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Société archéologique du Gers — Wikipédia

Sat 4 Jun 2022 - 21:50
« Lois de la science historique :

    Toujours puiser aux sources.
    Ne rien écrire qu'on ne sache d'original et produire ses références (renvois à des livres, à des pages de manuscrits et à des cotes d'archives).
    Éviter les assertions sans preuves.
    Travailler d'après les textes.
    Distinguer le fait important, intéressant à élucider, d'avec le fait insignifiant sans intérêt, à négliger.
    Apprécier la valeur d'un fait historique d'après son degré d'influence sur l'évolution de l'individu, du groupe ou de la société que l'on étudie ; éviter de s'attacher à des faits purement contingents absolument vides de signification.
    Présenter les faits d'une manière impartiale et toute objective.
    Éviter les publications intégrales de tout l'inédit où les faits signifiants sont noyés dans l'insignifiance et le fatras.
    Que les recherches soient longues et les résultats courts.
    Que l'histoire locale ainsi présentée constituera une décentralisation intellectuelle et se rattachera facilement à l'histoire générale. »

— Gilbert Brégail, président de la Société archéologique du Gers, 1948.

Histoire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_arch%C3%A9ologique_du_Gers

Les origines de la généalogie -Blog de Geneafinder

Sat 8 Jan 2022 - 17:37

Alors que plus de 7 Français sur 10 disent s’intéresser à leurs racines et que beaucoup essaient de remonter jusqu’aux origines de leur arbre généalogique, vous êtes-vous déjà demandé quelles étaient les origines de la généalogie .
Le Larousse définit la généalogie comme la « science qui a pour objets la recherche de l’origine et l’étude de la composition des familles ». Cela a-t-il toujours été le cas ?

La généalogie pour légitimer les religions et les peuples

Parce que la généalogie est une des sciences les plus anciennes et présente dans de nombreuses cultures, son origine est indissociable des religions et des premiers Dieux.

L’œuvre « La Théogonie » du poète grec Hésiode, qui livre un récit sur l’origine des dieux, est pour certains considérée comme l’une des œuvres fondatrices de la généalogie. Au même titre que l’Iliade et l’Odyssée qui rapportent les liens de parenté des familles de dieux et humains mortels et qui fondent la mythologie grecque.

Aussi, Confucius, né le 28 septembre 551 av. J.-C., sera le point de départ d’une généalogie descendante comptant plus de 80 générations et 2 millions de personnes. Cet arbre est aujourd’hui reconnu comme le plus grand arbre généalogique du monde.

Plus tard, c’est la Bible qui dans le Livre de la Genèse tend à prouver le lien de parenté entre les élus de Dieux et Adam. On y retrouve également une liste des descendants de Noé avec la Table des peuples ainsi que la parenté entre Jésus et le roi David au sein de l’arbre de Jessé, une œuvre reconnue comme étant l’une des premières représentations d’arbre généalogique avec des branches et un tronc.

On retrouve ce principe de liste de parentés dans de nombreuses civilisations, comme chez les Vikings, les Égyptiens (avec la liste d’Abydos - une gravure comptant les 76 rois prédécesseurs de Séthi Ier), les Romains (qui gardaient des traces des filiations dans chaque clans familiaux) ou encore les Arabes qui cherchaient à établir un lien avec le prophète Mahomet.

L’idée principale de ces généalogies résidait surtout dans l’objectif de légitimer une religion, un divin, un chef, voire même un peuple.

Au Moyen Âge, l’Église chrétienne répand un nouveau genre de généalogie, la généalogie hagiographique, ou le récit des vies des saints. Ainsi, les clercs rapprochaient les saints des rois pour assurer leur influence. A cette époque, l’Arbre de Jessé est toujours utilisé pour représenter les relations familiales. L’étude des liens de famille est d’autant plus importante que le droit canon chrétien interdit le mariage entre personnes du même sang, ainsi sont nés les premiers registres de baptêmes, mariages (et des dispenses de consanguinité) et sépultures.

La généalogie pour les nobles

Pendant de longues années la généalogie était surtout utile pour garantir aux nobles une « noblesse de sang » et ainsi leur droit à bénéficier de privilèges. Alors que les titres de noblesse étaient vérifiés lors des réformations de la noblesse, ils se devaient de démontrer les titres de leurs ancêtres sur plusieurs générations pour échapper à l’amende. En 1595 sera d’ailleurs créée la charge de Généalogiste des ordres du roi qui regroupe des experts chargés d’authentifier les généalogies nobles. Autre intérêt à justifier d’une lignée noble : la transmission héréditaire des titres et des privilèges fiscaux. Cet intérêt vaudra par ailleurs à la généalogie d’être qualifiée de « science occupée de flatter les vanités et de conserver un ordre social périmé, héritage haïssable des siècles d’obscurantisme » par les encyclopédistes du siècle des Lumières.

A cette même époque, Pierre d’Hozier, un marseillais d’origine, devient juge d’armes de France - comprenez - commis royal chargé de certifier la noblesse. Comme un titre de noblesse d’ailleurs, il transmettra ce rôle à ses descendants. Généalogiste français, il est considéré comme l’un de ceux qui ont fait de la généalogie une science. Il a, de par sa charge et entre autres, rédigé la Généalogie des principales familles de France (en 150 volumes !).

Mais à la Révolution française le ton change et la généalogie est un peu plus discréditée puisque sont donnés des titres de noblesse à quiconque pouvant les acheter. Cette science tombe plus ou moins dans l’oubli tandis qu’en parallèle les registres d’Etat civil sont de plus en plus rigoureux et accessibles. Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour que la généalogie soit de nouveau pratiquée, mais par les populations les plus bourgeoises, toujours.

La généalogie individuelle et locale

Désormais et depuis la moitié du XXe siècle la généalogie est un loisir qui se démocratise, une passion pour beaucoup même. On la pratique pour le plaisir de l’enquête, pour l’Histoire, pour mieux (se) comprendre ou encore pour les nombreuses découvertes qu’il y a à faire. Que l’on soit un généalogiste enquêteur, un généalogiste collectionneur, un généalogiste amateur ou professionnel, la quête de ses racines familiales et remplir son arbre généalogique sont aujourd’hui des activités accessibles à tous.

Notez que la religion est toujours présente dans la généalogie de nos jours. C’est par exemple le cas pour les Mormons (Family Search) qui baptisent leurs morts et qui ont, de ce fait, entamé depuis quelques dizaines d’années la numérisation et la compilation des archives mondiales. Des archives disponibles pour beaucoup en ligne.

Aujourd’hui les ressources à notre disposition sont nombreuses et accessibles sur Internet, ce qui facilite grandement les recherches des généalogistes. Les associations de généalogie y jouent un rôle important puisqu’elles mettent à disposition des registres (indexés souvent) et d’autres revues sur l’histoire locale - de quoi avancer un peu plus dans la découverte du quotidien de nos ancêtres.

Et vous, pourquoi vous intéressez-vous à la généalogie ?

généalogie histoire
https://geneafinder.com/blog?id=13:282

Je n'ai pas eu le temps de faire plus court.

Wed 17 Nov 2021 - 07:56

La question des formats sur le web est une chose fascinante. Comprendre l'émergence hier de Vine, et aujourd'hui de TikTok [et de Youtube Shorts, clone des précédents permettant de réaliser des vidéos de 6 secondes], c'est plonger dans l'histoire du web. De ce qui mena des premières pages "homepages" à la "statusphère" en passant par l'âge d'or puis le déclin des blogs (mon tout premier livre paru en 2008 ...) mais aussi l'imposition de la vidéo comme outil de captation attentionnelle semblant aujourd'hui indépassable.

Au commencement du web n'était que le texte. Les premiers navigateurs ne lisaient pas les images et dès que les images furent lues, il fallait de longues minutes avant de charger, ligne à ligne, un Gif mal dégrossi d'à peine quelques dizaines de kilos octets. Au commencement, donc, n'était que le texte. A l'époque déjà, on conversait pas mal sur IRC, l'ancêtre des Messenger et WhatsApp d'aujourd'hui. Et sur nos pages personnelles, sur nos "Homepages", si l'on pouvait faire long on se contentait bien souvent de faire court. Tout le monde faisait court. Les premières pages web des premiers sites marchands ou institutionnels en ligne se contentaient de courts paragraphes en texte noir sur fond gris. Avec parfois mais rarement, mais péniblement, quelques images en basse définition que l'on prenait des heures à regarder charger. Le format c'est le texte.

Au commencement du web c'était l'attente. On attendait. On attendait du texte. On attendait que les pages se chargent. On attendait que les images s'affichent. On attendait que la page suivant arrive. On attendait beaucoup. Et l'on était content lorsque l'attente cessait et que le texte s'affichait. Les débits augmentant (très très très mollement) et les forfaits des FAI (fournisseurs d'accès) devenant presque raisonnables (on parle quand même de plus de 30 euros par mois pour les premiers forfaits "illimités" avant quoi on était sur l'équivalent de 5 euros de l'heure !), on s'offrait la joie de payer pour poireauter. Le format c'était l'attente.

Petit à petit, tels des pionniers de canapé, quelque-un.e.s se lancèrent dans la création de leurs pages personnelles. Le web, ce web là en tout cas, devint une féérie chatoyante de mauvais goûts entremêlés où chacun se racontait sans se dire. Le format c'était le mauvais goût chatoyant et les premiers gifs animés jusqu'à la nausée.

Et puis il y eut, l'arrivée et l'explosion des blogs. Nous sommes début 2002. Les blogs et les premières 'plateformes' (Typepad, Live Journal, Blogger, etc.) c'est la possibilité de faire long sans avoir pour autant à se coller la nécessité du code HTML et de l'hébergement via FTP. Vous vous souvenez du FTP ? Le "File Transfer Protocol" qui faisait de chacun de nous des Franc Tireurs et Partisans de l'avènement d'un web où chacun, enfin, allait pouvoir écrire. Si dès le début des blogs l'empan scriptural ne souffre théoriquement plus aucune limite y compris technique, les blogs vont pourtant s'affirmer comme la forme d'une nouvelle brièveté, une brièveté ante-chronologique : il y a des journaux intimes et puis il y a tout le reste, les experts, les anonymes, les blogueurs influents, esquisse des actuels influenceurs. Sur les blogs on partage, et oui, déjà, on partage des étonnements, des choses lues, des images, et des liens, beaucoup de liens. Le format c'est le partage et l'expression de soi. Cela paraît peut-être anecdotique mais pour la première fois, un média, le web, devient saturé d'intime et d'expressions privées. Ce n'est pas anecdotique.

Youtube est créé en 2005 et racheté par Google en 2006. Lorsque c'est la vidéo qui devient le format de référence pour celles et ceux soucieux de conquêtes attentionnelles toujours plus vastes, la vidéo est souvent courte. En 2004 la 3G a débarqué en France. On peut commencer à naviguer en haut débit (pour l'époque) y compris sur des ressources et des formats excessivement gourmands en débit. Le streaming encore balbutiant au début des années 2000 va prendre définitivement son essor. En 2007 débarque le premier iPhone. 3G + smartphone + vidéo : plus rien, sur le web, ne sera jamais comme avant. Le format c'est du lourd. Lourd en poids, lourd en débit, lourd en équipement.

Faire court c'est aussi le format imposé par les réseaux sociaux, Facebook en 2004 et Twitter en 2007. On ne publie plus des contenus, on publie des "statu(t)s", des "états" (d'âme) des "positions" (géographiques), on "dit" (ce qu'on écoute, ce qu'on regarde, etc.). En un nombre de signes limité : 140 pour Twitter, 160 sur Facebook, avant extension (à 280 pour le premier, à ... 63 000 pour le second). Le format c'est "hic et nunc" : où je suis, ce que je fais, dans quel état, à quel endroit. Ici et maintenant et recommencement. Mais le web, fut-il celui des plateformes ne saurait être un étroit. Alors on ouvre et l'on peut insérer et partager des sons et des images, et comme par compensation de ce texte empêché en longueur, on peut en longueur "s'actualiser", et puis regarder les autres s'actualisant.

Vous vous souvenez du web où le format c'était l'attente ? Et bien on continue d'attendre. Mais on attend les autres cette fois, et non pas les pages. Et puisque c'est l'autre que l'on attend, et puisque l'on ne paie presque plus pour attendre, alors on ne supporte presque plus ... de l'attendre. Après la navigation, après la publication, le nouveau format c'est l'injonction. Cela peut paraître anecdotique, mais pour la première fois avec Facebook en 2004, on nous demande de dire quelque chose. C'est tout sauf anecdotique.

Le format c'est aussi celui du droit. Derrière chaque évolution, texte, image, vidéo, il y a des questions de droit. Des droits. Des droits d'auteur notamment. Alors faire court ce fut aussi un temps, s'affranchir de risques de poursuite dans une économie du remix mondialisée. A moindre coût. A moindre court. A moindre frais.

Dans la capsule. C'est la dernière étape. Jusqu'à ce jour en tout cas. Complémentaire des précédentes. Le temps qui est celui de "l'encapsulage" et qui préfigure les médias sociaux mainstream actuels. Progressivement, la capacité comme la nécessité de faire lien, de déployer des hyperliens, cette capacité s'amenuise alors qu'il devient de plus en plus facile "d'encapsuler" un contenu dans un autre. On ne renvoie plus vers un ailleurs, on ramène vers un "à soi". Les "widgets", les trucs rigolos genre "Bitty Browser", Netvibes bien sûr en 2005, et plus globalement la page web, cette entité documentaire première qui ne cesse de se fracturer, de se fragmenter. Or lorsque l'on arrête d'adresser des externalités, lorsque l'on ne fait plus qu'établir des internalités supposées se suffire à elles-mêmes, on cesse alors progressivement de naviguer, on s'habitue à faire défiler. Les réseaux sociaux arrivent et se déploient massivement dans ce contexte d'usage qui les précède et les prépare en un sens. Ils n'ont alors qu'à achever d'alléger la tâche d'encapsulage dans sa charge technique et cognitive, ils n'ont qu'à la rendre fluide pour qu'elle s'impose.

Le rêve du web est mort. Il n'est plus question d'un Homme, d'une page et d'une adresse, mais que toute l'humanité (connectée) réside à la même adresse, qu'à cette adresse on ne trouve qu'une seule et même page changeant et se rechargeant tout le temps, et que, selon les âges de la vie, comme dans l'énigme du Sphinx, cette page s'appelle Tik-Tok, Instagram ou Facebook. L'énigme du Sphinx vraiment, presque littéralement :

"Quel être, pourvu d'une seule voix, a d'abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ?"

Le corps à 4 membres sur TikTok, 4 membres qui dansent. Deux jambes sur Instagram, celles de l'adolescence, de l'autonomie que l'on se construit dans le regard des autres, des siens, des "comme soi" ou des "comment l'on voudrait être soi". Et puis Facebook le soir, toujours nos deux jambes et cette canne conversationnelle, cette béquille cognitive.

Ce n'est pas la taille, c'est le temps qui compte. Durant toutes ces années, la question de la durée de ce que l'on partage est devenue secondaire, derrière la question du temps nécessaire pour établir ce partage ; question elle-même reléguée à l'arrière-plan de celle du temps qu'occupera la publicité dans la durée du partage comme du visionnage. Avez-vous remarqué qu'il n'est pas rare aujourd'hui de passer davantage de temps à regarder la ou les publicités conditionnant l'accès à un contenu que ce contenu lui-même ? Mais dans la cour principale des plateformes, l'essentiel demeure de faire court. Le format c'est la vitesse. Il faut publier vite. Il faut partager vite. Il faut visionner vite. Il faut vite passer au visionnage suivant. On attend toujours, mais on n'attend plus des pages, on n'attend plus des gens, on attend que se maintienne un rythme, une cadence, un enchaînement, une ritournelle.

Longtemps chacun cherchait son court. Un court billet de blog à lire. Une courte vidéo à regarder. Chacun cherchait son court mais chacun suivait son lien. Il y avait bien sûr déjà des attracteurs étranges qui l'on n'appelait pas encore "influenceurs", le capitaine Gloasguen d'Embruns et quelques autres ; mais il n'y avait aucun mur sur l'océan et surtout il n'y avait aucune autre relance automatique que celle de notre propre curiosité ou du coût cognitif permettant de pallier notre ennui de surfeur dilettante en allant chercher un dernier lien, pour la route.

Tout est question de rythme. Sur le web et les plateformes aussi. 120 battements par minute pour la House des années 1990, celle des débuts du web. Et 24 images par seconde pour le cinéma. Et sur le web, tant d'autres formats. Mais toujours plus courts, 10 secondes, 15 secondes mais avec le plus souvent non plus 24 mais 30 images par seconde (comme le réclame la norme NTSC en vigueur aux USA). Comme le nombre de signes de la statusphère, dire toujours plus mais avec toujours moins de texte. Des vidéos toujours plus courtes mais avec toujours plus d'images.

"Less is More" écrivait et prônait l'architecte Mies Van Der Rohe. Il ne s'agit plus ici d'une forme d'épure, mais d'une recherche de tout ce qui sature.

Comme une contraction, un Big Crunch qui serait en cours plus de 30 ans après le Big Bang initial du web ; comme si nous étions au coeur de cette contraction sans savoir ce qui en sortira vraiment : un métavers, un tyran populiste, ou le compte TikTok d'un tyran populiste dans le métavers.

Comme chercheur, comme enseignant, comme parent, comme usager du web, je regarde ce temps passé à dilater du pouce ou de l'index des fragments signifiants d'insignifiance. Ces distractions. Souvent seulement vues uniquement comme des "dys-tractions", des anomalies de ce qui nous meut, de ce qui nous tire et nous attire ; distractions et dys-tractions qui, si elles en sont souvent, ne sont pas uniquement cela. Regarder et essayer de comprendre ce qui s'y invente, ce qui s'y déploie, et ceux qui s'y replient, aussi. A se demander où est la fiction pour sortir de l'affliction.

Jamais autant de gens n'ont raconté autant d'histoires. Et jamais autant d'histoires n'ont été aussi semblables. Communes ritournelles. La question est de savoir ce qui reste de la capacité de fiction quand toutes les histoires se publient sans friction et quand seules les frictions semblent capables de "faire histoire" dans le débat public.

La forme courte, les formes courtes ont toujours été présentes dans nos espaces sociaux, dans nos espaces publics, dans nos horizons culturels : litotes, métonymies, syllogismes, haïkus, apophtegmes, aphorismes, épigrammes, maximes, proverbes, feuilletons et aujourd'hui séries ... Les formes narratives, poétiques ou même rhétoriques courtes ont toujours été un essentiel de nos sociétés. Elles sont aujourd'hui au cœur de l'essentiel de nos usages numériques.

Des brièvetés en concurrence comme en co-occurence : celle de la série qui se déploie dans la longueur des saisons qui la composent ; celle du Tweet qui s'articule en Thread ou se déploie sans le défilement infini des autres gazouillis ; celle de la vidéo TikTok de 15 secondes qui fait collection au milieu d'autres dont le visionnage nécessiterait bien plus qu'une seule vie.

Faire court. Imiter le court. Reproduire le court. Faire rythme. Ce défilement est avant tout un battement, une pulsation. Le format aujourd'hui c'est la pulsation. C'est pourquoi il importe de savoir comment en contrôler la vitesse. La vitesse de ces enchaînements déterminés algorithmiquement dans le seul but de fabriquer des routines d'aliénation scopique, cette capacité à ne valoriser le court que tant qu'il concourt à fabriquer de l'artificiellement long en continu, ce refus total et programmatique du discontinu, cela interroge aujourd'hui notre capacité plus globale, plus politique, à nous confronter à des régimes narratifs nécessitant d'articuler le temps long comme autre chose que la simple agrégation de séquences courtes.

Je regardais mes étudiant.e.s faisant défiler leur compte TikTok. Je regardais mes enfants faire de même. J'avais envie d'écrire un billet. Je n'ai pas eu le temps de faire plus court.

"Je n'ai fait [cette lettre] plus longue que parce que je n'ai pas eu le loisir de la faire plus courte."
Blaise Pascal, Les Provinciales, lettre 16.

Imaginer ce monde où un autre Blaise Pascal écrirait aujourd'hui :

"Je n'ai fait ce Tweet plus court que parce que je n'ai pas eu le loisir de le faire plus long."

histoire web
https://www.affordance.info/mon_weblog/2021/11/le-temps-de-faire-pus-court.html

Entre histoire et mémoire, l’éternel conflit des interprétations - The Conversation

Sun 14 Mar 2021 - 20:30

Par Mohamed Arbi Nsiri -

Il est usuel de définir la mémoire comme étant la faculté de conserver des traces du passé et de pouvoir s’y référer activement en fonction des situations présentes. Mais très souvent, les discours identitaires, empêchent une lecture objective des événements historiques. Récemment, le « rapport Stora » a renouvelé le débat ancien, mais toujours renouvelé, autour des liens existants entre la mémoire historique et l’histoire savante. Recenser, rassembler, mettre en ordre étaient les maîtres-mots de son rapport. Mais face à ce vif intérêt pour la mémoire, d’autres voix s’élèvent pour mettre en garde contre l’instrumentalisation de ce qui reste vivant de la « mémoire historique » au service de la politique.

Devoir de mémoire

Dans son livre intitulé Douze leçons sur l’histoire (1996), Antoine Prost récapitule les différences fondamentales qui existent à ses yeux entre histoire et mémoire. Selon lui, à l’inverse de l’histoire, la mémoire isole un événement de son contexte ; elle cherche à le tirer de l’oubli pour lui-même et non pour l’insérer dans un récit cohérent créateur de sens ; selon lui, la mémoire est affective, tandis que l’histoire se veut objective. Ainsi, en dépit des apparences, l’injonction incantatoire au « devoir de mémoire », lui semble-t-elle en réalité une négation de la demande d’histoire.

Cet antagonisme entre histoire et mémoire est apparu récemment. Il est la conséquence des profondes mutations qui, depuis plus d’un siècle, ont affecté la définition de l’histoire comme celle de la place revendiquée dans la société par les historiens. Progressivement, ceux-ci ont pris de la distance vis-à-vis de la fabrication d’un roman national, et ont affiché leur méfiance, après les expériences douloureuses du XXe siècle, envers toute tentation de manipulation de la mémoire collective. Les renouvellements introduits par l’École des Annales en faveur d’une histoire globale inscrite dans la longue durée ont aussi contribué à cette rupture des historiens avec l’histoire-mémoire traditionnelle. En contrepartie de cet effacement, on assiste depuis quelques années à la montée des revendications mémorielles, face auxquelles les historiens doivent se positionner.

Entre « Clio » et « Mnemosynè »

À l’origine, l’histoire est mémoire. Au Ve siècle av. J.-C., Hérodote d’Halicarnasse justifie d’ailleurs d’emblée son entreprise par la volonté de préserver de l’oubli des événements qu’il juge d’importance. En ce sens, au moment de sa fondation, l’Histoire ne se donnait pas un objectif si différent du mythe : la poésie épique de type homérique, ou bien la tragédie, mettaient également en scène les grands événements du passé sans négliger d’en proposer une explication. D’ailleurs, rappelons que les Grecs considéraient que Mnemosynè, c’est-à-dire la mémoire divinisée, était la mère des neufs Muses, dont Clio la Muse de l’histoire. Déjà à la fin du VIIIe siècle av. J.-C., Hésiode se présente, dans les premiers vers de sa Théogonie, comme celui auquel les Muses ont accordé la connaissance du passé héroïque.

Comme le rappelle Paul Veyne à juste titre, le poète est un possédé de la mémoire, un témoin inspiré du mythe constructeur du passé. L’historien, pour sa part, est témoin d’un temps. Mais le principe est le même : Lucien de Samosate rapporte que les auditeurs des lectures publiques effectuées par Hérodote à Olympie donnèrent aux neuf livres de ses Enquêtes les noms de chacune des Muses.

Authentique ou non, cette anecdote révèle un parallèle établi entre l’historien et le poète, dans leur rapport à la mémoire autant que dans l’agrément de la forme. Durant toute l’Antiquité classique subsiste l’idée que l’historien transmet par son œuvre un souvenir mémorable utile à la postérité. Celui qui l’a formée le plus clairement est sans doute Cicéron, dans ses Dialogues de l’Orateur écrits en 55 av. J.-C., dans lesquels il présente l’Historia comme un témoin des temps.

Ainsi, chez les Romains de la fin de la République et du début du régime impérial, l’histoire se fait véritablement remémoration à vocation exemplaire : la commémoration y est source d’émulation et contribue à construire une mémoire socialement effective, procédé très sensible par exemple chez Tite-Live. Toutefois, si l’histoire est bien mémoire, elle ne constitue pas qu’un aspect de celle-ci, sous une forme particulière et qui peut même être jugée mineure. D’une manière générale, les sociétés méditerranéennes de l’Antiquité disposaient de supports mémoriels puissants et variés qui ne leur rendaient pas indispensable l’écriture de l’histoire.

Tout se passe comme si l’invention de l’histoire s’était produite inexplicablement, sans réelle demande sociale. Et comme l’a bien mis en évidence l’historien italien Arnaldo Momigliano (1908-1987), les Grecs disposaient, sans l’aide des historiens, de tous les savoirs sur le passé dont ils avaient besoin. Ceci explique que l’histoire soit restée dépourvue de véritable statut pendant une bonne partie l’Antiquité et que les historiens n’aient jamais acquis une place reconnue dans la société antique. À ce propos l’historien italien notait la chose suivante :

« Ce ne peut être un hasard si tant d’historiens grecs vécurent en exil et si tant d’historiens romains furent des sénateurs d’un âge mûr : les uns écrivirent l’histoire alors qu’ils se trouvaient empêchés de participer à la vie normale de leur propre cité, et les autres alors que leur vie active approchait de sa fin. » (Arnaldo Momigliano, Problèmes d’historiographie ancienne et moderne, Paris, 1983, p. 55)

Ni enseignée, ni toujours bien distinguée de la littérature dans l’esprit du public de l’agora antique, l’histoire n’était qu’une des modalités de la mémoire collective, et pas nécessairement la plus importante. Mais avec la christianisation du monde antique, l’ancrage historique de la mémoire se déplace vers la liturgie, qu’illustre les Memoriae d’Antiquité tardive et du Moyen Age.

Vers une histoire-mémoire

Lorsqu’elle émerge à la Renaissance, l’historiographie moderne cherche les racines des histoires locales jusque dans l’Antiquité qu’on redécouvrait alors avec passion : c’est ainsi qu’à la fin du XVIe siècle Étienne Pasquier (1529-1615) mit à l’honneur, dans ses Recherches de la France, le mythe de « nos ancêtres les Gaulois ».

Non que le souvenir des Anciens n’ait jamais été perdu : au contraire, il suffit de songer à la référence politique constante qu’à représentée l’Empire romain durant tout le Moyen Âge, comme en témoigne par exemple la fameuse Donation de Constantin, dénoncée notamment par Lorenzo Valla (1407–1457) comme une « création » forgée de toutes pièces. Mais désormais, l’humanisme aidant, l’amour de l’Antique caractérise le classisme européen, durant lesquels l’histoire occupe une place privilégiée dans la culture des hommes du temps.

Académies et sociétés savantes entretiennent le rêve des origines, permettant aux élites locales ou régionales de penser leur identité face à une histoire officielle dominée par la centralisation monarchique. La Révolution française et l’Empire porteront à leur comble les emprunts à une Antiquité stéréotypée et atemporelle dans le but de construire une mémoire lavée de l’héritage abhorrée de la monarchie et de l’Ancien Régime. Par la suite, les nationalistes du XIXe siècle puiseront à leur tour abondamment dans l’histoire ancienne (pas seulement gréco-romaine d’ailleurs) pour fonder leurs revendications souvent antagonistes.

En France par exemple, la construction de la mémoire collective a procédé par flux et reflux. La place accordée au Moyen Âge est de ce point de vue significative. Si l’on considère que, pour être opératoire, le travail de mémoire doit succéder à temps d’oubli, alors il a dû être singulièrement efficace s’agissant du Moyen Âge. Plus qu’un oubli, on y verra d’ailleurs plutôt un effort délibéré de distinction et, dans le même temps, de dépréciation peu favorable à une remémoration continue : c’est ainsi que les savants de la période classique et de celle des Lumières ancrèrent dans les esprits une certaine idée du Moyen Âge, obscur et peu digne d’intérêt, que les hommes de la Renaissance avaient lancée.

L’engouement romantique pour la période médiévale apparaît donc, de ce point de vue, comme une grande rupture dont les premiers conservateurs et muséographes des années révolutionnaires furent certainement les éclaireurs. Les musées (Cluny, Petits-Augustins…), donc, mais aussi les arts, romanesque ou pictural, connurent alors un véritable foisonnement médiéval qui ne se démentit pas par la suite : même si leur œuvre était pétrie d’erreurs historiques grossières, Alexandre Lenoir, Victor Hugo ou Alexandre Dumas ont éveillé une passion populaire pour cette période historique. La qualité historique de leurs écrits importe peu ici : rapidement, de vrais historiens prendront le relais, qui n’auraient jamais pu le faire sans cet engouement initial.

C’est à partir de là qu’une dynamique a été impulsée, dont l’enseignement – secondaire et supérieur dès la Restauration, primaire à partir de la IIIe République – a été le principal moteur, entre vulgarisation des apports de l’histoire savante et passion de plus en plus partagée pour le Moyen Âge. Là, le « mythe des origines », pour reprendre l’expression de Marc Bloch, trouvait sa pleine expression : Clovis à Tolbiac, Charles Martel à Poitiers, Charlemagne et sa barbe fleurie à Roncevaux, Louis IX sous son chêne et Jeanne d’Arc sur son bûcher… Les Français des trois derniers quarts du XIXe et de la première moitié du XXe siècle invoquaient les grandes figures que le premier sentiment national, médiéval celui-là, avait déjà honorée, mais en les réactualisant totalement.

Un subtil compromis avec toutes les formes de l’héritage révolutionnaire permettait que, miraculeusement, tous les Français s’y retrouvent, ce en quoi le mythe peut être qualifiée de pleinement opératoire. Sans surprise, il se délita lorsque le sentiment national lui-même qui le sous-tendait s’affaiblit pour différentes raisons politico-culturelles, dont la mondialisation.

Enfin, l’on peut remarquer que les identités dites « de minorités », régionalistes notamment, qui s’affirmèrent en s’opposant à une identité nationale englobante dont elles se disaient victimes, s’agrégèrent selon un mécanisme similaire d’invocation d’une mémoire des origines médiévales : les Bretons retrouvèrent le roi Arthur et Brocéliande, les Languedociens les Cathares et les Corses les pourfendeurs de Maures.

L’histoire, la mémoire et l’oubli

Réfléchissant le lien entre le trio histoire, mémoire et l’oubli, le philosophe Paul Ricœur (1913-2005) établit un utile distinguo entre mémoire « empêchée », « manipulée » et « obligée », et invite en conséquence au « travail de mémoire », une notion jugée moins stérilisante que l’omniprésent « devoir de mémoire », ce passage obligé de nombreuse exhortations issues de la classe politique. C’est d’ailleurs en réaction contre les risques de dérapages antiscientifiques inhérents à ces rappels à l’ordre que, dans la fin des années 1980, s’est développée une histoire de la mémoire, en tant que branche de l’histoire des représentations.

L’histoire de la mémoire collective est ici entendue comme celle de l’usage des passés dans les présents successifs. Caractéristique de cette démarche, l’entreprise de Pierre Nora par exemple, vise à l’établissement d’une cartographie mentale. Dans ce cadre, les lieux de mémoire sont entendus largement, puisqu’à côté des « panthéons » nationaux des emblèmes figurent également des notions telles les spécificités régionales, l’imaginaire, le folklore populaire… (etc.). Ici, « lieu » équivaut à « élément du patrimoine symbolique ». L’étude de Pierre Nora, partie d’une volonté de déconstruction d’un paysage anthropologique familier, aboutit à la mise sur pied d’un ensemble monumental.

histoire mémoire
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Le couvre-feu permanent : une histoire longue du confinement nocturne

Mon 18 Jan 2021 - 20:51

The Conversation - 14 janvier 2021 par Arnaud Exbalin
licence Creative Commons Attribution/Pas de modification. The Conversation

Le couvre-feu renvoie dans l’imaginaire collectif aux guerres du XXe siècle, imposé pendant le Blitz aux habitants de Londres en 1940 ou encore par le gouvernement français aux musulmans algériens en 1961.

Ce qui s’apparente à une mesure militaire – renforçant ainsi le ton martial tenu par certains chefs d’État, d’Elizabeth II à Emmanuel Macron – est au regard du temps long d’abord une mesure de police chrétienne visant à mieux marquer et à différencier le cycle du jour de celui de la nuit.

Au Moyen Âge et à l’époque moderne, avant l’éclairage généralisé, les citadins vivaient un couvre-feu permanent. Retour sur des siècles de confinement nocturne.

L’Ancien Régime nocturne

La nuit est longtemps restée imperméable aux curiosités historiennes. Mais les choses ont changé depuis une vingtaine d’années grâce aux travaux de Jean Verdon sur le Moyen Âge, de Simone Delattre sur les nuits parisiennes au XIXe siècle ou encore ceux d’Alain Cabantous pour l’époque moderne. Ces historiens ont insisté sur un moment décisif situé entre le XVIIIe et le XIXe siècle qui a vu le basculement d’un ancien régime nocturne tout modelé par la peur des ténèbres à un nouveau rapport à la nuit, où « sortir » est devenu une pratique socialement valorisée.
L’ouvrage de Simone Delattre publié en 2000 est une approche culturelle des pratiques nocturnes a marqué le champ historiographique des sensibilités et inspiré bon nombre d’historiens intéressés par la nuit.

Le vocable existe dès le Moyen Âge. Le couvre-feu – ou courfeu qui donne curfew en anglais – ne recouvrait pas la dimension d’exception qu’il revêt aujourd’hui. L’évolution sémantique qu’en donne Antoine Furetière (1690) est riche de sens pour le citoyen actuel : « signal de retraite qu’on donne dans les villes de guerre pour se coucher ». Une mesure, toujours selon Furetière, qu’aurait imposée Philippe de Valois au début de la guerre de Cent Ans qui consistait à sonner la retraite par la cloche de l’église ou celle du beffroi ; mais d’ajouter aussitôt qu’elle désigne aussi, au moment où il élabore son dictionnaire, la discipline « de se mettre à couvert des débauchés et des voleurs de nuit ».

Le couvre-feu est alors la norme dans l’ensemble des villes occidentales du XIVe au XVIIIe siècle ; les chartes de coutumes et les ordonnances de police fourmillent d’interdictions de circuler de la tombée de la nuit au lever du jour. Elle est à la fois une mesure préventive contre les incendies qui menacent les maisons en bois, de régulation des horaires de travail et de sûreté publique.

Une nuit à Paris au XVᵉ siècle

La nuit fait peur. Cette nuit-ténèbres peuplée de lycanthropes, de sorcières et d’êtres maléfiques, personnages qui ne filtrent plus aujourd’hui que dans les comptines pour enfants. Inventés par les théologiens et les démonologues, ils façonnèrent profondément les sensibilités. La nuit diabolique se double d’une nuit criminelle, elle aussi un produit des juristes qui élaborent un jus nocturnis (droit nocturne) où l’obscurité, parce qu’elle implique la préméditation, est toujours une circonstance aggravante dans l’échelle des délits et des peines. Les historiens ont pourtant démontré à partir d’analyses sérielles des archives judiciaires que crimes et larcins n’étaient pas plus nombreux la nuit que pendant le jour.

Voilà le déroulé d’une nuit ordinaire à Paris au XVe siècle en plein hiver. À la tombée du jour, les vêpres sonnent aux clochers des églises et des couvents. Il est entre 16h et 17h, les hommes et les femmes cessent de travailler et regagnent leur foyer. Certains traînent dans les tavernes des faubourgs ; les gueux sans logis cherchent tant bien que mal un abri sous un étal. On sonne complies à Notre-Dame, c’est la fermeture des dernières échoppes. Il est 19h, c’est l’heure du couvre-feu qui varie en fonction des saisons. La grande majorité des habitants se renferme alors à double tour. Quelques écoliers, dont un certain François Villon, s’attardent malgré le tintement à 21h de la grande cloche de la Sorbonne, chahutent ivres, cherchent à fracturer une porte ou un huis. Un peu plus tard, deux domestiques équipés de lanternes avancent à pas pressés à la recherche d’un chirurgien pour leur maître malade. Au loin, à de rares intervalles, passent les archers du guet. Exceptionnellement, le calendrier chrétien ménage des fêtes nocturnes qui outrepassent le couvre-feu : feux de joie de la Saint-Jean, torches des Brandons, chandelles de la Chandeleur.

Les veilleurs de nuit

Jusqu’au XVIIIe siècle, les dispositifs de contrôle des espaces nocturnes sont extrêmement rudimentaires : fermeture des portes des enceintes fortifiées, usage de chaînes pour entraver les rues principales et de grilles aux fenêtres, instructions données aux corporations pour faire respecter les horaires de travail, limitation des horaires d’ouverture des tavernes. Dans cette perspective, le couvre-feu est une manière de pallier la faiblesse numérique des forces de l’ordre. En vidant la ville des circulations humaines, le couvre-feu facilite les rondes opérées par les quelques gardes. La main forte déployée la nuit se substitue alors aux régulations sociales exercées par le voisinage pendant le jour.

Le guet est une obligation des corporations auquel s’ajoute à Paris le guet royal : 40 sergents à pied et 20 à cheval dans une ville qui frôle alors les 200 000 habitants selon Claude Gauvard. Et encore ce guet est-il notoirement inefficace : les sergents s’endorment, jouent aux cartes, se laissent corrompre par les malandrins. À Toulouse, à Perpignan mais aussi dans les Provinces-Unies comme à Leyde, des réveilleurs de nuit sont chargés de faire respecter le couvre-feu, patrouillent dans les rues, procèdent à des contrôles, chassent les ivrognes. À Sienne ou à Venise étudiée par Élisabeth Crouzet-Pavan, les Custodi di notte qui relèvent des magistratures municipales depuis le XIIIe siècle jouent un rôle similaire. À Mexico, dès le XVIIe siècle, les guardapitos puis les serenos sont des gardes nocturnes équipés d’une lanterne, d’un sifflet et d’une hallebarde.

Les serenos que l’on retrouve aux quatre coins de l’Amérique espagnole évacuent les ivrognes, chassent les mendiants, éradiquent les chiens errants tout en criant, à chaque demi-heure et d’une voix lancinante, le temps qu’il fait et l’heure qu’il est.

Il ne faut pas s’imaginer que le couvre-feu était synonyme d’interdiction stricte et totale de circuler dans les rues et, ce faisant, de penser que les rues des villes d’Ancien Régime étaient totalement désertes une fois plongées dans l’obscurité. Mais ceux qui se déplaçaient devaient avoir de bonnes raisons de le faire : appeler un curé pour administrer l’extrême-onction à un mourant, chercher une sage-femme pour un accouchement imminent, avoir une dérogation du maître pour travailler à des heures indues. Les passants devaient signaler leur présence en criant et en portant une lanterne à main, d’où le succès des porte-falots qui subsistent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Gare à ceux qui circulaient armés et sans lumière ; gare également aux locataires sans le sou qui déménageaient nuitamment avec les meubles des propriétaires… En période de troubles, le couvre-feu devenait plus strict, comme au début de la Fronde en 1648 ou pendant la période révolutionnaire en 1792.

L’éclairage public, une révolution globale

La grande révolution du XVIIIe siècle est la diffusion de la lumière artificielle. Ce qui nous semble aujourd’hui d’une banalité déconcertante – se promener dans des rues éclairées – est en réalité le résultat d’un processus qui s’étala sur près de deux siècles, du XVIIIe au XIXe siècle, un processus global qui transforme en profondeur notre rapport à la nuit : à Paris et à Londres dès la fin du XVIIe siècle, à Amsterdam et à Bruxelles au début du XVIIIe siècle, et plus tard, à partir des années 1770, à Genève étudiée par Marco Cicchini, à Madrid mais également de l’autre côté de l’Atlantique à Mexico où plus d’un millier de réverbères furent installés en 1790, à Boston, New York ou encore à La Nouvelle-Orléans au début du XIXe siècle.

Grâce aux travaux de Sophie Reculin, on sait que dans le Royaume de France la généralisation des lanternes à chandelle, puis à huile (réverbères dotés de miroirs), avant que le gaz et l’électricité ne s’imposent, fut un processus au long cours – ni linéaire, ni consensuel. Cette nouveauté était en effet loin de susciter l’approbation du voisinage : pourquoi éclairer les rues s’il n’y avait rien à y faire ? N’est-ce pas un moyen d’encourager les vices nocturnes ? L’éclairage public est alors un dispositif technologique dont le coût très élevé pour les municipalités entraîna une hausse des taxes sur les denrées. Il impliquait des contraintes techniques et matérielles : fixer les lanternes, les approvisionner en combustible, les allumer et les éteindre selon des horaires qui variaient selon la saison et la position de la lune.

Le temps des plaisirs noctambules

En encourageant les déplacements nocturnes, la lumière artificielle suscitait à son tour de nouveaux forfaits et plaçait sous des réverbères le halo des amours vénales qui auraient dû, selon les hommes d’Église, rester dans l’ombre. Le bon fonctionnement de l’éclairage impliquait la présence constante d’allumeurs, la multiplication des patrouilles policières et donc un contrôle territorial plus prégnant. La police moderne, territorialisée, en arme et en uniforme, est en partie fille de la nuit.

Surtout, de manière silencieuse, l’extension progressive des durées d’éclairage et des espaces reconfigure la scansion du temps nocturne, repoussant plus loin dans la nuit le moment de la retraite et du confinement dans les logis. À mesure que la nuit s’ouvre aux loisirs noctambules dans des soirées qui s’étirent (théâtre, promenade, tavernes), les obsessions de la police migrent pour se focaliser sur les relâchements des corps : manifestations publiques de l’ivresse, jets d’urine, tapage. L’impératif du couvre-feu se dilue peu à peu dans les exigences nouvelles des urbanités nocturnes, un processus observable dans l’évolution du contenu des règlements de police.

Il faut rentrer franchement dans le XIXe siècle pour voir s’épanouir dans les grandes villes l’ère du noctambulisme. D’abord, sous la Monarchie de Juillet, un noctambulisme élégant porté par les élites et des dandys qui revendiquent l’euphorie d’une vie à contretemps ; ensuite sous le Second Empire avec l’haussmannisation, la généralisation de l’éclairage au gaz, le développement des grandes artères commerciales et des grands magasins : le noctambulisme se répand alors dans les couches populaires, à la faveur des bals et des cabarets qui se démocratisent et des cafés-concerts qui se développent sur les Champs-Élysées. La pratique du couvre-feu avait alors disparu avant d’être brutalement restaurée pendant l’occupation prussienne de Paris en 1870.

En définitive, et au regard du temps long du confinement nocturne, le couvre-feu imposé par les pouvoirs publics est d’un genre nouveau : ni mesure militaire, ni disposition chrétienne visant instaurer une alternance claire entre travail et repos, il relève d’une police sanitaire déployée dans le contexte très spécifique de la pandémie de Covid-19 qui, faut-il le rappeler, reste pour l’heure la moins « faucheuse » de l’histoire de l’humanité.

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