Deuxième étape de notre tour d’horizon estival des archives les plus utiles pour les recherches généalogiques : l’incontournable état civil, avec les registres paroissiaux.
Les actes d’état civil ou religieux sont au nombre de trois : naissance ou baptême, mariage, décès ou sépulture. Etablis en double exemplaire à partir de 1737 (un exemplaire conservé par le curé, un autre transmis au greffe), ils sont relativement bien conservés partout en France (à l’étranger, c’est une autre histoire), mais en cas de lacune de l’exemplaire unique (incendies, dégâts des eaux, disparitions…) avant 1737, il vous faudra vous avouer vaincu… ou vous tourner vers d’autres sources que l’état civil !
S’il n’est pas indispensable de retrouver ces trois actes marquant la vie d’une personne pour remonter de génération en génération, cela reste tout de même fortement conseillé, afin d’avoir la vision la plus complète de votre ancêtre, sans compter que chaque acte peut revêtir une mention inattendue et compléter des informations que l’on croyait déjà connaître. Le principe est très simple : il faut trouver les noms des parents d’un individu pour remonter une génération, puis pour chacun d’entre eux faire de même en retrouvant leurs actes de naissance, mariage, décès et leurs parents, etc.
On peut y trouver (selon les actes et les époques) :
L’acte le plus complet est l’acte de mariage, lui seul suffit pour faire votre généalogie, car il contient des informations à propos des deux époux (donc des deux parents d’un de vos ancêtres).
Bien évidemment, plus vous remonterez dans le temps, moins les informations seront précises. Si l’on peut pleinement se fier à un acte rédigé au XXe siècle (quoique l’exemple de l’acte de décès ci-dessous prouve le contraire), il faut rester prudent avec un acte du XIXe (prénoms confondus ou différents, orthographe incertaine, erreur sur un lieu ou un témoin) et utiliser son flair et son sens de la déduction pour ceux d’ancien régime (manque d’informations, par exemple pas de parents sur un acte de mariage, erreurs fréquentes sur les prénoms et les noms, âges approximatifs). Le véritable travail de généalogie se situe là : dans votre faculté à interpréter un acte, à le recouper avec d’autres, à le comparer avec d’autres actes rédigés dans la commune ou dans les communes alentours, parfois même sur d’autres familles, à votre esprit de déduction, à votre capacité à penser comme on pensait alors, quand les mœurs étaient différentes, que les impératifs religieux était omniprésents et que les mentalités différaient des nôtres ; mais aussi à vos connaissances historiques, régionales ou nationales.
Chaque région, voire chaque commune, étant différente, il serait impossible de passer en revue tous les cas possibles permettant de trouver un ancêtre manquant, seule l’habitude et la pratique peuvent permettre de le faire. N’oubliez jamais qu’une information trouvée (sur un arbre sur Généanet par exemple) doit être vérifiée par vos soins en consultant la source, c’est-à-dire l’acte original : la personne qui l’a publiée est certainement de bonne foi, mais elle a pu se tromper !
Avant la Révolution, nous l’avons vu, il n’y a pas de tables décennales et les actes sont souvent difficilement lisibles, soit parce que l’écriture ne correspond pas aux standards actuels, soit parce que le registre lui-même est abîmé (encre baveuse, tâches, encre effacée…), soit parce qu’ils sont rédigés en latin.
Geneanet vous propose tout l’été de faire le tour des principales sources archivistiques utiles aux recherches généalogiques. La première de toutes, ce sont les tables décennales de l’état civil.
Vous venez de commencer vos recherches généalogiques et après avoir écrit aux mairies et découvert vos arrière grands parents ou vos trisaïeuls, vous désirez commencer à fouiller dans les documents fournis par les archives départementales ? Les tables décennales vont vous faciliter la tâche. Présentation.
Historique
Les tables décennales (familièrement dénommées “T.D.”) résument le contenu des registres d’état civil (naissances, mariages et décès, divorces, reconnaissances d’enfants). Elles sont établies par tranches de dix ans, en fusionnant toutes les années. Les tables décennales ont été créées par l’Administration Révolutionnaire en 1793. Très lacunaires pour la première période 1793/1802, elles sont consultables partout dès 1803.
Au début notamment, ces tables sont souvent par ordre chrono-alphabétique (à l’intérieur de chaque lettre de A à Z, les actes sont référencés de façon chronologique), et parfois elles ne fusionnent pas les dix années mais récapitulent année par année les actes enregistrés. Pour les périodes les plus récentes elles sont par ordre alphabétique complet. Elles reprennent la logique des registres : tables décennales des naissances, des mariages, des décès.
Bon à savoir :
L’index annuel : en même temps qu’étaient instaurées des tables décennales, établies sur des feuillets séparés des registres, un index similaire était établi année par année à la fin de chaque registre de naissance, mariage ou décès. En l’absence de tables décennales, celui-ci permettra malgré tout une recherche rapide. Le plus gros inconvénient, c’est qu’il faut d’abord le retrouver, et que parfois, sur les registres pré-imprimés, aucun emplacement n’a été laissé pour un index : celui-ci est donc écrit en tout petit dans un coin, faute de place, ou au milieu des caractères d’imprimerie non remplis.
Ancien Régime : concernant l’Ancien Régime on trouve parfois, au gré de ses recherches et notamment pour les communes de taille importante (par exemple Bourges ou Strasbourg), un équivalent des tables décennales sous forme de répertoire des actes enregistrés, bien utiles pour ces périodes antérieures à l’état civil
Avantages
Les tables décennales sont très utiles au chercheur, puisqu’en quelques dizaines de minutes il peut relever tous les actes concernant le même nom de famille (il peut donc bien sûr y avoir des noms similaires pour des familles différentes mais cela reste très utile), et consulter ensuite les registres correspondants. Cela permet de recenser tous les enfants d’un couple très rapidement, ainsi que de retrouver en quelques secondes un mariage ou un décès.
Lors de ses recherches, on se retrouve donc à effectuer un aller-retour incessant entre les tables décennales et les registres, le contenu des actes donnant de nouvelles informations que l’on retourne chercher dans les tables.
On peut ainsi, si la famille est restée dans la même commune, remonter en deux ou trois heures sur une centaine d’années, ce qui équivaut à trois, quatre ou cinq générations.
Plus la commune est grande, plus l’utilité de ces tables est incontestable.
Inconvénients
Abréviations dans les dates souvent illisibles, fréquence du “dito” représenté par un d°, ou simple trait… ou rien du tout.
Risque élevé de confusion avec les abréviations des mois : 7bre (septembre confondu avec juillet), 8bre (octobre confondu avec août), 9bre (novembre confondu avec septembre) et Xbre (décembre confondu avec octobre)
Erreurs possibles dans les relevés des actes ! Oublis pur et simples, dates mal lues et erronées, prénoms tronqués, cela arrive et si l’on ne trouve pas ce que l’on cherche, il peut ne pas être inutile de vérifier quand même les registres entiers.
Dates des actes parfois remplacées par les numéros de page figurant sur les registres
Pour les mariages, absence de classement par nom de l’épouse, parfois même absence totale de son nom.
Les promesses de mariage ne sont pas indiquées : si vous ne trouvez pas un mariage, n’oubliez pas qu’il y a de fortes chances qu’il soit mentionné dans le registre complet, après les mariages, dans les promesses de mariage. Les promesses de mariage étaient enregistrées à la fois dans la commune de l’époux et dans celle de l’épouse, avec bien entendu la provenance de chacun des deux époux, on comprend vite la grande utilité de celles-ci !
«Nous sommes une communauté»
Entretien avec Jacques Le Marois, cofondateur de Geneanet.org la principale plateforme collaborative de généalogie.
Historia – Comment avez-vous découvert la généalogie ?
Jacques Le Marois : Adolescent, j’ai retrouvé des travaux réalisés par mes parents. On appelait ça des « camemberts » généalogiques. Je m’étais amusé à rapprocher le camembert de ma mère et celui de mon père. Quand j’étais étudiant en maîtrise, n’ayant que huit heures de cours par semaine, je me suis mis à fréquenter une bibliothèque où j’ai découvert les innombrables volumes du Dictionnaire de biographie française. J’y ai découvert des biographies d’ancêtres de père en fils, ce qui m’a donné envie de repartir de ce camembert et de le compléter.
Presque une addiction !
Oui, l’un des moteurs du chercheur est identique à celui du collectionneur : réunir un maximum d’ancêtres. Or, c’est exponentiel puisqu’on multiplie par deux le nombre d’ancêtres à chaque génération. Bref, J’ai passé plus de temps à faire de la généalogie qu’à travailler pour mes études. Le midi, j’allais à la bibliothèque Mazarine, ensuite aux Archives nationales ou encore, le soir, à Beaubourg. J’ai aussi fréquenté la Bibliothèque généalogique au 3 rue de Turbigo, qui n’existe malheureusement plus. C’était un haut lieu de la généalogie : vous aviez la Bibliothèque généalogique en bas et au sous-sol, ensuite la France généalogique, qui est la plus vieille association généalogique, et la Fédération française de généalogie à un autre étage.
Et là vous trouvez les fondateurs de la généalogie moderne !
Le fondateur de la fédération française de Généalogie, dans les années 1960, c’est le duc de La Force. Et la Bibliothèque généalogique a été fondée par le colonel Arnaud. Il a, en trente ans, épluché tous les ouvrages et toutes les revues ! En fait, il avait préfiguré Geneanet avec des ciseaux et du papier. Pour un patronyme, on savait dans quels ouvrages on pouvait trouver des généalogies. Il y avait toutes les généalogies possibles, sachant que c’est surtout dans la noblesse que s’est développée la pratique de la généalogie.
Pour une raison fiscale !
Oui… Sous l’Ancien Régime, vous payiez moins – ou pas – d’impôt si vous étiez noble, donc le sport national consistait à se faire passer pour noble. Il fallait justifier de sa noblesse sur trois générations, ou cent ans, pour qu’il y ait prescription et qu’on soit considéré comme noble… donc privilégié et exempté d’impôts. Les nobles devaient donc toujours conserver soigneusement leurs archives familiales pour être en mesure de prouver la continuité de leur ascendance. Pour entrer dans l’ordre de Malte, il fallait même renseigner sa généalogie sur seize quartiers de noblesse.
Ce qui entraînait une étiquette toute particulière…
Et comment ! Ma grand-mère faisait beaucoup de généalogie sur d’énormes cahiers et m’expliquait que, dans son école, elle n’avait le droit de ne tutoyer que ses cousines. Son objectif était donc de démontrer que sa copine était bien sa cousine !
À quand remonte la démocratisation de la généalogie ?
C’est seulement dans les années 1970-1980, notamment avec l’exode rural, que la généalogie a commencé à se populariser dans la société quand il s’est agi de retrouver ses racines.
La grande chance en France, c’est la qualité de l’archivage…
Nous bénéficions en France de la chance de disposer d’archives ouvertes à tous. Il y a eu une première vague lors de la Révolution française, qui a centralisé les registres paroissiaux dans les archives départementales, puis une deuxième vague, à la fin des années 1990, avec la numérisation en ligne des archives sur Internet. La Mayenne est le premier département qui a mis les archives en ligne au début des années 2000, pour faire de la place dans la salle de lecture. Il faut ajouter un maillage extraordinaire de plus de 300 associations généalogiques dans tout le pays, puis les sociétés comme Geneanet ou Filae, ont aidé à démocratiser l’accès à la généalogie en mettant à disposition des internautes des bases de données multiples avec des approches différentes.
Votre apport a consisté à coupler deux passions : la généalogie et l’informatique. C’est bien ça ?
Exact. En 1996, je me suis dit qu’avec Internet il y avait moyen de fabriquer un outil d’indexation et de consultation rapide pour aller le plus rapidement possible vers le but recherché. Je fréquentais le forum fr.rec.genealogie ; j’y ai annoncé mon projet et un informaticien, Jérôme Abela, m’a répondu aussitôt qu’il partageait la même idée. Nous avons donc lancé ensemble, en un temps record, une première version qui s’appelait « la liste des patronymes français » (LPF). Dans la foulée, je me suis dit qu’il fallait quelque chose de plus sérieux, et multilingue, financé par la publicité, que l’on a appelé Geneanet et qui a ouvert en novembre 1996 avec le coup de pouce d’un brillant mathématicien, Julien Cassaigne.
Et dès les débuts, Geneanet affiche une pratique collaborative
Au départ, j’avais recruté des personnes dans plusieurs pays pour aider à développer Geneanet. En 1999, l’idée a été ensuite de créer une société pour accélérer le développement du site. Celle-ci a été lancée en 2000 en visant plus de contenu, plus de trafic et plus de publicité pour nous financer. Mais ça n’a jamais marché du fait de revenus publicitaires insuffisants pour couvrir les coûts. On s’est donc retrouvé dans une situation financière compliquée.
C’est alors que vous mettez au point le modèle Geneanet en vigueur aujourd’hui
En octobre 2001, plutôt que d’annoncer à nos utilisateurs que Geneanet fermait ou devenait payant – ce qui aurait été catastrophique par rapport à la promesse de gratuité que nous avions toujours défendue, nous leur avons expliqué la situation : Si vous voulez que Geneanet reste gratuit, il faut que certains paient. En échange, ils seront moins soumis à la publicité et disposeront, dans le futur, de fonctions supplémentaires. Les premiers souscripteurs de l’abonnement « Club privilège » l’ont fait, non pour obtenir un service payant mais pour que la plateforme reste d’accès gratuit ! Dès le lendemain, plusieurs milliers de personnes ont souscrit. Cahin-caha, nous avons pu renforcer les équipes, jusqu’à arriver à une trentaine de salariés. En 2016, nous avons un peu perdu cet esprit des origines. Aussi nous l’avons remis au cœur de nos valeurs, et nous avons clarifié notre modèle en supprimant la publicité, qui était devenue trop intrusive.
Vous vous définissez donc d’abord Geneanet aujourd’hui comme une communauté…
J.L.M. : C’est l’originalité de Geneanet ! L’essentiel de nos contenus est apporté par nos membres qui partagent leurs arbres, leurs documents… Il y a, à ce jour, plus d’un million et demi d’arbres partagés. La généalogie se caractérise par un très fort esprit d’entraide et de partage. Parmi nos membres, certains font leur propre généalogie, mais d’autres effectuent des travaux au bénéfice de la communauté tout entière. Chaque semaine, des membres de Geneanet partagent des registres notariaux qu’ils ont numérisés. Nous mettons à leur disposition des appareils de numérisation, qui permettent de travailler dans de bonnes conditions. Nous avons aussi des bénévoles qui photographient les tombes dans les cimetières. D’autres qui indexent tout ce qui a été numérisé, ou qui indexent directement sur le site des archives, et partagent ensuite sur Geneanet. Tout ce qui est apporté par nos membres est en accès libre.
Vous labellisez ce savoir-faire ?
J.L.M. : Geneanet a la capacité d’animer ces groupes de bénévoles. Nous sommes l’hébergeur de tous ces travaux qui restent leur propriété. Il y a la numérisation puis l’indexation des registres, des travaux en partenariat avec des archives comme les Archives nationales. Les bénévoles ont la satisfaction de participer à un projet au bénéfice de tous. Le mot « altruisme » peut sembler exagéré mais il est exact. Certains effectuent d’ailleurs un travail de titan. L’un d’entre eux, Claude Franckart a effectué un chantier considérable, monacal, pendant plusieurs années, consistant à numériser intégralement des archives des châteaux ! Son plaisir est que ces archives soient accessibles à tous. Certains nous disent que c’est leur vie et qu’ils ont pu sortir de leur solitude grâce à cette communauté.
C’est une ruche décentralisée !
On ne voit pas de limite au bénévolat : pour tout nouveau projet, il y a toujours des personnes prêtes à participer. Voyez le projet des arbres 1914-1918, qui a pour but de construire des arbres collaboratifs restituant une famille aux poilus morts pour la France. In fine, ce projet revient à reconstituer les populations villageoises au XIXe siècle. Ces arbres, sont lancés à partir de projets plus anciens (livres d’or, tables de mariage du XIXe s.) ; ensuite, des communautés de généalogistes se les approprient. Pour le département du Calvados, un participant épluche tous les articles de journaux à la recherche de faits divers, pour les relier à des individus.
Un autre exemple ?
En 2014, l’un de nos membres nous a proposé de nous intéresser aux matricules napoléoniens. En huit ans, nous sommes déjà à plus d’un million de soldats indexés ! Une équipe entière travaille dessus. C’est intéressant pour des gens qui ont des ancêtres parmi ces soldats : avec la fiche matricule, ils obtiennent la description du visage, la taille, la couleur des yeux, la forme du front…
Les cotisations suffisent à faire face aux charges ?
Nous avons deux types de public. D’une part, des clients qui payent leur cotisation et sont exigeants sur le service qu’ils reçoivent. Et d’autre part un très grand nombre de membres qui se sentent partie prenante d’une communauté et sont très attentifs à la préservation de notre modèle : contributif, collaboratif et freemium.
Nous restons attentifs à ce que nos niveaux de recrutement et d’investissements ne se développent qu’à proportion du soutien de nos membres. Une politique rendue possible grâce aux apports des membres « premium ». Du coup, nous lançons aussi beaucoup de projets qui n’ont aucun but lucratif. Juste parce qu’on estime que c’est utile pour la communauté. D’une certaine façon, tout ce qui est bénéfique pour l’écosystème généalogique est bon pour Geneanet.
Et pourtant Geneanet vient d’être racheté
Nous avons été rachetés par Ancestry en septembre 2021. Paradoxalement, c’était un moyen de pérenniser Geneanet face à la concurrence d’acteurs commerciaux accumulant des bases de données considérables. La promesse d’Ancestry est de respecter notre modèle communautaire. Ce qui nous a rassurés, c’est qu’ils partagent la même expérience que nous avec « FindAGrave », un site dont la communauté numérise les cimetières outre-Atlantique. Grâce à Ancestry, nous bénéficions des investissements considérables qu’ils font dans l’indexation de l’état civil, ce qui nous permet de rendre plus attractive notre offre Premium. On essaie de préserver un équilibre entre ces deux approches : l’assise communautaire gratuite et l’offre « premium » réservée aux membres qui bénéficient de fonctionnalités et de contenus plus pointus.
Il s’est beaucoup dit que les plateformes de généalogie, intéressaient les investisseurs pour le futur business de la prédiction médicale. Ça vous semble exact ?
Les sociétés américaines et israéliennes se sont, c’est vrai, lancées dans des offres sur la prédisposition des maladies. Ils en sont revenus. Les plateformes généalogiques provoquent l’intérêt des investisseurs, d’abord parce que ce sont des modèles à forte croissance où vous investissez de manière importante pour faire de l’acquisition de contenus en les faisant indexer à bas coût chez des prestataires en Inde ou à Madagascar. Ensuite, plus vous disposez de membres, plus vous amortissez vos investissements. C’est une course permanente à l’acquisition de contenus. Pour Geneanet, c’était compliqué de suivre devant à cette problématique et à ces géants. Pour ne pas risquer d’être marginalisé, nous avons choisi de répondre positivement à la proposition d’Ancestry.
Aujourd’hui, quelle est votre place en France et en Europe ?
En termes de trafic et de contenu, Geneanet est numéro un. Sur Similarweb, qui permet de comparer les trafics entre tous les sites comparables, nous apparaissons comme le leader en Europe continentale. Nous avons des communautés en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Angleterre, en Suède et en Slovénie.
L’archéologie a longtemps été considérée la supplétive de l’Histoire. Puis il y a eu les fouilles d’urgence, et l’archéologie est devenue un producteur de nouveaux contenus historiques. C’est un peu ce qui se passe avec la généalogie ?
Au départ, les généalogistes faisaient de la généalogie dans leur pré carré, puis comme les généalogistes font les choses en grand, nous sommes devenus producteurs de ressources. Le fait de numériser toutes les tutelles et curatelles du Châtelet de Paris sur trois cents ans et de les mettre en ligne permet à d’autres usagers de bénéficier de notre force de frappe. Qui aurait été en mesure de mener un tel projet de numérisation et d’indexation ? Du coup, nous tentons de nouer des relations fructueuses avec des historiens en échangeant nos résultats. Beaucoup d’entre eux, il est vrai, se montrent méfiants et ne souhaitent pas partager leurs sources ; d’autres, au contraire, se sont montrés très ouverts, comme Robert Descimon, un historien en prosopographie. Il a réalisé un énorme travail de dépouillement et d’analyse des archives notariales, numérisé et mis en ligne par Généanet après son accord.
Par ailleurs, il faut savoir que le généalogiste amateur une fois son arbre terminé va s’immerger dans l’histoire locale puis tenter de se rattacher à des événements plus larges. De la petite Histoire on se dirige vers la grande Histoire, alors que l’historien procède plutôt le cheminement inverse. En tout cas, je peux vous dire que beaucoup d’historiens utilisent notre plateforme, une source indispensable pour des abonnés qui font une thèse ou des études historiques. Si vous discutez avec un directeur d’archives, il vous dira que l’état civil représente 2 à 3% de ses fonds et le notariat 50%. Le potentiel de données non encore exploitées reste considérable pour le généalogiste.
Vous devenez ainsi contributeurs ou coproducteurs de recherches…
J.L.M. : Oui. Nous travaillons par exemple avec les Archives nationales ou avec l’Institut national d’études démographiques. Autre exemple : Eugène Bruneau-Latouche, un érudit qui a étudié les familles en Martinique, m’a contacté parce qu’il trouvait dommage que ses livres restent en accès confidentiel. J’ai mis ses cinquante ans de travaux en accès libre. Ce qui est formidable, c’est que la généalogie ne constitue plus un terrain de chasse réservé aux aristocrates. Tout un chacun devient susceptible de s’intéresser à son histoire familiale.
Qu’est-ce que vient changer l’ADN en généalogie ?
L’INSERM estime le nombre de demandes de tests ADN à 100 000 par an en France, alors même que cet acte reste illégal. L’intérêt de la généalogie par ADN est de deux ordres. Il y a l’approche qui promet de vous faire découvrir de quelles régions du monde viennent vos ancêtres. C’est amusant mais la fiabilité dépend des bases statistiques utilisées… L’autre promesse, plus sérieuse, c’est la révélation des cousinages généalogiques, et là, la démarche est implacable ! Tous vos cousins et parents, connus ou insoupçonnés, seront identifiés à condition qu’ils aient réalisé eux aussi leur empreinte ADN et qu’ils l’aient mise en ligne. En France, la généalogie par ADN n’a pas un intérêt considérable parce que les archives sont pléthoriques et permettent souvent de remonter, sans grande difficulté, jusqu’au XVIIe siècle voire au XVIe siècle à Paris. Le test ADN est plus utile aux États-Unis, où les sources sont plus aléatoires. Il est surtout utile quand vous êtes bloqué sur un chaînon manquant ou une branche morte de votre arbre. L’inconvénient, c’est que, de temps en temps, vous découvrez que votre père n’est pas… votre père. Nous avons travaillé pour faire changer la réglementation lors des discussions sur les lois bioéthiques, mais le législateur a considéré que les gens ne devaient pas connaître leurs origines au risque de les traumatiser et qu’il fallait préserver le secret. Pourtant, quand on discute avec ceux qui sont en quête de leur origine, ils souffrent surtout de ne pas savoir.
La libéralisation des tests ADN changerait quelque chose pour vous ?
On peut déjà commander son test par envoi d’un échantillon de salive à l’étranger et utiliser le résultat en France. La loi qui interdit la vente des tests est purement virtuelle. Une plateforme de généalogie a même orchestré une campagne de publicité à la télévision jusqu’à ce qu’on le lui interdise. Il a recentré ensuite sa communication sur Internet et, quand on consulte son site, on peut acheter le kit ADN sans difficulté. Personne n’a jamais payé une amende pour avoir pratiqué un test ADN. Vous comprendrez que, pour Geneanet, l’accès aux tests ADN est indispensable. On ne peut pas être compétitifs face aux concurrents si nous n’offrons pas cette option. Ancestry, notre actionnaire, a d’ailleurs une offre ADN toute prête. Pour l’heure, à défaut de pouvoir commercialiser nous-mêmes ces kits, nous proposons de mettre les fichiers ADN réalisés aux États-Unis ou en Grande- Bretagne sur notre site pour les comparer aux autres. Ce qui est fascinant avec la révélation de ces cousinages par ADN, c’est de pouvoir résoudre des problèmes de filiations sur lesquelles on a un doute, mais aussi de résoudre des cold case. Aux États-Unis, 200 enquêtes qui étaient au point mort ont été résolues grâce aux tests ADN généalogiques dans le cadre d’une instruction judiciaire.
Vous persistez et vous signez : Geneanet reste Geneanet avec ou sans ADN et avec un nouveau propriétaire…
L’approche de Geneanet est unique : nous formons, je le répète, d’abord une communauté. Chaque année, nous publions une note de blog pour expliquer notre modèle. Lisez les commentaires : il y en a plus de 2000 à chaque fois ! Peu d’entreprises peuvent se prévaloir d’une telle implication de ses membres. Récemment, la Mairie de Paris nous a contactés pour la sauvegarde d’un stock de livres de la Commission des travaux historiques de la Ville de Paris, créée par le baron Haussmann. Nous leur avons proposé de les aider à sauver ces ouvrages en mobilisant notre communauté. En dix séances d’une journée dans un entrepôt de la ville de Paris toute la logistique a été entièrement assurée par un groupe de bénévoles.
Vous comptez combien de ces bénévoles actifs ?
Sur l’indexation collaborative on compte 26000 participants passés et présent. En fonction des projets, leur nombre peut monter à des centaines de participants. Sur le projet avec la Ville de Paris, une dizaine de personnes ont aidé à la manutention des livres et la préparation des colis, sans compter ceux qui ont transporté les ouvrages et tous ceux qui vont procéder à la numérisation pour les rendre accessibles à tous. C’est ça Geneanet. C’est ce miracle-là.
Propos recueillis par Guillaume Malaurie
Nous avons régulièrement des questions sur l'intérêt de participer à Geneanet en y contribuant ou en prenant l'abonnement Premium. En cette nouvelle année, il nous paraît important de rappeler les principes qui régissent le fonctionnement de Geneanet avec son modèle original et de répondre à certaines de vos interrogations.
Comment fonctionne Geneanet ?
Geneanet repose sur trois piliers : contributif, collaboratif et freemium.
Geneanet est la plus grande communauté francophone de généalogistes adeptes de l’entraide et du partage. C’est un site recensant près de sept milliards d’informations provenant des contributions de ses membres, de projets collaboratifs et de partenaires.
Le côté contributif concerne tous les arbres généalogiques et les documents associés (photos, actes, etc). Cela représente 1,1 million d’arbres généalogiques hébergés pour près d’1,3 milliard d’individus.
Le côté collaboratif concerne également les nombreux projets que Geneanet soutient, par exemple, les tombes (Sauvons nos Tombes), les relevés (Livres d’Or, tables de mariage du XIXe, Matricules Napoléoniens, recensements) ou encore les registres en ligne (Projet Notaires, Au delà de l’État-Civil). Ce sont également des projets originaux comme « Hier et aujourd’hui » et dernièrement « Mémoire des lieux ».
On peut actuellement consulter plus de 2,5 millions de tombes, 22 millions d’images sur les registres en ligne et plus de 96 millions d’individus indexés dans les relevés collaboratifs.
Le site supporte de fortes contraintes avec plus de 100 millions de requêtes par jour, 5 millions de visiteurs par mois, 260 To de stockage redondant sur une soixantaine de serveurs de haute capacité répartis sur plusieurs sites.
Tous ces services sont développés et maintenus grâce à une équipe d’une trentaine de passionnés basée à Paris.
Geneanet est un site « freemium »
Geneanet repose autour d’un modèle “freemium” qui combine un site gratuit avec une offre Premium.
Chaque utilisateur profite d’une offre gratuite très fournie. Cette offre donne la possibilité de construire son arbre, sans limitation du nombre d’individus, sans restriction dans sa consultation, sans aucune publicité et avec de nombreux outils de personnalisation, d’impression ou d’alertes. Contrairement à d’autres sites, vous n’êtes pas obligé de prendre un abonnement payant pour consulter les autres arbres et en contacter les auteurs. Cette offre comprend un moteur de recherche par nom/prénom/lieu.
L’offre gratuite comprend également l’accès à tous les contenus provenant de nos membres. Tout ce qui est mis en ligne de façon contributive par les membres reste accessible librement par l’ensemble des membres de Geneanet.
Geneanet propose également une offre Premium, qui comprend notamment des critères complémentaires de recherche (conjoint, parents, variantes orthographiques, autour d’un lieu géographique), un système de comparaison automatique entre son arbre et toute la base Geneanet (les correspondances et “Comparer mon arbre”), un système sophistiqué d’alertes par e-mail pour ne rien manquer des nouvelles informations arrivant chaque jour sur le site, une bibliothèque numérique indexant plus de 3 milliards d’individus dans des ouvrages variés, l’accès aux relevés des associations généalogiques partenaires de Geneanet et une assistance personnalisée.
Geneanet, un site collaboratif gratuit grâce au Premium
L’entraide, le partage et les projets collaboratifs font partie des fondamentaux de Geneanet. C’est ce qui constitue une grande partie de son attrait.
Quand vous prenez un abonnement Premium, ce n’est pas seulement pour les services et contenus réservés au Premium que vous souscrivez. Vous permettez également grâce à votre abonnement de développer la partie gratuite du site.
C’est assez paradoxal : les abonnés Premium payent pour que Geneanet reste un site ouvert et gratuit.
En prenant un abonnement sur Geneanet, il ne s’agit donc pas uniquement d’accéder aux fonctions Premium et aux contenus des partenaires, mais également de permettre l’existence du modèle original décrit ci-dessus.
L’ancêtre du service Premium s’appelait le “Club Privilège”. Nos premiers abonnés avaient au début très peu d’avantages. Ils l’ont fait principalement pour préserver la gratuité du site.
Il nous paraît important de rappeler ces racines. Depuis plus de 23 ans, nous sommes fiers d’avoir réussi à préserver cet équilibre avec un esprit d’entraide toujours renforcé.
En conclusion, vous faites tous partie d’une seule communauté d’entraide et de partage. Quel que soit votre niveau d’utilisation de Geneanet, vous êtes les bienvenus ! Si vous souscrivez ou renouvelez votre abonnement Premium, gardez à l’esprit qu’il ne s’agit pas seulement de souscrire à un produit mais également de partager une certaine idée de la généalogie.