Les revendications égalitaires de 1789 ont apporté la promesse de l'émancipation… pour finalement mieux bâillonner les femmes.
«Les hommes ont fait le 14 juillet, les femmes le 6 octobre, écrivait Jules Michelet dans Les Femmes de la Révolution (1854). Les hommes ont pris la Bastille royale, les femmes ont pris la royauté elle-même.» L'historien fait ici référence à la marche des femmes sur Versailles les 5 et 6 octobre 1789. Les Parisiennes en colère étaient venues réclamer du pain; elles repartent avec la famille royale au grand complet.
Si elle se conclut par le retour du roi à Paris, désormais logé aux Tuileries, la marche du 6 octobre est surtout un symbole: celui d'une révolution égalitaire, où les femmes comme les hommes participent aux protestations, scandent les chants révolutionnaires et montent à la tribune. Tout un symbole. Mais à quel point est-ce représentatif de la réalité historique?
Ne crions pas victoire trop vite. Sous l'Ancien Régime, la France maintient les privilèges séculaires et, de fait, les vieilles inégalités héritées de la loi salique. À l'aube de la Révolution, ses institutions vacillantes continuent de se méfier des femmes. Ces dernières sont exclues de l'administration, du gouvernement et de l'appareil judiciaire; à quelques exceptions près, assemblées, tribunes et trônes sont couverts de mâles.
Les Lumières du XVIIIe siècle n'arrangent rien. L'humaniste Jean-Jacques Rousseau rabaisse la femme au rang de «moitié de l'homme». D'autres érudits justifient leur éviction de la vie politique en incriminant leurs soi-disant «tendresse excessive» ou «raison limitée». En ces temps prétendument éclairés, la femme n'est plus pécheresse, à l'image d'Ève, mais faible de corps et d'esprit.
Cette tyrannie masculine justifie l'engouement que provoque l'étincelle de la Révolution chez les femmes: enfin, l'occasion leur est donnée de repousser les frontières étriquées de leur condition! Rien de surprenant, donc, à ce que les sans-culottes au féminin soient d'abord émeutières, notamment lors des crises de subsistance qui secouent 1788 et 1789.
À Grenoble le 7 juin 1788, c'est une femme qui, en giflant le sergent Bernadotte, déclenche l'émeute retenue sous le nom de la «journée des tuiles». À Paris, les «Dames de la Halle» nourrissent le gros des troupes sans-culottes. Elles sont blanchisseuses, épicières, domestiques, marchandes ambulantes, fripières, mais toutes se retrouvent dans la cohorte des barricades. Leur enthousiasme suffit-il à arracher les droits qu'elles réclament?
Malgré ses prétentions égalitaires, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen exclut opportunément les revendications féministes. Même si les femmes participent activement à la vie politique, rejoignant les clubs et les salons révolutionnaires, elles n'ont toujours pas voix au chapitre. D'ailleurs, les tribunes des Cordeliers et des Jacobins leur sont toujours interdites.
C'est cette injustice qui poussera Olympe de Gouges à rédiger, en 1791, sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne… Elle y écrira notamment: «La femme a le droit de monter à l'échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la tribune.» Pour s'être hissée à la seconde, critiquant Maximilien de Robespierre et Jean-Paul Marat, elle passera sous le couperet du «rasoir national» en novembre 1793.
Dans une lettre rédigée en 1776, Madame Roland regrettait déjà ce que signifiait sa condition féminine. «En vérité, je suis bien ennuyée d'être une femme: il me fallait une autre âme, ou un autre sexe, ou un autre siècle. Je devais naître femme spartiate ou romaine, ou du moins homme français. [...] Mon esprit et mon cœur trouvent de toute part les entraves de l'opinion, les fers des préjugés, et toute ma force s'épuise à secouer vainement mes chaînes.» Il est des changements que l'on peine à provoquer.
Les rares qui s'aventurent dans les assemblées révolutionnaires se voient affublées, à partir de 1792, du surnom insultant de «Tricoteuses». On les imagine tricoter pendant que défilent les motions, sans doute pour incriminer le manque d'esprit inhérent à leur sexe.
Qu'ont donc gagné les femmes de la Révolution? Si l'émancipation tant attendue est loin de se matérialiser, cette défaite politique est éclaircie par quelques victoires sociales. Les règles de succession sont réformées en avril 1791: dès lors, garçons et filles jouissent des mêmes droits en matière d'héritage. La laïcisation du mariage, actée en septembre 1792, introduit la nécessité du consentement mutuel des deux conjoints, permettant d'entrevoir la fin des unions forcées. En outre, le divorce est légalisé –une arme qui sera en grande majorité mobilisée par les femmes pour se débarrasser d'époux abusifs, violents ou absents.
Ragaillardies, les militantes poursuivent la lutte dans les clubs où leurs idées trouvent un auditoire à leur mesure. Certaines oratrices se distinguent, à l'instar d'Anne-Josèphe Théroigne, dite de Méricourt, qui, le 25 mars 1792, prononce ces mots devant la Société fraternelle des Minimes: «Armons-nous, nous en avons le droit par la nature et même par la loi. Montrons aux hommes que nous ne leur sommes inférieures ni en vertus ni en courage. Il est temps que les femmes sortent de leur honteuse nullité.»
Malgré cet appel, on continue de leur refuser le droit de voter, d'intégrer la garde nationale ou de porter des armes: le sabre et le fusil restent des attributs mâles…
Trois ans après la Révolution, le statut des femmes n'a pas bougé d'un iota. Les préjugés toujours tenaces cristallisent le «sexe faible» en groupe soumis et peu éduqué. Toute femme dotée d'ambitions politiques fait figure d'hystérique, d'extrémiste, de «harpie» capable d'user de tous les moyens pour parvenir à ses fins. Pamphlets et tracts érotiques achèvent de bâillonner les militantes; la misogynie des tribunaux révolutionnaires n'épargne d'ailleurs pas la famille royale, puisque Marie-Antoinette est humiliée lors de son procès, accusée de relations incestueuses avec son propre fils.
Les femmes, toutes conditions confondues, voient leurs libertés s'amaigrir encore davantage au crépuscule de la Révolution. Le 30 octobre 1793, un député de l'Isère, Jean Pierre André Amar, déclare ainsi devant la Convention nationale: «Nous croyons donc qu'une femme ne doit pas sortir de sa famille pour s'immiscer dans les affaires du gouvernement […]. Leur présence dans les sociétés populaires donnerait une place active dans le gouvernement à des personnes plus exposées à l'erreur et à la séduction.»
Le même jour, les clubs féminins sont dissous. Seule une poignée de femmes hante encore les assemblées révolutionnaires et, courant 1794, certaines sont chassées à coups de verge des gradins de la Convention. Passés les ténèbres de la Révolution, le coup de grâce est porté par Napoléon. Promulgué en 1804, le code civil réduit les femmes à l'état de mineures et enterre définitivement toute promesse d'émancipation.
Évoquez autour de vous les débuts de l’école républicaine et aussitôt un nom surgira, celui de Jules Ferry évidemment. Pourtant, c’est près d’un siècle avant les fameuses lois scolaires de 1881-1882 que l’école républicaine fit ses premiers pas, en pleine Révolution française.
À quoi ressemblait-elle, alors, cette première école de la République ? En quoi les expériences scolaires révolutionnaires contribuèrent-elles à façonner la pédagogie moderne et les fonctions que nous prêtons encore aujourd’hui à l’école ? Tentons un retour en arrière, pour mieux saisir la Révolution depuis une salle de classe.
9 heures approchent. Des enfants du village, filles et garçons, convergent vers l’école, située tout à côté de l’église et du presbytère, au centre du bourg. Le bâtiment est récent, comme c’est le cas dans un nombre croissant de communes rurales. Il a de larges fenêtres et une salle de classe chauffée par un poêle – la lumière qui circule, l’air qui chasse les miasmes sont d’ailleurs des préoccupations en cette moitié du XVIIIe siècle.
Sur son pourtour, de nombreux bancs ont été installés, certains dotés de tables (pour les élèves qui apprennent à écrire), d’autres sans rien (pour ceux qui apprennent à lire). On dissociait alors les deux apprentissages : la lecture d’abord, l’écriture plus tard. Sur les murs, l’enseignant a accroché des affiches. On peut y lire les lettres de l’alphabet ainsi que des textes – je vous dirai bientôt lesquels. Une pile de petits fascicules imprimés (des abécédaires) attend l’arrivée des enfants.
La scène que nous imaginons se situe en 1793, peut-être au premier semestre 1794. Ce village, nous l’avons fabriqué de toutes pièces, en nous appuyant sur des éléments attestés en ces instants de paroxysmes révolutionnaires. Mais on peut l’incarner davantage, si vous le souhaitez, par un retour au réel. Disons donc que l’on est à Beaumont, en Auvergne, car sur cette école-là on sait beaucoup de choses. L’instituteur y a multiplié les écrits sur son activité. En l’an II, il s’était renommé Quintilien Vaureix – au lieu de Pierre Vaureix – et, à cet instant précis de sa vie, il avait 31 ou 32 ans. Les présentations étant faites, ouvrons la porte de sa classe. Les enfants entrent, ils prennent leurs abécédaires. La suite, laissons-là aux explications de l’instituteur.
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Jean-Jacques-François Le Barbier/Musée Carnavalet
Dans la classe de Quintilien régnait un système méritocratique : les places étaient hiérarchisées, et c’est par ses efforts, encouragés par des récompenses civiques, que l’on s’y hissait – point comme autrefois par la fortune des pères. Une fois assis, les élèves de Vaureix commençaient par lire et expliquer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le texte en était reproduit dans leurs fascicules.
La Révolution, à l’école de Quintilien, c’était aussi celle du langage : l’instituteur avait appris aux enfants à dire le « tu » de l’égalité, le « citoyen » qui remplaçait le « monsieur ». L’usage du français (la langue de la loi) était établi au détriment du patois. Même le temps, ici, avait été révolutionné : l’école était fermée les quintidis et les décadis, ces cinquième et dixième jours de la nouvelle découpe républicaine du temps. Elle était en revanche ouverte les anciens jours de dimanche (il est vrai que Dieu avait été exclu de sa classe par Quintilien).
Les décadis, les enfants de Beaumont devaient assister aux lectures de la loi faites par l’instituteur aux villageois. Ce jour-là, ils devaient aussi – les garçons du moins – participer à de petits exercices militaires pour être prêts, lorsqu’ils seraient adultes, à défendre la République (l’époque était à la guerre et à l’invention du service militaire). Quintilien, enfin, emmenait ses écoliers au club jacobin du village. À vrai dire, il leur avait même organisé un petit club où ils pouvaient débattre entre eux des affaires du temps, voter, élire, pétitionner. Ce que voulait Vaureix, on l’aura compris, c’était que ses élèves agissent en citoyens. Ils étaient 102, filles et garçons, à fréquenter son école, au printemps 1794.
Bien sûr, on n’est pas obligé de croire Quintilien sur parole quand il écrit qu’il faisait ceci, et cela. Pourtant, je vous propose de lui accorder un peu de crédit, car des instituteurs comme Quintilien, il y en avait plus de cent autres. Il y en avait dans chaque ville, chez les institutrices comme chez les instituteurs. Il y en avait aussi dans les campagnes (des instituteurs surtout, car presque pas d’institutrices ici) – du moins y en avait-il dans les communes républicaines du monde rural. Là, l’instituteur s’était trouvé chargé d’accompagner le groupe des habitants dans son choix de la République par des pratiques scolaires nouvelles.
Dans leurs registres, les autorités ont gardé trace de ce républicanisme scolaire. On y lit des Marseillaises chantées à n’en plus finir par des enfants de l’an II, des participations aux fêtes républicaines, des dons pour la défense de la République, des bataillons aux armes de bois pour les garçons, de petits clubs politiques, des textes patriotiques, le refus des châtiments corporels (la sanction des esclaves, non des hommes libres). Et puis l’essentiel : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, celle qui figurait dans les abécédaires des enfants, celle qu’ils récitaient lors des fêtes, celle qui était affichée dans leur classe également.
Enfants jouant la prise de la Bastille. Anonyme/Wikimedia
Bien sûr, des variantes propres à chaque instituteur ont pu exister. Celui-ci aura enlevé les images pieuses qui ornaient sa classe. Celui-là aura organisé de petits procès où les enfants arbitraient eux-mêmes leurs disputes (gare alors à ne pas être privé de récréation). Dans l’ancien prieuré Saint-Martin-des-Champs, à Paris, un internat accueillait près de 300 enfants vivant sous le régime d’une Constitution républicaine. Ils s’y réunissaient en assemblée pour faire les lois de leur petite Cité.
L’ambition était de faire de l’école une République en réduction. Il fallait, pensait-on (c’était un legs des Lumières), mobiliser les sens, donc faire vivre les enfants en républicains, pour leur apprendre les savoirs et les pratiques de la citoyenneté. Que de changements par rapport aux leçons d’avant 1789, largement fondées sur la religion !
Ces modèles pédagogiques (choses politiques) circulèrent largement. On le comprend. Reprenant aux Lumières (encore) l’idée de la toute-puissance du pouvoir pédagogique, mais en la conjuguant à l’exigence d’une démocratisation de la scolarisation qui n’avait jamais vraiment été envisagée par les philosophes du XVIIIe siècle, les révolutionnaires ont fait de l’école une priorité, en même temps qu’un objet brûlant du débat politique. C’est à elle, l’école, qu’ils confièrent la tâche (immense et décisive) de former les citoyens de demain, ceux sans lesquels la République ne pourrait vivre longtemps.
Cela a ouvert la voie à d’innombrables écrits, à maints discours, à quantité d’expériences, dans un formidable élan pédagogique qui fit la marque de la période. Puis la loi s’y est mise. Un siècle avant Ferry, fin décembre 1793, l’école publique fut créée, gratuite et obligatoire. Cela ne dura qu’un an – la mesure figurant parmi les victimes collatérales de la chute de Robespierre. Mais cette année-là compta. Elle compta, parce que cette loi rencontra un authentique succès. Elle compta, car elle était un projet pour l’avenir.
Le maître d’école du village au temps des Lumières et de la Révolution (École nationale des chartes, mars 2023).
Insistons sur le fait que toutes les écoles du pays n’ont pas eu le visage de celle de Quintilien, même en 1793. Certaines étaient moins militantes dans leur républicanisme, d’autres étaient même franchement hostiles à la Révolution et continuaient d’enseigner les savoirs (pieux) de jadis.
En ville, face au grand nombre d’écoles, qui couvrait plus ou moins toutes les nuances politiques, les parents pouvaient choisir celle qui convenait le mieux à leurs opinions. Au village, où il n’y avait qu’un instituteur, les choses étaient différentes. Là, la commune maîtrisait le recrutement de l’enseignant et avait les moyens de lui imposer ses vues. Ni le pédagogue ni l’État n’y étaient véritablement maîtres du contenu politique des leçons.
Reste que l’école de la République a existé (pour la première fois). La Déclaration des droits fut le manuel de toute une génération de fils et de filles de républicains. Ils ne la comprenaient sans doute pas – ou pas complètement. Ils l’apprenaient néanmoins pour demain, un demain de XIXe siècle, un demain où ces gosses de 93, devenus adulte au temps de Hugo, de Michelet, purent donner des sens multiples et sans cesse renouvelés à ces quelques mots appris d’enfance, par cœur et par corps, ces mots qui donnaient pour but à la société le bonheur commun, le respect des droits fondamentaux, les secours publics, le droit à l’insurrection et à l’instruction, la démocratie. Pratiques et espoirs vains ? Plus d’un en garda en tout cas la mémoire vive.
En opposition à l’Ancien Régime, les Déclarations des droits de l’Homme de 1789 et de 1793 célébraient l’égalité parmi les hommes. Cette conception sera contredite par la Constitution de l’An III, annonçant le « retour à l’ordre » du Directoire.
Dès le 9 juillet 1789, une large part de l’Assemblée nationale constituante est convaincue qu’il faut faire précéder la Constitution d’une Déclaration des droits.
« On décide, que, si les loix [sic] sont utiles, la Constitution est indispensable ; qu’il faut dont commencer par ce qui est indispensable ; qu’on n’aura jamais de loix, tant que le pouvoir arbitraire pourra les frapper. […]
La Constitution doit donc être précédée de la déclaration des droits de l’homme. (On désire que tous les Bureaux soient engagés à s’en occuper, & qu’on établisse un Comité de correspondance). »
27 projets voient alors le jour, mais la Déclaration est finalement élaborée en assemblée article par article, mot par mot, à partir d’une ébauche qui n’aura servi que de support pour ce premier texte fondateur écrit collectivement.
Le droit, tel que les Constituants le fondent, est en premier lieu restauration des droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme. Or ces droits, dits naturels, sont alors considérés comme antérieurs à toute organisation sociale et sont attachés à la personne. Ils sont donc droits individuels et naturels : liberté, propriété, sûreté, résistance à l’oppression.
Non seulement tous les individus doivent être égaux pour qu’une société soit vivante, mais ces individus sont tous dotés des mêmes droits, quelle que soit la place qu’ils occupent dans la société. Ces droits peuvent être ignorés, oubliés, méprisés mais ne peuvent pas disparaître. Ils ne sont pas le résultat de rapports de force mais liés à la nature même de l’homme : un être rationnel et sensible.
« M. le marquis de la Fayette fait lecture du projet qui suit :
“La nature a fait les hommes libres et égaux ; les distinctions nécessaires à l’ordre social ne sont fondées que sur l’utilité générale. Tout le monde naît avec des droits inaliénables et imprescriptibles […]. L’exercice des droits naturels n’a de bornes que celles qui en assurent la jouissance aux autres membres de la société. […]”
M. le comte de Lally-Tolendal. “Messieurs, j’appuie la motion qui vous est présentée, à quelques lignes près, susceptibles de quelques discussions.” »
Les projets ont cependant nourri le débat et produit les concepts clés que l’on retrouve dans les déclarations de 1789 et de 1793. Sieyès, dans sa Reconnaissance et exposition raisonnée des droits de l’homme, rédigée les 20 et 21 juillet 1789, dit ainsi :
« Tous ayant un droit découlant de la même origine, il suit que celui qui entreprendrait sur le droit d'un autre, franchirait les bornes de son propre droit ; il suit que le droit de chacun doit être respecté par chaque autre, et que ce droit et ce devoir ne peuvent pas ne pas être réciproques.
Donc le droit du faible sur le fort est le même que celui du fort sur le faible. Lorsque le fort parvient à opprimer le faible, il produit effet sans produire obligation. Loin d'imposer un devoir nouveau au faible, il ranime en lui le devoir naturel et impérissable de repousser l'oppression.
C'est donc une vérité éternelle, et qu'on ne peut trop répéter aux hommes, que l'acte par lequel le fort tient le faible sous son joug, ne peut jamais devenir un droit ; et qu'au contraire l'acte par lequel le faible se soustrait au joug du fort, est toujours un droit, que c'est un devoir toujours pressant envers lui-même. »
C’est au nom d’une liberté civile qui refuse tout rapport de domination, que la notion de résistance à l’oppression est alors fondée comme droit naturel – et le droit du plus fort récusé. La force ne produit jamais du droit quand la résistance à la domination en produit à coup sûr. Ainsi, la violence insurrectionnelle ne peut être assimilée à la violence oppressive.
De fait, de 1789 à 1792, les pauvres, les femmes, les « libres de couleur » puis les esclaves ont pu réclamer contre la constitution de 1791, qui ne leur reconnaissaient pas de citoyenneté active ou de citoyenneté tout court. La vocation universelle de la Déclaration n’est alors en rien une abstraction formelle et fallacieuse, elle est un outil indispensable pour faire avancer l’égalité réelle. L’enjeu est toujours de savoir si l’on peut remettre en question le droit positif grâce aux normes énoncées sous forme de principes dans la déclaration.
Lorsque les Conventionnels décident, en 1793, de réécrire la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ils reprennent l’ensemble des enjeux de 1789, tant sur la souveraineté des citoyens, leur liberté politique, que sur les libertés publiques et le respect des règles de contrôle des pouvoirs de l’État, afin que soit respectée la liberté individuelle de chacun. Mais la résistance à l’oppression devient une clé de voute de l’édifice et non un droit parmi les autres, c’est elle qui fait de chaque citoyen un garant de sa propre liberté et de la liberté commune.
Enfin cette nouvelle Déclaration consacre de nouveaux droits, les droits créances, qui affirment que dans une société républicaine, c’est-à-dire disposant d’un gouvernement populaire, la société doit des garanties à ses citoyens en termes d’éducation et d’assistance. On retrouve ainsi au cœur de l’édifice, la nécessité de penser la place d’une dette sacrée de la société envers ses membres. A ces deux titres – droit de résistance fondant l’institution insurgeante, droit créance garantissant l’égalité –, la déclaration de 1793 est éminemment démocratique. Elle garantit la démocratie plutôt que l’ordre.
« XXI . Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler.
XXII. L’instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens. […]
XXV. La souveraineté réside dans le peuple. Elle est une et indivisible.
XXVI. Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée doit jouir du droit d’exprimer sa volonté avec une entière liberté. […]
XXXII. Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l’autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité.
XXXIII. La résistance à l’oppression est la conséquence des autres droits de l’homme.
XXXIV. Il y a oppression contre le corps social, lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
XXXV. Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »
Après le 9 thermidor et la Chute de Robespierre, tout s’inverse et les principes de la déclaration de 1789 et 1793 sont remis en question par la commission des Onze chargée d’abord d’encadrer par de nouvelles lois organiques la constitution de 1793, puis après les émeutes de prairial an III, de rédiger une nouvelle Constitution. L’ordre social présenté par Boissy d’Anglas est garanti par la propriété et la déclaration de 1793 présentée comme un « arsenal pour les séditieux ».
Désormais la résistance à l’oppression comme la liberté des citoyens disparaissent. Non seulement l’égalité est noyée dans un suffrage censitaire, mais si les nouveaux professionnels de la politique ont encore des droits, les citoyens ne semblent plus avoir que des devoirs car la Déclaration des droits et des devoirs est fondamentalement déséquilibrée afin de faire régner un certain « ordre social » plutôt que la démocratie.
Ainsi le rapport de Boissy d’Anglas, discuté le 23 juin 1795 (5 messidor an III) à la Convention, qui s’inscrit à l’encontre des idées égalitaires des premières années de la Révolution :
« L’égalité civile, en effet, voilà tout ce que l’homme raisonnable peut exiger. L’égalité absolue est une chimère. […]
Nous devons être gouvernés par les meilleurs. Les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des loix [sic] : or, à bien peu d’exceptions près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux qui possèdent une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux loix qui la protègent, à la tranquillité qui la conserve, et qui doivent à cette propriété et à l’aisance qu’elle donne, l’éducation qui les a rendu propres à discuter avec sagacité et justesse les avantages et les inconvénients des loix qui fixent le sort de leur patrie. […]
Un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre social, celui où les non propriétaires gouvernent est dans l’état de nature. »
Le calendrier républicain (ou calendrier révolutionnaire) est un écueil pour tous les généalogistes débutants. Ce changement de repère temporel est déroutant et peut entraîner des difficultés de recherche et des erreurs.
Mais, cette difficulté est assez simple à contourner. Pour bien consulter les registres d’état civil, se repérer dans le calendrier révolutionnaire est l’une des premières étapes de l’apprentissage de la généalogie.
Voici ce qu’il vous faut savoir sur ce calendrier républicain avec, en fin de page, une table de conversion téléchargeable et imprimable.
Histoire et principe du calendrier républicain
Histoire
Dans le but de réduire l’influence de l’église dans le quotidien des français, la Convention crée le calendrier républicain (aussi appelé calendrier révolutionnaire) en octobre 1793 en remplacement du calendrier grégorien. Le calendrier républicain débute rétrospectivement le 22 septembre 1792, date qui correspond à la déclaration de la république en France.
Le Calendrier républicain couvre une période de plus de 13 ans, entre 1792 et 1805. Pourtant l’usage de ce calendrier ne sera jamais vraiment populaire. Si le calendrier républicain est bien employé par les institutions, le peuple français reste fidèle au calendrier grégorien dans la vie de tous les jours. Pour mettre fin au flou que provoque cette situation, c’est l’Empereur Napoléon 1er qui abolit le calendrier républicain, fin 1805.
On peut aussi penser que Napoléon 1er ne voyait alors pas d’un bon œil ce calendrier, par essence républicain, après son coup d’état et la naissance de l’Empire en mai 1804.
Le 1er janvier 1806 marque ainsi le retour du calendrier grégorien....
Lire la suite sur le site de Laurent Montpouet.