La définition de ce qui constitue l’espace européen a toujours été à la fois inspirante et incohérente, affirme l’hebdomadaire britannique “The Economist”. Or redéfinir ce qu’est l’Europe redevient urgent au moment où le bloc communautaire étudie la question de son élargissement vers l’est et aux Balkans.
Bizarrement, le seul continent à s’être uni sous la forme d’un gouvernement multinational relativement efficace n’en est pas un, de continent. Les Anglais ont beau appeler l’Europe “le continent”, c’est juste parce que leur langue a évolué sur une île qui en est séparée par la mer. Ce continent n’est au fond qu’une extension alambiquée de l’Eurasie.
D’où la question qui chiffonne les géographes : où s’arrête l’Europe ? La frontière orientale, en particulier, est floue. Selon le consensus actuel, elle court à travers la Russie tout le long de l’Oural, se perd dans la brume puis réapparaît pour suivre la ligne de partage des eaux du Caucase et rejoindre la mer Noire. Ainsi sont à demi européens non seulement la Russie, la Turquie et la Géorgie, mais aussi le Kazakhstan et peut-être même l’Azerbaïdjan. Et l’Arménie se retrouve en dehors de l’Europe, ce qui n’est certainement pas pour plaire à nombre d’Arméniens.
L’Europe est bien plus qu’un concept géographique. Les autres définitions sont elles aussi sources de confusion, cependant. Si l’Europe désigne tous les lieux où le pouvoir est détenu par des puissances européennes, alors le colonialisme l’a étendue sur toute la surface du globe : passez la frontière la plus occidentale des Pays-Bas et vous voilà en France – vous êtes sur l’île de Saint-Martin, dans les Antilles, que ces deux pays se partagent.
Si l’on considère l’Europe comme un espace culturel, force est de constater que la polka ressemble plus au norteño mexicain qu’au flamenco espagnol, et que l’ouzo grec et l’arak libanais ne sont en réalité qu’un seul et même alcool.
Prenez les valeurs politiques, et vous verrez bien des démocraties situées hors d’Europe qui s’y retrouvent, quand des quasi-dictatures situées elles sur le Vieux Continent ne les partagent pas. Fondez-vous sur la religion ou la couleur de peau, et vous verserez dans le sectarisme – ce qui est anti-européen au possible.
Tout cela peut sembler bien abstrait – sauf que la définition de l’Europe est essentielle pour les pays qui souhaitent adhérer à l’Union européenne. La plupart des candidats actuels (six pays des Balkans occidentaux, ainsi que la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine) se trouvent dans les frontières physiques du continent. S’ils n’ont pas encore intégré l’UE, c’est parce qu’ils n’en respectent pas encore les critères d’adhésion. Critères qui eux-mêmes sont, en partie, le produit de plusieurs siècles de débats sur ce qu’est être européen. Alors qui a sa place dans ce club ? L’idée que s’en font les Européens a été façonnée par l’histoire.
L’idée d’Europe est née dans la Grèce antique, où elle est opposée à une Asie despotique et barbare. Après la chute de l’Empire romain, le rêve d’une réunification de l’Europe reviendra régulièrement. Au Moyen Âge, c’est la chrétienté que l’on veut unir contre l’islam.
Aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, quand font rage les guerres de religion et les guerres d’empires, des idées laïques s’imposent. En 1712, l’abbé de Saint-Pierre appelle à une “Union européenne”, et en 1795 Emmanuel Kant propose lui aussi quelque chose en ce sens avec sa “paix perpétuelle”. Hélas, l’homme qui à l’époque s’attelle à unir l’Europe use de moyens sanglants, il faudra l’arrêter à Waterloo.
L’idée que se faisaient les Lumières de l’appartenance à l’Europe reposait sur la rationalité et le cosmopolitisme, qualités qu’on disait européennes. Le XIXᵉ siècle est venu y ajouter la notion que des cultures et des peuples (voire, et c’est dangereux, des races) seraient intrinsèquement européens. Un tel nationalisme ne pouvait que nourrir de nouvelles guerres, puis en retour, la culpabilité de l’après-guerre a nourri de nouveaux appels à l’unité européenne.
Le mouvement proeuropéen moderne naît ainsi après la Première Guerre mondiale. Certains de ses fondateurs y voyaient un moyen pour l’Europe de rivaliser avec les États-Unis et avec l’Union soviétique. De ce fait, la Russie ne pourrait jamais faire partie de l’Europe. Ni la Grande-Bretagne, pensaient alors certains, puisqu’elle se sentait davantage appartenir à son empire qu’à l’Europe – pour le coup, la suite a montré que la question était pertinente.
Quand un proto-gouvernement fédéral européen a enfin vu le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il s’est donné une mission politique et économique : unir l’Europe de l’Ouest dans une intégration trop forte pour que ses États puissent un jour se refaire la guerre, et dans une prospérité suffisante pour tenir le communisme à distance. Ce sont alors les circonstances de la guerre froide qui déterminent qui est membre ou ne l’est pas, et non de vaporeuses considérations philosophiques.
Les dirigeants communautaires ne se pencheront qu’en 1973 sur une définition de l’“identité européenne”. Ils invoquent “les valeurs d’ordre juridique, politique et moral auxquelles ils sont attachés” et s’engagent à “préserver la riche variété de leurs cultures nationales”. Puisque les valeurs sont universelles (la démocratie, l’état de droit, ce genre de choses) et les cultures, elles, diverses, rien ne peut justifier de fermer la porte à l’Europe de l’Est dès lors que le communisme se sera effondré. Ainsi l’entrée dans l’UE est-elle devenue, en théorie du moins, une question de critères purement techniques.
Mais il se trouve que les institutions pensées pour unifier l’UE ont commencé elles-mêmes à raviver les tensions. La libre circulation imposait aux Français (et aux Britanniques, jusqu’à récemment) d’accepter l’entrée de Polonais et de Bulgares en nombre illimité. La monnaie unique obligeait Allemands et Néerlandais à faire budget commun avec les Italiens et les Grecs. Le droit européen était tel que, quand la Hongrie bourrait les tribunaux de juges partiaux, c’était un problème pour tout le monde.
Des lignes de faille antédiluviennes se sont rouvertes : entre protestants, catholiques et orthodoxes, entre Latins, Germaniques et Slaves. Si bien qu’après la crise de l’euro en 2010-2012, puis la crise des migrants en 2015-2016, il ne restait pas beaucoup de peuples européens aspirant à voir arriver de nouveaux entrants.
Depuis peu, les dirigeants européens s’enthousiasment de nouveau pour un élargissement. Pour comprendre ce regain, on peut avec profit se pencher sur celui qui fut sans doute le plus grand philosophe européen du XXᵉ siècle, Ludwig Wittgenstein.
Le penseur autrichien a d’abord postulé que le langage ne devait renvoyer qu’à des objets nettement distincts dans le monde réel et que la philosophie devait avoir pour rôle de le rendre exact, à l’image d’une science. Puis il a estimé que cette position était absurde. Les mots ne peuvent avoir de définition précise, leurs contours sont flous : leur sens est donc dans l’usage qu’en font les locuteurs pour l’action.
Le mot “Europe” en est un parfait exemple. Pour les Européens, qui a ou n’a pas sa place dans l’UE est fonction des questions du moment. L’union monétaire et les conflits autour de l’état de droit sont des questions relatives aux institutions et à la culture, qui braquent donc les projecteurs sur la diversité des identités et des histoires européennes.
Or les plus grands défis du moment (la guerre en Ukraine, la concurrence avec la Chine, l’augmentation des traversées de la Méditerranée, l’adaptation au changement climatique) sont de nature géopolitique. L’Europe a donc réorienté son attention vers la géographie. Français et Albanais ne sont peut-être pas totalement d’accord sur ce qu’ils ont en commun, mais ils se savent coincés ensemble sur le même morceau de plaque eurasienne. Et pour l’heure, à leurs yeux, cela l’emporte sur tout le reste.
1er février 2023 VIE PRIVÉE
La proposition de loi européenne sur le contrôle du chat ne se contentera pas de prendre le contrôle totalitaire de toutes les communications privées. Elle aura également pour conséquence involontaire d'interdire les systèmes d'exploitation open source.
L'UE est actuellement en train de promulguer la loi sur le contrôle du chat. Elle a été critiquée pour avoir créé un système centralisé de surveillance et de censure de masse à l'échelle de l'UE et pour avoir permis aux gouvernements d'écouter toutes les communications privées. Mais une conséquence peu évoquée de la loi proposée est qu'elle rend illégaux pratiquement tous les systèmes d'exploitation à code source ouvert existants, y compris les principales distributions Linux. Elle interdirait également l'archive d'applications Android open source F-Droid.
L'article 6 de la loi impose à tous les "magasins d'applications logicielles" de :
Évaluer si chaque service fourni par chaque application logicielle permet une communication interhumaine.
vérifier si chaque utilisateur est âgé de plus ou moins de 17 ans
empêcher les utilisateurs de moins de 17 ans d'installer de tels logiciels de communication.
En laissant de côté la folie des intentions déclarées ou les détails des logiciels qui seraient visés, examinons les implications pour les systèmes de logiciels libres.
Un "magasin d'applications logicielles" est défini par l'article 2[*] comme étant "un type de services d'intermédiation en ligne, qui se concentre sur les applications logicielles en tant que produit ou service intermédié".
Cela couvre clairement les archives logicielles en ligne presque universellement utilisées par les systèmes d'exploitation à source ouverte depuis les années 1990 comme principale méthode de distribution des applications et des mises à jour de sécurité. Ces archives sont souvent créées et maintenues par de petites entreprises ou des associations de bénévoles. Elles sont hébergées par des centaines d'organisations telles que des universités et des fournisseurs d'accès à Internet dans le monde entier. L'une des principales, l'archive de paquets Debian gérée par des bénévoles, contient actuellement plus de 170 000 paquets logiciels.
Ces services d'archivage de logiciels ne sont pas construits autour du concept d'un utilisateur humain individuel avec une identité ou un compte. Ils desservent des machines anonymes, comme un ordinateur portable, un serveur ou un appareil. Ces machines peuvent ensuite être utilisées ou non par des utilisateurs humains individuels pour installer des applications, ce qui échappe totalement au contrôle des services d'archives.
Pour être en mesure, ne serait-ce que conceptuellement et théoriquement, de respecter cette loi, il faudrait revoir totalement l'installation des logiciels, leur approvisionnement et les mises à jour de sécurité, procéder à une restructuration organisationnelle majeure et mettre au rebut, centraliser et reconstruire l'infrastructure de distribution des logiciels.
Ceci n'est bien sûr que théorique car les coûts et les problèmes pratiques seraient insurmontables.
Si et quand cette loi entre en vigueur, elle rendra illégaux les services de logiciels libres qui sous-tendent la majorité des services et des infrastructures sur l'internet, un nombre incalculable d'appareils et les ordinateurs utilisés par les développeurs de logiciels, parmi beaucoup d'autres choses. Pour se conformer à la loi, il faudrait tout arrêter, au niveau mondial, car les serveurs qui fournissent les logiciels et les mises à jour de sécurité ne font pas la différence entre un serveur web, un développeur de logiciels japonais, un réfrigérateur et un adolescent européen.
Il peut sembler incroyable que les auteurs de la loi n'aient pas pensé à cela, mais ce n'est pas si surprenant si l'on considère qu'il ne s'agit là que de l'une des nombreuses conséquences gigantesques de cette loi mal conçue et rédigée.
[Pour définir un magasin d'applications logicielles, la loi fait référence à la loi européenne sur les marchés numériques, article 2, point 12, qui définit l'"assistant virtuel". Ce qu'ils veulent dire en réalité est le point 14, qui définit le "magasin d'applications logicielles".
Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)
Pendant que TikTok conclut un deal pour ne pas être banni aux États-Unis, Facebook, de son côté, se bat pour assurer son fonctionnement normal en Europe. Fin août, l’équivalent de la CNIL en Irlande a suggéré au groupe de suspendre les transferts de données d’utilisateurs de l’UE vers les États-Unis. Facebook conteste cette décision préliminaire auprès de la Haute Cour irlandaise et a pu obtenir un gel de celle-ci.
Aujourd’hui, nous apprenons que le numéro un des réseaux sociaux menacerait même de fermer ses apps dans l’Union Européenne. Comme le rapporte Reuters, le média irlandais Sunday Business Post aurait accédé à des documents qui n’ont pas été rendus publics, dans lesquels une responsable de Facebook explique qu’il n’est pas possible de respecter les exigences de la CNIL irlandaise.
« Il n’est pas très clair comment, dans ces circonstances, (Facebook) peut continuer à fournir les services Facebook et Instagram dans l’Union Européenne », expliquerait Yvonne Cunnane, responsable de la protection des données et de la vie privée chez Facebook, dans une déclaration envoyée à la Haute Cour irlandaise. Normalement, la Haute Cour irlandaise devrait se prononcer au mois de novembre.
Il y a quelques jours, Facebook s’était déjà exprimé au sujet de cette affaire, publiquement. « Un manque de transferts de données internationaux sûrs, sécurisés et légaux aurait des conséquences néfastes pour l’économie européenne », avait expliqué l’entreprise dans un communiqué relayé par la presse. « Nous exhortons les régulateurs à adopter une approche pragmatique et proportionnée jusqu’à ce qu’une solution durable à long terme puisse être trouvée. »
Une conséquence directe de l’invalidation du Privacy Shield
Cette affaire qui menace les activités de Facebook en Europe est une conséquence directe de l’invalidation du Privacy Shield. Il s’agit d’un texte qui régissait les transferts de données de l’Union Européenne vers les États-Unis. Au mois de juillet, ce texte a été invalidé par la Cour de Justice de l’Union Européenne qui estime que les lois américaines ne permettent pas d’avoir un niveau de protection des données équivalent à celui de l’UE, en particulier au RGPD ou règlement général sur la protection des données personnelles.
En juillet, nous expliquions déjà que cette invalidation va mettre dans l’incertitude de nombreuses entreprises dont les activités dépendent des transferts de données entre l’UE et les USA. Mais pour l’avocat autrichien Maximillian Schrems, qui a porté plainte pour obtenir cette invalidation, c’est aux États-Unis de changer leurs lois. « Il est clair que les États-Unis vont devoir changer sérieusement leurs lois sur la surveillance, si les entreprises américaines veulent continuer à jouer un rôle sur le marché européen », avait-il expliqué.
De son côté, Facebook évoque l’impact économique que cette situation (l’invalidation du Privacy Shield et l’action de la CNIL irlandaise) pourrait avoir sur de nombreuses entreprises (mais pas seulement Facebook), alors que celles-ci essaient de rebondir durant la pandémie.
Dans un billet de blog publié ce mois de septembre, Nick Clegg, Vice-président des affaires mondiales et des communications, écrit : « L’impact serait ressenti par les entreprises, grandes et petites, dans de multiples secteurs. Dans le pire des cas, cela pourrait signifier qu’une petite start-up technologique en Allemagne ne pourrait plus utiliser un fournisseur de cloud basé aux États-Unis. Une société espagnole de développement de produits ne pourrait plus être en mesure d’exécuter une opération sur plusieurs fuseaux horaires. Un détaillant français peut constater qu’il ne peut plus maintenir un centre d’appels au Maroc. »
Pendant des décennies, l'UE a codifié les protections des données personnelles et s'est battue contre ce qu'elle considérait comme une exploitation commerciale des informations privées, positionnant ainsi ses réglementations en modèle par rapport aux politiques de protection de la vie privée des États-Unis. La donne pourrait changer avec la nouvelle stratégie européenne de gouvernance des données issue de la Commission de l’UE. Au travers de cette dernière, l’Europe se positionne en acteur pour faciliter l’utilisation et la monétisation des données personnelles de ses citoyens.
Dévoilée en février 2020, la stratégie décrit les mesures et les investissements qui seront déployés au cours des cinq prochaines années. De façon spécifique, il s’agit de créer un marché paneuropéen des données à caractère personnel qui repose sur un espace sécurisé de confiance pour le partage des données ou Data Trust. De façon ramassée, il s’agit d’ un pool paneuropéen d'informations personnelles et non personnelles qui devrait devenir un guichet unique pour les entreprises et les gouvernements cherchant à accéder aux informations des citoyens. Le projet mobilise un budget de 7 millions d’euros et devrait être finalisé d’ici 2022.
Les entreprises technologiques mondiales ne seront pas autorisées à stocker ou à déplacer les données des Européens. Elles seront plutôt contraintes d'y accéder par l'intermédiaire de cet espace sécurisé de confiance pour le partage des données. Le projet prévoit que les citoyens percevront des dividendes numériques. Pas de définition claire de cette notion pour le moment, mais il est possible d'anticiper sur ceci qu'il s'agit (entre autres) de paiements en monnaie fiduciaire ou non de la part des entreprises qui utiliseront les données personnelles des citoyens de l'UE.
Pour les citoyens, cela signifie que leurs données seront conservées dans des serveurs publics et gérées par ce qui se veut être des tiers de confiance. La Commission européenne voit en ces derniers un moyen d'aider les entreprises et les gouvernements européens à réutiliser et à valoriser les énormes quantités de données produites dans toute la région et d'aider les citoyens européens à tirer profit de leurs informations. Toutefois, la documentation relative au projet ne précise pas comment les personnes seront indemnisées.
Le nouveau projet de l'UE s'inspire du système numérique autrichien qui garde la trace des informations produites par et sur ses citoyens en leur attribuant des identifiants uniques et en stockant les données dans des dépôts publics. IBM et Mastercard s’appuient sur une approche similaire pour gérer les informations financières de leurs clients européens en Irlande. Les autorités du Royaume-Uni et celles du Canada y ont eu recours pour stimuler la croissance de l’intelligence artificielle dans leurs pays respectifs.
L’usage d’ espaces sécurisés de confiance pour le partage des données soulève néanmoins des interrogations et même des craintes. En effet, le risque que des tiers exercent une mainmise sur les données des citoyens de l’UE existe. À titre d’illustration, le gouvernement du Canada a, en octobre 2019, rejeté une proposition d'Alphabet/Sidewalk Labs visant à créer un système dans le genre pour le projet de ville intelligente de Toronto. Motif :Sidewalk Labs l’avait conçu de manière à garantir le contrôle de l'entreprise sur les données des citoyens.
En fait, l’un des griefs les plus importants qu’on puisse porter à l’endroit de tels projets est celui de la centralisation importante des données entre les mains d’une entité. Sur ce seul axe, le tableau ne serait pas différent de l’actuel sur lequel on voit les grandes enseignes US (Google, Amazon, Facebook, Apple…) mobiliser une part importante des informations d’utilisateurs du monde entier. En droite ligne avec ce dernier, un détail supplémentaire en lien avec ces développements attire l’attention : l’inscription à un service offert par un des GAFA n’est pas obligatoire ; à contrario, la participation au marché de données à caractère personnel pourrait bien être obligatoire pour les citoyens de l’Union européenne.
Grosso modo, l’initiative s’inscrit dans les préparatifs de l’UE à imprimer sa marque dans une société data-agile où les applications de l’intelligence artificielle ne cessent de voir le jour. Le projet est vu comme un moyen d’attirer les grandes multinationales qui s’appuient sur les données pour les besoins de montage de leurs services à s’encrer sur l’Europe et non plus sur les USA.
L'association des américains accidentels a porté plainte contre la France auprès de la Commission européenne pour violation du droit de l'Union européenne. Elle accuse la législation américaine Fatca, qui oblige les banques européennes à transmettre au fisc américain les données bancaires de leurs clients nés aux États-Unis, de ne pas respecter le droit communautaire en matière de protection des données.
C'est une nouvelle étape dans le combat mené par les américains accidentels. L'Association des américains accidentels a annoncé avoir déposé, ce jeudi 3 octobre, une plainte contre la France auprès de la Commission européenne, après avoir été déboutée en juillet par le Conseil d'Etat du refus de ses membres d'être assujettis à une réglementation fiscale. Cette réglementation, le Foreign account tax compliance act (Fatca), adopté par Washington en 2010 et appliqué en France depuis 2014, permet à l'administration fiscale américaine de demander aux banques étrangères des informations sur leurs clients considérés comme des "personnes américaines".
L'association considère que l'accord intergouvernemental franco-américain du 14 novembre 2013, qui permet l'application du Fatca en France, "viole le règlement général de l'UE sur la protection des données" en autorisant le stockage et la transmission massifs aux Etats-Unis des données personnelles", selon un communiqué. Selon les "Américains accidentels", le mécanisme de transmission de données "ne tient pas compte du fait que la plupart de ces personnes n'ont aucun lien avec les États-Unis" et "ne permet pas aux personnes concernées d'accéder aux données qu'elles ont transmises ni de corriger les erreurs qui pourraient s'y glisser".
Le Conseil d'Etat avait pour sa part estimé lors d'une audience début juillet que le Fatca ne présentait pas de défaut d'exécution "avéré" mais tout au plus "des difficultés techniques de mise en oeuvre". Selon le communiqué de l'association, "la Commission européenne dispose d'un délai de 12 mois à compter du 3 octobre pour examiner l'affaire et décider s'il y a lieu d'engager une procédure formelle d'infraction contre la France." La Fédération bancaire française (FBF) avait pour sa part prévenu fin juillet que les banques françaises "pourraient être contraintes de fermer 40.000 comptes d'ici à la fin 2019 faute d'accord sur l'application d'une règlementation fiscale américaine". En refusant de transmettre les informations demandées par les autorités américaines, les banques s'exposeraient à des sanctions à hauteur de 30% de leurs flux financiers avec les Etats-Unis, avait expliqué le patron de la FBF, Laurent Mignon.
En 2017, les Etats-Unis avaient accepté un moratoire valide jusqu'à la fin décembre 2019, stipulant qu'il n'y aurait pas infraction si, faute d'un identifiant fiscal, les banques fournissaient la date de naissance des clients concernés et leur demandaient chaque année des identifiants fiscaux. Mais cette dérogation prendra fin au 1er janvier 2020, "y compris pour les comptes ouverts avant cette date", selon la FBF. Il y a donc urgence à trouver une solution.
Selon la justice européenne, le "droit à l'oubli" des internautes européens n'a pas de portée mondiale pour les moteurs de recherche comme Google.
publié le 24/09/2019 à 13:01
La plus haute juridiction européenne a tranché. Le "droit à l'oubli" des internautes européens n'a pas de portée mondiale pour les moteurs de recherche comme Google, mais concerne cependant la totalité des États membres de l'UE, a estimé mardi la justice européenne.
Cette décision donne raison à Google dans son litige, en France, face à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui lui a infligé en 2016 une amende de 100.000 euros, lui reprochant de limiter ce "droit à l'oubli" aux seules versions européennes du moteur de recherche.
Dans son litige face à Google, le régulateur français estimait que les suppressions de liens devaient s'appliquer sur toutes les versions du moteur de recherche dans le monde pour être efficaces.
Le groupe américain, soutenu par plusieurs organisations de défense des droits, avait répondu qu'il respectait le "droit à l'oubli" non seulement dans le pays des demandeurs européens mais sur tout le territoire de l'UE. Et qu'aller au-delà aurait engendré des risques pour la liberté d'expression.
Cela aurait aussi permis à des pays autoritaires d'utiliser ce précédent pour restreindre l'accès à certaines informations. Google avait donc contesté sa condamnation devant le Conseil d'État français, plus haute juridiction administrative du pays, qui a dans la foulée sollicité l'avis de la CJUE.
Protéger notre mode de vie européen" : c'est le nom du portefeuille du commissaire européen grec Margaritis Schinas, un des neufs vice-présidents de la nouvelle équipe de Ursula von der Leyer. La nouvelle cheffe de l'exécutif européen, Ursula von der Leyen, qui doit prendre ses fonctions le 1er novembre, a lié cet intitulé au dossier des migrants. De quoi laisser la salle de presse dubitative devant cette annonce.
"Notre mode de vie européen, c'est s'accrocher à nos valeurs. La beauté de la dignité de chaque être humain est l'une des plus précieuses valeurs", a expliqué la présidente de la Commission européenne, priée de justifier le lien entre l'intitulé du poste et le dossier migratoire. Tous les intitulés des portefeuilles des vice-présidences sont tous tirés du programme politique présenté devant le Parlement européen et rendu public, a-t-elle souligné.
Dans son programme, l'Allemande développe l'une de ses priorités, "protéger notre mode de vie européen", en plusieurs catégories, dont l'État de droit et la sécurité intérieure, ainsi qu'un point sur "des frontières solides et une nouvelle approche en matière de migration".
La dénomination a toutefois créé une certaine gêne, en particulier chez les opposants politiques au Parti populaire européen (PPE), la famille de la droite conservatrice d'Ursula von der Leyen.
"Cela fait peur de voir proposer un portefeuille sur la 'protection du mode de vie européen' qui inclut la migration et la protection des frontières. Nous espérons que la Présidente Von der Leyen ne voit pas une contradiction entre soutenir les réfugiés et les valeurs européennes", a ainsi réagi la co-présidente du groupe des Verts au Parlement européen Ska Keller.
"Protecting Our European Way of Life" should not seriously have been a Portfolio title in a modern European Commission of 2019 >@MargSchinas https://t.co/kPRYV3tUg1
— Claude Moraes (@Claude_Moraes) September 10, 2019
Son collègue britannique du groupe des sociaux-démocrates, Claude Moraes, a quant à lui déclaré qu'il soulèverait ce "vrai problème" auprès de son groupe, estimant sur Twitter qu'un portefeuille ainsi nommé ne pouvait pas exister. "Le Parlement européen doit donner son accord" à la nouvelle Commission, a-t-il rappelé. Toute l'équipe présentée par Ursula von der Leyen doit passer des auditions devant les eurodéputés, qui devront confirmer les postes attribués.
En utilisant "la rhétorique de l'extrême droite 'les migrants menacent le mode de vie européen', et en liant la migration à la sécurité", l'intitulé de ce portefeuille "envoie un message inquiétant", a twitté un porte-parole d'Amnesty International, Stefan Simanowitz.
Meet the EU's new Commissioner "for Protecting Our European Way of Life" whose role it will be oversee immigration policy.
By using the framing of the far right ("immigrants threaten the European way of life") & by linking migration with security, this sends a worrying message. https://t.co/iDf01SJdmS
— Stefan Simanowitz (@StefSimanowitz) September 10, 2019
"Parler de la protection du mode de vie européen peut être vu comme une tentative de réponse aux angoisses de la société actuelle face à la migration, à la préoccupation des Européens qui alimente le vote protestataire", observe Eric Maurice de la Fondation Schuman.
"L'Europe est synonyme de sociétés ouvertes et démocratiques. Nous maintenons nos orientations politiques telles qu'elles ont été publiées en juillet", a réagi le porte-parole d'Ursula von der Leyen. "Et il serait utile que les gens s'intéressent aussi à ce qui est dans quel portefeuille et quels projets sont liés à un titre", a-t-il ajouté.
"La protection de notre mode de vie européen fait référence aux valeurs européennes, à savoir la tolérance, l'accueil, l'asile", a expliqué une autre source dans l'entourage de Mme von der Leyen. "Mais cela n'était pas censé être le titre des attributions d'un vice-président de la Commission", a commenté une autre source européenne.
Le Tchèque Marcel Kolaja, élu au Parlement européen sur une liste du Parti pirate, sera l'un des vice-présidents de l'hémicycle.
Il y aura un pirate parmi les vice-présidents du Parlement européen. Mercredi 3 juillet, la nouvelle législature sortie des urnes après le scrutin du mois de mai a retenu Marcel Kolaja pour assister l’Italien David Sassoli, qui a été désigné pour présider l’assemblée. Ce Tchèque de 39 ans fait parti des quatre candidats qui se sont faire élire sur des listes du Parti pirate.
C’est un succès pour le mouvement : les élus pirates avaient exprimé le souhait d’occuper des postes à responsabilité au sein de leur coalition — les Verts/Alliance libre européenne — mais aussi au Parlement.
Marcel Kolaja, qui avait également été proposé par son groupe pour être l’un des questeurs de l’hémicycle, mais sans succès, se lance donc dans un mandat de deux ans et demi, aux côtés de 13 autres vice-présidents. Il siégera au sein du Bureau du Parlement européen, qui fixe les grandes règles de fonctionnement de l’institution, et pourra être amené à suppléer David Sassoli en cas de besoin.
Les projets de Marcel Kolaja
Dans ses fonctions, Marcel Kolaja entend rendre le Parlement plus transparent et plus ouvert, mais aussi le faire basculer un peu plus dans le numérique. Ces technologies « prennent de plus en plus d’importance au Parlement européen », fait-il observer. Plus classiquement, il souhaite réfléchir à l’amélioration des règles actuelles de l’institution et s’assurer qu’elles sont appliquées correctement à tout le monde.
Sur un plan plus politique, en tant que député cette fois, Marcel Kolaja souhaite faire tomber toutes les barrières qui restreignent le marché unique numérique. La protection des droits individuels ainsi que la protection des consommateurs dans l’espace numérique sont aussi à son agenda. Les sujets sur le droit d’auteur et les logiciels livres, pour lesquels il s’est déjà engagé par le passé, devraient de nouveau faire partie de ses préoccupations..
On nous a accusés lors des longs débats sur la directive copyright, d’une part, de faire le jeu des GAFAM, d’autre part, de ne pas penser aux auteurs, aux autrices, aux journalistes, aux pigistes, à tous ces métiers de la création.
D’abord, il faut dire que tout n’est pas mauvais dans la directive copyright. Certains points sont positifs, par exemple ce qui relève de la protection du domaine public, trop souvent détourné.
Ensuite, ce sont surtout les articles 15 (ex 11), sur les liens vers les articles de presse, et 17 (ex 13), sur le partage de contenus, qui sont problématiques et auxquels beaucoup de personnes, d’associations de défense des libertés, et les Partis Pirates de toute l’Europe, se sont opposés.
Pour les défenseurs de ces articles, dont le discours a largement été repris par les médias, il s’agissait d’un combat binaire : d’un côté les créateurs et ayants-droit, de l’autre les géants d’Internet, où il fallait rééquilibrer où allait l’argent, le « partage de valeur ». Si on était contre les articles 15 et 17, on était forcément pour les GAFAM.
Or… ce n’est pas si simple. Sur Internet, contrairement à ce que disent les lobbyistes des ayantsdroit, il y a beaucoup d’autres personnes, des citoyens, des associations, des sites communautaires, des entreprises, qui vont souffrir des articles 15 et 17.
Donc, on peut être contre les articles 15 et 17 tout en n’étant pas non plus grand ami des GAFAM. Il y a même d’excellentes raisons de penser que les articles en question vont, en réalité, avantager les GAFAM. Mais c’est une autre histoire, nous ne la développerons pas ici.
Maintenant, parlons des créateurs. La directive copyright ne dit pas grand-chose pour les protéger. Elle est écrite pour appuyer les ayants-droit dans leurs négociations de licence auprès des géants d’Internet. Elle suppose ensuite que ce qui profite aux ayants-droit profitera forcément aux créateurs. On sait que ce n’est pas si simple. Des sociétés d’auteurs qui ont défendu la directive reconnaissent maintenant que son adoption et sa transposition ne leur apporteront rien s’ils ne défendent pas le droit des créateurs en tant que tels.
Nous le savons, il y a un certain nombre d’intermédiaires qui se gavent sur le dos des auteurs, des autrices, des pigistes ; et la directive ne va rien changer à cette situation. Certains articles (l’article 16 notamment) affaiblissent même la position des auteurs.
Avec le temps, et quoi qu’on pense de notre société actuelle, il est de plus en plus facile de faire de la création. C’est sur cela que les intermédiaires fonctionnent : transformer une ressource abondante en une raréfaction institutionnalisée. Transformer une manne en un investissement financier.
Alors oui, plus de création c’est offrir un choix plus large pour plus de spectateurs. Mais c’est croire, encore et toujours, que l’assiette culturelle va s’agrandir de manière magique. Alors qu’en fait la seule chose que cela va faire, c’est fragmenter un peu plus les ventes.
Et qui dit fragmentation dit, par personne, moins de revenu … et donc une précarisation rampante des … auteurs, autrices, pigistes… que les éditeurs ont sélectionnés.
Les mécaniques que certains politiques mettent en place pour le compte des intermédiaires ne servent pas à protéger les producteurs de contenu, les créatifs, comme ils le pensent, mais à sanctuariser la position des éditeurs.
Donc le Parti Pirate ne lutte pas contre les auteurs ! Au contraire, nous soutenons ardemment la créativité et nous voulons protéger les créateurs des multiples prédateurs auxquels ils sont confrontés. Ce que nous constatons, c’est que l’industrie culturelle, menée par les plus gros prédateurs de la créativité, est écoutée par les gouvernements et par un certain nombre de députés européens.
Voilà pourquoi le Parti Pirate s’est opposé aux articles 15 et 17 : ils profitent à quelques-uns, mais pas aux créateurs, ni aux citoyens.
Texte écrit par Cédric Levieux et Pierre Bessac
La réforme du droit d'auteur en Europe veut aider les créateurs de contenus à défendre leurs droits vis-à-vis des plateformes numériques.
(CCM) — Dans la nouvelle directive que les députés européens viennent d'adopter, le célèbre article 13 est devenu l'« article 17 », mais dans l'ensemble, le contenu de la loi n'a pas changé fondamentalement. La réforme du droit d'auteur en Europe prend forme, en renforçant les responsabilités desplateformes de contenus en ligne.
Le nouvel article 17 de la directive européenne sur le droit d'auteur prévoit que les plateformes digitales soient considérées comme responsables des contenus que les internautes partagent publiquement. C'est la fin programmée du statut d'hébergeur dont beaucoup de plateformes profitaient jusqu'à présent. L'objectif est de mieux protéger les œuvres en amont, dès le moment où un internaute veut les « uploader ».
Les obligations imposées aux plateformes dépendent de leur situation. Après 3 ans d'existence et au-delà de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, leur responsabilité est de rendre inaccessible tout contenu inapproprié le plus vite possible. Quant aux plateformes de plus de 5 millions de visiteurs par mois, leur responsabilité n'entre en jeu qu'à partir du moment où elles ont reçu une notification des ayants droits. En cas d'infraction sur le droit d'auteur, chaque contrefaçon pourrait être punie de 3 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
Les législateurs ont prévu des exceptions. Les parodies restent permises, même sans l'autorisation des propriétaires des contenus. Idem pour les citations, les revues de presse ou les critiques. Sont également exclus les plateformes de contenus à but non lucratif, les sites de partage de logiciels libres, les places de marché et les services de communication. Wikipedia, GitHub, LeBonCoin, WhatsApp et leurs concurrents devraient donc échapper aux nouvelles responsabilités prévues par la directive européenne.
Mais sur toutes les plateformes concernées, le filtrage automatique des contenus devrait devenir la norme, quitte à ce que des contenus soient refusés abusivement, comme le craignent les défenseurs des libertés sur Internet. Ces derniers craignent que les algorithmes de filtrage ne soient pas assez performants pour analyser les différents contextes d'utilisation d'un même contenu : entre une parodie et une utilisation abusive d'une vidéo, la différence est parfois subtile.
Le Parlement européen a adopté aujourd’hui la Directive sur le droit d’auteur. Cédant au lobbying intense et fallacieux des industries de la presse et de la culture, ainsi qu’à la pression de plusieurs gouvernements européens (avec la France en première ligne) l’Union européenne vient d’institutionnaliser la censure automatisée et la surveillance de masse pratiquées par les géants du Web.
Aujourd’hui, en quelques minutes à peine, le Parlement européen a adopté le texte de la Directive Copyright (par 348 voix contre 274). Croyant agir au nom de la défense des auteurs et de la liberté de la presse, l’Union européenne vient au contraire (comme nous le dénonçons depuis plusieurs mois) de renforcer la dépendance de l’industrie de la culture et de la presse aux géants du Web, Google et Facebook en tête. Les manifestations de ce week-end, les pétitions, les tribunes et autres campagnes organisées par des associations de défense des libertés à travers toute l’Europe n’auront donc eu que peu de poids face à la campagne frénétique et mensongère menée par les promoteurs de ce texte (voir, pour un bon exemple, ici, à 1’06’10).
Le texte adopté impose notamment à une partie des acteurs du Web — les plateformes centralisées et lucratives — une obligation de filtrage a priori des contenus protégés par le droit d’auteur (article 13, devenu article 17). Il crée également de nouveaux droits pour les éditeurs de presse, en forçant les plateformes à les rémunérer pour toute utilisation de leurs contenus (article 11, devenu article 15). Nous le répétions encore la semaine dernière : ces dispositions ne pourront entraîner que de graves restrictions de la liberté d’expression et de l’accès à l’information.
En aucun cas, elles ne permettront de rééquilibrer les relations avec les Géants du Net : elles ne conduiront qu’à leur déléguer encore plus de pouvoir. Ces derniers doivent d’ailleurs voient sûrement avec plaisir l’ouverture d’un nouveau marché très porteur, celui des filtres automatiques. Déjà leaders sur ce sujet, les géants ne seront sûrement pas mécontents de le voir institutionnalisé et consacré par l’Union européenne.
Au lieu de combattre la surveillance de masse mise en place par les Géants du Net, la Directive Copyright consacre leur puissance, pourtant basée sur la violation du RGPD voté par le même Parlement européen… D’où vient l’argent que convoitent tant les industries de la presse et de la culture ? Du marché de la publicité ciblée qu’exploitent depuis plusieurs années les GAFAM en toute illégalité, et qui est entièrement fondé sur la surveillance généralisée de nos comportements sur le Web. Alors que les premières décisions commençaient justement à remettre en cause ce modèle économique (voir notre communiqué sur la décision de la CNIL contre Google), l’Union européenne et ses gouvernements ne semblent pas réellement souhaiter l’application de leur propre texte, mais plutôt se satisfaire de petits retours financiers sur la violation de nos libertés.
Ainsi, l’Union européenne préfère promouvoir des outils de filtrage automatique, dans une logique de toujours plus de censure, de toujours plus de surveillance, au lieu de se pencher sur d’autres réformes et d’autres solutions plus adaptées au monde numérique et surtout plus respectueuses de nos libertés (voir nos propositions).
Malgré le vote d’aujourd’hui, la lutte contre le filtrage automatisé et la censure continue. L’autre texte contre lequel La Quadrature se bat depuis plusieurs mois, et qui repose sur les mêmes logiques de censure automatisée, de surveillance et de centralisation, sera voté en commission parlementaire début avril. Il nous reste encore quelques jours pour appeler les députés en charge de ce règlement de censure automatique de contenus terroristes et leur demander de le rejeter.
Mardi 26 mars 2019, journée noire pour les libertés sur Internet et pour tous ceux et celles qui agissent au quotidien pour promouvoir un Internet libre et ouvert, neutre et acentré, donc contre l'emprise technologique des GAFAM. 348 parlementaires européens (contre 274) ont adopté la généralisation du filtrage automatisé des contenus mis en ligne. Le coup est dur mais l'April restera mobilisée pour la transposition future du texte en droit national et pour la probable révision à venir de la directive E-commerce, dont les principes structurants ont été profondément mis à mal par la directive droit d'auteur.
Malgré une incroyable mobilisation citoyenne et des prises de position argumentées toujours plus nombreuses issues de milieux très divers — culturel, technique, juridique, associatif comme institutionnel — les eurodéputés ont finalement approuvé la version issue des négociations inter-institutionnelles et portée par le rapporteur Axel Voss.
Des amendements de suppression de l'article 13, devenu article 17, avaient bien été déposés, mais 317 parlementaires (contre 312) ont jugé qu'il n'y avait pas lieu de les soumettre aux votes malgré les désaccords profonds entourant la disposition. La procédure prévoit en effet qu'avant de voter d'éventuels amendements les parlementaires doivent d'abord valider le fait d'amender le texte.
La liste des votes nominatifs est disponible (en PDF) pour les deux votes : celui de refus d'amendements et sur la directive elle même. On notera à regret que seulement deux parlementaires côté français ont voté contre la directive droit d'auteur dont un article institutionnalise pourtant la censure automatisée : Marie-Christine Vergiat et Younous Omarjee du groupe GUE/NGL. Un grand merci à elle et à lui ! L'ensemble de leurs collègues ont voté favorablement ou se sont abstenus.
Par ailleurs, dans les votes comptabilisés, ils ne sont que trois français et française parmi les 312 parlementaires à avoir voté pour la tenue d'un vote sur l'article 13. Sur ce même vote, parmi les 24 abstentionnistes, quatre sont français. Précisons que des « corrections d'intention de vote » ont été signalées ensuite (voir page 51), corrections qui font que normalement il aurait dû y avoir une majorité pour que les amendements de suppression de l'article 13 soient soumis au vote. Deux parlementaires françaises ont indiqué avoir en fait voulu voter en faveur de l'étude des amendements alors que leur vote a été comptabilisé comme une abstention.
Nous n'oublierons pas les parlementaires qui ont jugé acceptable de confier l'application du droit d'auteur et la protection (sic !) de la liberté d'expression à des systèmes automatisés gérés par des entités de droit privé. Les positions des parlementaires français et françaises sont détaillées en bas de page.
Si l'exclusion des plateformes de développement et de partage de logiciels libres a été actée, article 2 (6), il n'est évidement pas question de s'en satisfaire tant le texte est contraire aux valeurs du logiciel libre.
L'April restera bien sûr mobilisée et remercie toutes celles et ceux qui se sont mobilisés contre ce texte liberticide.
La semaine prochaine, le Parlement européen va devoir se prononcer par un dernier vote sur le sort de la directive Copyright, en discussion depuis plusieurs années. La Quadrature du Net appelle les députés européens à rejeter ce texte, qui provoquerait de graves restrictions à la liberté d’expression et à l’accès à l’information. Loin de rééquilibrer les relations avec les Géants du Net, cette directive conduirait à leur déléguer un inquiétant pouvoir de censure automatisée. Ce texte ne constitue pas la réforme du droit d’auteur dont l’Union européenne a besoin et il ne comporte aucun élément tangible qui améliorerait la situation des créateurs.
Le texte résultant des négociations conduites ces derniers mois par les institutions européennes n’a corrigé aucun des points problématiques qui nous avaient conduit à demander le rejet du texte déjà à plusieurs reprises en 2018. Notre analyse reste la même : les industries culturelles et les grandes sociétés d’ayants droit cherchent en réalité à ramasser les miettes du butin engrangé par les Géants du Net grâce à la surveillance de masse qu’ils mettent en œuvre à travers la publicité ciblée. Sous couvert d’opérer un « partage de la valeur », cette directive constituerait un grave renoncement de l’Union européenne, en liant le financement de la création et de la presse à la violation systématique des droits des individus.
Tout ceci s’accomplira en outre sur le dos des libertés fondamentales, à cause des articles 11 et 13 de la directive qui suscitent l’opposition d’un grand nombre d’acteurs de la société civile. Même si le champ d’application de l’article 13 ne concerne pas dans sa rédaction finale ce que La Quadrature considère comme l’Internet libre et ouvert – à savoir les services décentralisés ou fédérés de type Mastodon ou Peertube – il imposera aux plateformes centralisées et lucratives une obligation de filtrage a priori des contenus à laquelle notre association s’est toujours opposée. L’application de tels procédés est manifestement disproportionnée et la directive n’apporte aucune garantie satisfaisante pour protéger la liberté d’expression. La directive Copyright a ainsi servi de laboratoire aux logiques de censure automatisée que l’on retrouve dans d’autres textes, comme le règlement Anti-terroriste contre lequel La Quadrature du Net est mobilisée (voir notre page dédiée).
L’article 11 est tout aussi problématique, puisqu’en souhaitant instaurer de nouveaux droits pour les éditeurs de presse, il va restreindre l’usage de ces contenus bien au-delà des seuls agrégateurs, type Google News, en affectant aussi potentiellement des acteurs non-lucratifs et tout l’écosystème de l’accès à l’information.
Si la directive Copyright doit être rejetée par le Parlement européen, c’est aussi parce qu’elle ne constitue pas la réforme positive du droit d’auteur dont l’Union a besoin. Les industries culturelles sont parvenues encore une fois à focaliser le débat autour d’un renforcement de la propriété intellectuelle, en occultant le profond besoin d’adaptation des règles du droit d’auteur aux pratiques numériques. Dans son état actuel, la directive contient certes quelques aménagements sous la forme d’exceptions au droit d’auteur, mais ils restent bien trop limités pour apporter un changement significatif.
Aucune de ces mesures ne correspond aux propositions formulées depuis plusieurs années par la Quadrature du Net afin de changer en profondeur le droit d’auteur en réconciliant les artistes et le public. Il aurait fallu pour cela mettre en débat des idées comme la légalisation du partage non-marchand des œuvres, la reconnaissance des pratiques transformatives comme le remix ou le mashup ou de nouvelles formes de financement comme la contribution créative.
En affirmant que ce texte sera en mesure d’améliorer le sort des créateurs en Europe, les industries culturelles qui le soutiennent mentent profondément. Elles ont constamment empêché que des sujets comme les modalités de financement de la création ou les règles de répartition des revenus entre créateurs et intermédiaires soient discutés, alors qu’ils constituent le cœur du problème à régler pour améliorer la condition des auteurs. La France porte une responsabilité particulière dans ce fiasco dans la mesure où les gouvernements successifs et la majorité des eurodéputés français ont constamment fait obstruction sur ces questions tout en poussant les mesures les plus répressives.
Plus largement, c’est tout le processus d’élaboration de ce texte qui a été émaillé d’intrusions, aussi bien de la part du lobby des industries culturelles que de celui des Géants du Net. Ce spectacle navrant porte atteinte à la crédibilité démocratique de l’Union européenne. Mais il ne doit pas occulter la mobilisation importante des personnes et des organisations de la société civile – l’une des plus importantes à ce jour -, qui a constamment été ignorée ou raillée tant par la Commission européenne que par une partie des eurodéputés favorables au texte.
Le Parlement européen dispose encore d’une ultime chance de montrer qu’il est capable de faire preuve d’indépendance en enterrant définitivement ce texte aberrant. Il l’a déjà fait en juillet 2018 pour protéger les libertés fondamentales et il doit le refaire à présent pour les mêmes raisons.
C’est la raison pour laquelle La Quadrature du Net se joint aux autres associations engagées contre ce texte – EDRi, Bits of Freedom, Wikimedia, l’APRIL et bien d’autres ! – en appelant les citoyens à contacter les eurodéputés via la plateforme Pledge2019.
Le site de l'April est passé au noir aujourd'hui en protestation contre l'article 13 de la directive droit d'auteur qui sera soumis au vote au Parlement européen lors de la plénière du 26 mars 2019 à 12h.
Cet article imposerait le filtrage automatisé de l'ensemble des contenus circulant sur les plateformes de partage. Une mesure profondément liberticide.
Vous pouvez agir en appelant les parlementaires à adopter les amendements de suppression de l'article 13 !
Liens utiles :
Un schéma réalisé par Next Inpact pour mieux comprendre l'article 13.
La campagne SaveYourInternet.eu donne les informations de contact des parlementaires.
Le site Pledge2019.eu propose un outil d'appel gratuit.
Nous parlions de la mobilisation lors de notre émission de radio Libre à vous ! du 19 mars. Écouter le podcast (10 minutes).
Accéder au site web de l'April
L’Union Européenne veut nous protéger des logiciels dangereux et envisage d’obliger les fabricants d’équipements de radiocommunication (comme les smartphones) à certifier les applications et services qui peuvent être installés sur nos appareils. Une menace pour le logiciel libre et la concurrence ainsi qu’une restriction de choix pour les utilisateurs.
L’Union Européenne prépare une nouvelle réglementation concernant les équipements radio. Une catégorie d’appareils qui comprend nos smartphones, mais aussi les routeurs, les TV connectées et les autres produits capables de se connecter à un réseau domestique (WiFi), mobile ou GPS. Cette directive prévoit notamment le verrouillage des radiocommunications pour plus de sécurité pour les consommateurs, avec comme conséquence l’impossibilité d’installer des logiciels personnalisés ou applications non certifiées par les constructeurs. En d’autres termes, bienvenue chez Apple et iOS. Un cauchemar.
Une situation qui alerte la Free Software Foundation Europe (FSFE), la fondation européenne pour le logiciel libre. L’organisme dénonce « des effets foncièrement néfastes sur les droits des utilisateurs et le Logiciel Libre, la libre concurrence, l’innovation, l’environnement, et le volontariat – le tout, hélas, sans réel bénéfice pour la sécurité ».
L’objectif de la réforme est de protéger les utilisateurs en les empêchant d’installer un programme susceptible de nuire à leurs données personnelles, à leur appareil, voire à leur santé. Les fabricants devraient alors vérifier tous les logiciels et certifier ceux qu’ils ne jugent pas dangereux. Ceux qui ne sont pas certifiés, même s’ils tout à fait inoffensifs, seraient alors bloqués. Mais ce faisant, le choix d’applications et services sera très fortement restreint, entraînant au passage un défaut de concurrence. Un comble alors que l’UE ne lâche pas Google sur le dossier antitrust Android.
Il ne s’agit pas seulement d’un fardeau pour ceux qui sont touchés mais il s’agit également d’une violation du droit des utilisateurs au libre choix. Les utilisateurs seront forcés d’utiliser le logiciel du fabricant car ils ne pourront plus choisir indépendamment le matériel et le logiciel », estime la FSFE. « Le status quo crée de hautes barrières pour les utilisateurs qui voudraient contrôler leur matériel et logiciel .
Ce cas nous rappelle le fameux article 13 sur le droit d’auteur que combattent férocement les plateformes de partage comme YouTube. Dans les deux situations, l’UE veut responsabiliser les entreprises plutôt que les utilisateurs des services et produits. Et dans les deux cas, une telle loi semble très difficilement applicable et au final au détriment des consommateurs malgré d’apparentes bonnes intentions.
Les articles 11 et 13 de la directive européenne sur les droits d'auteur font débat depuis des mois. Parmi ceux qui discutent du texte, des voix s'élèvent également contre eux, au point de suspendre les discussions.
Les discussions à propos de la directive européenne sur les droits d’auteur sont en pause. Une réunion qui devait avoir lieu prochainement pour en discuter a été annulée, a rapporté The Verge vendredi 18 janvier. Ceci est lié aux doutes émis par plusieurs représentants d’États membres de l’Union européenne à propos des articles 11 et 13.
Des dispositions difficiles à mettre en œuvre
Ces deux articles cristallisent depuis quelques mois maintenant l’essentiel des critiques faites sur la directive. L’article 11 doit créer un droit voisin au droit d’auteur pour les éditeurs de presse. L’objectif est de donner à ces derniers plus de poids pour pouvoir négocier l’utilisation de leurs contenus dans divers services en ligne.
copyright directive juri
Discussions sur la directive // Source : Julia Reda
L’article pose question, car il semble difficilement applicable. Il obligerait par exemple les internautes souhaitant ajouter en guise de source un lien vers un article de presse dans Wikipedia à d’abord demander au média de le citer. Pour les défenseurs des libertés numériques, une telle idée est déraisonnable, même si l’hypothèse d’une dérogation pour Wikipedia a été évoquée : d’autres projets similaires sur Internet pourraient être mis en danger. Ce texte selon certains, va même à l’encontre de ce qu’est le web, à savoir des pages hébergées sur des sites et reliées les unes aux autres par des liens hypertextes.
L’article 11 déplaît également à Google, qui pourrait se voir imposer une sorte de « taxe Google Actualités ». Celle-ci avait été mise en place en Espagne, et Google a préféré à l’époque fermer son service Google News dans le pays.
L’article 13, qu’on vous expliquait en détails dans un article, concerne lui les plateformes d’hébergement en ligne. Il a pour objectif de mieux protéger les ayants droit, c’est-à-dire les personnes ou entités qui détiennent des droits d’auteur.
L’article 13 de la directive européenne sur les droits d’auteurs fait peur aux vidéastes. // Source : Numerama / Pixabay
En l’état, il modifie le degré de responsabilité des plateformes comme YouTube, qui a mené une large campagne contre l’article 13. Il indique que l’entreprise, et d’autres, seront responsables des contenus qui sont publiés sur leur plateformes, et donc du respect des droits d’auteur dessus. Jusqu’à présent, les plateformes sont considérées comme de simples hébergeurs de contenus, et ne sont obligées de supprimer des contenus violant les droits d’auteur que s’ils lui sont signalés.
Comme l’article 11, l’article 13 pose de nombreuses questions, et pas seulement à YouTube. Sa mise en application semble pour le moment délicate, voire impossible.
Deux articles jugés trop restrictifs en l’état
Les représentants de 11 États membres semblent avoir entendu ces critiques. Ils ont annulé un sommet à venir en expliquant que la directive, notamment dans ses articles 11 et 13, était trop restrictive, et qu’elle risquait de pénaliser les créateurs en ligne.
Au mois de juillet, le Parlement européen avait déjà exprimé ses doutes concernant les deux articles controversés. Cependant, une version plus nuancée avait été approuvée au mois de septembre.
Les représentants des États ont jusqu’à la fin du mois de février pour valider une nouvelle version du texte.
Le texte européen le plus liberticide de cette décennie est en approche
Hors un certain nombre de pays qui se sont opposés à ce texte, le Conseil de l’Union européenne vient d’acter un projet de loi au parfum pour le moins désagréable pour ce qui concerne les libertés publiques. Poussé par la gouvernance actuelle française, ce texte – peu médiatisé – pourrait s’avérer l’un des coups les plus violents jamais portés à la liberté d’expression dans les pays « démocratiques » de l’Union européenne. Le débat autour de ce texte va maintenant se poursuivre au parlement européen.
Il convient de préciser que le 12 décembre 2018 un premier rapport sur la lutte antiterroriste a été adopté à une très large majorité : sur 661 votants, 474 ont voté en faveur de ce dernier tel qu’il a été amendé, 112 voix contre, 75 votants se sont abstenus. Cette adoption était prévisible. Il faut toutefois noter qu’elle s’est déroulée dans un contexte très particulier : au lendemain du terrible drame de Strasbourg à proximité du marché de Noël. Ce rapport sur « les observations et les recommandations de la commission spéciale sur le terrorisme » est dans la même ligne. Ce rapport désormais adopté est un marchepied qui vient appuyer le texte à venir, texte qui recommandera entre autres mesures la sous-traitance de la censure aux géants de l’Internet.
Usant toujours de la même argumentation – a priori- louable : la lutte contre le terrorisme, ce texte – que vous retrouverez sous l’intitulé : « Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne » obligera tous les acteurs du Web à se soumettre aux outils de surveillance et de censure automatisés fournis par Facebook et Google. Quand la Quadrature du Net qui soulève le problème s’interroge : « Une loi européenne pour censurer les mouvements sociaux sur Internet ? » La réponse apparaît tristement contenue dans la question au regard des éléments exposés ci-après et des mouvements sociaux qui se déroulent en France depuis quelques semaines.
Nonobstant un projet réalisé dans un timing empêchant tout débat public, ces alliances contre-nature associant des géants du Net à des États dans l’exercice de la censure sont préoccupantes.
Pourquoi est-ce une dérive dangereuse ?
Si le règlement européen franchit ici un nouveau cap, c’est qu’au-delà d’une exigence de retrait dans l’heure sous peine de sanctions financières des prestataires, ce projet de loi prévoit d’intégrer également des « mesures proactives ».
Il s’agit donc d’avoir recours à de la censure automatique préventive ! Pour faire simple, cette censure serait alors paramétrée par les autorités concernées et les géants du web.
Voici ci-dessous quelques extraits de ce que propose ce projet de règlement en terme de mesures proactives (article 6). Un règlement que je vous encourage à lire attentivement et dans son ensemble (Bruxelles,le 7 décembre 2018 : Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne).
Les fournisseurs de services d’hébergement prennent, selon le risque et le niveau d’exposition aux contenus à caractère terroriste, des mesures proactives pour protéger leurs services contre la diffusion de contenus à caractère terroriste. Ces mesures sont efficaces et proportionnées, compte tenu du risque et du niveau d’exposition aux contenus à caractère terroriste, des droits fondamentaux des utilisateurs et de l’importance fondamentale de la liberté d’expression et d’information dans une société ouverte et démocratique.
Lorsqu’elle a été informée conformément à l’article 4, paragraphe 9, l’autorité compétente* visée à l’article 17, paragraphe 1, point (c), demande au fournisseur de services d’hébergement de soumettre, dans les trois mois suivant la réception de la demande, et ensuite au moins une fois par an, un rapport sur les mesures proactives spécifiques qu’il a prises, y compris au moyen d’outils automatisés.
Lorsque il est évoqué la notion « d’autorité compétentes » qui seront habilitées à superviser ces mesures proactives elles sont « précisées » dans le point (37) :
« (37) Aux fins du présent règlement, les États membres devraient désigner des autorités compétentes. L’obligation de désigner des autorités compétentes n’impose pas nécessairement la création de nouvelles autorités ; il peut en effet s’agir d’organismes existants chargés des fonctions prévues par le présent règlement. Celui-ci exige la désignation d’autorités compétentes chargées d’émettre les injonctions de suppression et les signalements et de superviser les mesures proactives, ainsi que d’imposer des sanctions. Il appartient aux États membres de décider du nombre d’autorités qu’ils souhaitent désigner pour remplir ces tâches ».
Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, quand le ministre de l’Intérieur dénonce « les séditieux » parmi les gilets jaunes, on peut s’inquiéter fortement sur l’usage futur et dévoyé qui pourrait être fait par la gouvernance actuelle (et d’autres) d’une telle loi.
Les mots ont un sens, et les mots ne sont pas innocents ! Ils le sont d’autant moins lorsque l’on est aux responsabilités. Je rappelle donc qu’une sédition « est une forme d’émeute face à un pouvoir ou une autorité établie, dont le but ne serait pas uniquement de renverser les détenteurs d’une puissance, mais de rompre définitivement tout lien avec ce système ».
La problématique est que de « sédition » à « criminel » puis à « terroriste » il n’y a qu’un pas qui pourrait être vite franchi pour justifier une censure totalement outrancière en cas de mouvement social contestataire s’exprimant demain sur Internet.
Aussi, et au regard du type de qualificatif qui a été utilisé lors du mouvement de contestation sociale massif qui se déroule actuellement en France, que ce qualificatif soit supposé désigner quelques individus ou un collectif est en définitive peu important… Le mot a été lâché ! Il laisse sous-entendre que sous une telle loi un mouvement de contestation du type des « gilets jaunes » – en France comme ailleurs – pourrait être traité comme un mouvement potentiellement séditieux et de fait être censuré au plus tôt par les autorités et leurs nouveaux alliés de la censure.
Cela entraînerait ipso facto (par exemple) une impossibilité d’usage du Net pour l’organisation de rassemblements. Que ces rassemblements soient pacifiques ou non, ils pourraient être rapidement mis « dans le même panier » ! Le couperet de la censure pourrait alors s’abattre de façon généralisée et préventive pour “tuer dans l’œuf” ce type de mouvement contestataire. Il sera nécessaire et suffisant de s’appuyer sur les comportements de quelques illuminés réellement dangereux… pour brandir le terme sédition et co-actionner la censure algorithmique adaptée ! Pour le bien de la sécurité nationale, évidemment…
« Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple ». (Bertolt Brecht)
Nous n’aurons jamais vu un règlement européen être accepté aussi rapidement par les gouvernements européens (en moins de 3 mois !), et ce malgré les inquiétudes exprimées par divers États1. Macron les a manifestement convaincu que, les élections européennes approchant, ils pourraient maintenir leur pouvoir en agitant l’inaltérable prétexte terroriste. En résulte une censure et une surveillance généralisée de l’Internet.
Le Conseil de l’Union européenne vient donc d’acter, à l’instant et sans le moindre débat sérieux, un projet de loi qui obligera tous les acteurs du Web à se soumettre aux outils de surveillance et de censure automatisés fournis par Facebook et Google2, tout en permettant à la police d’exiger le retrait en une heure des contenus qu’elle jugera « terroriste », sans l’autorisation d’un juge.
Deux mesures aussi délirantes qu’inédites, qui conduiront à soumettre tout l’écosystème numérique européen à une poignée de géants que l’Union prétend cyniquement vouloir combattre (lire notre analyse), tout en risquant de remettre en cause la confidentialité de nos correspondances3… Et tout ça alors que ni la Commission européenne ni les gouvernements n’ont jamais réussi à démontrer en quoi cette loi serait utile pour lutter contre le terrorisme4.
Le débat sur ce texte se poursuivra maintenant devant le Parlement européen. Celui-ci votera mercredi prochain, le 12 décembre, un premier « rapport sur la lutte anti-terroriste » qui, sans avoir l’effet d’une loi, promeut peu ou prou les mêmes mesures absurdes que celles prévues dans le « règlement de censure anti-terroriste », que le Parlement examinera dans les semaines suivantes.
Ce premier vote de mercredi sera l’occasion pour chaque député européen de révéler sa position face au projet totalitaire d’Emmanuel Macron, et ils devront en rendre compte alors que s’amorce la campagne électorale pour les élections européennes de 2019.
La directive européenne sur les liens hypertextes pourrait amener le géant à arrêter Google Actualités.
(CCM) — L'arrêt de Google Actualités en Europe est un scénario actuellement à l'étude chez Google. C'est en tout cas ce qu'affirme un vice-président du géant californien dans un entretien au Guardian. Si la taxe sur les liens hypertextes est votée dans le cadre de la directive européenne sur le droit d'auteur, ce pourrait être la fin de Google Actualités.
L'article qui pose problème dans la directive sur le droit d'auteur est l'article 11, qui prévoit de taxer les liens sortants vers les médias et sites de presse. Depuis le début des discussions, le projet est controversé. D'un côté, les associations de défense des libertés numériques lui reprochent de saper la base de ce qui fait le web : les liens. De l'autre, les géants américains ne veulent pas entendre parler d'une obligation de rémunérer les producteurs des contenus publiés sur Internet alors que leurs services sont gratuits.
D'après le vice-président de Google rattaché aux médias, Google Actualités n'utilise pas directement le contenu créé par les médias en ligne. L'application mobile et le site web du service ne sont que des intermédiaires entre les internautes et les sites de presse. Google Actualités ne fait que rediriger l'audience, et il le fait gratuitement, pour les éditeurs comme pour les internautes.
Reste que la Commission Européenne a bien l'intention de réformer les pratiques du droit d'auteur pour les adapter aux usages numériques du XXIe siècle. La monétisation des liens hypertextes est défendue par les autorités européennes, mais également par les agences de presse. Celles-ci y voient la possibilité de rémunérer la production de leurs fils d'actualités. Jusqu'à maintenant, la plupart des services d'agrégation de contenus comme Google Actualités référencent leurs articles sans contrepartie. En 2016, une étude de la Commission Européenne montrait que 47 % des internautes s'informent sans cliquer sur un seul lien.
En 2014, l'Espagne avait adopté une loi similaire prévoyant de taxer les clics sur les liens hypertexte. Immédiatement, le service Google Actualités avait fermé en Espagne. C'est ce scénario que Google étudie, mais à l'échelle européenne cette fois. Pour l'écosystème des éditeurs de sites d'informations, ce serait une véritable révolution.
Approuvée par le Parlement européen mi-septembre, la directive sur le droit d'auteur doit maintenant faire l'objet d'un accord avec le Conseil et la Commission. Officiellement, l'objectif est de trouver un terrain d'entente avant la fin de l'année.
Un accord sur la directive européenne sur le droit d’auteur, qui a suscité de forts débats ces derniers mois, essentiellement à cause de deux articles controversés, peut-il être conclu entre toutes les parties d’ici la fin de l’année ? Oui, répond en substance l’Autriche, selon le journaliste Alexander Fanta. Le pays préside actuellement le Conseil de l’Union européenne, jusqu’au 31 décembre 2018.
Depuis le 12 septembre, date à laquelle le Parlement européen a approuvé à une large majorité la directive Copyright, une nouvelle séquence institutionnelle est ouverte : celles des trilogues. Il s’agit de réunions tripartites entre les trois grandes instances du Vieux Continent, à savoir le Parlement, le Conseil et la Commission.
Le fait est que l’échéance fixée par l’Autriche, qui laisse donc onze semaines aux parties pour se mettre d’accord, demeure relativement incertaine, même si Bruxelles est sur la même longueur d’onde : « La Commission est prête à travailler […] afin que la directive puisse être approuvée dès que possible, idéalement d’ici la fin de 2018 », déclarait en septembre Mariya Gabriel, la commissaire en charge de l’économie et la société numériques.
Ainsi, même si Gernot Blümel, le ministre responsable des relations européennes, de l’art, de la culture et des médias dans le gouvernement autrichien, affirme que son pays « fera de son mieux » pour boucler ce dossier pendant sa présidence, des dissensions se font jour entre les États membres eux-mêmes.
La journaliste Laura Kayali rapportait début octobre que l’Italie a officialisé, lors d’une réunion avec des diplomates, le retrait de son soutien à l’égard de la directive sur le droit d’auteur. Il ne s’agit toutefois pas d’une totale surprise, puisque la position de Rome, qui a fait un 180° à la suite de la mise en place du nouveau gouvernement populiste, sur ce sujet avait déjà été exprimée au cours de l’été.
Prochaine réunion fin octobre
Selon l’eurodéputée Julia Reda, très impliquée sur ce dossier, le prochain trilogue doit avoir lieu le 25 octobre. Outre les articles controversés, qui concerne respectivement la création d’un droit voisin pour la presse sur le web et le filtrage automatique des contenus mis en ligne, il sera question des exceptions au droit d’auteur concernant la fouilles de textes (text data mining) l’enseignement et la préservation par les institutions du patrimoine culturel ou encore les droits d’auteur.
Un outil en ligne, disponible seulement en anglais, permet par ailleurs de comparer les positions du Conseil, du Parlement et de la Commission sur chaque article de la directive sur le droit d’auteur.
En admettant qu’un accord soit trouvé, celui-ci devra faire l’objet d’un vote final au niveau du Parlement européen. C’est d’ailleurs sur ce scrutin que les opposants au texte vont se positionner pour tenter de faire bouger les lignes politiques et convaincre une majorité de parlementaires de s’opposer au texte — et ainsi rééditer l’exploit de 2012 avec le rejet du projet d’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA).
Si le Parlement européen ne s’y oppose pas, alors la transposition du texte dans le droit national commencera : la France a en effet l’obligation de le faire, dans un délai de quelques années. Une directive n’est pas d’application immédiate, contrairement à un règlement (le RGPD en est l’illustration). En outre, la directive laisse aux États une certaine appréciation sur la façon de satisfaire les objectifs du texte.