Depuis le 1er septembre 2023 : interdiction de l'utilisation des eaux de pluie dans les locaux d'habitation entre autres
« Dispositions communes aux eaux de pluie et aux eaux usées traitées
« Art. R. 211-123.-I.-L'utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées, telles que définies respectivement aux articles R. 211-124 et R. 211-125, est possible dans les lieux et aux conditions définies aux articles R. 211-126 et R. 211-127 pour les usages non domestiques.
« L'utilisation des eaux de pluie est possible sans procédure d'autorisation.
« L'utilisation des eaux usées traitées peut être autorisée selon la procédure définie à la sous-section 2 de la présente section. Lorsqu'il est envisagé d'utiliser les eaux usées traitées à des fins agronomiques ou agricoles, seule l'utilisation des eaux mentionnées au 1° de l'article R. 211-125 peut être autorisée.
« II.-Les utilisations d'eau dans les domaines suivants sont régies exclusivement par les dispositions qui leurs sont propres :
« 1° Les usages domestiques et dans les entreprises alimentaires, sur le fondement de l'article L. 1322-14 du code de la santé publique ;
« 2° Les usages dans une installation relevant de la nomenclature annexée à l'article R. 511-9 ou de la rubrique 2.1.1.0 de la nomenclature définie à l'article R. 214-1, tels qu'ils sont réglementés par l'arrêté préfectoral encadrant le fonctionnement de cette installation ;
« 3° Les utilisations d'eaux douces issues du milieu naturel encadrées par un arrêté préfectoral pris sur le fondement de la nomenclature définie à l'article R. 214-1.
« Art. R. 211-124.-Pour l'application de la présente section, on entend par “ eaux de pluie ” celles issues des précipitations atmosphériques collectées à l'aval de surfaces inaccessibles aux personnes en dehors des opérations d'entretien et de maintenance.
...
« Art. R. 211-126.-L'utilisation des eaux mentionnées aux articles R. 211-124 et R. 211-125 n'est pas possible à l'intérieur des lieux suivants :
« 1° Les locaux à usage d'habitation ;
« 2° Les établissements sociaux, médico-sociaux, de santé, d'hébergement de personnes âgées ;
« 3° Les cabinets médicaux ou dentaires, les laboratoires d'analyses de biologie médicale et les établissements de transfusion sanguine ;
« 4° Les crèches, les écoles maternelles et élémentaires ;
« 5° Les autres établissements recevant du public pendant les heures d'ouverture au public.« Art. R. 211-127.-L'utilisation des eaux mentionnées aux articles R. 211-124 et R. 211-125 n'est pas possible sur le fondement de la présente section pour les usages suivants :
« 1° Alimentaires, dont la boisson, la préparation, la cuisson et la conservation des aliments, le lavage de la vaisselle ;
« 2° D'hygiène du corps et du linge ;
« 3° D'agrément comprenant, notamment, l'utilisation d'eau pour les piscines et les bains à remous, la brumisation, les jeux d'eaux, les fontaines décoratives accessibles au public et l'arrosage des espaces verts des bâtiments.
Après la Seconde Guerre mondiale, la Marine s’est lancée dans le creusement d’un arsenal souterrain afin de protéger certaines de ses installations sensibles. Mais le projet… a pris l’eau.
Par Matthieu Dalaine - Publié le 29/08/2023
En janvier2023, des spéléologues ont pu explorer la "galerie de la Marine" qui devait, en 1946, lancer le grand projet de "base industrielle protégée du Faron". Tout au bout de ce tunnel brut, qui succède à une première partie maçonnée, se trouvent deux vannes et un mur en béton. (Photos DR)
C’est une histoire méconnue. Documentée par quelques érudits et redécouverte récemment par un groupe de plongeurs spéléologues. C’est une histoire étonnante, comme le Toulon militaire en regorge, où subsistent encore de nombreuses zones d’ombre.
C’est une histoire qui prend racine à la fin de la guerre 1939-1945. Les bombardements ont alors lourdement endommagé la ville et la base navale. Marquée par les menaces venues du ciel, mue par de nécessaires ambitions de reconstruction, la Marine cherche à abriter certaines installations stratégiques.
Lesquelles? Mystère. Une chose est sûre: l’idée folle d’un arsenal souterrain qui serait caché à l’abri des bombes dans la masse calcaire du Faron fait son chemin dans les couloirs de l’amirauté.
"Une équipe d’ingénieurs se met à réfléchir à cette problématique, des plans sont dressés, des spécialistes consultés", raconte l’hydro-spéléologue Philippe Maurel, qui se passionne depuis plusieurs années pour ce sujet. "Le projet se veut pharaonique, avec des ramifications en sous-sol qui iraient du Jonquet à La Valette." Certains évoquent même des accès depuis le port.
Loin de rester à l’état de maquette, l’opération est mise en œuvre dès août 1945. Sans tambour ni trompette. "Ils attaquent une galerie d’exploration depuis les abords de la route des Moulins", poursuit André-Jean Tardy. Cet ancien directeur de la régie municipale des eaux a enquêté sur cette stupéfiante entreprise, dont il livre les moindres détails: "Sur la partie aval de cette route, pas très loin des actuels HLM du Jonquet, un ingénieur des travaux maritimes possédait un terrain. Aucune autorisation ne sera nécessaire…"
Problème: après un tir de mine, les techniciens tombent sur un os. Ou plutôt sur de l’eau, beaucoup d’eau. Début 1946, le boyau qui atteint maintenant la longueur de 162mètres est partiellement noyé sans que personne ne sache vraiment d’où provient le précieux liquide.
"Au même moment, une partie de Toulon se retrouve subitement à sec, explique Philippe Maurel. C’est le branle-bas de combat: les autorités civiles pressent alors les autorités militaires d’arrêter immédiatement leurs travaux."
La mairie envoie des agents contrôler le débit de cette rivière souterraine. "Mais cela leur est plusieurs fois interdit car la Marine considère son opération comme du secret-défense", précise André-Jean Tardy.
Un éminent professeur de Dumont d’Urville, par ailleurs président de la Société des sciences naturelles de Toulon, est missionné pour documenter les lieux. Après un début d’altercation avec un officier qui n’apprécie guère la présence de curieux sur un terrain militaire, ce dénommé Jean-Baptiste Gaignebet confirme le problème: la galerie a bien recoupé l’alimentation de la source Saint-Antoine, qui alimente Toulon.
L’affaire remonte jusqu’au ministère. L’armée n’a plus le choix. Le tunnel est obstrué par un solide mur en béton comportant deux vannes. Comme par enchantement, l’eau réapparaît aussitôt en ville. "Le projet de base est purement et simplement abandonné", relate Philippe Maurel.
À la place, les crédits de l’État seront fléchés vers… Mers el-Kébir, en Algérie, où quelque 15km de tunnels "antiatomiques" et autres hangars vont être creusés dans les années qui suivent. Casernements, hôpital, magasins à vivres, réservoirs à mazout, soutes à munitions, arsenal et même une centrale électrique sont enterrés sous la montagne. C’est la plus grande base militaire souterraine du monde!
Est-ce cela qui avait été imaginé pour la "base industrielle protégée du Faron", ainsi nommée sur un vieux plan de la DCAN? Peut-être.
A Toulon, le souvenir de "la galerie de la marine" s’estompe peu à peu. Il faudra attendre 1970 pour que des plongeurs, passant par le siphon de Saint-Antoine, redécouvrent le boyau.
En 1988, un discret acte administratif signé du ministère de la Défense national scelle le sort de l’endroit. "Pour la somme de 100 francs, à laquelle il fallait ajouter 480 francs de frais de publicité, la commune de Toulon devenait propriétaire d’une galerie de mine abandonnée", sourit André-Jean Tardy.
Ce qu’il en reste aujourd’hui? Philippe Maurel et ses camarades spéléologues y sont allés de leur exploration en début d’année. Ils en ont ramené de magnifiques photos du tunnel, pour partie maçonné, pour partie brut, qui garde les stigmates des explosions qui ont permis son creusement. Les vestiges d’un projet titanesque qui a tourné court.
Quelques rares plans de la direction des constructions et armes navales (DCAN) documentent le projet de l’époque. (Photo DR).
L’alimentation a contribué à l’évolution des êtres humains, ainsi de la cuisson de la viande qui semble avoir joué un rôle décisif dans le développement de notre espèce ou encore de l’existence de cette mutation génétique qui serait à l’origine de notre capacité à pouvoir digérer le lactose et donc boire du lait.
Les êtres humains ont ainsi avancé par essais et erreurs pour élaborer leurs menus : la nourriture doit être inoffensive, impliquer une dimension de partage avec le groupe et provoquer un plaisir gustatif, comme le soulignent les travaux de la psycho-anthropologue Danielle Rapoport, spécialiste de l’évolution des modes de vie.
Les différentes crises sanitaires – du lait aux salmonelles aux graines germées tueuses, en passant par les lasagnes à la viande de cheval – qui ont jalonné ces dernières décennies ont conduit à une prise de conscience globale des consommateurs.
Cela entraîne une redéfinition progressive du cadre alimentaire du mangeur : valorisation du local, du bio et de l’éthique, quête de naturalité, attrait pour le flexitarisme, rejet de l’industrie agroalimentaire et importance du bien-être animal.
La consommation des « buveurs d’eau » n’échappe pas à cette tendance, comme le révèle une étude conduite à l’été 2017 auprès de 20 foyers. Cette enquête, dont nous rappellerons ici les principaux enseignements, avait pour but de comprendre quelles étaient les pratiques et les représentations autour de la consommation d’eau des Parisiens (Paris et sa petite couronne).
Cette initiative complète des travaux de recherche initiés dès 2015 pour traiter du lien entre valeurs et pratiques de certaines typologies de boissons sur les changements de régimes alimentaires des créatifs culturels.
Eau en bouteille, du robinet, brute ?
L’eau se consomme aujourd’hui sous de multiples formes et les innovations technologiques sont légion dans ce domaine. Le Cloud Fisher transforme par exemple le brouillard en eau potable et Ooho ! offre le précieux liquide dans une bulle composée d’une fine membrane biodégradable et consommable.
Cette variété d’usages s’accompagne de phénomènes d’« amplification sociale du risque », qui se multiplient à travers la diffusion, via les réseaux sociaux le plus souvent, d’informations parfois contradictoires concernant les bienfaits et les méfaits de différents types d’eau. L’eau en bouteille ne serait pas si pure, l’eau du robinet ne serait pas si différente de l’eau en bouteille. Et une nouvelle tendance consiste à utiliser de l’« eau brute », c’est-à-dire de l’eau de source non traitée.
Les individus sont ainsi amenés à construire leur propre réalité de ce qu’est une eau (jugée) bonne pour eux-mêmes mais également pour la planète.
Dis-moi ce que tu bois, je te dirai qui tu es
L’eau s’accompagne d’un imaginaire ambivalent : elle est à la fois destructrice et purificatrice. En suivant une approche méthodologique compréhensive du discours des individus, nous avons pu identifier deux typologies majeures de représentations pouvant avoir un effet sur les pratiques des individus relatives à la consommation d’eau.
La première concerne les impacts des tendances de consommation dans la perception de l’eau. Celle-ci est considérée comme un produit à la mode : elle dispose de ses propres sommeliers, comme Martin Riese, et devient même un produit d’exception ; la marque « Eaux du globe » sélectionne et vend ainsi différentes eaux venues des quatre coins du monde. Les individus rencontrés lors de l’étude « dégustent » différemment l’eau qu’ils consomment en fonction de la marque, de la source ou encore de son lieu d’achat.
Nous avons également considéré l’impact de certaines théories alternatives, qui se présentent comme scientifiques et qui circulent sur Internet. Comme celle du Japonais Masaru Emoto qui étudie les effets (jamais confirmés à ce jour) de la pensée et des émotions sur l’eau. Ces hypothèses, très en vogue sur les réseaux sociaux, avaient retenu l’intérêt des individus rencontrés lors de notre étude.
Entre éthique et concurrence
Les préoccupations environnementales s’emparent également du marché de l’eau. Certaines enseignes, comme Biocoop, ont décidé de ne plus distribuer d’eau en bouteilles plastiques dans leurs points de vente. D’autres, comme Castalie ou Kinetico, développent une solution microfiltrée. Cette eau se présente souvent comme une solution aux enjeux environnementaux : moins de transport de bouteilles, moins de verre perdu puisque les bouteilles en verre peuvent être réutilisées.
Rappelons qu’en France l’industrie des eaux minérales produit par an 7,5 milliards de litres d’eau et génère 2,5 milliards d’euros, soit environ 3 % du chiffre d’affaires du secteur agroalimentaire. Le saviez-vous ? Il faut 3 litres d’eau et un quart de litre de pétrole pour produire un litre d’eau en bouteille, cette eau parcourant en moyenne 300 km avant d’arriver dans notre verre, et seule une bouteille sur deux étant recyclée, rappelle le site Le monde enchanté de l’eau embouteillée.
Le secteur de la restauration est tout particulièrement concerné par cette problématique de la « bonne » eau : certains restaurateurs proposent ainsi une alternative plate ou gazeuse à la bouteille plastique, également débarrassée du goût de chlore présente dans l’eau du robinet.
En fonction des restaurants, cette eau est proposée gratuitement ou à un prix inférieur à celui de l’eau minérale ou de source. Mais ces nouvelles solutions de consommation se heurtent aux acteurs historiques du marché de l’eau, comme les minéraliers (Nestlé, Evian, Volvic…).
Le collectif Mineral water, natural lover a publié en décembre 2017 un manifeste – signé par 13 grands chefs français et porté par « les grands acteurs de l’eau minérale » – pour « mettre l’accent sur l’importance de la pureté et l’authenticité de l’eau » en bouteilles, visant à faire face au marché de l’eau microfiltrée qui gagnerait « de plus en plus de parts de marché ».
Il ne s’agit plus seulement de mettre en concurrence l’eau du robinet et l’eau en bouteilles, mais également la bouteille en plastique avec la bouteille en verre. Ce collectif s’oppose en pratique à ceux qui militent pour la diminution de la consommation de plastique, à l’image du mouvement Slow Food.
Reycler l’eau des sèche-linges
Face à toutes ces nouvelles « connaissances » accessibles, certains mettent en place des stratégies de transformation de l’eau en développant des pratiques de « purification » spécifiques en fonction des lieux et des occasions de consommation ; l’eau du robinet, même si elle est surveillée de très près, s’avère particulièrement visée.
Pour un même individu, cette eau du robinet sera tantôt perçue comme propre à la consommation pour la cuisine, le ménage, l’hygiène corporelle. On observe par exemple des pratiques de recyclage de l’eau des sèche-linges comme alternative à l’eau déminéralisée pour le fer à repasser.
Dans d’autres contextes, l’eau du robinet est jugée impropre. Pour les rituels de soin et de beauté, par exemple, les Parisiens préfèrent utiliser des brumisateurs, eaux jugées plus pures et mieux adaptées à ces usages. En situation de convivialité, on observe également une valorisation de la consommation de l’eau en bouteille, microfiltrée, ou de l’eau du robinet dans une bouteille en verre avec du Binchotan, c’est-à-dire du charbon actif naturel.
Consommer de l’eau est un acte plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. On ne peut pas être simplement « pour » ou « contre » la consommation d’eau du robinet, ou être un fervent défenseur de l’eau filtrée.
Chaque individu doit composer au quotidien entre l’usage qu’il va faire de l’eau, et le type d’eau pour lequel il va opter. L’objectif ? Réduire ses dissonances cognitives, c’est-à-dire l’écart entre ses valeurs et la réalité de ses pratiques quotidiennes.
Pourtant, le Premier ministre Justin Trudeau s'était engagé à résoudre ce problème qui mine les réserves des Premières Nations depuis des années.
Pour boire un verre d'eau, ou même pour prendre une douche, certaines communautés des Premières Nations canadiennes ne peuvent pas se contenter d'ouvrir le robinet. Dans de nombreuses réserves du pays, l'eau courante est contaminée par les algues bleues, ou encore par des bactéries ou du mercure, rappelle dans un récent article le Washington Post.
Gérés par le Gouvernement fédéral, de nombreux systèmes d'épuration font de ce fait l'objet d'avis de non-consommation de l'eau. Certains sont entrés en vigueur récemment, mais d'autres durent depuis des années: «À Neskantaga, une réserve isolée du Nord de l'Ontario, les résidents font bouillir leur eau depuis 23 ans, décrit le Washington Post, après la panne d'une station de traitement construite en 1993.»
En novembre 2015, 105 avis préventifs «de longue durée» étaient en vigueur. Depuis, 71 ont été levés, mais 35 nouveaux ont dépassé le délai de 12 mois correspondant à cette définition. En résumé, 69 stations canadiennes fournissent de l'eau non potable depuis plus d'un an. «Et il y a toujours un risque qu'une nouvelle station rejoigne cette longue liste, ou qu'un avis de "courte durée" soit prolongé au-delà de 12 mois», prévient le quotidien américain.
Pourtant, le Gouvernement Trudeau a déjà dépensé 2 milliards d'euros pour mettre fin à ce fléau digne du «tiers-monde», selon les mots du chef d'une des réserves concernées. Une somme qui reste insuffisante, indiquait dans un rapport de 2017 un comité de surveillance.
Lourdeurs administratives et manque de personnel
Tout cet argent ne semble en effet pas suffire pour lever toutes les «lourdeurs administratives» qui empêchent de remettre en état de marche les stations défaillantes. Des études de faisabilité, des mesures, des plans, des remises aux normes... les démarches n'en finissent plus pour que les avis restrictifs prennent fin. «Je sais qu'il y a une volonté politique de la part du Premier ministre, remarque Erwin Redsky, chef d'une réserve indigène de quelques 290 personnes, mais si la bureaucratie ne change pas, rien ne changera».
Et quand bien même elles viendraient à bout de la paperasse administrative, les réserves peinent ensuite à trouver du personnel qualifié pour travailler dans ces stations de traitement des eaux; les opérateurs sont mieux formés, et mieux payés dans les grandes villes. Le Gouvernement soutient en ce sens des programmes visant à inciter ces techniciens à rester dans les réserves.
Justin Trudeau a promis que les avis de «long terme» interdisant la consommation d'eau courante seraient levés d'ici mars 2021. Mais après des années à se méfier de l'eau du robinet, les autochtones vont-ils vraiment oser la boire? Dawn Martin-Hill, professeur d'anthropologie et résident de la réserve des Six Nations, assure qu'un «problème plus important mettra plus longtemps à être résolu»: la confiance des habitants en l'eau de leur robinet.
La surhydratation est un risque moins connu mais qui peut s'avérer mortel. Que se passe-t-il dans notre corps lorsque nous ingérons une trop grande quantité d'eau ?
Atlantico : S'il est bien connu que s'hydrater pendant les périodes de forte chaleur est important, la surhydratation est un risque moins connu mais qui peut s'avérer mortel. Au cours des quatre dernières années, deux footballeurs lycéens en sont morts durant le mois d'août. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste une surhydratation ? Que se passe-t-il dans notre corps lorsque nous ingérons une trop grande quantité d'eau ?
Le principe de l'homéostasie et ses mises en défaut
Stéphane Gayet : L'homéostasie de notre corps (c'est son maintien dans un état permanent d'équilibre physiologique) est réalisée au prix d'importantes dépenses énergétiques. Ce qui signifie que rester en vie et en bonne santé nécessite un travail cellulaire et tissulaire de tous les instants. Cet équilibre est constamment menacé et les trillions de réactions biochimiques qui s'effectuent en permanence dans notre corps œuvrent en silence afin de le maintenir. Il arrive cependant que des circonstances trop violentes parviennent à mettre en défaut cette hémostasie.
C'est ce qui se produit en cas d'intoxication sévère, de traumatisme grave, de maladie infectieuse généralisé… A chaque fois, il existe une possibilité au moins théorique d'évolution mortelle.
A propos des intoxications, tous les éléments qui sont indispensables à notre vie peuvent aussi nous tuer quand ils sont apportés en quantité massive. Chacun sait bien que l'eau, le glucose (sucre simple) et l'oxygène sont nécessaires à la vie des êtres aérobies que nous sommes. Or, leur excès peut se montrer mortel. Pour désigner l'excès de quelque chose en médecine, on a l'habitude d'employer le préfixe "hyper". On parle d'hypertension artérielle (pression excessive et dangereuse), d'hypersomnie (tendance à s'endormir dans la journée), d'hypercoagulabilité (le sang forme trop facilement des thromboses ou "caillots"), d'hyper-sensibilité (terme proche de celui d'allergie), d'hyperglycémie (trop de glucose dans le sang en cas de diabète déséquilibré), d'hyperoxie (excès d'oxygène, lors d'un accident de plongée sous-marine par exemple), ou encore d'hyperhydratation (excès d'eau dans le corps ).
Dans quelles circonstances survient une hyperhydratation ?
En règle générale, une hyperhydratation ne survient pas spontanément. Elle est la résultante de plusieurs erreurs. Il peut arriver qu'elle soit iatrogénique (liée aux soins), chez un malade dans un état très grave et pour lequel des erreurs ont été commises lors de la réanimation hydroélectrolytique. Mais dans ce cas, il est habituel que l'on s'en rende compte à temps et que l'on parvienne à la corriger. En revanche, lorsqu'une hyperhydratation est consécutive à un excès d'ingestion d'eau, elle survient en dehors de tout milieu de soins et son évolution à court terme peut se montrer fatale. L'erreur en cas d'ingestion massive d'eau est double, liée pour partie à la composition de l'eau ingérée, pour partie au volume d'eau ingéré.
La composition de l'eau que nous buvons est déterminante
La composition de l'eau est l'aspect le plus important. Quand on parle d'eau de boisson, on utilise une formule abrégée. Car ce n'est pas seulement d'eau dont nous avons besoin, c'est d'eau et de sels minéraux : cela change tout. L'eau du réseau de distribution (eau appelée couramment "eau du robinet") est en France l'objet de traitements complexes. Car les eaux usées sont tellement polluées que leur traitement dans les stations d'épuration se doit d'être à un haut niveau de performance, étant donné les exigences élevées du décret portant sur les eaux destinées à la consommation humaine (eau dite "potable" : décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001, modifié par le décret n° 2007-49 du 11 janvier 2007). Fournir une eau dite "potable" est un peu devenu aujourd'hui la quadrature du cercle. Le résultat est qu'un grand nombre d'entre nous reçoit une eau chlorée (à cause des exigences microbiennes) et bien pauvre en sels minéraux. Si, comme cela est conseillé, nous mangeons beaucoup de légumes et de fruits, leur apport de sels minéraux compense la pauvreté de l'eau du réseau. Mais si nous buvons une grande quantité d'eau faiblement minéralisée et sans compléments en sels minéraux, nous pouvons nuire à notre santé, plus ou moins gravement.
Pourquoi avons-nous besoin de sels minéraux en plus d'eau ?
L'eau (H2O) est un fluide simple, un solvant neutre. Elle est partout dans notre corps et se déplace en permanence. Elle suit les mouvements des ions sodium (Na+). Nous perdons tous les jours de l'eau par notre urine, nos matières fécales, notre expiration ainsi que par notre transpiration. L'eau de notre urine sert à véhiculer les déchets, l'eau de nos matières fécales sert à leur éviter d'être trop dures et impossibles à éliminer, l'eau de notre expiration contribue à humidifier nos voies aériennes et celle de notre transpiration intervient dans la régulation thermique (l'évaporation de la sueur entraîne un refroidissement de la peau). Il faut donc compenser chaque jour cette perte d'eau qui s'accompagne obligatoirement d'une perte de sels minéraux et notamment de sodium (sel) qui est l'ion essentiel du métabolisme de l'eau avec l'ion chlorure (Cl-) et l'ion potassium (K+). Une personne qui ne boirait que de l'eau pure (H20 sans aucun sel minéral : eau distillée) et sans autre apport de sels minéraux deviendrait rapidement et gravement malade, jusqu'à en mourir.
En cas de forte chaleur, nous perdons par notre sudation de l'eau ainsi que des ions Na+ et Cl-, en plus d'autres sels minéraux. Il est donc indispensable de compenser à la fois la perte d'eau et celle de chlorure de sodium (Na+ Cl- ou NaCl ou sel ordinaire).
En quoi consiste une hyperhydratation ?
Une hyperhydratation est une intoxication par l'eau pure (H2O). Un apport massif d'eau pure ou en réalité très pauvre en chlorure de sodium entraîne une dilution du chlorure de sodium (sel indispensable à la vie) qui se trouve déjà dans le compartiment liquidien extracellulaire de l'organisme (le sang, la lymphe, les sérosités et les liquides interstitiels dans lesquels les cellules baignent). Cette dilution du chlorure de sodium dans le compartiment liquidien extra-cellulaire se traduit par une baisse de la concentration en ions sodium, notamment dans le sang ou plutôt le sérum (hyponatrémie). Nous savons que l'eau suit les ions sodium (Na+). Spontanément, au travers d'une membrane dite semi-perméable, comme la membrane des cellules (membrane plasmique), l'eau diffuse de façon à équilibrer les concentrations en Na+ de part et d'autre : elle diffuse du compartiment le moins concentré en sodium vers celui qui est le plus concentré en sodium. Une hyponatrémie provoque de ce fait un passage massif d'eau vers le compartiment hydrique intracellulaire et les cellules se trouvent donc inondées d'eau pure (H2O) : c'est une hyperhydratation intracellulaire, c'est elle qui fait toute la gravité de cet accident métabolique. Les cellules gonflées d'eau souffrent et finissent par mourir si elles sont fragiles (cellules cérébrales notamment).
Atlantico : Quels sont les signes avant-coureurs d'une surhydratation ? Comment l'anticiper ?
Les principaux signes et symptômes sont ceux d'une souffrance cérébrale par œdème des cellules nerveuses (gonflement des neurones) : nausées et parfois vomissements, troubles de l'équilibre, mal de tête (céphalées), ralentissement psychique, troubles mnésiques (de la mémoire), asthénie (fatigue), dégoût de l'eau, absence d'appétit et crampes musculaires.
A un stade de plus, apparaissent des convulsions et un coma (perte de connaissance).
Les reins, qui en principe assurent la régulation de la concentration en ions sodium et donc de la teneur en eau de l'organisme, voient leur capacité régulatrice dépassée lorsqu'il existe une ingestion massive d'eau sans sel.
Ils ne suffisent pas à corriger le trouble métabolique.
Il est essentiel d'avoir à l'esprit le volume d'eau approximatif que l'on absorbe dans la demi-journée. Quand il est manifestement excessif (deux litres et plus dans une demi-journée) et que surviennent une fatigue anormale, des nausées, des céphalées, un ralentissement de la pensée, des troubles de l'équilibre et des crampes, il faut penser à une intoxication par l'eau. La mesure salvatrice consiste à absorber une grande quantité de chlorure de sodium (sel de cuisine) dilué dans très peu d'eau. C'est la mesure que l'on met en œuvre en réanimation, cependant par voie veineuse (on utilise du sérum salé hypertonique à 3 %). Mais surtout pas de diurétique qui aggrave le manque de sel. Il faut évidemment être préventif : boire de l'eau bien minéralisée, ainsi que des fruits et protéines (ces dernières se transforment en peptides qui, une fois dans le compartiment extracellulaire, limitent, grâce à leur pouvoir osmotique, le passage d'eau vers l'intérieur des cellules).
Atlantico : Dès lors, en période de forte chaleur et durant une pratique sportive, quelle attitude adopter ? Comment s'hydrater sans risque ?
Il est important de connaître le risque d'intoxication par l'eau. Cela se voit également dans certains troubles comportementaux (la potomanie qui consiste à boire énormément d'eau et la polydipsie psychiatrique, observée lors de certaines formes de schizophrénie).
Ce qu'il faut retenir, c'est que l'ingestion d'eau sans sel est dangereuse. Il est utile de boire en cas de forte chaleur une eau riche en chlorure de sodium (comme les différentes eaux minérales de : Vals, Parot, Rozana, Saint-Diéry, Sainte-Marguerite, Arvie, Volvic, Cilaos…).
La peur de consommer trop de sel n'est pas fondée quand il faut chaud : au contraire, c'est une nécessité. Les Touaregs et les autres peuples du désert le savent bien : ils consomment suffisamment de sel (chlorure de sodium), car c'est indispensable pour pouvoir lutter contre la déshydratation ainsi qu'éviter l'hyperhydratation. Le sel permet de maintenir au maximum l'eau dans le compartiment extracellulaire.
Sauf exception, on ne meurt pas d'une poussée hypertensive (excès éventuel d'ingestion de sel), mais on peut mourir d'un manque de sel. Ainsi, lorsqu'il fait très chaud, il est préférable d'ingérer trop de sel que pas assez.
L'apport de chlorure de sodium peut également provenir des légumes et des fruits, ainsi que des produits carnés qui de plus apportent des protides contribuant à freiner le passage d'eau vers l'intérieur des cellules (pression osmotique du compartiment extracellulaire permettant d'y retenir l'eau).
Il faut également, c'est évident, rester raisonnable dans sa consommation d'eau : boire de l'eau en quantité suffisante pour un sportif ne signifie pas se gaver d'eau. Une sudation très importante survenant lors d'un effort physique sportif ne justifie pas de boire un litre et demi d'eau. La sueur perdue pendant un violent effort dépasse rarement un demi-litre et c'est déjà un volume important. On peut aussi se faire une idée de son besoin en eau en observant la concentration de son urine. Mais comme en toute chose, il faut rester raisonnable, c'est tout.