La décision de Google pour l'affichage par défaut des actualités avec seulement les titres et les liens - pour ne pas avoir à payer de droits voisins - suscite la colère du gouvernement.
La réponse de Google à la directive européenne et sa transposition dans la législation française en créant un droit voisin pour des agences de presse et éditeurs de presse était presque évidente. Les signes avant-coureurs avaient été suffisamment clairs.
Pourtant, la surprise semble de mise pour le gouvernement qui ne décolère pas, le ministre de la Culture en tête. Pour Franck Riester, " les déclarations de Google sur la question de la rémunération ne sont pas admissibles. […] La proposition de Google n'est évidemment pas acceptable. "
Avec les résultats de recherches en rapport l'actualité, Google a décidé qu'il n'affichera plus par défaut des aperçus d'articles avec quelques lignes ou les petites images. Un moyen de se soustraire à un paiement de droits voisins.
Le cas échéant, les éditeurs et agences de presse pourront donner l'autorisation d'afficher des contenus enrichis, mais sans rémunération en contrepartie.
La décision de @Google n’est pas que regrettable. Elle est irrespectueuse de l’esprit de la directive européenne et du droit français. >https://t.co/WruTHkiEJy
— Cédric O (@cedric_o) 25 septembre 2019
Secrétaire d'État en charge du Numérique, Cédric O estime que la décision de Google est " irrespectueuse de l'esprit de la directive européenne et du droit français. " Franck Riester indique qu'il va prochainement s'entretenir avec ses homologues européens " pour remédier à la situation. " Dans le même temps, il appelle à " une véritable négociation globale entre Google et les éditeurs. "
Google a déjà fait valoir ses initiatives en faveur du soutien à la presse pour développer de nouvelles sources de revenus, en plus " d'orienter les internautes vers les sites d'information qui en tirent un revenu supplémentaire. " Autrement dit, en générant du trafic sur les sites.
L'application de la directive Droit d'auteur selon Google.
Fin octobre entrera en vigueur la nouvelle loi française sur le droit d’auteur qui accorde davantage de droits aux éditeurs de presse présents sur internet. Cette loi est la première transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur, qui fut adoptée il y a quelques mois. Suite à cela, nous allons procéder à des changements dans la manière dont les résultats d’actualités apparaîtront dans notre moteur de recherche. Si vous êtes en France, vous verrez que certains résultats apparaîtront différemment.
A l'heure actuelle, lorsque nous affichons les résultats de recherches liées à l’actualité, vous voyez un titre, dont le lien renvoie directement vers le site d’information concerné. Dans certains cas, nous proposons également un aperçu de l’article, par exemple quelques lignes de texte ou une petite image appelée « vignette ». Ces titres et aperçus vous aident à décider si le résultat correspond à votre recherche et si vous souhaitez cliquer dessus.
Lorsque la loi française entrera en vigueur, nous n’afficherons plus d’aperçu du contenu en France pour les éditeurs de presse européens, sauf si l’éditeur a fait les démarches pour nous indiquer que c’est son souhait. Ce sera le cas pour les résultats des recherches effectuées à partir de tous les services de Google.
Les éditeurs ont toujours eu la possibilité de choisir s’ils voulaient ou non que leurs contenus soient accessibles via le moteur de recherche de Google ou sur Google Actualités. Nous venons de mettre en place des réglages plus granulaires pour les webmasters grâce auxquels les éditeurs peuvent indiquer la quantité d’information qu’ils souhaitent voir apparaître sous forme d’aperçu dans les résultats de la recherche. Les éditeurs du monde entier peuvent ainsi utiliser ces nouveaux réglages afin de choisir le type d’aperçu le mieux adapté pour attirer les internautes vers leur site.
Avec internet, le choix et la diversité de l’information n’ont jamais été aussi vastes. Face à une telle offre, les utilisateurs peuvent avoir du mal à trouver l’actualité qui les intéresse. Et tous les types d’éditeurs — qu’ils soient grand ou petit, éditeur de presse traditionnel, nouvel acteur numérique, site d’actualités locales ou publication spécialisée — ont intérêt à ce que les lecteurs soient orientés vers leurs contenus.
Nous avons conçu Google de manière à assurer à chacun les mêmes conditions d’accès à l’information, ce qui suppose notamment d’aider l’internaute à trouver les contenus d’actualités les plus pertinents. Dans le secteur de la presse écrite, les éditeurs paient pour que leurs journaux, quotidiens ou magazines, soient proposés à une clientèle qui ne les connaît peut-être pas. Ce service, Google l’offre aux éditeurs gratuitement. Cette approche est créatrice d’une valeur tangible pour les éditeurs. Rien qu’en Europe, Google est à l’origine de plus de 8 milliards de visites par mois sur les sites des éditeurs de presse, ce qui représente plus de 3 000 visites chaque seconde. Les éditeurs peuvent ainsi attirer un nouveau public et augmenter leur chiffre d’affaires au moyen de la publicité et des abonnements. Le cabinet d’études Deloitte a estimé que chaque clic renvoyé par Google vers les grands éditeurs de presse représentait un potentiel de revenus supplémentaires compris entre 4 et 6 centimes d’euro.
En plus d’orienter les internautes vers les sites d’information, qui en tirent un revenu supplémentaire, Google continue de contribuer à l’essor du journalisme en ligne. Nous cherchons constamment de nouveaux moyens de valoriser des contenus de haute qualité sur nos produits. Nous investissons 300 millions de dollars sur trois ans dans la Google News Initiative. Ce programme aide les éditeurs à développer de nouvelles sources de revenus et à explorer de nouvelles manières innovantes de présenter l’information. Cela englobe notamment des centaines de projets destinés à favoriser la vérification des informations, à mieux décrypter les médias et à délivrer près de 300 000 formations à des journalistes en Europe.
Avec le développement d’internet, le comportement des consommateurs a changé. Nous sommes nombreux à nous connecter pour obtenir des informations et des services à partir de sites spécialisés et de places de marché en ligne. Le vaste choix d’informations sur internet induit une concurrence qui représente un véritable défi pour les éditeurs de presse, qui par conséquent doivent adapter leurs modèles économiques. Nous prenons très au sérieux notre collaboration actuelle avec les organes et éditeurs de presse, quelle que soit leur taille et quelle que soit leur ancienneté, pour les aider à s’adapter à l’ère du numérique. C’est en travaillant main dans la main que nous pourrons avancer.
Richard Gingras, Vice President of News, Google Inc.
On nous a accusés lors des longs débats sur la directive copyright, d’une part, de faire le jeu des GAFAM, d’autre part, de ne pas penser aux auteurs, aux autrices, aux journalistes, aux pigistes, à tous ces métiers de la création.
D’abord, il faut dire que tout n’est pas mauvais dans la directive copyright. Certains points sont positifs, par exemple ce qui relève de la protection du domaine public, trop souvent détourné.
Ensuite, ce sont surtout les articles 15 (ex 11), sur les liens vers les articles de presse, et 17 (ex 13), sur le partage de contenus, qui sont problématiques et auxquels beaucoup de personnes, d’associations de défense des libertés, et les Partis Pirates de toute l’Europe, se sont opposés.
Pour les défenseurs de ces articles, dont le discours a largement été repris par les médias, il s’agissait d’un combat binaire : d’un côté les créateurs et ayants-droit, de l’autre les géants d’Internet, où il fallait rééquilibrer où allait l’argent, le « partage de valeur ». Si on était contre les articles 15 et 17, on était forcément pour les GAFAM.
Or… ce n’est pas si simple. Sur Internet, contrairement à ce que disent les lobbyistes des ayantsdroit, il y a beaucoup d’autres personnes, des citoyens, des associations, des sites communautaires, des entreprises, qui vont souffrir des articles 15 et 17.
Donc, on peut être contre les articles 15 et 17 tout en n’étant pas non plus grand ami des GAFAM. Il y a même d’excellentes raisons de penser que les articles en question vont, en réalité, avantager les GAFAM. Mais c’est une autre histoire, nous ne la développerons pas ici.
Maintenant, parlons des créateurs. La directive copyright ne dit pas grand-chose pour les protéger. Elle est écrite pour appuyer les ayants-droit dans leurs négociations de licence auprès des géants d’Internet. Elle suppose ensuite que ce qui profite aux ayants-droit profitera forcément aux créateurs. On sait que ce n’est pas si simple. Des sociétés d’auteurs qui ont défendu la directive reconnaissent maintenant que son adoption et sa transposition ne leur apporteront rien s’ils ne défendent pas le droit des créateurs en tant que tels.
Nous le savons, il y a un certain nombre d’intermédiaires qui se gavent sur le dos des auteurs, des autrices, des pigistes ; et la directive ne va rien changer à cette situation. Certains articles (l’article 16 notamment) affaiblissent même la position des auteurs.
Avec le temps, et quoi qu’on pense de notre société actuelle, il est de plus en plus facile de faire de la création. C’est sur cela que les intermédiaires fonctionnent : transformer une ressource abondante en une raréfaction institutionnalisée. Transformer une manne en un investissement financier.
Alors oui, plus de création c’est offrir un choix plus large pour plus de spectateurs. Mais c’est croire, encore et toujours, que l’assiette culturelle va s’agrandir de manière magique. Alors qu’en fait la seule chose que cela va faire, c’est fragmenter un peu plus les ventes.
Et qui dit fragmentation dit, par personne, moins de revenu … et donc une précarisation rampante des … auteurs, autrices, pigistes… que les éditeurs ont sélectionnés.
Les mécaniques que certains politiques mettent en place pour le compte des intermédiaires ne servent pas à protéger les producteurs de contenu, les créatifs, comme ils le pensent, mais à sanctuariser la position des éditeurs.
Donc le Parti Pirate ne lutte pas contre les auteurs ! Au contraire, nous soutenons ardemment la créativité et nous voulons protéger les créateurs des multiples prédateurs auxquels ils sont confrontés. Ce que nous constatons, c’est que l’industrie culturelle, menée par les plus gros prédateurs de la créativité, est écoutée par les gouvernements et par un certain nombre de députés européens.
Voilà pourquoi le Parti Pirate s’est opposé aux articles 15 et 17 : ils profitent à quelques-uns, mais pas aux créateurs, ni aux citoyens.
Texte écrit par Cédric Levieux et Pierre Bessac
Un texte commun de directive européenne vient d'être adopté. Il réforme les principes du droit d'auteur en ligne et les règles applicables aux plateformes de contenu. Décryptage.
(CCM) — La Commission européenne, le Conseil de l'UE et le Parlement européen viennent de se mettre d'accord sur un projet commun de directive sur le copyright et les droits d'auteur numériques. Cette proposition veut moderniser le droit européen, à l'heure de l'omniprésence du digital.
Comme l'indique Andrus Ansip le vice-président de la Commission Européenne en charge du marché unique digital dans son tweet (lien en anglais), les instances européennes veulent avec ce texte à la fois garantir les droits des utilisateurs de services numériques, moderniser les règles applicables aux plateformes de contenus en ligne et assurer la rémunération des producteurs de contenus. Réussir cette triple mission n'était pas gagné d'avance car en matière de droits d'auteur et de copyright, les intérêts des différents acteurs sont divergents la plupart du temps. Plusieurs points du texte font encore débat au sein de la communauté des experts en droit des contenus numériques.
En particulier, l'article 11 veut mettre en place une taxe sur les liens hypertextes sortants. Les créateurs de contenus numériques et les éditeurs de presse obtiennent le droit de demander une rémunération aux plateformes qui affichent un extrait – même « très court » – de leurs contenus. Les agrégateurs d'actualités et les moteurs de recherche sont directement visés, au premier rang desquels Google avait déjà prévenu que cet article 11 pourrait entraîner la fermeture de Google Actualités (cf. notre article sur le sujet). Reste à savoir comment seront interprétées les notions « d'extraits très courts » et d'agrégateurs de contenu. Sur ce dernier point, il se pourrait que même les blogs personnels tenus par des particuliers ou les sites associatifs à but non lucratif soient également concernés par la taxe sur les liens sortants.
Pour laisser le temps aux acteurs du digital de s'organiser, une période de protection de deux ans est prévue par le texte, pendant laquelle les liens hypertextes peuvent encore être utilisés librement. D'ici à 2021, les discussions promettent d'être vives pour négocier la mise en application du texte européen, consultable sur le site de la Commission.
Des résultats tronqués, où ne s’affichent ni les titres ni les images des articles de presse… Voilà ce à quoi, selon Google, pourrait ressembler le moteur de recherche si la directive européenne sur le droit d’auteur était mise en œuvre.
Certains internautes français ont eu la surprise de découvrir, ces derniers jours, des résultats de recherche Google à l’apparence étrange en tapant certains mots-clés. Des pages parfois très dépouillées, où les articles de presse remontant sur Google n’avaient plus d’images ni de titres, remplacés par des espaces vides, selon nos constatations.
Les articles 11 et 13 de la directive européenne sur les droits d'auteur font débat depuis des mois. Parmi ceux qui discutent du texte, des voix s'élèvent également contre eux, au point de suspendre les discussions.
Les discussions à propos de la directive européenne sur les droits d’auteur sont en pause. Une réunion qui devait avoir lieu prochainement pour en discuter a été annulée, a rapporté The Verge vendredi 18 janvier. Ceci est lié aux doutes émis par plusieurs représentants d’États membres de l’Union européenne à propos des articles 11 et 13.
Des dispositions difficiles à mettre en œuvre
Ces deux articles cristallisent depuis quelques mois maintenant l’essentiel des critiques faites sur la directive. L’article 11 doit créer un droit voisin au droit d’auteur pour les éditeurs de presse. L’objectif est de donner à ces derniers plus de poids pour pouvoir négocier l’utilisation de leurs contenus dans divers services en ligne.
copyright directive juri
Discussions sur la directive // Source : Julia Reda
L’article pose question, car il semble difficilement applicable. Il obligerait par exemple les internautes souhaitant ajouter en guise de source un lien vers un article de presse dans Wikipedia à d’abord demander au média de le citer. Pour les défenseurs des libertés numériques, une telle idée est déraisonnable, même si l’hypothèse d’une dérogation pour Wikipedia a été évoquée : d’autres projets similaires sur Internet pourraient être mis en danger. Ce texte selon certains, va même à l’encontre de ce qu’est le web, à savoir des pages hébergées sur des sites et reliées les unes aux autres par des liens hypertextes.
L’article 11 déplaît également à Google, qui pourrait se voir imposer une sorte de « taxe Google Actualités ». Celle-ci avait été mise en place en Espagne, et Google a préféré à l’époque fermer son service Google News dans le pays.
L’article 13, qu’on vous expliquait en détails dans un article, concerne lui les plateformes d’hébergement en ligne. Il a pour objectif de mieux protéger les ayants droit, c’est-à-dire les personnes ou entités qui détiennent des droits d’auteur.
L’article 13 de la directive européenne sur les droits d’auteurs fait peur aux vidéastes. // Source : Numerama / Pixabay
En l’état, il modifie le degré de responsabilité des plateformes comme YouTube, qui a mené une large campagne contre l’article 13. Il indique que l’entreprise, et d’autres, seront responsables des contenus qui sont publiés sur leur plateformes, et donc du respect des droits d’auteur dessus. Jusqu’à présent, les plateformes sont considérées comme de simples hébergeurs de contenus, et ne sont obligées de supprimer des contenus violant les droits d’auteur que s’ils lui sont signalés.
Comme l’article 11, l’article 13 pose de nombreuses questions, et pas seulement à YouTube. Sa mise en application semble pour le moment délicate, voire impossible.
Deux articles jugés trop restrictifs en l’état
Les représentants de 11 États membres semblent avoir entendu ces critiques. Ils ont annulé un sommet à venir en expliquant que la directive, notamment dans ses articles 11 et 13, était trop restrictive, et qu’elle risquait de pénaliser les créateurs en ligne.
Au mois de juillet, le Parlement européen avait déjà exprimé ses doutes concernant les deux articles controversés. Cependant, une version plus nuancée avait été approuvée au mois de septembre.
Les représentants des États ont jusqu’à la fin du mois de février pour valider une nouvelle version du texte.
Pierre-Yves Beaudouin est le président de l’association Wikimédia France.
Durant les débats de ces derniers mois, Wikipedia a été présenté comme un anti-droit d’auteur par de nombreux partisans de l’article 13. Née en pleine période de piratage massif de la musique, l’encyclopédie Wikipédia repose sur un système juridique basé sur le droit d’auteur et la création de son propre contenu. Le piratage n’a jamais été la règle et la communauté passe de nombreuses heures à expliquer et faire respecter le droit d’auteur. Les wikipédiens sont des créateurs comme les autres et sont régulièrement victimes de plagiat.
Les articles 11 et 13 de la directive Copyright n’en finissent plus de se mettre à dos les internautes. Après les chercheurs en informatique, les jeunes artistes, les bibliothécaires, les universitaires, les pères fondateurs d’Internet, les forges de logiciel open source, les makers ou de nombreux sites web (Medium, Qwant, Redditt, Twitch, Twitter, Vimeo, Youtube…) et la mobilisation des rédacteurs de Wikipédia, ce sont les Youtubeurs eux-même qui invitent les eurodéputés à ne pas généraliser à l’ensemble d’Internet le système de filtrage à l’œuvre sur Youtube. Pour couronner le tout, la pétition citoyenne n’en finit pas de grimper : 4,3 millions de signataires.
Malgré ces nombreuses protestations, le législateur et les gouvernements européens refusent de revoir leur projet. Au final l’article 13 va se traduire par la mise en place de solutions de filtrage automatique du contenu posté sur les plateformes par les internautes et restreindre la possibilité de diffuser du contenu, ce, au détriment de la possibilité de s’exprimer et de la liberté d’expression. Pire il ne prévoit pas de mécanismes suffisants pour permettre aux internautes de contester facilement les suppressions et les démonétisations de contenus injustifiées.
À force de compromis et tentatives de passages en force du texte, on ne voit plus très bien à quoi sert la directive. À l’origine, la Commission européenne a proposé de mettre à jour et d’harmoniser certains aspects de l’accès en ligne à l’information et à la connaissance dans l’Union européenne. Selon le législateur, l’émergence de nouveaux services, la possibilité de partager des informations et l’utilisation croissante de l’apprentissage automatique pour extraire des connaissances nécessitent une révision du cadre juridique de la législation européenne sur le droit d’auteur. Nous partageons ce point de vue et le mouvement Wikimedia est impliqué depuis 2016 dans les différentes phases d’élaboration de la directive.
Or il n’est plus question d’harmoniser le droit d’auteur au sein de l’Union européenne. Pas plus de le moderniser vraiment (règles concernant la fouille de texte incohérentes, exception User Generated Content et prise en compte de la culture du remix improbables, etc.) ou de favoriser l’innovation et l’émergence de nouveaux acteurs. La réforme du droit d’auteur sur Internet semble avoir été détournée de son objet initial pour simplement servir à réguler et obtenir plus d’argent de Youtube pour l’industrie musicale. Est-ce vraiment le but d’une directive européenne qui va s’appliquer dans l’espace économique européen pendant une vingtaine d’années ? Le seul article, le -14, qui fut rajouté lors des débats au Parlement européen, qui assurait une proportionnalité de revenus aux auteurs par rapport à l’argent créé autour d’un contenu posté est lui remis en cause lors des discussions du Trilogue entre Commission, Parlement et Conseil européen. Cela ne va pas en s’améliorant au fur et à mesure des versions du texte issues des discussions, c’est même de pire en pire.
L’exemption des startups et PME qui avait été proposée par le parlement, serait elle aussi remise en cause. Incohérent avec tous les discours tenus à longueur d’année sur l’importance d’avoir des plateformes européennes compétitives et de favoriser l’éclosion de champions européens. La responsabilisation immédiate des plateformes des contenus postés par les internautes est un frein énorme pour toute création de nouvelle plateforme. La réforme européenne souhaite imposer la technologie imparfaite de filtrage utilisée sur Youtube pourtant décriée à longueur de journée par les utilisateurs de la plateforme. De nombreux partisans de l’article 13 reconnaissent que cette technologie ContentID n’est pas au point et ne peut être généralisée à l’ensemble du contenu sur Internet : Ils estiment que la main invisible du progrès permettra à l’humanité d’avoir une technologie au point dans le futur qui reconnaîtrait les exceptions au droit d’auteur, fondamentales pour notre démocratie (information, éducation, parodie, remix, etc.). Il ne reste plus qu’à espérer qu’elle voit le jour d’ici une vingtaine d’années (durée d’application probable de cette directive) et non dans un siècle. Un pari dangereux.
Concrètement, vous souhaitez diffuser un article ou une illustration sur une plateforme, il y aura un risque que la solution de filtrage automatique, déployée pour respecter la directive, rejette votre contenu ou bloque votre compte au bout de plusieurs tentatives alors que le contenu est parfaitement légal. Des vidéos de Bach ont bien été supprimées de Youtube, il est donc tout à fait imaginable qu’à l’avenir des tableaux de Léonard de Vinci ou des citations de Victor Hugo soient supprimées.
Pour construire Wikipédia, les bénévoles utilisent souvent du contenu posté sur d’autres plateformes (Internet Archive, Flickr, Youtube, etc.). Dès le niveau de la création de contenu, la directive va poser problème en terme de sources et restreindre l’accès des créateurs à un large public.
Selon moi, une directive réussie devrait permettre l’émergence d’un futur Wikipédia dans 5, 10 ou 20 ans. Si ce n’est pas le cas, c’est que la directive est néfaste à l’intérêt général. Je déplore que le débat n’ai pas reposé en France sur les bonnes questions et permis la préservation des piliers de l’éco-système d’Internet. C’est une question de préservation de l’environnement numérique qui a permis ce qu’Internet propose aujourd’hui de meilleur. Une génération entière d’européens s’oppose à la directive car elle en comprend les enjeux. Il semble que les législateurs de l’Union européenne en sont moins conscients et n’écoutent pas les questions légitimes de ceux qui font Internet, au jour le jour.
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