« une langue est un dialecte avec une armée et une marine » Max Weinreich (1945),
Prenez un moment et pensez à la langue que vous parlez le plus souvent et le mieux. Puis réfléchissez au(x) pays ou aux régions du monde où cette langue revêt le plus d’importance, en quantité et en qualité. Votre manière de parler est-elle identique à celle que l’on vous a appris à l’école, ou que vous utilisez dans vos réunions au travail, dans vos documents écrits ? Dans certains cas, il y aura une grande proximité (si vous êtes, par exemple, Parisien ou Londonien, ou si vous travaillez dans des cercles réduits), mais des différences significatives se révèlent dès que notre regard se tourne vers des pays ou des continents voisins.
L’Allemagne fournit à ce titre un exemple intéressant. Jusqu’au 19e siècle, il n’existait pas un « allemand » unifié, mais plutôt des dizaines de dialectes qui cohabitaient ; ceux du sud, tels que le bavarois, se démarquant tant de ceux du nord tels que l’ostphalien à Hanovre, qu’ils pouvaient conduire à une situation d’inintelligibilité mutuelle.
Ce n’est qu’en 1871, lorsque l’état-nation de l’Empire allemand fut créé, que la variante écrite « Standarddeutsch » fut imposée dans les institutions administratives et éducatives. Hanovre, lieu dont les dialectes fournirent les fondements de la phonologie du haut allemand, appartenait au royaume de Prusse. Ainsi, jusqu’à récemment, les enfants bavarois parlant les variétés les plus marquées de leurs dialectes sans connaissance préalable de l’allemand standard apprenaient une variété de langue distincte à l’école et devaient alterner entre ces dernières selon la situation.
Mais pourquoi n’appelons-nous pas toutes ces variétés des « langues » ? Quelle est la différence fondamentale entre une langue et un dialecte ? L’exploration scientifique de cette question controversée et sans doute irrésolue à ce jour est conduite par la dialectologie, un champ spécifique de la (socio)linguistique. Définir « langue » et « dialecte » de manière abstraite n’est pas une tâche aisée, comme nous allons le voir. Le sujet est important, en particulier dans le contexte européen actuel où les échanges tendus au sujet de langues et d’identités nationales se multiplient.
D’un point de vue formel en linguistique, on pourrait considérer qu’un dialecte est l’une des subdivisions d’une langue donnée qui diffère de cette dernière à plusieurs niveaux objectifs. L’étude de cas du russe nous aide à voir cela plus clairement. Le russe standard se fonde sur un dialecte parlé à Moscou, qui divise l’ouest du pays entre les dialectes du nord et du sud. Au nord, il y a au moins cinq groupes de dialectes principaux correspondant à des lieux : Vladimir, Vlatka, Novgorod, Olonets et Arkhangelsk. Ils partagent un certain nombre de différences vis-à-vis du russe standard.
En termes de phonologie (l’étude des sons d’une langue), les dialectes du nord n’affaiblissent ni ne réduisent la voyelle/o/dans les syllabes inaccentuées, tandis que le russe standard la combine avec une voyelle/a/, produisant un/ə/faible. Par exemple, много « très », « beaucoup de », se prononce « mno-gueu » à Moscou et « mno-go » au nord.
Sur le plan morphologique (la structure de mots individuels), les dialectes du nord changent les articles définis en suffixes, ainsi « le livre » se dit « ta kniga » en russe standard et « knigata » au nord.
Au niveau du lexique (les mots individuels), les variantes du nord ont des mots qui leur sont propres, tels que баской « beau » et ухват ou орать, « labourer » au lieu des mots standards красивый et вспахивать.
Enfin, d’un point de vue syntaxique (l’ordre des mots, parfois selon leur forme), certaines variétés au nord-est utilisent le cas nominatif au lieu de l’accusatif pour exprimer un object direct après un verbe à l’infinitif. Par exemple, pour exprimer la proposition « Nous devons acheter un bateau », ces variétés donneront nádo lódka(Nom) kupít’ au lieu de lódku(Acc) dans les variétés sud.
Ce raisonnement nous conduirait à considérer qu’une langue est une collection de dialectes mutuellement intelligibles. Mais comme nous l’avons vu pour l’allemand, des variétés qui diffèrent fortement peuvent causer des difficultés de compréhension et de communication. A l’inverse, on dit souvent que les locuteurs du danois, du suédois et du norvégien peuvent se comprendre relativement bien s’ils font l’effort nécessaire, or nous considérons leurs variétés comme des langues individuelles correspondant à des états-nations spécifiques. Les dialectes scandinaves sont sujets à un continuum géographique où plus la distance est grande, plus les variétés sont différentes, de manière similaire au continuum des langues romanes occidentales comprenant l’italien, le français, le catalan, le castillan et le portugais.
La distinction entre langue et dialecte est peut-être mieux comprise en tant que notion sociale et politique plutôt que purement linguistique. En ce sens, une langue serait un ensemble de dialectes, gouverné par des continuums géographiques et sociaux, et sujets à des évènements socio-politiques hissant l’un de ces dialectes au sommet de la pyramide via des processus de standardisation. Afin d’illustrer ceci, prenons l’exemple de la Chine.
On a tout d’abord le mandarin, qui est la langue standard, officielle, enseignée à l’école est parlée à la télévision et dans les autres médias. Le mandarin a historiquement été sélectionné comme norme, codifié par des grammaires et des dictionnaires, accepté par une majorité ou une minorité socialement puissante de la communauté, et élaboré pour les besoins de la nation, par exemple dans des contextes administratifs, diplomatiques et éducatifs. Ceci fait du mandarin un dialecte hiérarchiquement supérieur, un acrolecte. A l’autre bout du spectre, il y a le toisanais, qui fut parlé tout d’abord par les ouvriers ferroviaires de Guandong, et qui aujourd’hui n’est ni médiatisé, ni pratiqué à l’écrit. Il s’agit d’un basilecte. Entre les deux, le cantonais est un mesolecte : il est écrit et pratiqué dans des journaux et des médias locaux parce qu’il est parlé par un grand nombre de personnes en Chine, mais les locuteurs du cantonais doivent tout de même connaître le mandarin dans des contextes officiels.
Il est donc difficile de distinguer langue et dialecte, mais pas impossible si l’on ancre notre analyse dans des situations concrètes et des études approfondies de variétés spécifiques.
Il faut cependant noter l’arbitraire de ces hiérarchies. D’un point de vue linguistique, il est absurde de dire qu’une variété est « plus pure », « meilleure » ou « plus belle » qu’une autre, comme on le dit parfois à l’école pour dissuader les élèves de pratiquer leurs dialectes locaux.
On pourrait tout à fait imaginer un monde où le scots est la langue standard et la variété la plus prestigieuse de Grande-Bretagne, tandis que l’anglais d’Écosse serait restreint aux registres familiers et moralement dévalués. Comme le dit le linguiste Max Weinreich (1945), « une langue est un dialecte avec une armée et une marine » (« a language is a dialect with an army and a navy »). Ce dicton s’avère peut-être un peu exagéré ; mais le fait que les hiérarchies entre une langue standard et des dialectes dépendent fondamentalement de constructions socio-politiques, comme c’est le cas pour d’autres aspects de l’identité nationale, est une notion importante à garder à l’esprit dans n’importe quelle discussion sérieuse traitant de l’identité sociale ou nationale appliquée à la politique.
Ira, ira pas? Le 26 mai ou pas? Emmanuel Macron va-t-il consulter le peuple par référendum? Anti-sèche des consultations référendaires depuis 1961, en attendant...
Faire ou ne pas faire un référendum le 26 mai, jour des élections européennes, telle est la question? C'est à ce dilemme shakespearien qu'est confronté Emmanuel Macron. «Y a-t-il pour l’âme plus de noblesse à endurer les coups et les revers d’une injurieuse fortune, ou à s'armer contre elle pour mettre frein à une marée de douleurs?», se demande Hamlet, prince du Danemark, dans la pièce éponyme du dramaturge anglais, en se posant la question «To be or not to be».
Être ou ne pas être le fossoyeur du débat européen? Être ou ne pas être le rédempteur de la participation électorale? Ou bien le champion de l'écoute des «gilets jaunes»? Ou bien encore le spécialiste de «l'enfumage» comme les mêmes «gilets jaunes» et les oppositions parlementaires en accusent, en boucle, le président de la République? Macron va devoir faire le tri, entre toutes ses hypothèses et sans doute quelques autres, après avoir écouté les dirigeants des partis politiques, des constitutionnalistes, ses conseillers, ses «visiteurs du soir» et pris le pouls de l'opinion. Il sait que le référendum est à double tranchant. La population française, elle, y est favorable à 55%, d'après un sondage Odoxa mené les 6 et 7 février.
«Une mèche lente sur un bâton de dynamite»
Dans le parti qu'il a fondé, La République en marche (LREM), les parlemetaires n'ont pas l'air très chaud pour un couplage avec les européennes. Pour noyer le poisson, Gilles Le Gendre, président du groupe de l'Assemblée nationale, dit qu'organiser un référendum le 26 mai est «une question secondaire»... alors que c'est justement une question centrale avec le contenu de la ou des questions posées aux Françaises et aux Français. Le premier ministre lui-même, Édouard Philippe, a déclaré au Sénat que «tout ce qui aurait pour effet de remettre en cause la clarté du débat» sur l'Europe «serait probablement à écarter».
À l’issue de son entretien avec @EmmanuelMacron, qui consulte cette semaine les chefs de partis et présidents des groupes parlementaires, @GillesLeGendre déclare que "la décision du referendum n’est absolument pas prise ».
Au nom du parti de droite Les Républicains (LR), le patron des sénateurs Bruno Retailleau refuse le chauvauchement avec les élections: «certainement pas le jour des européennes», a-t-il affirmé. «Pas question», tranche pour sa part Jean-Christophe Lagarde de l'Union des démocrates et indépendants (UDI). Chez les centristes du Mouvement démocrate (Modem) ou et les socialistes du PS, on trouverait curieux que le chef de l'État, pro-européen, mélange les deux sujets le même jour. Dans une formule un peu sibylline et sans se prononcer sur la date d'une telle consultation, le président du groupe communiste de l'Assemblée, André Chassaigne, considère qu'un référendum pourrait «être au final une mèche lente sur un bâton de dynamite». La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN, ex-FN), enfin, ne veulent pas non plus de ce double scrutin.
Du côté des constitutionnalistes, on pourra toujours en trouver qui sont partisans du couplage et autant qui sont favorable au... découplage. Ainsi Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel pense que, techniquement, il n'est «pas impossible» d'organiser un référendum en même temps que les européennes, si la décision est «prise assez rapidement». La Constitution répond même à l'hypothèse d'un référendum comprenant plusieurs questions grâce à l'article 558-45 du code électoral. «Il est évident que si l'on veut faire une opération référendum, il ne faut pas attendre septembre», considère le constitutionnaliste Didier Maus, tout en ajoutant que faire le tout le 26 mai «ce serait minorer le rôle des européennes». Pour sa part, Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne (Paris), pense qui si Macron «fait ça à l'arrache, on va encore dire qu'il veut bâcler l'affaire».
Peser le pour et le contre avant de lancer un référendum, la plupart des présidents de la République, sous la Ve, y ont été confrontés. Des sept chefs de l'État qui ont précédé l'actuel locataire de l'Élysée, trois n'ont pas eu recours à ce vote populaire: Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981), Nicolas Sarkozy (2007-2012) et François Hollande (2012-2017). Le dernier référendum remonte au 29 mai 2005, il avait été initié par Jacques Chirac (1995-2007) pour faire adopter le traité constitutionnel européen justement et il s'est soldé par un rejet, le «oui» n'ayant obtenu que 45,33% des suffrages exprimés –un mauvais souvenir pour son auteur.
Il n'est donc pas inutile de revenir sur les neuf référendums de cette République-ci qui ont suivi celui du 28 septembre 1958 mettant fin à la IVe République par adoption à 80,63% de la Constitution de la Ve. Minée par la crise algérienne et l'instabilité gouvernementale, la IVe est vacillante. Les parlementaires confient le pouvoir au général de Gaulle qui devient président du Conseil et qui, avec les pleins pouvoirs, est autorisé à élaborer un nouvelle Constitution. Mise en forme par des juristes supervisés par Michel Debré, elle instaure un régime parlementaire dans lequel le pouvoir exécutif est renforcé.
Sur ces neuf référendums, sept ont eu une issue positive pour leur initiateur et deux ont fait l'objet d'un rejet de la part du peuple français. À l'exception d'un seul –celui instaurant le quinquennat adopté en 2000-, tous les autres référendums ont été enclenchés sur décision du chef de l'État, grâce à la procédure de l'article 11 du texte fondamental de la République.
Depuis plusieurs années, des soldats du contingent s'opposent au Front de libération nationale (FLN) qui mène une guerre pour l'indépendance de l'Algérie, pays que la France a placé sous sa tutelle coloniale. Arrivé au pouvoir deux ans et demi avant, de Gaulle décide, le 8 janvier 1961, de faire valider par référendum la politique de décolonisation qu'il a entreprise dès la fin 1958 avec l'indépendance octroyée à la Guinée.
Elle passe, cette fois, par la reconnaissance de l'autodétermination de l'Algérie où se déroule un conflit meurtrier que l'opinion souhaiterait voir s'achever. Le référendum sur cette question attire 73,76% des électeurs et électrices. Avec plus de dix-sept millions de voix, le «oui» l'emporte à 74,99%. Ce sera le troisième meilleur résultat de l'histoire des référendums de la Ve.
Enclenché un peu plus d'un an avant avec, du reste, des incompréhensions tant du côté des partisans de «l'Algérie française», qui se recrutent majoritairement à l'extrême droite –l'Organisation de l'armée secrète (OAS) a été créée un mois après la référendum sur l'autodétermination de 1961–, que du côté des partisans de la cause opposée pour laquelle milite une partie de la gauche, le mécanisme d'indépendance s'achève avec le référendum du 8 avril 1962.
À cet égard, il faut du reste noter que le FLN critiquait vigoureusement, à la fin des années 1950, le Parti communiste (PCF), force dominante sur ce côté de l'échiquier en métropole, accusé de ne pas soutenir comme il convenait pour des internationalistes la «lutte anti-impérialiste des peuples coloniaux». Plus de trois électeurs et électrices sur quatre (75,34%) participent au scrutin et le «oui» obtient 90,81% des suffrages exprimés, soit le plus haut score jamais atteint dans une consultation populaire de la Ve République. Des pourcentages qui montrent à quel point l'opinion attendait la fin de cette guerre qui ne disait pas son nom.
Doté d'une nouvelle Constitution depuis quatre ans, de Gaulle, qui vient d'assurer sa prééminence dans le règlement du conflit algérien, veut obtenir pour lui et pour ses successeurs l'onction du suffrage populaire pour occuper la fonction de chef de l'État. Les parlementaires, qui redoutent un pouvoir personnel et monarchique –pour ne pas dire autoritaire– de l'homme du 18 juin sont vent debout contre l'élection du président de la République au suffrage universel.
Voyant qu'il ne va pas pouvoir utiliser l'article 89 de la Constitution qui nécessite l'approbation des membres du Parlement pour organiser un référendum, «le général» décide d'utiliser l'article 11 (déjà mentionné) qui se passe de leur accord, en tordant l'esprit des tables de la Loi. Dès lors, de Gaulle est accusé de violer la Constitution qu'il a lui-même faite adopter. Par mesure de rétorsion, les partis représentés à l'Assemblée, à l'exception des gaullistes, déposent une motion de censure: elle est approuvée, le gouvernement Pompidou est renversé... et de Gaulle dissout l'Assemblée. Ce sera l'unique motion de censure adoptée jusqu'ici sous la Ve.
Le référendum du 28 octobre 1962 (qui intervient avant les élections législatives convoquées en novembre) assure une victoire, moins large que les précédentes, au fondateur de la France libre: le «oui» fait 62,25% des voix avec une participation de 76,97%. Et les législatives qui suivent accordent une victoire sans appel au parti gaulliste, l'Union pour la nouvelle république (UNR) obtient seule la majorité absolue à l'Assemblée, l'opposition est KO debout.
Un an après les événements de Mai 68 qui ont ébranlé son pouvoir –de Gaulle est à l'Élysée depuis onze ans–, le chef de l'État tente d'affermir son autorité et de relancer son septennat prévu pour s'achever en 1972. Il soumet aux Françaises et aux Français une double question par référendum. Il veut mettre en route une décentralisation et (ou) une déconcentration de l'État, d'une part, et passer du bicaméralisme au monocaméralisme, en supprimant le Sénat qui fusionnerait avec le Conseil économique et social (CES, devenu Cese en 2008).
Pour la première fois de l'histoire de cette jeune République –et peut-être à tort, avec le recul–, les électeurs et électrices ne répondent pas vraiment aux questions qui sont posées mais se prononcent sur celui qui les posent.
Pour la première fois de l'histoire de cette jeune République –et peut-être à tort, avec le recul–, les électeurs et électrices ne répondent pas vraiment aux questions qui sont posées mais se prononcent sur celui qui les posent. L'usure du pouvoir, l'âge du capitaine (de Gaulle est dans sa soixante-dix-neuvième année) et l'évolution de la société sont fatales au premier président de la Ve. Le «non» l'emporte avec 52,41%, la participation atteint un maximum avec 80,13%. Comme il l'avait indiqué avant la consultation du 27 avril 1969, le général de Gaulle quitte le pouvoir. Il meurt dix-huit mois plus tard.
Pour la première fois, le corps électoral français doit répondre à une question européenne: le peuple est-il favorable à l'élargissement de la Communauté économique européenne (CEE) qui compte six pays fondateurs depuis 1957: l'Allemagne de l'Ouest, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas? Il s'agit d'ouvrir l'espace communautaire européen au Danemark, à la Norvège, à l'Irlande et à la Grande-Bretagne.
Par rapport aux précédents référendums, la participation est en très net recul: 60,24%. Bien qu'il ait levé le veto mis par de Gaulle à l'adhésion britannique, une dizaine d'années avant, le président Georges Pompidou ne s'engage que très modérément en faveur de cet élargissement. De plus, le nouveau Parti socialiste qui commence son ascension à travers l'Union de la gauche avec le PCF et les Radicaux de gauche a appelé à l'abstention. Enfin, électeurs et électrices marquent un faible intérêt pour la question posée. Qu'à cela ne tienne, le «oui» décroche 68,31% des voix.
Finalement, la Norvège appelée aussi à se prononcer de son côté par référendum repoussera cette entrée dans la CEE et la Grande-Bretagne, contre l'adhésion de laquelle de Gaulle avait mis son veto en 1963, la considérant comme le cheval de Troie des États-Unis, finira par voter le Brexit au terme d'un référendum en 2016, soit quarante-quatre ans après.
Entre 1984 et 1988, la Nouvelle-Calédonie (Pacifique sud) est secouée par des «événements» qui font des victimes parmi les Kanaks autochtones, partisans de l'indépendance du «Caillou» (dénomination de ce territoire français), les caldoches, descendantes et représentants de la population européenne, et les gendarmes installés sur place pour maintenir la paix et l'ordre entre les communautés. Les affrontements atteignent leur paroxysme avec une prise d'otages sur l'île d'Ouvéa en 1988 qui fait plusieurs morts. Tout cela se passe au moment de l'élection présidentielle alors que le pays vit sous le régime de la cohabitation entre Mitterrand à l'Élysée et Chirac à Matignon.
Après la réélection de Mitterrand, Michel Rocard est nommé Premier ministre. Il mène des négocations afin d'ouvrir des discussions entre indépendantistes et loyalistes qui conduiront aux accords de Matignon du 26 juin 1988. Le référendum du 6 novembre suivant doit donc entériner ces accords. Le fait que la Nouvelle-Calédonie soit une terre lointaine de la République ne favorise pas la participation qui est alors la plus faible depuis 1961: elle est de 36,89%. Il est vrai que le Rassemblement pour la République (RPR) dont le représentant, Chirac, vient d'être battu à la présidentielle, appelle à l'abstention lors du référendum. Au final, le «oui» l'emporte avec 80% des voix.
L'Europe est sans doute le sujet qui divise le plus les Françaises et les Français tout en les attirant modérément vers les urnes. Le référendum du 20 septembre 1992 –le second décidé par Mitterrand– est consacré au Traité de Maastricht. Il donne corps à l'Union européenne qui se substitue à la CEE et institue, notamment, l'union économique et monétaire ainsi qu'une coopération policière et judiciaire en matière pénale.
Comme celui de 1972 sur l'élargissement qui a marqué un tournant dans l'intérêt que porte l'électorat à ces consultations ou peut-être aux thèmes sur lesquels sont consultées les citoyennes et les citoyens, le scrutin de 1992 provoque une participation sans grand enthousiasme de 69,69% bien que la campagne ait donné lieu à des joutes très animées entre partisans et opposants au «Traité». Le «oui» gagne avec un score étriqué de 51,05% mais tout de même plus de treize millions de voix.
S'il y a un référendum qui n'a pas attiré les foules, c'est bien celui sur le quinquennat du 24 septembre 2000. L'abstention bat un record (69,81%) et par voie de conséquence la participation également mais dans l'autre sens (30,19%). Il s'agit du premier référendum de cohabitation de la Ve République. Le socialiste Lionel Jospin est à Matignon depuis que le président Chirac, élu en 1995, a réalisé la dissolution –catastrophique– de l'Assemblée nationale, en 1997, donnant la possibilité à la «gauche plurielle» de devenir majoritaire au palais Bourbon.
Avec 73,21% des voix et 7.407.697 suffrages exprimés, le plus faible nombre de «oui» de tous les référendums organisés depuis 1961, le quinquennat devient la règle pour le mandat du chef de l'État.
La gauche est favorable à la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans, la droite y est opposée. Jospin fait campagne pour, Chirac ne s'engage pas dans cette voie d'autant qu'il a dit, quelques mois avant la consultation populaire, exclure de modifier la Constitution pour établir le quinquennat. Premier référendum de cohabitation, celui-ci est aussi le premier référendum constitutionnel qui est organisé par le biais de l'article 89, celui qui permet aussi de se passer de l'accord du président de la République car l'initiative peut être prise par les membres du Parlement.
Avec 73,21% des voix et 7.407.697 suffrages exprimés, le plus faible nombre de «oui» de tous les référendums organisés depuis 1961, le quinquennat devient la règle pour le mandat du chef de l'État. Le calendrier électoral ayant été modifié afin de caler les élections législatives juste derrière le scrutin présidentiel, histoire d'assurer une majorité confortable au nouvel élu, il n'est pas certain, à l'expérience, que le quinquennat ait été la réforme constitutionnelle la plus judicieuse de la Ve République.
Dernier référendum en date, c'est-à-dire remontant à quatorze ans en arrière, le scrutin du 29 mai 2005 reste l'un des deux échecs référendaires. Pour la seconde fois sous la Ve République, le «oui» est minoritaire (45,33%) –près de treize millions de voix– et le «non» l'emporte donc. Les électeurs et électrices ne veulent pas d'une Constitution pour l'Union européenne proposée par Chirac.
Cet échec de 2005 a eu deux conséquences: aucun de deux successeurs de Chirac, Sarkozy et Hollande, n'a convoqué de référendum –Macron romprait avec quatorze années d'abstinence en en organisant un–, et les divergences sur l'Europe dans les partis de gouvernement sont en partie responsables de leur éclatement.
Le président comptait sur l'appui donné à ce traité par les grands partis de gouvernement –Union pour un mouvement populaire (UMP), Union pour la démocratie française (UDF) et Parti socialiste–, pour obtenir une ratification populaire. Mais c'était oublier deux facteurs qui ont contrarié cette analyse. L'un déjà connu avec de Gaulle en 1969: se prononcer sur l'homme plutôt que sur la question. Ici, ce n'est pas tant le chef de l'État qui est sanctionné que son Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, dont la politique soulève un certain mécontentement. L'autre paramètre, c'est la fracture entre pro-européens et euro-sceptiques au sein même de l'UMP et du PS.
Dans ces deux partis, des souverainistes de droite et de gauche vont émerger de façon durable. En l'espèce, le référendum étant proposé par un président de droite, la victoire du «non» est confortée par un électorat de gauche hostile à l'Union européenne. Cet échec de 2005 a eu deux conséquences: aucun de deux successeurs de Chirac, Sarkozy et Hollande, n'a convoqué de référendum –Macron romprait avec quatorze années d'abstinence en en organisant un–, et les divergences sur l'Europe dans les partis de gouvernement sont en partie responsables de leur éclatement. C'est déjà fait pour le Parti socialiste. C'est en cours d'achèvement pour Les Républicains.
Paris – Âgée de près de 4500 ans, la politique est décédée ce matin, après avoir affronté courageusement mais en vain la maladie. Reportage.
Entourée de ses proches et amis, la politique est partie « sereinement » et avec le « sentiment du devoir accompli » même si ces derniers jours ont été très rudes expliquent les proches. « Toutes les déclarations récentes, ces secrétaires d’Etat qui veulent être vues partout dans les émissions de prime time au lieu d’aller au contact des citoyens, les ministres de l’intérieur qui utilisent de la novlangue quand des gens sont éborgnés, ça été trop dur ». Après discussions avec l’équipe médicale, il a ainsi été décidé de couper les machines qui maintenaient en vie la politique depuis avril 2002. « Au moins, elle ne souffre plus, c’est ce qu’il faut se dire » a confié une amie à la sortie de l’hôpital. Il se murmure en outre qu’à la dernière minute la politique aurait fait modifier son testament, déshéritant ainsi la totalité de ses enfants et petits enfants. Comme le souligne un analyste « Je pense qu’elle veut faire passer le message comme quoi ils ont vraiment merdé sur la fin».
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POLITIQUE - Enfin une polémique soigneusement évitée. En s'exprimant devant des maîtres-boulangers à l'occasion de la traditionnelle galette des rois de l'Élysée, ce vendredi 11 janvier, Emmanuel Macron a certes provoqué un début controverse. L'interprétation d'une phrase alambiquée évoquant "le sens de l'effort" des Français oppose en effet les partisans et les adversaires politiques du président de la République. Mais avant de disserter sur les vertus du travail et du mérite, Emmanuel Macron s'est bien gardé d'enflammer un autre sujet qui, lui aussi, divise le pays.
Doit-on dire "pain au chocolat" ou "chocolatine"? En évoquant cette question clivante devant les boulangers, le chef de l'État s'est bien gardé de mettre les pieds dans le plat. "Je ne veux pas ici rentrer dans la polémique ô combien trop difficile pour moi entre la chocolatine et le pain au chocolat" s'est-il défaussé. Et Emmanuel Macron de faire valoir l'unité du pays en s'abritant derrière une confortable "position de neutralité".
Pourtant à l'Assemblée en mai dernier et au Sénat en juin, son gouvernement avait pris parti contre "l'amendement chocolatine" déposé par des parlementaires LR. "Est-ce vraiment une question du niveau du Parlement?", s'était demandé le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, lors de discussions expéditives dans les hémicycles qui rappelaient les dialogues... d'une parodie de Star Wars mis en ligne sur Youtube en septembre 2017 dans laquelle Obi-Wan, pro pain au chocolat, tente de raisonner Anakin de la team chocolatine, comme le montre notre montage vidéo.
Autre indice montrant que l'Élysée manque vraiment de neutralité en la matière: Guillaume Gomez, chef des cuisines à l'Élysée et parisien de naissance, a lui aussi pris parti en faveur de la team pain au chocolat, en publiant en novembre sur Twitter une photo de viennoiseries accompagnée du hashtag "#TeamPainAuChocolat". La riposte du camp sudiste ne s'est guère faite attendre. Les chefs étoilés Michel Sarran et Hélène Darroze, accompagnés de Philippe Etchebest, ont aussitôt pris la défense du terme chocolatine.
À l'avenir, si Emmanuel Macron souhaite maintenir un semblant de consensus, il devra rester aussi évasif au sujet des viennoiseries que de l'épiphanie, en ménageant autant que possible la susceptibilité des amateurs de galette à la frangipane et ceux du gâteau brioché.