Le premier Clary connu est Jacques Clary, fils d'Antoine Clary et de Marguerite Canolle, qui épousa le 24 novembre 1690, en la paroisse Saint-Martin de Marseille, Catherine Barosse, fille d'Angelin Barosse, jardinier, et de Jeanne Pelissière. Un fils de Jacques, Joseph Clary (1693-1748) épousa à Marseille le 21 novembre 1724 Françoise-Agnès Amaurric, fille d'un chapelier, qui lui apporta une dot de 15 000 livres, dont 1 500 en robes et meubles et 13 500 en louis d'or. De ce mariage, naquit à Marseille, paroisse Saint-Ferréol, le 24 janvier 1725, François Clary. Historiens, journalistes et cinéastes ont contribué à répandre à son sujet les légendes les plus absurdes, faisant de lui un marchand de soieries, de savon. En réalité, après des débuts fort modestes dans la boutique de son père, il devint armateur, assureur maritime, puis négociant. Il envoyait aux "échelles" du Levant, du blé, des tissus et en ramenait du café-moka, des épices et des matières colorantes. Par un travail acharné, il put doter chacune de ses filles de 50 000 livres et sa fortune fut évaluée à sa mort à un million de livres, mais c'était en 1794 et une partie de ses créances fut réglée en assignats dépréciés.
François Clary avait épousé, en secondes noces, le 24 juin 1759, en la paroisse Saint-Ferréol Françoise Rose Somis, fille d'un ingénieur en chef du port de Marseille soeur du général et baron d'Empire Justinien-Victor Somis. François et Rose eurent plusieurs enfants. A la Révolution, compromis dans le mouvement fédéraliste de 1793, François vit son fils Etienne et son gendre Antoine d'Anthoine, époux de sa fille Marie-Rose et futur maire de Marseille, jetés en prison. Un autre de ses fils se suicida pour ne pas être arrêté. Lui-même, très abattu, mourut sans connaître la destinée royale qui sera réservée à ses deux filles, Marie Julie et Eugénie Désirée.
Marie Julie née à Marseille le 26 décembre 1771, devint reine de Naples de 1806 à 1808 puis d'Espagne de 1808 à 1813, après avoir épousé Joseph Bonaparte, frère de Napoléon à Cuges (les-Pins) le 1er août 1794. Femme forte de la famille, elle refusa de suivre son mari aux Etats-Unis, elle parcourut l'Europe avant de mourir à Florence le 7 avril 1845. Elle y est enterrée.
Cependant, c'est incontestablement le destin de Désirée, qui a marqué les imaginations. Bernardine Eugénie Désirée Clary est née à Marseille le 8 novembre 1777. Elle est d'abord courtisée par Joseph Bonaparte en 1794, qui reporte finalement son dévolu sur Marie Julie, la soeur de Désirée. Pendant ce temps, Désirée s'est fiancée officiellement avec le frère de Joseph, Napoléon Bonaparte, le 21 avril 1795. Mais le général Bonaparte est rappelé à Paris. Après avoir rencontré Joséphine de Beauharnais, le 15 octobre 1795, par le biais de son ami Paul Barras, Bonaparte renonce à ce projet de mariage.
Désirée épouse le 17 août 1798 à Sceaux le général Jean-Baptiste Bernadotte. Lorsque son époux est placé par Napoléon sur le trône de Suède le 21 août 1810, Désirée s'installe à Stockholm avec son fils Oscar né le 4 juillet 1799 (16 messidor an VII) à Paris. Au bout d'un mois, elle retourne s'installer seule à Paris. Elle ne revient en Suède que pour assister le 19 juin 1823 au mariage d'Oscar avec la princesse Joséphine de Leuchtenberg, fille d'Eugène de Beauharnais, Duc de Leuchtenberg, et petite-fille de l'Impératrice Joséphine de Beauharnais, première épouse de Napoléon.
Désirée fut par la suite, couronnée reine de Suède et de Norvège. Son mari, Jean-Baptiste, l'était depuis la mort du roi Charles XIII le 5 février 1818, sous le nom de Charles XIV Jean (Carl XIV Johan). Désirée devint reine sous le nom de Desideria. Elle ne quittera plus son royaume désormais, mais se tenant toutefois, à l'écart des obligations des souverains et en entretenant une correspondance abondante avec sa famille.
A la mort de son époux le 8 mars 1844, son fils accède au trône sous le nom d'Oscar Ier. Désirée (Desideria) meurt le 17 décembre 1860 à Stockholm à l'âge de 83 ans. Elle est inhumée dans la crypte située sous la chapelle Bernadotte de l'église de Riddarholmen à Stockholm.
Sa mère, Françoise Rose Somis, peut prétendre, au même titre que la reine Victoria, au surnom de Grand-mère de l'Europe. En effet, ses descendants se trouvent aujourd'hui sur les trônes de Suède, de Norvège, du Danemark, de Belgique et du Luxembourg.
Sources : L'almanach de la Provence - Collection Jacques Marseille - Pays et Terres de France, Wikipédia - l'encyclopédie libre et le site d'Histoire de la Fondation Napoléon.
Aucun homme n'a connu dans l'Histoire moderne une gloire comparable à celle de Napoléon Ier. L'historien Jean Tulard rappelle qu'il se publie à son sujet, depuis sa mort, dans le monde, en moyenne un livre par jour !
Son destin, aussi foudroyant que celui d'Alexandre le Grand, s'est accompli en moins de vingt ans, de son départ pour l'armée d'Italie (1796) à celui pour Sainte-Hélène (1815). De même qu'Alexandre a fondé un nouveau monde sur les dépouilles de la Grèce classique, il a déclenché des secousses telluriques qui ont donné naissance à notre monde. Cela sans l'avoir voulu...
Dès 1793, les jacobins (gauche révolutionnaire) s'étaient mis en tête de donner à la France ses « frontières naturelles » (sur le Rhin) et de renverser les « tyrans ». Jeune général victorieux, Bonaparte surgit quand la Révolution s'épuise à vouloir préserver ses conquêtes. Premier Consul, il rétablit la paix tant intérieure qu'extérieure et parachève l'oeuvre de la Révolution.
Mais l'Angleterre, qui ne tolère pas l'annexion d'Anvers, son débouché commercial sur l'Europe, va fomenter pas moins de cinq coalitions contre la France pour l'obliger à renoncer à ses « frontières naturelles ». Devenu Empereur des Français, Napoléon n'aura de cesse de leur résister, jusqu'à Waterloo.
Issu de la petite noblesse corse, le futur Empereur des Français a vingt ans quand débute la Révolution française. Il est alors lieutenant d'artillerie. L'entrée de la France dans la guerre, en 1792, lui permet de démontrer ses talents de chef et de stratège.
Premier Consul en 1799, le jeune Corse achève la Révolution avec des réformes qui imprègnent encore notre société et notre manière de vivre. Il promulgue le Code Civil, pacifie les relations entre l'État français et l'Église catholique et fonde la plupart des grandes institutions actuelles (préfets, Université, Banque de France, École polytechnique, Légion d'Honneur...).
Il lance aussi de grands travaux à Paris dont beaucoup ne seront achevés que sous le règne de Louis-Philippe Ier : la colonne de la Grande Armée (ou colonne Vendôme), le Temple de la Gloire (aujourd’hui église de la Madeleine), les arcs de triomphe du Carrousel et de l’Étoile, Bourse, le percement de la rue de Rivoli…
Devenu par son sacre Empereur des Français, Napoléon porte jusqu'à Moscou les idées de la Révolution et du siècle des « Lumières ». Par ses conquêtes, il révèle les Nations à elles-mêmes pour le meilleur et pour le pire (Italie, Espagne, Pologne, Allemagne, Russie, Égypte).
Il renverse le vieil empire germanique et prépare l'unification de l'Allemagne du Nord. Il relève aussi le nom de l'Italie. Pour cette raison, « l'Italie aime et a toujours aimé Napoléon », assure l'historien Luigi Mascilli Migliorini.
L'Amérique latine profite de la guerre menée par les Français en Espagne et au Portugal pour s'émanciper. Quant à l'Angleterre, ennemie héréditaire de la France, elle bâtit sur la défaite de celle-ci sa puissance à venir. Et l'on ne saurait oublier que le monde arabe est sorti d'une léthargie de plusieurs siècles suite à la malheureuse expédition d'Égypte.
Grâce à son art de la mise en scène, Napoléon 1er a donné à ses triomphes et à ses échecs une dimension épique que l'on peut seulement comparer à l'épopée d'Alexandre le Grand.
Napoléon Ier apparaît aussi comme un être critiquable à maints égards.
Son insensibilité à la douleur humaine, son ascétisme et son peu d'appétence pour les plaisirs de la vie, la bonne chère et les femmes, le rapprochent de Robespierre, qu'il servit d'ailleurs avec zèle dans sa jeunesse. On a aussi reproché à Bonaparte le rétablissement de l'esclavage en 1802 dans les dernières colonies françaises et le mauvais sort fait au général mulâtre Alexandre Dumas, le père de l'écrivain.
Son ambition, tout entière asservie à sa propre gloire, a eu un coût élevé qui lui a valu le surnom de « l'Ogre » : au total environ neuf cent mille morts du fait de ses guerres (note). Elle l'a entraîné dans des entreprises néfastes et sans nécessité, comme en particulier la reconquête du pouvoir après son premier exil sur l'île d'Elbe (les « Cent Jours »).
Ces critiques, formulées dès son époque par Chateaubriand lui-même, sont reprises aujourd'hui, avec beaucoup moins de talent, par des auteurs soucieux de déboulonner les idoles. Même si elles ont un fond de vérité, Napoléon n'en demeure pas moins un homme d'État exceptionnel, un personnage fascinant et une source d'inspiration inépuisable pour les historiens, les romanciers et les cinéastes.
Théologie, droit, médecine, sciences mathématiques et physiques, lettres : dans ces cinq domaines qui structurent l’université au début du XIXe siècle, les grades « conférés par les Facultés à la suite d’examens et d’actes publics […] seront au nombre de trois : le baccalauréat, la licence et le doctorat », indique le décret du 17 mars 1808 signé par Napoléon.
Ce texte pose les bases du baccalauréat moderne. Cependant, cet examen n’est pas une création ex nihilo et son intitulé existait déjà sous l’Ancien Régime. Dans quelle mesure la date de 1808 marque-t-elle un tournant dans l’histoire de l’éducation ? Quelles traces la période napoléonienne a-t-elle laissées dans l’enseignement secondaire tel que nous le connaissons ?
Du Moyen Âge jusqu’à la Révolution française, l’organisation universitaire a reposé fondamentalement sur quatre types de facultés : les « Facultés des Arts » dont le cycle d’études formait un tout en soi et un préalable à l’entrée dans les facultés spécialisées de « Théologie », de « Droit » ou de « Médecine ». Le baccalauréat antérieur à celui institué par Napoléon Ier était l’un des grades décernés par les Facultés des Arts.
Le décret du 17 mars 1808 emprunte à l’ancienne organisation des universités le tronçonnement en facultés. Il va exister de fait une différence de nature entre les facultés « professionnelles » (droit, médecine, et aussi théologie) et les deux autres facultés (lettres et sciences) qui n’eurent guère d’autre fonction officielle au XIXe siècle que celle de délivrer les grades. Ces deux facultés proviennent de la partition de l’ancienne Faculté des arts opérée par le décret de 1808.
Ce baccalauréat refondé fut bien, sur le fond et sur la forme, un examen effectif d’entrée à l’Université. L’article 22 du décret du 17 mars 1808 stipule que « pour être admis à subir l’examen du baccalauréat, il faudra être âgé au moins de seize ans et répondre sur tout ce qu’on enseigne dans les hautes classes des lycées ».
À l’origine, le jury d’examen du baccalauréat est donc composé quasi exclusivement d’universitaires. Cela découle logiquement du fait que le baccalauréat est le premier grade universitaire et un passeport d’entrée dans l’Université. Au tout début du baccalauréat, une circulaire du 5 avril 1810 prescrivait que les examens universitaires devaient commencer le 1er août.
Les aspirants au doctorat subissaient les premiers les épreuves. Puis venaient les aspirants au grade de la licence. Les candidats au baccalauréat étaient examinés les derniers. Les professeurs d’université ne pouvaient partir en vacances que lorsque tous les examens étaient terminés.
Cette refondation du baccalauréat par Napoléon Ier en 1808 n’est pas sans lien avec la fondation du « lycée » en 1802 par Napoléon Bonaparte alors premier consul (le premier des trois consuls qui dirigeaient le gouvernement). C’est aussi un triumvirat qui est placé à la tête du lycée nouvellement créé : un proviseur, un censeur, un procureur gérant (cette dernière appellation étant remplacée par celle d’économe en 1809).
Le cursus du lycée est complètement tendu vers le baccalauréat comme le marque le « compte à rebours » des intitulés des classes : de la sixième à la première (appelée aussi « classe de rhétorique ») puis la terminale, sans aucun examen intermédiaire.
Selon le décret du 17 mars 1808, les professeurs de lycée pour les « hautes classes » devaient être docteurs ; les professeurs des deux avant-dernières années, licenciés ; les professeurs des quatre premières années de lycée bacheliers.
Napoléon s’est personnellement prononcé pour que les études classiques prédominent, comme l’expliquait Louis Madelin dans La nation sous l’empereur son histoire du consultat et de l’Empire :
« Il faut que l’enseignement soit avant tout judicieux et classique […]. Avant tout, mettons la jeunesse au régime des saines et fortes lectures. Corneille, Bossuet, voilà les maîtres qu’il leur faut. Cela est grand, sublime, et en même temps régulier, paisible, subordonné […]. Il faut des conseillers d’État, des préfets, des officiers, des professeurs […]. Telles étaient les idées du maître. »
Trois inspecteurs généraux surveillent l’ensemble des lycées. Une grande partie de leurs élèves doivent être choisis à la discrétion du gouvernement « parmi les fils de militaires et de fonctionnaires qui ont bien servi ». Il s’agit avant tout de former les cadres administratifs et militaires.
On se doute que ce dispositif lycée/baccalauréat ne concerne pas du tout les filles. Certaines, rares et isolées, vont cependant passer le baccalauréat, non sans difficulté. La première bachelière est une institutrice vosgienne – Julie Daubié – qui obtient le baccalauréat à 37 ans, en 1861, après plusieurs vaines tentatives pour se présenter. Un deuxième baccalauréat est délivré à une femme en 1863 par la Sorbonne :
« C’était encore, en 1887, un phénomène extraordinaire pour une jeune fille que de se présenter à cet examen. Aux épreuves écrites, sur une centaine de candidats, on remarquait deux robes. Encore la seconde était-elle une soutane. Afin que la candidate ne fût pas mêlée à la foule, on lui avait réservé une place à part au bord de la propre table des examinateurs » (cité par Michèle Tournier, thèse de 3 °Cycle, 1972, L’accès des femmes aux études universitaires en France et en Allemagne).
Et pourtant la loi Camille Sée du 21 décembre 1880 avait créé un enseignement secondaire pour les jeunes filles, avec le soutien résolu de Jules Ferry. Mais les lycées de jeunes filles ne conduisaient nullement au baccalauréat : un « diplôme de fin d’études secondaires » était le seul aboutissement d’un cursus qui n’était nullement marqué par un compte à rebours de l’intitulé des classes. Et on pouvait passer un examen intermédiaire en « troisième année » de ce cursus.
Mais, à partir du début du XXe siècle (signe des temps et en particulier de la pression des demandes de certaines élèves), la « concurrence » s’en mêle et va dans le sens du changement. Le collège Sévigné, célèbre établissement privé laïque, institue en 1905 une préparation au baccalauréat, assortie d’un apprentissage accéléré du latin en deux ans. D’autres établissements suivent.
Finalement, l’administration de l’enseignement public doit admettre en 1908 que les établissements publics peuvent préparer les jeunes filles au baccalauréat.
En 1912, 430 candidates (sur 693) sont reçues à la première partie du baccalauréat ; 289 (sur 410) à la seconde partie. En février 1913, le Conseil supérieur de l’Instruction publique autorise officiellement les cours de latin à partir de la troisième année du cursus de l’enseignement secondaire féminin.
On passe cependant un autre cap quelques années après la Première Guerre mondiale, lorsque le décret du 25 mars 1924 signé par le ministre Léon Bérard prétend certes maintenir l’enseignement secondaire féminin avec sa spécificité instituée dans les années 1880, mais aménage très officiellement une préparation au « baccalauréat » présentée comme une section facultative (et alignée, elle, totalement sur le secondaire masculin).
Les classes de cette section facultative reçoivent les mêmes dénominations que celles du secondaire masculin ; ses programmes et ses horaires deviennent identiques par l’arrêté du 10 juillet 1925. Par contre, en fait, la section de préparation au « diplôme de fin d’études secondaires » est très vite marginalisée. Elle est même quasiment alignée sur l’autre par le décret du 15 mars 1928.
Que reste-t-il de tout cela en notre XXIe siècle ? Pas grand-chose. La dénomination des lycées et de leurs classes existe toujours, et leur quasi-triumvirat de direction aussi (à peu près). Mais les lycées sont devenus mixtes. Ils ont perdu leur premier cycle au profit des collèges. Le baccalauréat de lettres classiques est pratiquement marginalisé dans un enseignement secondaire qui s’est massifié. Et les universitaires ne font plus que présider les jurys de baccalauréat depuis longtemps.
Pour nous Français, parce qu’il est le fondateur de l’État moderne et de nos grandes institutions, sa figure tutélaire nous rappelle, tel un phare dans la nuit, ce qu’est un État fort.
Songez, 200 ans que l’homme ne serait plus et pas un jour sans que l’on écrive, publie ou se réfère à lui. Décidément ce mort-là semble bien plus vivant que nombre de nos contemporains en bonne santé!
Comment expliquer un tel succès qu’aucune défaite militaire n’a su entamer? Comment comprendre un tel engouement qu’aucune tiédeur indigéniste ou “repentiste” ne semble parvenir à éroder? Comment admettre une telle présence que ni le temps passé ni la société changeante ne semblent démentir?
À cela une réponse: Napoléon est notre éternel contemporain. Il vit dans nos mémoires et anime notre esprit au même titre que les grands héros de l’antiquité et les fondateurs immortels des nations.
Il vit dans nos mémoires et anime notre esprit au même titre que les grands héros de l’antiquité et les fondateurs immortels des nations.
Pour tous, Napoléon est ce fabuleux “professeur d’énergie”, sorti tout droit du peuple pour s’élever aux trônes d’Europe. C’est celui a qui rien ne résiste, tout réussit; capable de déplacer sans cesse les limites du possible. Son épopée en fait l’égal d’Ulysse et son destin une hymne à la liberté. Sa chute revisite son œuvre, et Sainte-Hélène, cette roche prométhéenne à laquelle les Anglais l’ont enchaîné, devient le lieu de son ultime victoire… victoire de la mémoire qui emporte les cœurs.
Pour nous Français, et parce qu’il est le fondateur de l’État moderne et des grandes institutions appelées à durer, sa figure tutélaire nous rappelle, tel un phare dans la nuit, ce qu’est un État fort. Ce qu’il a été, ce qu’il aurait vocation à demeurer. Que l’on songe seulement à la fondation du Code Civil, de la Banque de France, de la Cour des Comptes, du corps préfectoral, du baccalauréat, de la Légion d’Honneur… plus que des créations individuelles sans lien entre elles, c’est le principe même d’une puissance publique structurée, efficace et organisée, qui s’impose.
Cet ordre restauré par lui, c’est aussi le fil d’un destin national reconstitué grâce à lui. Car pour nos mémoires Napoléon est aussi l’Homme d’une synthèse, celle d’une Nation millénaire et d’un esprit nouveau. Alliage improbable mais ô combien bénéfique. Véritable alchimiste de l’Histoire, l’Empereur des Français fait de la Révolution autre chose qu’un spasme, qu’un accident, qu’un vecteur d’instabilité et de violence: elle devient féconde d’idées et de principes qui réensemencent la France et lui offre de nouveaux printemps. Avec lui les soldats de l’An II deviennent les successeurs des chevaliers francs du baptême de Reims, les Maréchaux issus du Tiers État côtoient les compagnons de Charlemagne, l’expédition d’Égypte poursuit la prise de Damas par Saint Louis et l’Empereur du peuple renoue avec le Roi thaumaturge.
Que l’on songe seulement à la fondation du Code Civil, de la Banque de France, de la Cour des Comptes, du corps préfectoral, du baccalauréat, de la Légion d’Honneur…
Napoléon pour la France c’est tout cela à la fois; c’est une idée, c’est un esprit, c’est une âme.
Alors, en ce 5 mai, quand nous nous rendrons aux Invalides devant les cendres de l’Empereur, ce n’est pas de cendres dont il sera question mais bien, en quelque sorte, d’une tradition. Car nous savons depuis Gustave Mahler que “la tradition n’est pas le culte des cendres mais la transmission du feu”.
Christian Estrosi
Bon déjà, petit retour en arrière : le sens de circulation nous viendrait de l'Antiquité. À cette époque, les hommes portent leur épée côté gauche parce que c’est plus facile de la dégainer pour un droitier, population majoritaire. Le problème, c'est que lorsqu'ils se croisent, ben leurs épées forcément se retrouvent du même côté. Et si elles s’entrechoquent par accident, ce geste peut être pris pour une provocation et finir en duel !
Donc on trouve une solution toute simple : circuler à gauche pour se croiser sur la droite, du côté où il n'y a pas d’épée. Ça va durer comme ça jusqu’au XVIIIème siècle et c'est là qu'entre en jeu Napoléon (on fête le bicentenaire de sa mort ce mercredi 5 mai 2021). Comme la règle sur les champs de bataille était depuis toujours d'attaquer par le flanc gauche, le sens de circulation, lui a l'idée géniale d'entraîner ses troupes à attaquer par l'autre côté. Pour créer un effet de surprise.
Cette stratégie lui aurait permis de gagner plusieurs batailles. Une fois installé dans les pays conquis comme l'Italie, l'Espagne ou la Prusse, une partie de l'Allemagne, Napoléon leur imposait de circuler à droite. Seuls les Anglais, ennemis de l'Empereur et qui l'ont vaincu à Waterloo - on va pas remuer le sabre dans la plaie - ont conservé leur tradition de rouler à gauche. Ceci dit en France, on ne roule pas toujours à droite !
Chez nous si les voitures roulent à droite, les trains, eux, roulent à gauche. Quand ils roulent… La raison est simple : les ingénieurs de la première ligne ferroviaire ouverte en 1827 entre Saint-Étienne et Andrézieux s’étaient inspirés des Britanniques, pionniers en la matière. Mais cette fois la raison n’était pas une histoire d’épée !
Non, comme on conduisait de la main droite, on sortait la tête à gauche. Comme Jean Gabin dans La Bête humaine. Du coup rouler à gauche évitait en sortant la tête du même côté quand on croisait un train de se le prendre en plein dans la tronche, ce qui somme toute, je n’ai jamais essayé, doit être assez douloureux.
/Chaque semaine, Benjamin Daubeuf, enseignant en histoire-géographie au lycée Val-de-Seine du Grand-Quevilly, commente un article de Courrier international en rapport avec les programmes d’histoire-géographie de terminale et de première spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP). Cette semaine : la controverse suscitée par les célébrations du bicentenaire de la mort de Napoléon./
Cette année, la France s’apprête à célébrer le bicentenaire de la mort de Napoléon. L’Empereur – qui régna dix ans, entre 1804 et 1814 – est mort en exil sur l’île de Sainte-Hélène le 5 mai 1821, à l’âge de 51 ans. Personnage historique majeur de l’histoire et de l’identité française, Napoléon Bonaparte suscite des réactions contradictoires en France, mais aussi à l’étranger.
Dans cette controverse publiée par Courrier international, deux points de vue s’opposent, qu’il peut être intéressant d’étudier avec les élèves de terminale dans le cadre du thème 3 en HGGSP “Histoire et mémoires”.
D’un côté, dans le New York Times, Marlene L. Daut met en avant la face sombre de Napoléon, notamment son rôle dans le rétablissement de l’esclavage. De l’autre, dans le Times, Jawad Iqbal préfère insister sur l’héritage qu’il a laissé à la France, qui persiste jusqu’à nos jours, et alerte sur les dangers de la cancel culture.
Un despote raciste
Marlene L. Daut est une enseignante américaine d’origine haïtienne spécialiste du colonialisme français. À ses yeux, les hommages et les expositions qui se préparent cette année en l’honneur de Napoléon sont choquants et s’inscrivent à contre-courant de la tendance historique actuelle.
En effet, dans le sillage du mouvement Black Lives Matter, beaucoup de statues de colonisateurs – et surtout d’esclavagistes – ont été déboulonnées en Amérique et en Europe. Ces actions sont associées au phénomène de la cancel culture, ou culture de l’annulation. Il s’agit, pour une partie de l’opinion publique, de se débarrasser de symboles ou de mémoires considérés comme honteux pour l’histoire du pays.
Ainsi, en juin 2020, en France, la statue de Colbert a été recouverte de peinture rouge. Les militants à l’origine de cette action cherchaient à rappeler que ce ministre de Louis XIV est à l’origine du Code noir qui régissait le statut des esclaves dans les colonies françaises.
Marlene L. Daut ne comprend pas comment, dans ce contexte, la France peut choisir d’honorer Napoléon, qu’elle considère comme “le plus grand despote du pays, véritable symbole de la suprématie blanche”. C’est en effet à l’initiative de l’Empereur que la France a rétabli l’esclavage après l’avoir aboli en 1794. Un cas unique dans l’histoire mondiale.
L’architecte de la société française
En 1804, Napoléon se proclame empereur et met ainsi fin à la Révolution française. Mais, comme le rappelle l’article de Jawad Iqbal, il mène de nombreuses réformes qui vont pérenniser certains acquis de la Révolution :
Sans le règne de Napoléon, la France moderne n’existerait pas. Il est l’architecte des institutions qui ont façonné l’identité du pays et qui sont devenues les piliers de la société.”
Le journaliste précise : “Parmi ses réformes, citons le Code civil, qui a aboli le système féodal et établi le concept d’égalité devant la loi. Il a également introduit le principe de la liberté de culte et a donné à la France son système éducatif.” Cependant, n’oublie pas Jawad Iqbal, dans le même temps, Napoléon “a rabaissé les femmes à un statut d’infériorité” et “a réinstauré l’esclavage dans les colonies françaises”.
Marlene L. Daut rappelle quant à elle la violence de la répression menée à Saint-Domingue contre les anciens esclaves qui s’étaient battus pour leur émancipation. Elle affirme que l’on peut considérer Napoléon comme “l’un des inventeurs du génocide moderne”.
Une responsabilité historique niée
Elle explique que l’ordre avait été donné d’“exécuter toute personne de couleur qui a un jour ‘porté l’épaulette’ dans la colonie. Les soldats français gazent et noient les révolutionnaires, ou les donnent en pâture aux chiens. Les colons français claironneront ensuite qu’il suffira, après l’‘extermination’, de repeupler l’île avec d’autres Africains importés du continent.”
Pour elle, la République française n’accepte toujours pas de regarder en face sa responsabilité dans le colonialisme et l’esclavage.
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Les débats à ce sujet sont en effet nombreux, et certains responsables politiques, comme Nicolas Sarkozy, ont tenté de mettre en avant les “bienfaits” de la colonisation française dans les programmes scolaires, déclenchant une levée de boucliers de la part d’une grande partie des historiens français.
“Le système éducatif français, dont j’ai été partie prenante de 2002 à 2003, veut nous faire croire que la France est un pays sans préjugés raciaux, fort d’une ‘histoire émancipatoire’”, affirme Marlene L. Daut. “La République française est, encore à ce jour, incapable de regarder en face sa part de responsabilité dans l’histoire de l’esclavage et du colonialisme”, conclut l’enseignante américaine.
Un conflit entre histoire et mémoires
On ne peut comprendre l’enjeu de ces débats si l’on ne distingue pas clairement la différence fondamentale qu’il existe entre histoire et mémoires. On peut définir l’histoire comme une science qui vise à comprendre le passé de façon neutre et objective. Les mémoires sont, en revanche, les souvenirs des événements du passé qui contiennent une charge affective, donc subjective.
Les deux notions sont cependant très liées car les mémoires sont l’une des sources avec lesquelles travaillent les historiens, qui s’efforcent de les objectiver en les confrontant à d’autres traces du passé. De même, le travail de l’historien peut faire évoluer les mémoires, en contribuant, par exemple, à élaborer des lois mémorielles mises en place par l’État.
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C’est ce conflit entre histoire et mémoires que l’on retrouve dans cette controverse au sujet de Napoléon. En effet, les célébrations en l’honneur de sa mort dénotent clairement une inflation mémorielle, c’est-à-dire un besoin croissant de mémoire pour nos sociétés.
L’article de Jawad Iqbal montre comment, justement, mémoires et histoire sont liées : “Il est déprimant de constater à quel point il est devenu courant, pour ceux qui, de nos jours, usent de l’injustice comme d’une arme de revendication politique, d’accoler à des personnages historiques des étiquettes simplistes telles que le racisme ou le sexisme, dans une tentative contestable d’imposer des critères moraux contemporains à des événements du passé.”
Or, concernant le cas de Napoléon, le journaliste souligne : “Si nous en savons davantage à ce sujet, c’est grâce aux efforts d’universitaires et d’auteurs qui se sont penchés sur sa vie. Même ceux qui le détestent doivent quand même admettre, espérons-le, qu’il n’y a que dans le cadre d’un débat ouvert, dans le respect de la liberté de penser, que l’on peut faire la lumière sur des torts historiques.”
"Ma vraie gloire n'est pas d'avoir gagné quarante batailles. Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon code civil!", confie en 1815 l'empereur déchu Napoléon au fidèle marquis de Montholon sur l'île de Sainte-Hélène.
Promulgué le 21 mars 1804, le code civil, baptisé "code civil des Français" avant de devenir "code Napoléon", demeure la base du droit civil en France.
Il a constitué une révolution juridique en organisant, pour la première fois, les relations entre l’État et les citoyens, des citoyens entre eux et en soulignant "la non-confessionnalité de l’État", premier pas vers la laïcité.
Avec le code de 1804, "l'état civil échappait définitivement à l’Église et le mariage relevait de la seule loi civile", résume l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter dans "Le plus grand bien", son livre consacré à l'histoire du code civil.
En mettant fin au règne des coutumes et des traditions (abolition des droits féodaux, fin des privilèges de la noblesse), le code civil a été, malgré ses imperfections, un facteur d'égalité des citoyens devant la loi.
Reste que ses articles (aujourd'hui abrogés) sur les femmes apparaissent d'une misogynie inouïe et qu'il a "cohabité", jusqu'à l'abolition de l'esclavage en 1848, avec le monstrueux "code noir" (rétabli par Bonaparte en 1802 après avoir été aboli par la Convention en 1794).
Le "code civil des Français" fut d'abord celui des hommes "propriétaires, mariés et pères de famille", résume Robert Badinter.
Au nom de la famille et de sa stabilité, le "code Napoléon" a en effet consacré l’infériorité de la femme mariée face à l’homme. L'épouse côtoie les mineurs et les fous au rang d'"incapable", se voit privée de tous ses droits civils du jour de son mariage.
L'article 213 original du "code Napoléon" définit ainsi les relations entre époux: "Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari".
Il faudra attendre 1970 pour que cet article soit modifié pour désormais prévoir que "les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille, pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir".
"Par certains aspects, le code de 1804 est un code conformiste, qui se veut expressément conforme aux mœurs, et un code minimaliste, qui privilégie l'héritage de la tradition juridique par rapport à la volonté créatrice", analyse l'historien du droit Jean-Louis Halpérin dans son ouvrage de référence, "L'impossible code civil".
"Le bon père de famille"
En 1800, Bonaparte, alors Premier consul, charge quatre juristes (Portalis, Maleville, Tronchet et Bigot de Préameneu, tous formés sous l'Ancien régime) de rédiger un avant-projet.
Dès 1801, le projet est débattu devant le Conseil d’État. Sur 107 séances, 55 sont présidées par Bonaparte qui n'hésite pas à donner son avis et trancher quand il le faut.
Le Premier consul intervient fréquemment, en particulier sur les articles concernant le droit de la famille ou encore l’égalité des enfants en matière d’héritage, insistant pour mettre fin au droit d'aînesse.
Le code a résisté au temps. Près de la moitié des 2.281 articles d'origine ont été conservés.
La reconnaissance du divorce par consentement mutuel en 1975, la suppression de la distinction entre enfants naturels et légitimes en 2005, la légalisation du mariage pour tous en 2013, ont fait évoluer le vieux code Napoléon. En 2014, c'est l'expression désuète "en bon père de famille" qui a disparu du code, remplacée par l'adverbe "raisonnablement".
Les articles du droit des contrats ou de la responsabilité ont été quant à eux peu modifiés mais ne reposent plus seulement sur l'obligation de réparer un dommage, mais sur une logique visant à protéger les victimes.
Le droit de propriété, "pierre angulaire du nouvel ordre social", selon Robert Badinter, a, lui aussi, changé de visage. A la terre se sont ajoutées les valeurs mobilières, la propriété intellectuelle.
Le code Napoléon ne cesse de faire peau neuve. Ainsi, depuis 2015, l'animal est reconnu comme "être vivant doué de sensibilité" et le droit au changement de sexe est codifié depuis 2016.
Documentaires, magazines et autres soirées spéciales: plusieurs chaînes vont mobiliser leurs antennes pour le bicentenaire de la mort de Napoléon, en explorant des facettes parfois méconnues ou ambiguës du personnage.
FRANCE 2: SOIRÉE ÉVÉNEMENT
FRANCE 3: L'EMPEREUR DÉCHU
Stéphane Bern consacrera le 19 avril "Secrets d'histoire" aux dernières années de l'Empereur déchu et exilé. Un crépuscule tragique pour celui qui avait cru pouvoir dominer l'Europe. Et sur France.tv, on pourra revoir un numéro dédié à "Joséphine, l'atout irrésistible de Napoléon".
LA 1ÈRE: BONAPARTE ET LA TRAITE DES NOIRS
ARTE: PSYCHOLOGIE ET EUROPE
La chaîne franco-allemande proposera deux documentaires en première partie de soirée, les 1er et 8 mai, portés par de grandes voix. "Napoléon, la destinée et la mort", raconté par Denis Podalydès, offre un éclairage particulier en s'intéressant à la psychologie d'un homme qui frôla la mort à six reprises.
HISTOIRE: JOURNÉE SPÉCIALE
FRANCE 5: LA CULTURE DANS TOUT ÇA
La chaîne publique se penche sur les relations entre Napoléon et les arts. Dans "Stupéfiant" Léa Salamé évoque son sens de la propagande, qui a favorisé l'éclosion de nombreux artistes et marqué la peinture, la sculpture et les arts décoratifs. Et revient sur la fascination des écrivains et cinéastes pour ce personnage hors du commun.
Napoléon a créé en 1802 les lycées pour former les élites de la Nation, explique Jacques-Olivier Boudon, professeur d'histoire de la Révolution et de l'Empire à la Sorbonne université, auteur de "Napoléon et les lycées" (Nouveau monde éditions)
Quelles étaient les ambitions de Napoléon en matière d'éducation ?
Quand il arrive au pouvoir (en 1799), il y a des écoles primaires, des pensionnats, et le directoire a relancé un enseignement secondaire sous la forme d'écoles centrales. Napoléon estime que l'enseignement qui y est donné est incomplet, il souhaite revenir à un enseignement plus rigide, avec des internats et une discipline plus forte. En 1802, il créé 45 lycées, où l'on enseigne les humanités aux côtés des sciences. Objectif de ces lycées: former les élites de la Nation. A la sortie, les élèves vont soit trouver directement un emploi soit poursuivre dans des écoles spéciales (en médecine, droit, pharmacie ou dans une école militaire). Ces écoles spéciales seront transformées en facultés en 1808.
Cette même année, Napoléon rétablit le baccalauréat, qui existait sous l'ancien régime. Premier diplôme universitaire, il permet l'accès à l'enseignement supérieur.
L'éducation primaire, rendue gratuite et obligatoire par la Convention, est, elle, laissée aux communes. L'Etat s'en désintéresse. Napoléon n'a pas pour ambition de former le peuple mais bien les cadres de la Nation. En effet, à partir du consulat, il a mis en place toute une série de réformes (administrative, judiciaire...) et il a besoin de juristes, de futurs préfets ou de militaires.
La création des lycées va permettre une mainmise sur l'enseignement secondaire: les programmes y sont décidés par l'Etat, le personnel y est contrôlé par l'Etat.
L'autre vocation des lycées est de pouvoir concurrencer les écoles privées qui ont été développées essentiellement par le clergé.
A quoi ressemblaient les lycées sous Napoléon ?
Dans les lycées de l'époque, qui sont ouverts exclusivement aux garçons, on porte un uniforme. Le rythme y est militaire: on fait l'appel au son du tambour. On y dispense un enseignement classique, fondé sur les humanités, comme l'histoire et la littérature. Mais les sciences y sont aussi enseignées. Impossible d'y aller si on ne connaît pas le latin. On peut y entrer vers 11-12 ans et on y reste six à sept ans.
Les études y sont payantes: 400 à 500 francs par an, soit pratiquement le salaire annuel d'un ouvrier. C'est un enseignement réservé aux notables mais les plus méritants des enfants d'officiers ou de fonctionnaires peuvent bénéficier d'une bourse.
Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?
Leur structure même a été conservée. Par exemple, à Paris, le lycée Bonaparte est devenu Henri IV, le lycée Napoléon a pris le nom de Louis-le-Grand, le lycée Charlemagne n'a pas changé de nom et le lycée impérial Bonaparte a été rebaptisé Condorcet.
Des dénominations de l'époque sont restées comme le nom de proviseur, ou celui de censeur. De même les académies, créées en 1808 avec à leur tête un recteur, sont un héritage direct de l'époque.
Pour le reste, les lycées ont beaucoup évolué, ne serait-ce que par leurs effectifs. A l'époque, ils ne scolarisaient que 12.000 élèves maximum par an. Et à la fin de l'Empire, on comptait moins de 2.000 bacheliers chaque année.
Ce qui est resté également, c'est l'idée que l'Etat a un rôle particulier à jouer dans notre pays en matière d'éducation.
Faut-il commémorer Napoléon ? En France on aime vraiment beaucoup les polémiques. Après la guerre du steak à Lyon, on se lance dans une autre polémique et celle là, est de taille : Napoléon. Car il ne manquait plus que cela, nous n'avons pas assez des querelles sur le confinement ou le couvre-feu.
Valérie Trierweiler 24 février 2021
Le 5 mai prochain, ce sera les 200 ans de la mort de Napoléon à Saint Hélène, et aujourd’hui il y a autant de voix favorables à cette commémoration que de voix contre. Il y a d’ores et déjà un certain nombre d’évènements prévus, comme une grande exposition à la Villette et un biopic en même temps, il n’y avait que 1.000 films. On ne parle même pas des ouvrages qui vont inonder les librairies. Une centaine sont prévus.
Mais le problème c'est que la difficulté se situe au niveau de l’Etat et du Président de la République en particulier. Napoléon est le personnage historique préféré des français, c’est un symbole français mais il est aujourd’hui celui qui divise le plus.
C’était un chef de guerre, Général, consul, empereur qui a gagné près de quarante batailles aux noms célèbres. Mais les historiens craignent que ces noms ne viennent qu’illustrer le plan de Paris sans que les nouvelles générations ne sachent ce qu’ils signifient : Austerlitz, Iéna, Wagram et Waterloo et bien d’autres.
Cela coince, car c’est surtout sa misogynie qui fait débat. Dans son Code civil, il faisait de la femme une éternelle mineure, alors imaginez les mouvements féministes si Emmanuel Macron décidait de le célébrer en grande pompe. Il y a aussi le rétablissement de l’esclavage 8 ans après son abolition notamment en Guadeloupe et à Saint Domingue en 1802. Il va aussi laisser mourir Toussaint Louverture emprisonné dans le Jura.
Faut-il pour passer sous silence les 200 ans de la mort de Napoléon ? C’est la question. Entre les deux tours, Emmanuel Macron avait annoncé qu’il célébrerait le bi-centenaire de sa mort notamment en présence de Poutine devant le tombeau de Napoléon aux Invalides. Aujourd’hui c’est un peu moins d’actualité.
Mais revenons à ce qui pose vraiment problème : le rétablissement de l’esclavage. En France, les mouvements indigènistes et anticolonialistes sont totalement opposés à cette célébration et on craint des débordements.
Pour les élus d’Outre-mer, c’est une commémoration impossible, ce serait faire l’apologie d’un crime. Chirac lui avait renoncé pour cela au bicentenaire d’Austerlitz en 2005.
Mais toujours est-il qu’on ne peut pas balayer l’héritage Napoléonien, il a fait entrer la France dans la modernité. Et puis il y a le souvenir de la gloire, de ses victoires. Il appartient au roman national, c’est un héros universel et du côté du ministère de la Culture, on explique que ce serait un comble qu’il soit célébré à l’étranger et pas en France.
Tout dépendra de la situation liée au Covid. Mais Macron, qui s’était comparé lui-même à Napoléon réfléchit à réunir deux causes, à faire du "en même temps" la commémoration de la mort de Napoléon le 5 mai et celle de l’abolition de l’esclavage le 10 mai. Il veut unifier la nation. Et puis comme on dit "commémorer n’est pas célébrer".
Note : Courrier International a repris cet article en le titrant "La regrettable américanisation de la France" et en ajoutant cette introduction :
En France, la critique grandit contre l’importation excessive de certaines théories de sciences sociales américaines dans l’Hexagone. Le néopuritanisme répandu dans les universités outre-Atlantique est effectivement en train d’imposer des limites au droit de critiquer, qui est pourtant fondamental, déplore ce chroniqueur québécois.
En France, 2021 sera l’année du bicentenaire de la mort de Napoléon. C’est en effet le 5 mai 1821 que ce génie politique et militaire qui transforma la face du monde rendit son dernier souffle à Sainte-Hélène. La série de commémorations prévues, dont la publication d’une centaine de livres, a pourtant mal commencé. La conférence prévue cet automne à Nantes avec l’historien Thierry Lentz a été annulée. Dans un texte sibyllin, l’école de commerce de Nantes se contente de dire qu’elle ne voulait pas « promouvoir l’héritage napoléonien en cette période »...
Le lecteur averti devinera que celui qui a rétabli l’esclavage dans les colonies en 1802, alors qu’il était Premier consul, n’est pas en odeur de sainteté dans la ville qui abrite un mémorial consacré à son abolition. Comme si ce personnage plus grand que nature pouvait être ainsi réduit à cette seule décision. Une décision qui mériterait justement d’être étudiée sous l’angle historique plutôt que sous le seul éclairage de la morale.
La révolution néopuritaine qui fait rage dans les universités américaines serait-elle en train de gagner la France ? On peut le craindre. Déjà, les annulations et les tentatives d’annulation de conférences sont légion. On pense à la spécialiste de l’esthétique Carole Talon-Hugon, chahutée à Nice et qui est l’auteure d’un ouvrage fort à propos intitulé L’art sous contrôle (PUF). L’an dernier, l’enseignante de la Sorbonne Yana Grinshpun s’est fait refuser la publication d’un texte sous prétexte qu’il ne respectait pas les règles de l’« écriture inclusive », ce code impraticable devenu le nouveau drapeau rouge des militantes féministes les plus radicales.
Ce que Grinshpun nomme la « radicalisation progressive de l’espace universitaire » a déjà atteint aux États-Unis des sommets stratosphériques. En 2018, les chercheurs américains Helen Pluckrose, James Lindsay et Peter Boghossian en avaient fait la démonstration par l’absurde. Ils rédigèrent une vingtaine d’articles truffés d’enquêtes bidon et de statistiques bidouillées flattant tous dans le sens du poil les nouvelles idéologies radicales à la mode. L’un d’eux affirmait démontrer qu’une « rampante culture du viol » sévissait chez les chiens, dont certaines races souffraient d’une « oppression systémique ». Un autre dénonçait l’astrologie comme une pratique masculiniste et sexiste afin de lui opposer « une astrologie féministe, queer et indigéniste ». Au moment où le canular fut révélé, sept de ces articles avaient été acceptés, sept autres étaient à l’étape du comité de lecture et six seulement avaient été refusés.
Un dernier, mais non le moindre, reproduisait un extrait de Mein Kampf où l’on avait simplement remplacé les Juifs par les Blancs. Il fut refusé, mais reçut les éloges de plusieurs universitaires chevronnés. Les auteurs de ce coup fumant entendaient ainsi démontrer à quel point ce qu’ils nomment les « grievance studies » — que l’on pourrait traduire par « facultés de la récrimination » ou des « doléances » — a substitué l’idéologie à l’étude des faits.
Pluckrose et Lindsay viennent d’ailleurs de publier le best-seller Cynical Theories qui s’est vu décerner le titre de « Meilleur livre politique de l’année » par le Times. Son sous-titre est déjà tout un programme : « Comment les militants universitaires ont fait n’importe quoi sur la race, le sexe et l’identité — et pourquoi cela nuit à tout le monde ».
Les « gender », « ethnic » ou « post-colonial studies » fonctionnent en effet souvent comme si les femmes, les homosexuels ou les Noirs étaient seuls habilités à parler de ces sujets. Comme si leur parole était par essence sacrée et incontestable. Comme si elle échappait aux règles normales de la critique.
Or, la critique n’est-elle pas fondatrice de l’université au moins depuis Montaigne ? Elle est inhérente et constitutive de tout travail universitaire, peu importe le sexe, la race ou l’orientation sexuelle de celui qui parle. Quant aux discours militants, qui sont respectables tant qu’ils ne se cachent pas sous de mauvais prétextes, ils ne sont pas plus solubles dans la recherche universitaire que dans le journalisme.
Comme l’écrit Thierry Lentz : « Les groupes militants ont toujours existé. Ils ont toujours été agissants. […] Cela étant, les choses changent désormais rapidement en raison de la mollesse générale de la société et des administrations. Dire qu’un étudiant est là pour étudier est presque un scandale, empêcher les interventions extérieures d’historiens ou de philosophes entre presque dans les mœurs. Sur ce point, l’avenir est sombre, n’en doutons pas. »
Alors que les digues sautent les unes après les autres, en France comme au Québec, certains réclament une loi afin de protéger la liberté de parole dans une institution qui devrait pourtant en être le sanctuaire. Nul doute que pour défendre cette liberté, il faudra des recteurs autrement plus hardis que celui de l’Université d’Ottawa qui a refusé de soutenir la professeure Lieutenant-Duval à qui l’on avait reproché l’automne dernier d’avoir osé prononcer le mot « nègre ».
« On ne peut pas faire semblant d’être courageux », disait un personnage qui en connaissait un bout sur le sujet. Un certain… Napoléon Bonaparte.