir…"
La photo du monument diffusée dans le Petit Var en 1911.
Voilà pour l’histoire. Une coupure de presse de l’époque précise que le monument funéraire est destiné à "perpétuer parmi les générations futures l’effrayant tribut que paya à la mort la population toulonnaise". La photo jaunie du Petit Var représente l’œuvre du sculpteur François Rossi: un mausolée en marbre blanc de Carrare enrichi d’ornements, dont le caveau renferme les ossements des malheureux, implanté au cœur du cimetière central de Toulon.
Sauf qu’on a beau arpenter aujourd’hui l’allée Célestin Senes, dit La Sinse, au milieu de magnifiques sépultures: rien. Aucune trace de la fameuse stèle de quatre mètres de haut. "Le monument n’existe plus à l’endroit où les descriptions le situaient", pose Michel Augier, un Toulonnais qui se passionne depuis des années pour l’objet. "Il a tout bonnement disparu."
À chaque énigme, ses hypothèses. La plus crédible d’entre elles nous ramène quatre-vingts ans en arrière, lors du bombardement allié du 4 février 1944. Les forteresses volantes américaines B-17 déversent ce jour-là un demi-millier de bombes de 250kg sur Toulon. Si l’arsenal est la cible, le cimetière des Lices est lui aussi touché (1).
"On voit encore les sépultures abîmées par des éclats ici. Ou recouvertes là d’une plaque de béton coulée à la hâte en guise de réparation, montre Michel Augier. On peut imaginer que le mémorial a été détruit à ce moment-là, même s’il n’y a pas de preuve."
Côté mairie, la question reste en suspens. La théorie d’une destruction venue du ciel est toutefois connue et validée par le service des cimetières – "de nombreuses concessions sur l’allée La Sinse et à proximité portent encore les stigmates des bombardements".
Les archives municipales situent même précisément l’endroit où se trouvait le mausolée: "Un caveau privé (concession Giraud) a été édifié en 1957 à sa place".
Existe-t-il encore, quelque part, des morceaux de la stèle endommagée? Mystère. Et un regret toujours vivace pour Michel Augier. "La plupart des victimes de la tragédie étaient des familles modestes. Elles habitaient à Lagoubran car le mari était employé à la pyrotechnie pour fabriquer des munitions, explique notre historien local. Ces classes laborieuses n’ont pas eu droit aux honneurs militaires. Et il n’y a plus rien pour faire vivre leur souvenir ou commémorer un drame qui a marqué Toulon."
Seule une toute petite plaque en bronze, à proximité immédiate de l’épicentre de l’explosion, sert de lieu de mémoire. À l’intérieur du port militaire, interdit aux recueillements et aux regards de la population...
1. Explosions à Toulon, par Albert Meuvret, aux éditions Les Presses du midi (2007).
Par Matthieu Balu
Le règlement sur les marchés numériques entre en application ce mercredi. Google, Facebook, Apple, Microsoft, Amazon, TikTok... et leurs utilisateurs sont concernés.
INTERNET - Google Maps ne s’affiche plus en tête des résultats Google ! Un bug ? Non, une révolution. Ce mercredi 6 mars, le Digital Markets Act (en français, règlement sur les marchés numériques) européen entre en application, et malgré son nom peu engageant, il vous concerne de près. Discuté depuis 2000, voté par le Parlement européen en 2022, ce texte a pris son temps, mais les résultats attendus sont à ce prix. Peut-être, grâce au DMA, l’internet des années 2010 pourra enfin faire sa mue… Et avec lui, un certain capitalisme, pas moins.
Le DMA, qu’est-ce que c’est ? Un coup porté aux écosystèmes fermés qui constituent, aujourd’hui, notre expérience en ligne. Autrement dit, « on veut ouvrir les grands de la “big tech” pour permettre à de plus petit d’arriver sur le marché », résume au HuffPost Alexandre de Streel, professeur de droit européen à l’université de Namur (Belgique). Et les moyens choisis ne font pas dans la dentelle. Voilà comment cela fonctionne.
Le DMA identifie des « Gatekeepers » (contrôleurs d’accès en français), c’est-à-dire des sociétés dont le pouvoir est vu comme quasi monopolistique sur certains réseaux ou certains usages. Pensez à Google pour les moteurs de recherche, à Amazon pour l’e-commerce, à l’iOS d’Apple dans les iPhones... En tout, il y en a six pour l’instant : Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook), Microsoft, et ByteDance, la maison mère de TikTok.
Ces contrôleurs d’accès sont soumis à une série, assez drastique, d’obligations nouvelles :
Interdiction de croiser les données personnelles des utilisateurs sans leur consentement (votre profil Facebook n’ira plus automatiquement nourrir vos préférences Instagram, par exemple).
Obligation, en cas de demande d’un utilisateur, de supprimer des données liées à son activité ou à son profil, ou de les transférer vers un autre service (d’un réseau social à un autre, par exemple).
Interdiction de forcer les sociétés passant par les plateformes des contrôleurs d’accès à utiliser des services payants créés aussi par les contrôleurs d’accès. Par exemple : Apple ne pourra plus obliger les applications présentes sur l’Appstore à forcément passer par les systèmes de paiement développés par Apple (la liste complète des changements concernant Apple peut se lire sur le site Frandroid).
Interdiction de mettre en avant des services déclinés par leur marque au détriment de services concurrents.
Et si les entreprises concernées ne jouent pas le jeu, dire que l’addition sera salée relève du doux euphémisme. « C’est la commission européenne qui exerce le pouvoir de sanction », décrypte pour le HuffPost Ariane Mole, avocate associée chez Bird&Bird, spécialisée en protection des données personnelles, « et les sanctions sont énormes ! ». Les amendes prévues en cas de manquements aux règles du DMA se montent ainsi à 10 % du chiffre d'affaires mondial des sociétés qui ne joueraient pas le jeu, « et 20 % en cas de récidive », ajoute l’avocate. Pour référence, le chiffre d’affaires de Google s’élevait en 2021 à 236 milliards d’euros... Alors chez les GAFAM en question, on est un peu nerveux.
Quitte à grincer des dents devant ce nouveau cadre européen, tous n’ont pas adopté la même stratégie. De guerre lasse, Microsoft, Google et Meta ont accepté leur désignation comme « contrôleur » et annoncé qu’ils travailleraient pour s’adapter à ce statut. ByteDance, le géant chinois propriétaire de TikTok, a tenté (en vain) de gagner du temps jusqu’à la dernière minute pour rester en dehors de ces obligations.
Mais le plus nerveux, ou le plus transparent dans sa fébrilité, c’est sans aucun doute Apple, le pape des systèmes fermés. Et il a beaucoup à dire contre la législation européenne, tellement que la firme a publié un étrange pamphlet de 32 pages à destination des développeurs utilisant ses services. Tout commence « bien », avec des pages entières faisant l’apologie de la protection des données version Apple… Avant d’exposer des e-mails envoyés par des utilisateurs inquiets à Tim Cook, le PDG de la société. La cause de leur angoisse ? Le DMA, bien sûr.
Et c’est bien parce qu’à travers le DMA, « on porte atteinte au modèle économique des entreprises », reconnaît Ariane Mole, notamment pour le ciblage publicitaire, au cœur de la machine. Mais cette bataille est désormais perdue : une fois identifié comme contrôleur, l’entreprise a six mois pour se mettre en conformité. C’est pourquoi, bon gré mal gré, les géants du net ont déjà beaucoup changé.
C’est ainsi que rechercher un hôtel ou un vol sur Google ne vous renvoie plus en premier vers les services de Google, qu’il est désormais possible de désinstaller de nombreux programmes dans Windows (comme son IA Cortana ou l’application de la webcam), ou même que l’on peut payer pour Instagram.
En effet, depuis novembre, les Européens peuvent payer un abonnement mensuel pour leur réseau social préféré en échange de l’absence totale de publicité. Une mesure explicitement mise en place pour préparer le DMA. Et qui pourrait bien présager d’un changement de fond.
« L’Union Européenne a pris une posture historiquement agressive contre la “big tech” et globalement, c’est très bien » : le satisfecit ne vient pas de n’importe qui, mais d’un observateur avisé du net, du journaliste spécialisé Cory Doctorow. Interrogé par le HuffPost, ce critique rigoureux des GAFA qualifie l’évolution des services en ligne depuis une dizaine d’années du terme à succès d’ « enshittification » - en français, « merdification ».
C’est suivant ce principe bien nommé que Facebook, après avoir attiré des centaines de millions d’utilisateurs dans une plateforme simple à utiliser, s’est mis à collecter les données sans leur accord. Pour les vendre aux plus offrants dans un premier temps, puis pour enfermer les internautes dans une bulle où le contenu de qualité n’est plus du tout mis en avant.
Le journaliste américain voit dans le DMA une lutte frontale contre cette « merdification » par des entreprises qui, de par leur position et leur taille, empêchent l’émergence de nouveaux acteurs. « Les mêmes patrons qui ont créé de bons services à l’époque où ils avaient des contraintes, sont les mêmes patrons qui agissent d’une manière atroce quand ces contraintes leur sont enlevées », dénonce Cory Doctorow.
Le DMA permettrait donc de remettre de la contrainte sur des plateformes devenues trop à l’aise avec leur statut de géant incontournable. Avec un sacré paradoxe à la clef : avec ces règles, « on veut redonner plus de place au marché, on veut libéraliser la tech » , estime Alexandre de Streel. La concurrence s’appliquant à nouveau, la « merdification » va-t-elle s’arrêter ? Ce qui est certain, c’est que de nombreux pays, du Canada au Japon, en passant par la Corée du Sud et le Brésil, regarde l’expérience européenne avec intérêt.
Le Toulonnais Michel Augier revient sur l’attaque britannique dans le port militaire de Mers el-Kébir, en Algérie et qui causa la mort de 1 297 marins français.
Publié le 05/03/2024
Un monument national en souvenir des 1.297 victimes du drame de Mers el-Kebir doit prochainement être érigé en Bretagne. Photo DR
Deux après-midi (6 et 7 mars 2024 ?) sur la thématique de l’attaque de Mers el-Kébir (du 3 au 6 juillet 1940) sont organisés aujourd’hui et demain au Service historique de la Défense (SHD). À l’initiative de ce rendez-vous, hommage aux 1 297 victimes du drame: le Toulonnais Michel Augier.
"Mon objectif, n’est pas d’évoquer l’Algérie française, la vengeance ou la trahison des Anglais, mais de passer de la mémoire à l’histoire", explique-t-il. En substance, l’idée est ainsi de dépassionner l’événement; ce, en l’auscultant depuis plusieurs perspectives.
La première journée sera notamment consacrée à l’aspect géographique et stratégique du lieu, le port algérien de Mers el-Kébir, situé dans la rade d’Oran. La seconde s’intéressera davantage à l’attaque, mais aussi à la manière de faire vivre le souvenir de cet événement tragique.
Parmi les intervenants, on retrouve Michel Colas, un ingénieur des travaux maritimes. Sera aussi présent Jean-Aristide Brument, président de l’association des Anciens marins et familles de victimes de Mers el-Kébir, structure qui porte un ambitieux projet de mémorial en Bretagne.
Rappelons que l’attaque de Mers el-Kébir a été menée par la Royal Navy contre une escadre de la Marine nationale, une semaine avant la remise des pleins pouvoirs à Philippe Pétain. La France et le Royaume-Uni n’étant pas en guerre au moment des faits, cela a marqué une rupture entre les deux pays.
La crise sanitaire du Covid-19 a fait ressortir certaines carences profondes au sein de la société française, mettant particulièrement en avant deux enjeux critiques : les défaillances de notre système de santé et l’exclusion numérique touchant une partie de la population. L’essor sans précédent du télétravail, de l’éducation en ligne et des procédures administratives dématérialisées a mis en évidence l’incapacité de nombreux individus à s’équiper ou à maîtriser les outils numériques nécessaires.
Ce déficit de compétences et d’accès numériques a engendré des disparités dans l’utilisation de services éducatifs, professionnels et essentiels. Certaines familles, en particulier celles issues de milieux défavorisés, ont rencontré des difficultés significatives pour accéder aux ressources éducatives et juridiques en ligne, mettant en lumière l’impératif d’adopter une politique nationale visant à assurer l’inclusion numérique universelle et à pallier cette vulnérabilité spécifique. Cette forme de précarité est connue sous le nom d’illectronisme.
Ce concept trouve ses racines dans une notion plus ancienne, celle de fracture numérique. Née au début des années 1990, elle se concentrait initialement sur la disparité d’accès aux technologies, soulignant une fragmentation principalement basée sur des critères matériels et géographiques. Toutefois, avec le temps, cette notion s’est enrichie pour englober non seulement l’accès aux outils numériques, mais aussi la capacité à les utiliser efficacement : prendre en main le clavier et la souris, naviguer sur Internet, etc. Cette dimension est devenue centrale dans la compréhension de l’illectronisme.
Aujourd’hui, l’illectronisme englobe un ensemble complexe de difficultés et de carences dans le domaine numérique. Il concerne les situations où les individus font face à des obstacles, non seulement dans l’utilisation des technologies, mais aussi dans leur compréhension de l’architecture globale du système. Cela inclut des défis liés à la manipulation d’interfaces numériques, comme la maîtrise du bureau ou du navigateur.
Au-delà des compétences techniques, ce concept révèle également un manque d’acculturation au référentiel numérique. Cela se traduit par une méconnaissance et une incompréhension des symboles, des codes et des éléments de langage – comme l’icône wifi, le symbole hashtags ou les émoticônes – qui constituent le tissu de la culture numérique. Cette dimension est tout aussi importante, car elle influence la manière dont les individus perçoivent et interagissent avec le monde numérique.
Cependant, définir l’illectronisme dans sa globalité est complexe. Au vu de la grande diversité des compétences numériques et des inégalités en œuvre dans les usages, cette notion souffre d’un déficit théorique. Le Robert définit l’illectronisme comme l’« état d’une personne qui ne maîtrise pas l’usage des ressources électroniques ». Résumer ce concept en une non-maîtrise des usages électroniques revient à considérer ce problème comme binaire et stipule que les personnes sont, ou ne sont pas, en situation d’illectronisme.
Dans un contexte de numérisation croissante où les démarches administratives, la recherche d’emploi et l’accès au soin se font de plus en plus en ligne, l’illectronisme soulève des questions cruciales d’inclusion sociale et économique. Son émergence en tant que problème public reflète une prise de conscience collective de son impact sur l’équité et l’accessibilité dans une société toujours plus connectée.
Vous vous sentez un peu plus bête qu'avant? Ça va passer.
Cela fait déjà plusieurs années que la question se posait: le Covid-19 rend-il idiot? De nombreuses personnes atteintes du virus ont fait part d'une sensation de fatigue cérébrale, d'un déclin cognitif marqué, bien résumé par les anglophones sous le nom de «brain fog», ou «brouillard cérébral».
Une étude au long cours vient confirmer et chiffrer concrètement ce ressenti observé scientifiquement depuis le début de la pandémie en mars 2020. Le Covid, même sous ses formes les moins graves, peut faire perdre entre trois et six points de quotient intellectuel (QI) pendant près d'un an après la contamination, nous apprend New Atlas.
«Les effets potentiels à long terme du Covid-19 sur la fonction cognitive ont été une préoccupation pour le public, pour les professionnels de santé et pour les décideurs politiques. Mais jusqu'à présent, il était difficile de les mesurer de manière objective dans un échantillon de population important», explique Adam Hampshire, neuroscientifique à l'Imperial College London et auteur principal de l'étude publiée dans le New England Journal of Medicine.
Hampshire et son équipe ont mené une des plus grandes et longues études sur le Covid au monde. Lancée en avril 2020, elle a suivi près de 3 millions de personnes en Angleterre pour mieux étudier et comprendre les symptômes du virus à long terme.
Baptisée «REACT» pour «Real-Time Assessment of Community Transmission» (que l'on pourrait traduire par «Évaluation en temps réel de la transmission communautaire» en français), l'étude s'est focalisée sur 112.000 personnes et les différentes manifestations cognitives qu'elles auraient pu ressentir. Entre 3% et 4% de ce groupe souffraient de ce qu'on appelle un «Covid long», avec des symptômes persistant pendant plus de douze semaines. La majorité de ces patients affirmaient souffrir encore de certains effets un an après la contamination.
Les chercheurs ont quantifié ces derniers: il s'agirait d'une baisse d'environ six points de QI, notamment dans les domaines de la mémoire, de la planification ou du raisonnement verbal. Plus les personnes touchées se rétablissaient vite, moins elles étaient atteintes durement par ces déficits cognitifs.
«Même si les déficits cognitifs après le Covid-19 sont de faible magnitude en moyenne, une minorité substantielle de personnes ont des déficits plus importants qui sont susceptibles d'affecter leur capacité à travailler et à fonctionner, déclare Maxime Taquet, psychiatre à l'université d'Oxford, et qui n'a pas pris part à cette nouvelle étude. Étant donné l'ampleur de la pandémie et le nombre de personnes affectées, cela est particulièrement inquiétant.»
Si vous êtes fatigué, que vous avez du mal à trouver certains mots, ou tout simplement que vos proches vous font remarquer lourdement que vous êtes bête, blâmez le Covid et parlez-en à votre médecin.
Or d’oncques, ce soir, je suis partie en pays d'hypothèques. Sur le site des archives du Var.
Comme j'avais déjà travaillé sur les Meiffret des Olivières, j'ai essayé de trouver quelque chose à leur sujet.
Sur cette page , je choisis Tables et répertoires des hypothèques.
Je sélectionne Conservation de Toulon
Je cherche Meiffret dans la table des noms.
Ça me dit Volume 29, folio 2 de la table Nom-Prénom pour les Meiffret.
Je vais dans la 2e liste de liens, en-dessous et en fait c'était dans 29bis et pas 29.
J'enregistre les images des pages qui concernent les Meiffret (14 à 19). Les pages sont doubles, les hommes à gauche, les femmes à droite, comme à l'église. Plusieurs possibilités sont données dans la case prénoms, en fonction je suppose de rédactions différentes dans les actes. Ex. "Marie Claire Geneviève ou Claire Marie ou Marie Louise Geneviève".
Page 15, je repère Colette ép. Meiffret Laurent, Le Revest. C'est la 2e épouse de Laurent André Meiffret, celui de la photo et des 21 enfants. Je sais que Meiffret est aussi le nom de naissance de Colette, mais je n'ai pas encore trouvé si elle était apparentée à son mari. C'est elle que je vais pister.
Donc, page 15, ça me dit que je vais trouver des infos sur Colette Meiffret dans le volume 192, case 553 du relevé des formalités.
Dans les relevés de formalités, j'ouvre le volume 192 (c'est noté : 1798-1955). Il y a 3 cases par double page, je trouve le n°553 (j'en fait une copie d'écran). Je constate que Colette Meiffret a vendu un bien immobilier pour 16000 Francs le 25 octobre 1873. Et que je trouverai la transcription de cet acte dans le registre des formalités de la conservation de Toulon, volume 826 article N°88. Ah ! Il est noté sur la fiche de Colette que son mari était CARRIER au Revest, alors que dans tous les actes d'état civil et les recensements, il était noté cultivateur, il me semble.
On file donc vers les registres de formalité. Bien vérifier qu'on est dans la section Conservation de Toulon. J'ai perdu un peu de temps avec une erreur d'aiguillage à ce niveau-là. Afficher 100 volumes par page pour mieux repérer le volume. Toulon volume 826 : l'article 88 va de la page 198 à la page 202 et reprend dans le volume 828 pages 2 à 8. Ce sont des doubles pages et la retranscription intégrale de l'acte de vente comporte donc 22 pages. Il y a une foultitude de détails (à déchiffrer) qui vont intéresser les généalogistes et on trouve aussi bien sûr la liste des parcelles objet de la vente entre la section B des Amendes et la section C de Tourris.
L’écrivain Grégory Le Floch est aussi professeur de lettres. Il évoque, dans cette tribune à « l’Obs », sa difficulté croissante à aborder des œuvres jugées « immorales » par certains élèves.
par Grégory Le Floch le 9 janvier 2024
Quand j’avais votre âge, je souhaitais déjà devenir professeur car je savais que je m’épanouirais aux côtés de ceux qui ont l’âge des grands emballements, des grands enthousiasmes qui vous font plonger des mois durant dans les Rougon-Macquart ou les romans des sœurs Brontë. Être professeur, c’est être dans le cœur de ce qui est important, dans le bouillonnement.
Mais parmi vous monte quelque chose qui m’inquiète et contre lequel je bute, quelque chose de bruyant et qui hurle : tout sera bientôt impossible. Je l’ai vu presque partout, dans tous les établissements où j’ai enseigné : une morale rabougrie et aveugle, qui n’est ni de votre âge ni de notre siècle. Nul besoin de fréquenter une école pour le savoir. Le phénomène est si important dorénavant qu’il est dans la presse depuis quelques années. Dernier événement en date : une professeure de français diffamée et accusée d’islamophobie, pour avoir montré un tableau du XVIIe siècle peint par Cavalier d’Arpin [de son vrai nom Guiseppe Cesari, NDLR] représentant Actéon qui surprend Diane et ses nymphes, nues, au bain.
Cet incident n’est pas anecdotique. Il témoigne d’un mouvement profond qui transforme le rapport de certains élèves à l’art. Ce changement, je l’ai moi-même observé dans mes classes au cours de mes treize années d’enseignement au collège et au lycée. Pour que ceux qui n’ont pas un lien concret et direct avec l’école d’aujourd’hui sachent réellement de quoi je parle, voici quelques faits bruts qui me restent en mémoire :
Je montre un épisode d’une série documentaire (« les Grands Mythes » narrés par François Busnel) : des élèves se cachent les yeux aussitôt qu’apparaît à l’écran le dessin d’une déesse nue. Sur leur visage : indignation et dégoût.
Des élèves de terminale m’expliquent dans leur dissertation qu’ils regrettent que Flaubert n’ait pas été condamné lors de son procès de 1857 pour outrage aux bonnes mœurs. S’ils le pouvaient, ils interdiraient aujourd’hui « Madame Bovary ».
Des élèves me disent que je suis « sale » parce que j’ai lu « la Religieuse » de Diderot dont je leur résume l’argument.
Des élèves s’offusquent de voir des personnages de prostituées chez Maupassant, Zola, Hugo.
Un élève menace de me dénoncer à son père parce que nous lisons et étudions en classe une scène de « Roméo et Juliette » où les deux amants s’embrassent.
Une élève refuse de regarder un dessin de Man Ray illustrant un poème de Paul Eluard dans « les Mains libres » car il représente une femme nue. Jusqu’à la fin du cours, afin de le dissimuler à sa vue, elle couvrira le dessin de sa main.
Que me disent ces élèves pour justifier leur réaction ? Le sujet de l’œuvre étudiée est tout simplement et incontestablement immoral. Il heurte leur sensibilité, leur pudeur, leur religion. Étais-je donc insensible, impudique et dévoyé, moi qui lisais ces œuvres au même âge qu’eux ?
Autre fait parlant : la première fois que l’on m’a confié des terminales littéraires, j’ai voulu leur faire découvrir les grands musées parisiens. Le projet reposait sur le volontariat. Rien de formel : tout était libre. Nous avons commencé par l’Institut du Monde arabe, mes élèves furent au rendez-vous et ce fut un succès réjouissant. La conversation après la visite m’a montré des élèves curieux et intéressés. La semaine suivante, au tour du Musée d’Orsay. Mais à l’heure convenue, il n’y eut qu’une maigre poignée d’élèves (dans mon souvenir, deux). Le lendemain, en classe, j’eus l’explication : ils avaient vu sur internet que le Musée d’Orsay exposait des statues de femmes nues. Rédhibitoire.
Ces élèves n’étaient ni insolents ni perturbateurs, ils avaient même un assez bon niveau. Mais face à ce refus de voir et de lire, j’avais beau argumenter, expliquer qu’il s’agissait de représentations et de fictions, j’échouais systématiquement. A leurs yeux j’étais perdu, perverti.
Une partie du programme proposé par l’Education nationale était à leurs yeux indécente et, disons le mot, pornographique. Je me souviens qu’une élève de terminale est venue me trouver à la fin d’un cours sur le surréalisme pour me dire qu’elle priait pour moi. Mon âme était condamnée. La leur était sauvée.
Mais dans ma chute en enfer, je comprenais certaines choses.
Il y a parmi ces élèves une obsession de la pureté et, de facto, de la souillure qu’ils traquent partout, même où elle n’est pas. On ne doit, selon eux, ni penser le corps ni penser son langage particulier. L’idéal dont ils rêvent : un monde expurgé de tout désir apparent. Les conséquences sont considérables. Pour moi, c’est la censure. Pour eux, c’est bien pire : une négation du corps, un refoulement du désir, une incapacité à se comprendre soi-même. Qu’adviendra-t-il de ces jeunes femmes et jeunes hommes vivant avec un tel impensé de ce qui bouillonne en eux ? La littérature n’est-elle pas tout occupée à fouiller, modeler, éclairer les forces étouffées qui nous travaillent ? N’est-ce pas grâce à elle que nous parvenons à mieux nous comprendre, à mieux nous maîtriser ?
Leur bigoterie est redoutable car elle n’est ni honteuse ni dissimulée. Elle se revendique fièrement, bruyamment. Ce refus de voir et de lire est bavard, il dit : « Je suis pur et vous êtes corrompu. » Il dit : « Je m’élève et vous vous abaissez ». Il opère un retournement : le professeur est sermonné, remis dans le droit chemin, catéchisé par ses élèves qui prennent le pouvoir. « On ne montre pas ça, on n’écrit pas ça, on ne peint pas ça. Tirez le rideau sur ces pulsions. Cachez ! Cachez ! Cachez ! »
Ce qui m’inquiète le plus n’est pas ce retour à un ordre moral. La littérature en a affronté d’autres. Peut-être même a-t-il le mérite de revivifier des œuvres dont nous avons aujourd’hui du mal à percevoir la dimension scandaleuse de leur genèse. Non, ce qui m’alarme est ce nouveau rapport à la littérature qui s’installe : littéral, religieux, refusant l’interprétation. La littéralité signifie la mort de la littérature. Pour ces élèves, ce qui est écrit doit être vrai et se donner pour modèle aux lecteurs. La littérature deviendrait un édifiant manuel de bonne conduite, un guide de développement personnel, une suite de préceptes moraux et religieux. Car surtout la littérature ne doit pas gêner. C’est une vision arrangeante voire complaisante de la littérature que ces élèves nous proposent.
Alors que faire ? Une seule solution : réaffirmer ce qu’est ou doit être la littérature, c’est-à-dire un art qui par essence remet en question, déstabilise et bouleverse le lecteur. Un art qui s’épanouit en dehors de toute considération morale et qui ne flattera jamais les illusions ni les préconçus. Car la littérature ne cajole pas, elle désaxe, décentre, désosse le lecteur pour lui permettre de penser autrement, contre lui-même, en entrant dans la pensée d’un autre.
Nous, professeurs, plongeons nos élèves dans Baudelaire, Brontë et Kafka. Lisons avec eux les tragédies antiques. Suscitons l’émoi, le désir, le frisson. Eduquons-les à voir et comprendre ce qui grouille et se soulève en eux lorsqu’ils aperçoivent la représentation d’un corps nu, lorsqu’ils lisent la vie de Fantine ou de Nana. N’édulcorons pas, ne coupons pas, n’ayons pas peur. Réaffirmons sans cesse les droits de la fiction, le pouvoir de l’imaginaire, le rôle transgressif des textes. Préservons l’espace de liberté qui s’ouvre à nous lorsque nous lisons.
Je m’adresse pour finir à mes élèves d’hier, d’aujourd’hui et demain : en classe nous vous faisons lire des textes qui vous transformeront nécessairement. C’est ainsi qu’opère la littérature, elle vous extirpe de vous-mêmes, de votre monde, de votre morale. Cela peut faire peur, je le comprends très bien : on ne quitte pas un univers familier pour l’inconnu si facilement que cela. Il y a une violence nécessaire à grandir, mûrir et abandonner ce en quoi l’on croyait. Mais il y a surtout un plaisir immense à éclore sous une nouvelle forme. Car voici notre rôle : vous permettre un mouvement intérieur de l’esprit et de l’âme. Et ce mouvement d’éclosion, cet accouchement de vous-mêmes, ne viendra que grâce aux savoirs que nous vous enseignons, que grâce aux arts auxquels nous vous initions. Ne croyez pas les fanatiques et les obscurantistes qui vous disent le contraire, ils vous mentent. Ce mouvement, nous devons vous l’imposer car lui seul permettra ce que votre nom d’élève vous a promis dès lors que vous êtes entrés dans une école et que nous nous sommes rencontrés : vous élever au-dessus de vous-mêmes.
Par Dorian Vidal le 22 février 2024
La mention "Atelier de sculpture" figure encore à l’entrée. Mais sur les hauteurs du Coudon, à plus de 630mètres d’altitude, le fort du Bau Pointu est aujourd’hui à l’abandon. Le portail est entrouvert, des éclats de verre et des vitres brisées jonchent le sol quand, à l’intérieur, seuls du tabac et des bouteilles d’eau rappellent, qu’il n’y a pas si longtemps, un locataire occupait les lieux avec son fidèle chien.
Là, sur l’arrête ouest du mont, au bout d’un sentier qui relie l’ouvrage à la sinueuse route départementale 446, le sculpteur varois Louis Melcky accueillait les promeneurs et curieux. Il va sans dire que le paysage entourant la bâtisse lui donnait de l’inspiration pour, ensuite, exprimer son talent.
Implanté au cœur de la nature, dans la commune de La Valette, le site offre une vue imprenable sur le littoral et une partie de la ville de Toulon. Et, à chaque coucher de soleil, un spectacle formidable. Tout cela représente "un luxe", confiait d’ailleurs le sculpteur à Var-Matin, il y a plus d’une décennie.
Mais cet ancien fort militaire est aussi empreint d’histoire. En 1873, le colonel Le Masson, directeur des fortifications, publie un rapport afin de renforcer la défense de Toulon. Il y préconise d’occuper les points hauts principaux entourant la rade. Comme relaté dans une étude historique mise à disposition par la Région Sud, le ministre de la Guerre valide, cinq ans plus tard, le projet définitif de fortification du Coudon.
Celui-ci comprend la construction du fameux fortin en guise de batterie d’appui, achevée en 1884, et succédant à celle du fort Est (aujourd’hui davantage connu). Le coût du chantier, mené à bien en deux ans par l’entreprise Andreoli, est alors de 93.000 francs.
Dans un premier temps, cet ouvrage aux allures d’avant-poste est appelé "fortin de la Bergerie". Quatre canons, deux mortiers et un magasin de munitions composent son artillerie. En temps de paix, 18 hommes peuvent y caserner. Et en temps de guerre, 40.
La guerre, ce modeste fort la connaîtra. À quelques centaines de mètres de là, pendant la Seconde Guerre mondiale, le fort Est est occupé par la marine de guerre allemande: la Kriegsmarine. Le Bau Pointu, lui, est surveillé par un gardien, nous apprend l’étude. Mais en août 1944, il s’avère décisif dans la prise par surprise du fort Girardon, en servant de poste de commandement au 1er commando de choc des Commandos d’Afrique.
Dès la fin du conflit, à la différence de son grand frère du mont Coudon, le fortin est lâché par l’armée. Appartenant toujours à l’État, il sert par la suite de siège à des associations culturelles, artistiques, et donc d’atelier à Louis Melcky.
Et, alors qu’il fête cette année ses 140 ans d’existence, 2024 pourrait marquer un petit tournant dans son histoire, puisque son propriétaire a décidé de s’en séparer.
L’ouvrage figure actuellement sur le site des cessions immobilières de l’État, qui doit annoncer la procédure de vente au mois de mars 2024. Sollicité, le service de la gestion domaniale n’a pas souhaité faire de commentaire.
Pendant ce temps, le fort du Bau Pointu continue de recevoir occasionnellement les promeneurs. En attendant d’accueillir, peut-être, un nouveau propriétaire.
Une valeur difficile à estimer
Pour tenter de connaître la valeur approximative du bien, nous avons contacté un conseiller immobilier toulonnais. Au vu des rares éléments à disposition, il assure qu’il est aujourd’hui difficile de donner, d’un point de vue extérieur, une fourchette de prix pour le fortin.
« Le fort du Grand Saint-Antoine avait bien été vendu il y a quelques années, mais c’est incomparable. En fait, tout ce qui est atypique, exceptionnel, de manière générale, ce n’est pas tarifé », explique-t-il. Il faudra donc attendre le mois de mars.
Le mot de Kat : Rappel de la Fédération Française de randonnée
- Avons-nous le droit de randonner n’importe où ?
Non. Partout, vous êtes chez quelqu’un, chemin public ou privé.
Vous ne pouvez pas traverser une propriété privée sans autorisation, sous peine de commettre une violation de domicile. Cette infraction est passible de 15.000 € d'amende et d'un an de prison (art. 226-4 du Code pénal).- Randonner sur itinéraire balisé ?
Le balisage indique que le chemin est ouvert à la randonnée.- Randonner sur un itinéraire non balisé ?
La randonnée est tolérée sauf s’il y a mention d’interdiction ou de propriété privée (panneau, chaîne, barrière…)
Début janvier, un propriétaire a fermé un sentier qui passait depuis des décennies sur son terrain, en s’appuyant sur une nouvelle loi qui inquiète les randonneurs.
ENVIRONNEMENT - La montagne appartient-elle à tout le monde ? À Rimbach-prés-Masevaux (Haut-Rhin), dans le massif des Vosges, un cortège impressionnant d’un millier de randonneurs a manifesté, samedi 17 février, contre la fermeture d’un sentier de randonnée par un propriétaire privé, qui s’appuie sur une nouvelle loi qui pénalise le passage sur une propriété rurale ou forestière.
Le 11 janvier dernier, le groupement forestier du Wustkopf, acquéreur de 64 hectares dans la vallée haut-rhinoise de la Doller, a envoyé un mail expéditif au Club Vosgien de Masevaux pour lui annoncer la fermeture d’un chemin et exiger l’enlèvement du balisage. « Aucune tolérance ne sera admise », affirme le propriétaire.
Comme vous pouvez le voir dans notre reportage vidéo en tête d’article, Le HuffPost a suivi sur le terrain cette mobilisation. À notre micro, les randonneurs expliquent leur désarroi face à la fermeture de leur sentier. Des sections de ce dernier ont par ailleurs été obstruées par des arbres déracinés, des talus ou des tranchées, selon les constatations du Club Vosgien, du HuffPost et de nos confrères du journal L’Alsace. Nous avons tenté de joindre le propriétaire à plusieurs reprises, sans succès.
Le groupement forestier s’appuie sur une nouvelle loi, promulguée le 2 février 2023, qui vise à « limiter l’engrillagement des espaces naturels » pour laisser circuler la faune. Une démarche a priori vertueuse, mais le texte inclut, pour rassurer les propriétaires, cette disposition : « dans le cas où le caractère privé du lieu est matérialisé physiquement, pénétrer sans autorisation dans la propriété privée rurale ou forestière d’autrui, sauf les cas où la loi le permet, constitue une contravention de la 4e classe », à savoir un minimum de 135 euros d’amende.
Depuis un an, la loi du 2 février 2023 a mené à la fermeture d’autres sentiers, dans le massif de la Chartreuse ou encore sur la Côte d’Azur. Dans les deux cas, de grands propriétaires terriens ont fermé leur terrain aux randonneurs, avec des panneaux « propriété privée », tout en continuant d’accueillir des chasseurs moyennent un droit d’accès. Les maîtres des lieux se justifient par la surfréquentation des sentiers et les incivilités.
Dans une tribune publiée le 30 décembre dernier par Le Monde, un collectif d’élus écologistes et d’associations environnementales affirme que « se promener dans la nature n’est pas un crime ». « Dans la pratique, une certaine tolérance d’accès aux espaces de nature existe de longue date, qu’elle soit tacite ou formalisée à travers des conventions entre acteurs publics et propriétaires privés. Ce compromis fragile est aujourd’hui remis en cause », écrivent les signataires, qui invitent les parlementaires à revoir la loi.
À l'origine, la tradition du parrainage trouve sa source dans la religion catholique. Lors du baptême, l'enfant se voyait désigner un parrain et une marraine chargés de lui assurer une présence spirituelle et le guider vers la foi. Ces figures intronisées devaient alors assister à tous les événements religieux ponctuant la vie de leur filleul, une pratique encore d'actualité.
«C'est par tradition religieuse et par tradition familiale qu'on a automatiquement pris un parrain et une marraine pour notre enfant, raconte Capucine, 30 ans, catholique et croyante, dont le bébé sera bientôt baptisé. Selon nous, c'est important qu'il soit guidé spirituellement sans que ce soit forcément par le regard de ses parents.»
Peu à peu, le parrainage s'est pourtant décorrélé de la religion. Les personnes non croyantes peuvent désormais organiser un baptême civil au cours duquel un parrain et une marraine sont désignés, ou même choisir de nommer ces figures en dehors de tout cadre officiel.
«Il y a une diversification du parrainage qui correspond à la perte d'importance de la religion chrétienne, analyse le sociologue Gérard Neyrand, spécialisé dans les questions de parentalité et de mutations familiales, et auteur de Le Dialogue familial – Un idéal précaire. Aujourd'hui, les gens sont moins pratiquants, il y a donc une baisse de l'importance du parrainage religieux, qui reste toujours présent quant à sa valeur symbolique mais qui peut désormais être déplacé sur d'autres personnes que sur les membres de la famille.»
Plus besoin d'être catholique, soi-même baptisé ou avec un lien de parenté pour être le mentor de l'enfant. Les critères du parrainage sont devenus plus souples et adaptés à la société actuelle.
Beaucoup pensent toujours que le parrainage implique la garde de son ou sa filleule en cas de décès des parents. Les parrains et marraines ne sont pourtant pas automatiquement tuteurs légaux en cas de problème, sauf si le testament le mentionne explicitement.
«Jusqu'à un temps relativement récent, la mortalité précoce était beaucoup plus importante qu'aujourd'hui, donc les parents avaient effectivement besoin d'être remplacés par le parrain ou la marraine, c'était un réel engagement, retrace Gérard Neyrand. Aujourd'hui, on sait que les enfants élevés dans une famille vont vraisemblablement le rester jusqu'à leur majorité, donc cette fonction a disparu mais sa valeur symbolique demeure.»
«Bien souvent, les parrains et marraines font des cadeaux aux enfants, sont une présence supplémentaire valorisée mais pas beaucoup plus.» Gérard Neyrand, sociologue spécialisé dans les questions de parentalité et de mutations familiales
Si le rôle des parrains et marraines n'est plus (exclusivement) d'accompagner l'enfant dans son éducation religieuse, leur fonction spirituelle traditionnelle reste enracinée. Il s'agit ainsi d'être un guide pour l'enfant, une figure de confiance sur laquelle il peut compter. «Le rôle d'une marraine, selon moi, c'est un accompagnement, un renfort des parents, détaille Maria, 62 ans, que la fille d'une de ses amies a choisie comme marraine après s'être fait baptiser à 16 ans. Je suis là pour elle, on s'appelle, on garde un lien. Je me sens engagée non pas dans un rôle parental mais dans un rôle de conseillère, un référent adulte de confiance.»
Au-delà de ce rôle symbolique, la fonction de parrain et de marraine se double d'une fonction plus concrète dans la vie de l'enfant. Passer du temps avec lui, lui offrir des présents ou se substituer parfois aux parents en cas de défaillance. «On attend d'eux qu'ils rendent aussi bien de menus services pour “remplacer les parents” (garde de leur filleul pendant les vacances, aide scolaire, aide financière) que de grands services si le besoin s'en fait sentir», analyse l'anthropologue et historienne Agnès Fine, l'une des seules à travailler sur le sujet du parrainage, dans un article paru dans la revue Lien social et politiques.
Une mission pratique à remettre en cause selon Gérard Neyrand, qui souligne un rôle dont les contours restent flous. «Bien souvent, les parrains et marraines font des cadeaux aux enfants, sont une présence supplémentaire valorisée mais pas beaucoup plus, précise le professeur émérite à l'Université de Toulouse et responsable du Cimerss (Centre interdisciplinaire méditerranéen d'études et de recherches en sciences sociales). Ils ont rarement une fonction directement concrète, même s'ils peuvent éventuellement apporter un bénéfice à l'enfant par la suite.»
Un constat partagé par Charline, 28 ans, qui n'observe pas une influence tangible de ses mentors: «Plus jeune, c'était le petit plus. Mais aujourd'hui, je ne les vois pas souvent et je suis un peu indifférente au fait d'en avoir.» Ce détachement est notamment induit par le fait que la fonction est occupée par son oncle et sa tante.
Ce choix familial, effectué dans le cadre d'un baptême républicain, est là encore hérité de la religion. «Pendant longtemps, les parrains et les marraines étaient choisis dans le cercle familial, souvent pour faire honneur à un membre de la famille», confirme la psychanalyste Nicole Fabre, interrogée par La Croix.
Si la tradition persiste, de nombreux baptêmes civils sont aujourd'hui célébrés et les parrainages puisés dans un cercle moins restreint. Le choix se porte alors souvent sur quelqu'un de proche géographiquement et affectueusement. «C'est désormais une question de proximité affective, décrypte Gérard Neyrand. On constitue une famille qui serait choisie plutôt que subie, puisque les parrains et les marraines peuvent être des proches, des amis, des personnes de confiance. Cela diverge très nettement du parrainage religieux dont les critères étaient très stricts.»
«Le fait d'estampiller le mot “marraine” a officialisé quelque chose, c'est comme si je faisais partie de la famille désormais.» Maria, 62 ans
D'après le sociologue, le parrainage contemporain implique surtout un suivi bienveillant de la part de personnes avec lesquelles les parents entretiennent un lien positif. «Désigner un parrain ou une marraine est une occasion privilégiée offerte aux parents pour signifier un sentiment d'affection ou d'amitié à l'égard de tel ou tel membre de la parenté. Mais affirmer la prérogative des parents ne veut pas dire pour autant que leur choix se fait sans principes, nuance Agnès Fine. On doit choisir un parent proche en équilibrant les branches paternelle et maternelle.» C'est d'ailleurs le cas de Capucine et son mari, qui ont sélectionné des proches de leurs familles respectives pour assumer cette responsabilité.
La vitalité actuelle du parrainage invite à s'interroger sur ses fonctions dans les relations familiales. Choisir un parrain et une marraine intensifie les liens avec différents cercles de proches. La sociologue Claire Bidart évoque ainsi la thèse d'un mélange entre compérage intensif, c'est-à-dire un choix au sein de la famille permettant de renforcer les relations de parenté, et un compérage extensif, qui quant à lui permettrait d'élargir la parenté aux amis.
«Parce que l'enfant est important, le parrainage occupe une place stratégique dans le jeu des relations que les parents tissent autour de lui, détaille Agnès Fine. Pas de cadeau plus valorisé à leurs yeux que celui de donner symboliquement leur enfant à quelqu'un, de lui proposer de partager un peu leur fonction parentale.»
Cette marque d'honneur constitue historiquement un lien solide. L'objectif était notamment de rapprocher des lignées qui autrement s'éloigneraient. L'anthropologue rappelle par exemple que dans l'Europe médiévale comme dans une grande partie de l'Europe du Sud jusqu'à nos jours, le parrainage permettait d'entériner un lien d'amitié sacrée, «une sorte de fraternité jurée spécifique de la culture chrétienne». Refuser un parrainage pouvait alors porter malheur ou même être considéré comme un péché.
Aujourd'hui, être choisi comme parrain ou marraine permet surtout de valoriser un lien d'amitié et d'intégrer un lien du sang là où il n'y en a pas. Cette dimension a été fortement ressentie par Maria au moment de sa désignation comme marraine il y a cinq ans. «J'ai été honorée, flattée, raconte la sexagénaire. Le fait d'estampiller le mot “marraine” a officialisé quelque chose, c'est comme si je faisais partie de la famille désormais.»
Agnès Fines résume la double efficacité du parrainage ainsi: créer de l'amitié entre parents et de la parenté entre amis. «Elle est si importante qu'on peut se demander pourquoi elle n'est pas si systématiquement “exploitée”», s'interroge d'ailleurs l'historienne, qui met le doigt sur la superficialité de certains de ces liens. De nombreux parrains et marraines n'ont en effet aucune relation particulière avec leur filleul, du fait d'un désintérêt ou d'une relation distendue avec les parents.
C'est pourtant ce qui fait la force du parrainage contemporain selon Agnès Fine. «Les obligations impliquées par le statut de parrain ou de filleul ne sont pas perçues comme véritablement contraignantes de sorte que la relation semble ne dépendre que de la volonté et des sentiments, ce qui ajoute à son pouvoir d'attraction», note l'anthropologue.
C'est comme cela que le conçoit Maria. Puisque sa filleule est désormais fiancée, le temps passé ensemble est restreint, ce qui ne les empêche pas de conserver ce lien spécial. «Elle n'a pas beaucoup de temps libre et moi non plus mais on se voit à des occasions particulières et elle sait que je suis là si besoin», affirme-t-elle.
La popularité du parrainage s'ancre aussi dans un contexte de transformation des relations familiales. Dans une société de plus en plus individualiste, ce lien social tente de contrecarrer le repli sur soi. «La famille s'est de plus en plus nucléarisée, recentrée sur le noyau parents-enfants, tandis que les relations avec la famille élargie sont beaucoup moins fréquentes qu'autrefois, indique Gérard Neyrand. L'ouverture au parrainage permet de desserrer un peu cette logique de restriction de la famille.»
D'autre part, la place centrale occupée par l'enfant dans la société occidentale contemporaine explique également ce phénomène. Le fort investissement sur l'enfance entraîne une volonté de développer des relations affectives autour de lui. «Il y a par exemple beaucoup de familles monoparentales, ce qui favorise la recherche d'un élargissement des personnes susceptibles d'être en lien et d'apporter un confort moral et psychologique aux enfants et aussi aux parents», remarque le sociologue. Dans cette logique, les parents –seuls ou en couple– cherchent à entourer leur progéniture d'une figure de confiance qui pourra assumer ce rôle.
La Grande Randonnée vers Paris, organisée à l’approche des Jeux olympiques, débarque dans l’aire toulonnaise ce mardi. Cap sur Le Revest, puis Ollioules.
C. S. Publié le 26/01/2024 à 20:40, mis à jour le 26/01/2024 à 20:40
La Grande randonnée a commencé le 13 janvier à Nice pour rejoindre la capitale, et ce au travers de nombreuses étapes. Photo doc V-M
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Après Méounes, c’est au tour du Revest, d’Ollioules, de Sanary et de La Cadière d’être les villes étapes de la Grande randonnée organisée par la Fédération française de cette discipline. Soutenus par les clubs de randonnée locaux – en partenariat avec les communes – le comité départemental olympique et sportif ainsi que les ambassadeurs de la fédération invitent le public à se lancer un défi personnel ou collectif lors des nombreuses étapes proposées.
Celle prévue au Revest marquera l’entrée dans le territoire de la métropole TPM, le mardi 30 janvier depuis Méounes, avant de prendre la direction d’Ollioules le lendemain.
Des animations "surprises"
"C’est une belle mobilisation collective de notre réseau fédéral, qui va dynamiser nos territoires, explique Marc Peres, vice-président du comité départemental de randonnée. Ça me fait plaisir de préparer l’étape du Revest. C’est toute mon enfance. Et c’est un village qui a gardé son identité provençale."
Sur l’étape du Revest, les préparatifs vont bon train. "L’arrivée du mardi soir se fera à l’école élémentaire Philippe Rocchi et le départ du lendemain depuis le jardin public du centre-ville avec des animations surprises au programme pour les randonneurs. Les enfants des accueils de loisirs sont attendus par cette belle aventure. Durant les étapes prévues dans la métropole, les participants pourront découvrir les belles aiguilles de Valbelle, les îles hyéroises, les monts toulonnais... Cent personnes sont déjà inscrites sur les deux tracés", assurele maire du Revest, Ange Musso.
Rens.: var@ffrandonnee.fr
Pratique
Ingénieur de formation, Jean-Yves Vanier a travaillé des dizaines d'années dans la pétrochimie, à Edmonton, dans l'Ouest canadien. Ce Québécois d'origine a finalement décidé de tout lâcher pour se lancer dans la généalogie, sa passion, et il fait désormais pousser les branches généalogiques de sa famille, comme de celles de ses clients.
Au premier étage de la Cité Francophone d'Edmonton, une petite porte discrète se cache au bout d'un couloir. Un écriteau indique : « Société généalogique du Nord-Ouest ». Trois ordinateurs, deux grandes tables et des étagères garnies de bouquins remplissent les lieux. Il n'y a pas foule : trois bénévoles passionnés discutent autour d'une table, deux femmes et un homme.
Michèle Fortin, Doriane Vincent et Jean-Yves Vanier pourraient presque dire qu'ils sont de la même famille, car ils ont tous de la famille originaire du Québec. « On se trouve des ancêtres communs entre francophones, facilement. Au Québec, l'endogamie était très importante, à l'origine, il n'y avait que quelques milliers de colons en Nouvelle-France ! En cadeau à mes parents, je leur ai même trouvé un cousin à la 11e génération », s'amuse le généalogiste, 52 ans, de long cheveux gris encadrant des petites lunettes rectangulaires.
Michèle renchérit avec un grand sourire : « On a même des vedettes dans nos arbres généalogiques ! Moi, je suis une cousine très lointaine avec Céline Dion – comme beaucoup de monde, et j'ai même le Premier ministre Justin Trudeau, à quatre générations, ce n'est pas si loin. »
Contrairement à beaucoup de généalogistes, Jean-Yves n'a pas découvert ses origines grâce à sa famille. Originaire de Gatineau, ville limitrophe d'Ottawa, dans l'Est canadien, il suit des études d'ingénierie, en français puis en anglais, et obtient un poste dans la pétrochimie, à Edmonton, en Alberta. « J'avais fait un stage avec une compagnie et ils m'ont offert un poste en 1995. J'étais le premier de la famille sur plusieurs générations à partir pour l'ouest », décrit le généalogiste. Une dizaine d'années plus tard, sa mère reçoit, à la maison familiale de Gatineau, une lettre qu'elle lui transfère. « C'était une lettre qui disait : je suis généalogiste, je m'appelle Noël Vanier de Laval, et si vous me donnez l'information de votre famille immédiate, je vous envoie votre arbre généalogique », se rappelle Jean-Yves.
Curieux, il accepte, transmet des informations sur sa famille et reçoit quelques semaines plus tard une enveloppe bien plus épaisse. Là, Jean-Yves est impressionné : « C'étaient de très grandes feuilles. J'étale tout ça par terre, et ça me donne un arbre avec ma famille, de mon nom, jusqu'au premier Guillaume Vanier, originaire d'Honfleur, arrivé en 1665. J'ai appris que j'étais cousin avec le gouverneur général Georges Vanier, par exemple ! »
Pour remercier ses proches qui l'ont aidé, Jean-Yves décide en 2006 de créer un site internet avec un objectif : retracer l'intégralité de ses ancêtres. « Aujourd'hui, il est énorme, à l'époque, c'était tout petit. Google l'a référencé, puis un autre généalogiste, Vanier m'a contacté pour me dire que je pouvais ajouter une autre branche à son arbre, et encore un autre. C'est devenu un site familial de toute l'Amérique du Nord. » Pendant un temps, quatre Vanier, généalogistes amateurs ou professionnels, travaillent ensemble. Aujourd'hui, l'arbre numérique compte des milliers d'ancêtres.
Mais Jean-Yves ne s'arrête pas là, il commence à sérieusement se plonger dans le domaine et poursuit des recherches en amateur. Après 25 ans dans la pétrochimie, il craque : « J'ai fait un burn-out et je me suis dit que je devais m'arrêter. J'avais accumulé assez d'argent, et mon épouse, qui travaillait encore, m'a rappelé qu'elle avait eu cinq ans de congés pour faire des études, et que je pouvais le faire à mon tour. » La pandémie de coronavirus le lance définitivement. Il devient professionnel en se formant en ligne, obtient des diplômes en généalogie. « Je suis plus heureux, moins stressé. La rémunération est moins bonne, mais c'est un travail très valorisant : je rends les gens heureux. Avant, tu sais, je fabriquais du plastique », souffle le professionnel.
Depuis trois ans, il a lancé son entreprise, Vos Aïeux. Ce qu'il aime, c'est la diversité des histoires. Les Québécois, souvent, veulent connaître leurs origines en France, qui remontent pour certains au XVIe siècle. Les Acadiens, une population qui a été déportée après la conquête anglaise, veulent plutôt savoir ce qu'ont vécu leurs ancêtres à cette époque. Certaines trajectoires le touchent beaucoup : « J'avais notamment retracé l'histoire de deux Acadiens déportés en France, à Saint-Malo, et qui étaient morts, l'une durant la traversée et l'autre peu de temps après, laissant derrière eux des orphelins. »
Certaines recherches, les plus simples et directes, ne lui prennent que quelques heures, qu'il facture moins de cent dollars canadiens, une soixantaine d'euros. D'autres en revanche… « Un monsieur m'a engagé pour plusieurs années. Il veut tout savoir, toutes les histoires de tous ses ancêtres. Il doit bien dépenser près de 20 000 dollars ! Il dit que c'est un legs pour ses enfants, il veut même que je lui écrive un livre avec toutes les anecdotes que j'aurais trouvées », décrit Jean-Yves, encore étonné.
En tout cas, Jean-Yves Vanier n'est pas près de se lasser. Chaque présentation, qu'il fait devant des familles qui l'ont engagé, lui rappelle pourquoi il a choisi ce métier : « Les gens adorent ça. Quand je fais mes présentations, tout le monde est heureux, ils sont émerveillés par leurs propres histoires, qu'ils ne connaissaient pas. »
Depuis aussi loin que je me souvienne, j’aime les histoires.
Ce goût m’a conduit vers l’Histoire, grâce aux manuels de l’école primaire des années 60 qui nous entraînaient dans ces tentatives de reconstitution de la vie quotidienne des Gaulois et autres Vikings.
Les illustrations étaient sommaires et l’auteur concédait quelques incursions dans les biographies stéréotypées de ces héros qui ont fait la France : Vercingétorix, ce noble perdant, Jeanne d’Arc, cette fille du peuple qui remet son roi sur le trône ou bien ce jeune révolutionnaire de 15 ans qui sera assassiné par ces Vendéens obtus pour avoir clamé avec défi : « vive la République, à bas le Roi ».
Vers l’âge de 14 ans, j’ai accompagné les premiers pas de ma mère dans la généalogie, à travers les registres paroissiaux de la petite mairie du village natal de bon nombre de ses ancêtres.
Je crois que j’aimais à la fois l’enquête poursuivie et le déchiffrage de ces actes d’état civil, me prenant sans doute un peu pour Champollion qui a trouvé les clés pour décrypter un monde lointain d’histoires quotidiennes.
Si loin et si proche, à l’instar de ce que nous racontent les graffitis de Pompéi.
Les actes notariés ont permis ensuite d’entrevoir un peu plus les personnes cachées derrière ces lignées et ces dates et m’ont amené à chasser les singularités au-delà des formules très classiques que l’on y trouve. Cette quête permet parfois de glaner quelques pépites comme cette lettre de Paris d’un orfèvre à sa femme aux fins de l’autoriser à prendre un bail et dans laquelle il se répand sur ses déboires judiciaires.
A partir de ces éléments épars, je trouve passionnant d’échafauder et d’ajuster des hypothèses à partir des éléments rassemblés et confrontés avec la grande histoire, dans un constant va-et-vient.
Dans ce travail, certains détails initialement négligés prennent un sens particulier tandis que d’autres n’ont pas le relief qu’ils promettaient au départ.
Ces très modestes assemblages permettent de donner un peu de chair à ces noms et d’esquisser certaines histoires singulières. C’est ce que je me propose de faire très modestement dans ce blog, tenter d’éclairer des fragments de vie de mes ancêtres, à la lumière de la grande histoire
Le mot de Kat : Les résultats du moteur de recherche Google sont spammés et de mauvaise qualité selon une étude de ... chercheurs allemands. Google répond : On peut rien y faire, c'est la faute au SEO dopé à l'IA qui pourrit notre moteur.
Par Meera Navlakha le 18 janvier 2024 (mis à jour pour intégrer la réponse de Google)
Vous n'êtes pas le seul, la recherche sur Google a vraiment empiré Une nouvelle étude menée par des chercheurs allemands a révélé que la recherche sur Google est infestée de spam SEO. Votre expérience de la recherche sur Google a-t-elle changé pour le pire ? Vous n'êtes peut-être pas le seul.
Cette révélation provient d'une nouvelle étude menée par des chercheurs allemands de l'université de Leipzig, de l'université Bauhaus de Weimar et du Center for Scalable Data Analytics and Artificial Intelligence (Centre pour l'analyse des données évolutives et l'intelligence artificielle). Les chercheurs ont posé la question "Google devient-il pire ?" en examinant 7 392 requêtes d'évaluation de produits sur Google, Bing et DuckDuckGo pendant un an.
Les chercheurs se sont appuyés sur des rapports indiquant qu'"un torrent de contenu de faible qualité, en particulier pour la recherche de produits, continue de noyer tout type d'information utile dans les résultats de recherche". Un nombre important de résultats trouvés en réponse à des requêtes liées à des produits étaient des "spams de référencement de produits".
La recherche a montré que les sites de spam sont très répandus, apparaissant en haut des classements de Google dans ce qui est une "bataille constante" entre les sites et le moteur de recherche. En d'autres termes, écrivent-ils, "les moteurs de recherche semblent perdre le jeu du chat et de la souris qu'est le spam SEO".
"Le référencement est une bataille constante et nous observons des schémas répétés d'entrée et de sortie de spams dans les résultats, alors que les moteurs de recherche et les ingénieurs en référencement ajustent leurs paramètres à tour de rôle", peut-on lire dans le rapport. Bien que Google, Bing et DuckDuckGo éliminent les spams, les chercheurs affirment que cela n'a qu'un "effet positif temporaire".
Un porte-parole de Google a déclaré à Mashable que l'étude "ne reflète pas la qualité et l'utilité globales de la recherche". Il a souligné que l'étude ne portait que sur un ensemble restreint de requêtes, à savoir la recherche de produits.
"Cette étude ne s'intéresse qu'au contenu des critiques de produits et ne reflète pas la qualité et l'utilité globales de la recherche pour les milliards de requêtes que nous recevons chaque jour. Nous avons apporté des améliorations spécifiques pour remédier à ces problèmes, et l'étude elle-même souligne que Google s'est amélioré au cours de l'année écoulée et que ses performances sont supérieures à celles des autres moteurs de recherche. De manière plus générale, de nombreux tiers ont mesuré les résultats des moteurs de recherche pour d'autres types de requêtes et ont constaté que Google était d'une qualité nettement supérieure aux autres", a déclaré le porte-parole.
L'étude en question a montré que les résultats de Google se sont améliorés "dans une certaine mesure" entre le début et la fin de l'expérience des chercheurs. Néanmoins, ils ont constaté "une tendance générale à la baisse de la qualité des textes dans les trois moteurs de recherche". Avec la présence de spam généré par l'IA, la situation ne peut que s'aggraver, prévient l'étude.
"Nous concluons que le spam contradictoire dynamique sous la forme d'un contenu commercial de faible qualité produit en masse mérite plus d'attention", écrivent les chercheurs.
Comme le rapporte 404Media, d'autres chercheurs ont remarqué que Google était inondé de spam. Search Engine Journal, par exemple, a déclaré qu'en décembre 2023, Google a été submergé par une attaque massive de spam qui a duré plusieurs jours.
Mozilla, le développeur de logiciels en difficulté, a accusé les fabricants de navigateurs dominants - Apple, Google et Microsoft - d'utiliser des raccourcis pour gagner plus d'utilisateurs et les éloigner des outils indépendants comme Firefox.
Selon Mozilla, une communauté logicielle fondée en 1998 qui développe exclusivement des logiciels libres, dont le navigateur web Firefox, les "acteurs dominants" cherchent à "contrôler le navigateur que les gens utilisent".
La bonne façon de gagner des utilisateurs est de construire un meilleur produit, mais les raccourcis peuvent être irrésistibles - et il y a une longue histoire d'entreprises qui tirent parti de leur contrôle des appareils et des systèmes d'exploitation pour faire pencher la balance en faveur de leur propre navigateur, A déclaré Moziila dans un billet de blog.
L'entreprise a déclaré que les principaux fabricants de navigateurs compliquent généralement la tâche des utilisateurs qui souhaitent télécharger et utiliser un autre navigateur. Ils ignorent ou réinitialisent également les préférences par défaut du navigateur de l'utilisateur ou, par exemple, exigent l'utilisation du moteur de navigation de la première partie pour les navigateurs tiers.
Dans une démarche qui, en substance, interpelle Google et son Chrome, Edge de Microsoft et Safari d'Apple, Mozilla a lancé un nouvel outil de suivi des problèmes dans lequel l'entreprise a l'intention de documenter les façons dont les plates-formes désavantagent Firefox.
"Nous pensons qu'il est temps de publier ces préoccupations en utilisant le même processus transparent et les mêmes outils que nous utilisons pour développer des positions sur les normes techniques émergentes", a déclaré la société.
Par exemple, Mozilla estime qu'il est injuste qu'Apple interdise les moteurs de navigation tiers et limite la capacité de l'utilisateur à transférer ses données dans un autre navigateur lorsqu'il passe de Safari à un autre.
Certaines fonctionnalités de Windows lancent Microsoft Edge au lieu du navigateur par défaut de l'utilisateur, alors que ce choix devrait être respecté, selon Mozilla. Il en va de même pour Google et son navigateur Chrome : certaines fonctionnalités Android se lancent sur Chrome au lieu du navigateur par défaut de l'utilisateur.
Les gens méritent d'avoir le choix, et le choix nécessite l'existence d'alternatives viables. Les alternatives et la concurrence sont bénéfiques pour tous, mais elles ne peuvent se développer que si les règles du jeu sont équitables. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, mais il n'est pas difficile d'y remédier si les fournisseurs de plates-formes le souhaitent, a déclaré Mozilla.
Il est difficile pour le navigateur de niche Firefox de rivaliser avec ce que proposent les géants, et cela commence à se voir. À l'été 2010, Firefox a atteint son point culminant avec 34,1 % du marché, mais depuis, c'est la dégringolade : le navigateur de Mozilla ne représente plus que 2,2 % du marché américain.
Publié le 23 Janvier 2024 par Gintaras Radauskas (Cybernews)
<Les féministes d’aujourd’hui sont-elles extrémistes ? Des magazines tels Causeur et Valeurs actuelles font leurs gros titres sur la « terreur féministe » et la radicalité des combats que des militantes « devenues folles » mèneraient contre le genre masculin. Le Rapport annuel 2024 sur l’état des sexismes en France qui met en avant une augmentation des idées machistes chez les jeunes hommes de 24-35 ans déplace le pôle de la radicalité en question.
« Faisons du sexisme de l’histoire ancienne », commente le rapport 2024. Ces débats sur le postulat de l’extrémisme féministe d’aujourd’hui et le constat de la montée concomitante des conservatismes masculins à l’égard des femmes intéressent assurément l’histoire et renvoient aux positionnements des antiféminismes et masculinismes d’hier.
Un exemple édifiant est la loi qui a permis aux jeunes filles d’accéder à l’enseignement secondaire en France. Adoptée le 21 décembre 1880, sous la IIIe République, la « loi Camille Sée » a révélé un masculinisme agitant le chiffon rouge de ce qui était perçu à l’époque comme de l’extrémisme féministe.
Note de Kat : j'ai fait mes études secondaires au Lycée Camille Sée à Paris
Tout à la fois, cette loi républicaine est novatrice et conservatrice.
Novatrice, car elle instaure pour les jeunes filles ce que le Second Empire n’a pas réussi à faire. Soucieux de promouvoir un enseignement secondaire féminin, le ministre de l’Instruction publique Victor Duruy avait posé avec la circulaire du 30 octobre 1867 le projet de la création de Cours d’enseignement secondaire pour les jeunes femmes. Cette initiative avait soulevé une violente opposition de l’Église catholique qui contribuera à l’échec de cette entreprise. La politique scolaire du ministre se situait dans le contexte d’un Second Empire qui avait initié une ébauche d’instruction féminine dans le primaire, avec la loi Falloux qui permettait l’ouverture d’une école primaire pour les filles dans chaque commune de plus de 800 habitants et la loi de Victor Duruy du 10 avril 1867 qui abaissait ce seuil à 500. Ces mesures étaient des avancées au regard de la loi de juin 1833 de François Guizot qui, sous la monarchie de Juillet, avait obligé l’ouverture d’écoles primaires pour les garçons dans chaque commune de plus de 500 habitants, en faisant l’impasse sur l’instruction primaire des filles.
Cette loi républicaine du 21 décembre 1880 est aussi conservatrice car elle crée de façon volontaire un enseignement féminin qui n’a ni le même cursus, ni le même programme, ni le même diplôme que celui des garçons. Il se déroule en cinq ans, au lieu de sept pour eux. Il privilégie un enseignement ménager et de couture pour elles. Et il n’inclut dans son programme aucun cours de philosophie et de langues anciennes. Or, ces matières sont obligatoires au baccalauréat. La fin du cursus donne accès non pas un baccalauréat, mais à un « diplôme de fin d’études secondaires » qui ne permet pas aux filles d’accéder à l’université. Les républicains ont donc profité du revers du Second Empire pour créer un enseignement féminin à leur convenance. Mais s’ils ont œuvré pour que la jeune fille ne soit plus élevée « sur les genoux de l’église », selon la formule chère à leur adversaire clérical, Monseigneur Dupanloup, ils ont aussi agi pour qu’elle soit élevée sur les genoux républicains du foyer familial.
Cet inégalitarisme de scolarisation entre filles et garçons n’est pas le fait du hasard. Dans ce XIXe siècle masculiniste, il résulte d’une peur que les hommes ont que les femmes puissent accéder à autre chose qu’un simple enseignement élémentaire. Cette frayeur tourne autour d’une trilogie que scandent législateurs et autres théoriciens de l’éducation dans les discours, ouvrages et articles dont ils sont les auteurs : les femmes studieuses seraient des femmes orgueilleuses, hideuses, dangereuses. Les délibérations qui se tiennent à la Chambre des députés en décembre 1879 et janvier 1880 ainsi qu’au Sénat en novembre et décembre 1880 permettent de bien rentrer dans le détail de ces émois.
Les Femmes savantes de Molière et Les Bas-Bleus de Barbey d’Aurevilly sont dans toutes les têtes lors des débats parlementaires et sénatoriaux. Ces pédantes ridicules sans talent sont des repoussoirs absolus. Dans l’introduction à son projet de loi, le député Camille Sée rassure ses collègues parlementaires :
« Il ne s’agit ni de détourner les femmes de leur véritable vocation, qui est d’élever leurs enfants et de tenir leurs ménages, ni de les transformer en savants, en bas-bleus, en ergoteuses. » (ndlr, « bas-bleu » est expression péjorative pour désigner une femme cultivée)
Pas plus par snobisme hautain que par surcroît d’intellectualité, il leur promet que la femme républicaine n’abandonnera les tâches culinaires qui lui reviennent :
« L’économie domestique leur est indispensable ; Chrysale a raison : il faut songer au pot-au-feu. On le dédaignait par mondanité ; il ne faut pas qu’on le dédaigne par excès de capacité. »
Sur les bancs de ces nobles assemblées, des cris fusent contre les « habits déchirés » que la femme, trop « occupée de hautes études » ne voudra plus recoudre pour son mari. Ils s’indignent aussi du « rôti brulé » et du « pot-au-feu manqué » qu’elle ne manquera pas de lui servir.
Toutes ces admonestations sur les « savantes », les « bas-bleus », les « ergoteuses » avec leur « mondanité », leur « capacité » et leurs « hautes études » sont des doigts sévèrement pointés sur celles qui sont perçues comme de futures orgueilleuses instruites et diplômées qui ne pourront que regarder de haut les tâches subalternes des habits à recoudre et du dîner à préparer. Même après la proclamation de la loi, les recommandations restent tenaces contre « l’orgueil » de la jeune fille instruite.
Tout ce qui relève du scientifique exacerbe particulièrement les élites de l’époque. Le 28 juillet 1882, l’ancien ministre de l’Instruction publique Jules Simon déclare lors d’une remise de prix à de jeunes lycéennes :
« Je soutiens qu’il est parfaitement inutile d’enseigner la chimie et la physique aux filles […] »
Le risque de ces sciences, continue-t-il, est de faire de ces jeunes femmes des mères infatuées qui ne s’abaisseront plus à nourrir leur progéniture. Elles utiliseront un langage châtié pour vérifier que leur servante ait bien mis du sucre dans le bouillon de leur petit. Jules Simon se moque du ridicule qu’aurait leur style ampoulé :
« [Elles] ne manqueront pas […] de s’écrier en molestant la nourrice de leur enfant – car elles ne nourriront certainement plus elles-mêmes – “Avez-vous donné à mon fils son potage sacchariné ?” »
La femme hideuse, c’est la « virago », cette mégère autoritaire aux allures masculines que généreront ces études secondaires. Trois jours après la séance sénatoriale du 22 novembre 1880, l’écrivain Octave Mirbeau dans le journal Le Gaulois s’étrangle de colère devant la politique républicaine en cours :
« Qu’est-ce que j’apprends ? Et où allons-nous, mon Dieu ? Ne voila-t-il pas, maintenant, qu’ils veulent prendre nos filles pour en faire des hommes ! »
Après quelques considérations sur « la barbe au menton » qu’elles ne manqueront pas d’avoir, il dénonce le sabotage d’identité qui se trame :
« II s’agit de les déniaiser, de les savantiser, de les bas-bleuiser, de les garçonniser, de les viriliser. »
Tous horizons politiques confondus, le « bas-bleu » n’est donc pas seulement une prétentieuse qui pérore à tout va. C’est aussi une femme qui trahit hideusement sa nature féminine. Un « homme manqué », un « hermaphrodite » qui s’échine à vouloir ressembler à son homologue masculin pour mieux le toiser. Charles Baudelaire, Georges Proudhon ou Jules Barbey d’Aurevilly se déchainent sur les affreuses métamorphoses à venir. En femme de plume célèbre, George Sand est une de leurs cibles favorites. Plus cyniques que jamais, les frères Goncourt s’en prennent aussi à elle pour attester des mutations en cours :
« Si on avait fait l’autopsie des femmes ayant un talent original, comme Mme Sand […] on trouverait chez elles des parties génitales se rapprochant de l’homme, des clitoris un peu parent de nos verges. »
On s’effraie des « bas-bleus » dégénérés autant que des « bas-rouges » révoltés à venir. Le lendemain du vote en première lecture de la loi sur les lycées de jeunes filles, le journal catholique L’Univers fait son miel du péril imminent que préparent les savoirs et diplômes féminins. Les « futures doctoresses et avocates », élevées « sans religion » et « bourrées de cette science-frelatée » ne seront que les répliques des violences de 1848 et 1870 :
« La haine de ces bas-rouges sera d’autant plus féroce que leurs appétits seront plus vastes ; elles voudront réformer une société où elles ne sauraient trouver place, et s’en iront, avec les Hubertine Auclert et les Louise Michel, courir les réunions publiques et réclamer les droits de la femme. »
Lors des débats parlementaires précédant le vote de la loi, le sénateur bonapartiste Georges Poriquet agite également l’épouvantail de l’émeutière communarde. « Même améliorée par la République », il ne veut pas de cette « femme savante, électeur et orateur, la Louise Michel du présent et de l’avenir ».
Dangereuses pour les autres, les femmes studieuses le seraient aussi pour elles-mêmes. Ces littératures prédisent que, désœuvrées par ces nouveaux savoirs, elles se donneront « au premier homme qui passera », « qu’elles se tueront », qu’elles « deviendront folles »…
Les hommes du XIXe siècle ont eu peur des évolutions à venir. Et ils ont fait peur à leurs contemporains pour que ces progrès ne se fassent pas. Leur refus d’un enseignement secondaire à égalité avec celui des garçons a été extrême. Il a rejeté de toutes ses forces ces changements en dramatisant leurs enjeux. Il faudra attendre le décret de Léon Bérard en 1924 pour que les filles puissent commencer à passer un baccalauréat identique à celui des garçons ; soit cent seize ans après le décret impérial du 17 mars 1808 de Napoléon 1er.
Deux siècles plus tard, les conservateurs s’offusquent de l’extrémisme des féminismes d’aujourd’hui. Ces femmes seraient une fois encore orgueilleuses, hideuses, dangereuses… Ce n’est rien de neuf sous le soleil noir des conservatismes sexistes du XXIe siècle.
J'aime la nuit. Pas la nuit blanche des noctambules, ni celle des illuminations de Noël.
Encore que la nuit bleue-diode dont les extra-terrestres ont marqué le village revêtait un charme étrange à Noël passé.
Non, la nuit que j'aime, c'est la nuit noire, la nuit profonde, la nuit vraie.
Celle des quarts en mer où l'on est seul sous les étoiles
Celle du lit tiré sur la terrasse les soirs d'été
Celle des heures passées sur le toit avec le télescope.
Aussi quand l'éclairage public a inondé mon chemin, je me suis battue bec et ongles contre cette invasion.
J'ai argué que mon cadre de vie en était tout révolutionné : à quoi bon choisir la campagne si la nature est refoulée par un progrès indésirable ?
En vain : la civilisation a donc envahi mon chemin (côté lumière, s'entend, car c'est toujours l'âge de pierre côté chaussée, égouts ou telecom)
J'ai donné mon télescope, les lumières de la ville ne sont plus un émerveillement lointain au fond de la vallée, mais une réalité proche, une promiscuité agressive, un éblouissement envahissant.
Je dois étouffer pendant les nuits d'été derrière les volets fermés. Et un supplément de dépenses personnelles pour la climatisation s'ajoute aux suppléments de dépenses mutualisées car le surcoût énergétique de l'éclairage public va peser sur les impôts communaux.
Et là je n'aborde même pas les arguments écologiques. Je vous laisse les réciter tous seuls, vous les connaissez par coeur, de la chasse au gaspi au Grenelle de l'environnement, sauvons la planète et tutti quanti.
Or doncques, j'étais là, enfermée dans la clim et dans une colère maussade, pestant comme une rebelle contre la décision imposée, mais vaguement coupable de nostalgie rétrograde. Car l'Intérêt Public, la Sécurité, le Progrès, la Civilisation, la Responsabilité du Maire sont les contr'arguments avec Majuscules que m'a renvoyés l'autorité quand j'ai tenté de discuter. Je m'en suis sentie toute écrasée, responsabilisée, culpabilisée, sur fond latent de malaise et de mécontentement.
Je ne pouvais demeurer plus longtemps sur la pente savonneuse de cette dépression larvée, j'ai pris le taureau par les cornes, je me suis remise en cause et j'ai donc cherché comment me sortir de ce marasme marécageux. Pour trouver le remède, il faut déjà un bon diagnostic, donc inventorier les symptômes et donner un NOM à cette maladie. Car j'étais sinon coupable, du moins malade. les autorités me l'avaient démontré : je refusais le progrès, j'étais ringarde, rétrograde, réactionnaire, anachronique, obsolète. Bref, je sentais la naphtaline.
Le premier symptôme, celui du nyctophile, de l'adorateur de la nuit noire, l'adepte de l'obscurité profonde, semblait au premier abord relever de la manie, de l'addiction et des comportements sectaires. J'avais empoigné mon clavier, je compulsais sur mon écran les encyclopédies médicales, je consultais tous ces experts qui foisonnent sur le net. Eh bien, il s'est avéré qu'autant la lumière compte parmi les thérapies naturelles émergentes, autant l'alternance de la lumière et de l'obscurité, synchroniseur du cycle veille/sommeil semble essentielle à la qualité du sommeil.
Soyons brièvement techniques : le cycle veille/sommeil est soumis à l'influence de synchroniseurs. l'endormissement est la conséquence de la synchronisation de plusieurs phénomènes :
A l'inverse, le réveil est préparé par l'augmentation de la température corporelle et la sécrétion d'hormones éveillantes, comme le cortisol.
En l'absence de synchroniseur externe (lors d'expériences hors du temps, comme celle de Michel Siffre dans les gouffres ou celle des sous-mariniers.), mon horloge biologique va continuer à rythmer l'alternance veille/sommeil selon des variations circadiennes (autour de 24 heures). Mais la qualité du sommeil en sera altérée : l'alternance lumière/obscurité, la variation du niveau d'activité sociale, le niveau du bruit ambiant sont autant de phénomènes qui influent sur la qualité du sommeil. C'est ainsi que le bruit entraîne une altération subjective et objective du sommeil. La gêne subjective disparait après quelques nuits et l'architecture du sommeil se normalise progressivement. Par contre, la réponse du rythme cardiaque au bruit demeure perturbée : l'esprit s'habitue au bruit, le cœur, jamais.
Qu'en est-il pour le synchroniseur "lumière" ?
Selon le Professeur Olivier Van Reeth, "pendant des millénaires, nous nous sommes levés et couchés avec le soleil, vivant ainsi en parfaite harmonie avec notre horloge biologique. En permettant l’extension artificielle de la durée du « jour », l’avènement de l’éclairage électrique puis l’explosion des nouvelles technologies ont complètement bouleversé l’organisation temporelle de nos sociétés industrialisées. Lorsque nous profitons de l’opportunité qui nous est donnée d’être actifs la nuit (quand notre horloge nous dit de dormir) et de dormir le jour, nous nous mettons alors en conflit avec notre horloge biologique... Les études [des chronobiologistes] montrent qu’une exposition programmée à de la lumière intense sur le lieu de travail (et le maintien d’une obscurité absolue pendant le sommeil) permettent d'améliorer l’adaptation aux conditions de travail [de nuit]. De même, une exposition à une lumière intense pendant les périodes dévolues au sommeil ont un impact sur la qualité du sommeil.
J'en étais là à dériver dans les méandres de la vulgarisation médicale, sans avoir progressé d'un pouce dans la résolution de la quadrature du cercle vicieux : nuit, autorité, lampadaire, insomnie. Quand de la lecture du canard local (Var-Matin - 27 août 2008), vint la lumière, ce qui est un comble. Jugez-en plutôt : le maire de Garéoult, à une trentaine de kilomètres d'ici, vient de signer une charte intitulée : "Préservons le ciel de Garéoult" avec le président de l'Association nationale pour la protection du ciel nocturne (Anpcn) et le président de l'association Cassiopée, observatoire de Rocbaron, au village voisin. Cette charte prévoit de "limiter les effets nocifs de l'éclairage public et privé qui sera limité en intensité et en durée : les appareils extérieurs utiliseront des capuchons réflecteurs vers le bas. En aucun cas, la lumière émise ne sera dirigée vers le ciel où elle constitue une pollution pour la végétation, la faune nocturne, l'astronomie et l'aviation. A vingt-trois heures trente, les éclairages de la commune devront être éteints sauf pour raison de sécurité." Le président de l'observatoire de Rocbaron soulignait qu'ainsi l'équipe municipale de Garéoult s'était engagée dans la promotion de La Provence des Étoiles. Un programme que j'aimerais bien voir soutenu également dans mon village du Revest-les-Eaux.
Kat
Crédit photos : © Cécile Cadel