Les applications alimentaires se développent et de plus en plus de personnes les utilisent. Mais au fait, que valent-elles vraiment ? Les informations qu'elles transmettent aux consommateurs sont-elles fiables ? Et ces derniers deviennent-ils plus responsables ou, au contraire, sont-ils asservis par ces technologies ?
Il semble que le comportement consistant à scanner les aliments au supermarché soit rentré dans les mœurs communes. Lorsqu'on fait ses courses, il n'est pas rare de voir des personnes scanner des aliments. Même à la maison, autour d'un bon repas, certains sont de vrais Lucky Luke du « scannage ». Intuitivement, ces initiatives paraissent louables et utiles. En effet, ces applications informent le consommateur et font office de GPS dans les méandres des grandes surfaces. Néanmoins, avant de faire leurs éloges, il faut poser deux questions essentielles. L'information transmise est-elle fiable ? Le consommateur devient-il responsable ou dépendant ?
L'information la plus fiable possible serait un accord parfait entre la note délivrée par les applications et ce que la méthode scientifique a réussi à mettre en évidence grâce aux données disponibles jusqu'à présent. Sachant cela, on peut se poser quelques questions légitimes quant à la totale fiabilité de ces applications.
En effet, la majorité d'entre elles, dont la célèbre Yuka, se basent sur un outil mis au point par des chercheurs en nutrition : le nutri-score. Étant donné qu'il émane d'équipes de scientifiques, on pourrait penser que c'est un outil qui transmet une information fiable telle que nous l'avons décrite. Ce n'est pas totalement le cas. Ce score donne une note couplée d'un code couleur comprise entre A (vert) et E (rouge) pour juger de la qualité d'un aliment. Si ce code est sans doute utile pour lutter contre la surconsommation de calories, de graisses et de sucres dont est victime notre société moderne, sa capacité à lutter contre la malbouffe en général est, quant à elle, limitée.
En effet, ces 3 indicateurs sont importants mais trop peu exhaustifs pour espérer rendre compte du réel potentiel santé d'un produit. À titre d'exemple, il n'évalue pas le degré de transformation et la qualité des nutriments (lipides, glucides, protéines) contenus dans les produits alimentaires. Scan'up, quant à elle, a intégré la transformation dans ses critères grâce à la notation mise au point par l'entreprise Siga. Ensuite, on assiste parfois à une prise en compte de données plus ou moins pertinentes de la part des deux leaders (Yuka et Scan'Up) telles que le caractère bio d'un produit. La présence d'additifs controversés est un autre paramètre délicat à considérer, qui surfe entre marketing de la peur et réel questionnement à l'égard de certaines substances. Sachant tout cela, le consommateur se retrouve t-il émancipé ou asservi ?
Il n'y a aucun doute sur le fait que le consommateur s'émancipe considérablement de sa condition de non-sachant grâce à ces applications. Cela est vrai si l'application transmet l'information la plus fiable, à l'instar d'un GPS, par exemple. Ce dernier est très utile pour les personnes ne sachant pas lire une carte, de même que l'application alimentaire est utile pour une personne ne sachant pas lire une étiquette alimentaire (si on occulte le problème de la dépendance au réseau).
Mais nous l'avons vu, ce n'est pas totalement le cas. Ces applications ne transmettent pas l'information la plus fiable. Dès lors, elles induisent, plus ou moins, le consommateur en erreur. Elles le déresponsabilisent du choix éclairé qu'il pourrait faire en se basant sur l'ensemble des données scientifiques (même s'il n'a pas forcément les compétences pour le faire, évidemment). En ce sens, elles l'asservissent plus ou moins, surtout s'il ne fait pas l'effort de comprendre comment elles fonctionnent et de constater leurs limites. Aussi, même s'il existe des grandes lignes pour savoir comment manger, à l'instar du concept de médecine personnalisée, celui de nutrition individualisée grandit.
À l'inverse, ces applications sont globalisantes et généralistes, ce qui est formidable pour la santé publique (si elles transmettent l'information la plus fiable) mais un peu moins pour l'individu. En réalité, il semble qu'aucune note ni aucun code couleur ne valent une connaissance aguerrie de ce qu'est une alimentation équilibrée couplée d'une capacité à l'adapter à sa propre vie. Cela devrait s'apprendre, à l'école, par exemple, si l'on considère que c'est le rôle de l'État que d'apprendre à ses concitoyens à prendre soin de leur santé.
Ce qu'il faut retenir
Les applications alimentaires se développement et sont de plus en plus utilisées.
L'information transmise est plus ou moins fiable selon les applications et les critères pris en compte.
Ces applications émancipent le consommateur tout en l'asservissant et en le dépossédant de sa faculté de se faire un avis éclairé.
L’augmentation de fréquence de beaucoup de maladies est provoquée par les variations néfastes des facteurs environnementaux. L’alimentation est la première variable environnementale. L’alimentation industrialisée, qui a permis de nourrir en quantité suffisante l’Occident, a poussé ses habitants à la « surconsommation » et à fermer les yeux sur la qualité de ce qu’ils ingurgitent.
ALIMENTATION - Potimarron Angélique, Artichaut Glas-Ruz, Haricot Coco du Trégor... Ces noms de légumes ne vous disent rien? C'est normal, ils ne sont pas commercialisés en grande surface. Mais à l'initiative de Carrefour, cela va changer dès ce mercredi 20 septembre.
L'enseigne de distribution a en effet annoncé la commercialisation de "légumes interdits" dans une quarantaine de ses magasins de Bretagne et d'Île-de-France. "La loi interdit la commercialisation de plus de 96,4% des semences", affirme Carrefour, faisant référence au décret n°81-605 du 18 mai 1981 qui bloque la vente de certaines semences de fruits et légumes de variétés paysannes.
Une loi aberrante vous empêche d'avoir accès à des milliers de fruits & légumes. Signez la pétition: https://t.co/D6sGBsczEC #MarchéInterdit pic.twitter.com/o4CV64WNUl
— Carrefour France (@CarrefourFrance) September 19, 2017
Pourquoi des légumes "interdits"?
Mais de quoi s'agit-il exactement? "La commercialisation des produits issus des semences paysannes n'est pas interdite, mais celle des semences proprement dites l'est, ce qui limite les producteurs à ne faire que de la vente directe", explique Philippe Bernard, directeur Partenariat PME et Monde agricole Carrefour France.
En d'autres termes, depuis l'instauration de cette loi, certaines graines sont interdites de commercialisation. Celles-ci ne sont pas inscrites au catalogue officiel des semences autorisées par le Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis). Les légumes inscrits dans ce catalogue doivent répondre à certains critères d'homogénéité. Mais aussi, ils sont censés apporter aux consommateurs une certaine sécurité. Comme l'écrit le Gnis dans un communiqué, "ces nouvelles variétés des sélectionneurs résistent mieux aux maladies et aux parasites pour qu'on puisse limiter ou se passer de produits phytosanitaires. C'est l'un des principaux axes d'amélioration avec les qualités gustatives (melons juteux et sucrés, haricots sans fils ni parchemins, endives moins amères, carottes au cœur bien tendre...), une plus grande tolérance aux stress climatiques (chaleur, froid, sécheresse) et une plus grande diversité de tailles, de formes et de couleurs".
Problème: inscrire une semence dans ce catalogue coûte de l'argent et ce ne sont pas les petits producteurs qui peuvent se le permettre.
Avec son "marché interdit", Carrefour entend donc se passer de ce catalogue et proposer à ses clients des légumes issus de semences paysannes, peut-être un peu moins stables et homogènes que celles qui produisent les légumes se retrouvant dans les rayons des grandes surfaces.
Comment sont-ils sélectionnés ?
Pour choisir des légumes plutôt que d'autres et s'assurer de leur stabilité, Carrefour travaille avec Bio Breizh et Kaol Kozh, deux groupements de producteurs bretons de légumes. Ceux-ci utilisent des semences paysannes et vont eux-mêmes cultiver et sélectionner les légumes. "Quand Carrefour est venu nous voir, on était très méfiant, on pensait surtout qu'il voulait faire un coup de communication", souligne René Léa, président de Kaol Kozh. "Nous leur avons expliqué qu'on voulait un contrat sur le long terme et bien rémunéré car cultiver des semences paysannes coûte plus cher. Ils ont accepté toutes nos conditions!"
C'est un partenariat de 5 ans que Carrefour entame avec ces producteurs.
Quels légumes peut-on acheter et dans quels magasins?
Pour l'instant, dix légumes sont annoncés par Carrefour: l'artichaut Camus du Léon, le potimarron Angélique, la courge butternut Kouign Amann, l'artichaut Glas-Ruz, l'oignon rosé d'Armorique, la rhubarbe acidulée de Bretagne, le haricot coco du Trégor et l'échalote demi-longue de Cleder.
La liste des magasins participants est quant à elle mise en ligne par l'enseigne de distribution ici.
Quel est l'objectif de Carrefour?
A travers cette initiative, l'enseigne entend faire changer la loi et militer pour plus de biodiversité dans les rayons, et a même lancé une pétition sur le site Change.org. Celle-ci recueillait mercredi vers midi plus de 4000 signatures.
Mais derrière ce marché interdit se trouve aussi un enjeu commercial. Comme le souligne Philippe Bernard, "nous voulons élargir notre offre car nos clients sont demandeurs de produits sains et bio".
Certains, comme la Confédération paysanne selon RTL, ont applaudi cette initiative. Mais d'autres restent prudents. "Cela va relancer le débat sur les semences paysannes adaptées à chaque région, c'est positif. Mais Carrefour reste un commerçant, on verra dans le long terme ce que donne ce partenariat avec les producteurs", explique la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab).
Quant à la Gnis, elle réagit dans un communiqué: "Carrefour, comme tout le monde, peut vendre toutes les rhubarbes et tous les fruits de la planète, toutes les variétés de légumes des paysans, et tous les légumes 'interdits'. Bien sûr, comme tout le monde, Carrefour doit aussi être attentif à respecter ses consommateurs et à ne pas les tromper sur ce qu'il leur vend". En faisant référence aux 3200 variétés de légumes déjà en vente via leur catalogue.