La décision de Google pour l'affichage par défaut des actualités avec seulement les titres et les liens - pour ne pas avoir à payer de droits voisins - suscite la colère du gouvernement.
La réponse de Google à la directive européenne et sa transposition dans la législation française en créant un droit voisin pour des agences de presse et éditeurs de presse était presque évidente. Les signes avant-coureurs avaient été suffisamment clairs.
Pourtant, la surprise semble de mise pour le gouvernement qui ne décolère pas, le ministre de la Culture en tête. Pour Franck Riester, " les déclarations de Google sur la question de la rémunération ne sont pas admissibles. […] La proposition de Google n'est évidemment pas acceptable. "
Avec les résultats de recherches en rapport l'actualité, Google a décidé qu'il n'affichera plus par défaut des aperçus d'articles avec quelques lignes ou les petites images. Un moyen de se soustraire à un paiement de droits voisins.
Le cas échéant, les éditeurs et agences de presse pourront donner l'autorisation d'afficher des contenus enrichis, mais sans rémunération en contrepartie.
La décision de @Google n’est pas que regrettable. Elle est irrespectueuse de l’esprit de la directive européenne et du droit français. >https://t.co/WruTHkiEJy
— Cédric O (@cedric_o) 25 septembre 2019
Secrétaire d'État en charge du Numérique, Cédric O estime que la décision de Google est " irrespectueuse de l'esprit de la directive européenne et du droit français. " Franck Riester indique qu'il va prochainement s'entretenir avec ses homologues européens " pour remédier à la situation. " Dans le même temps, il appelle à " une véritable négociation globale entre Google et les éditeurs. "
Google a déjà fait valoir ses initiatives en faveur du soutien à la presse pour développer de nouvelles sources de revenus, en plus " d'orienter les internautes vers les sites d'information qui en tirent un revenu supplémentaire. " Autrement dit, en générant du trafic sur les sites.
L'application de la directive Droit d'auteur selon Google.
Fin octobre entrera en vigueur la nouvelle loi française sur le droit d’auteur qui accorde davantage de droits aux éditeurs de presse présents sur internet. Cette loi est la première transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur, qui fut adoptée il y a quelques mois. Suite à cela, nous allons procéder à des changements dans la manière dont les résultats d’actualités apparaîtront dans notre moteur de recherche. Si vous êtes en France, vous verrez que certains résultats apparaîtront différemment.
A l'heure actuelle, lorsque nous affichons les résultats de recherches liées à l’actualité, vous voyez un titre, dont le lien renvoie directement vers le site d’information concerné. Dans certains cas, nous proposons également un aperçu de l’article, par exemple quelques lignes de texte ou une petite image appelée « vignette ». Ces titres et aperçus vous aident à décider si le résultat correspond à votre recherche et si vous souhaitez cliquer dessus.
Lorsque la loi française entrera en vigueur, nous n’afficherons plus d’aperçu du contenu en France pour les éditeurs de presse européens, sauf si l’éditeur a fait les démarches pour nous indiquer que c’est son souhait. Ce sera le cas pour les résultats des recherches effectuées à partir de tous les services de Google.
Les éditeurs ont toujours eu la possibilité de choisir s’ils voulaient ou non que leurs contenus soient accessibles via le moteur de recherche de Google ou sur Google Actualités. Nous venons de mettre en place des réglages plus granulaires pour les webmasters grâce auxquels les éditeurs peuvent indiquer la quantité d’information qu’ils souhaitent voir apparaître sous forme d’aperçu dans les résultats de la recherche. Les éditeurs du monde entier peuvent ainsi utiliser ces nouveaux réglages afin de choisir le type d’aperçu le mieux adapté pour attirer les internautes vers leur site.
Avec internet, le choix et la diversité de l’information n’ont jamais été aussi vastes. Face à une telle offre, les utilisateurs peuvent avoir du mal à trouver l’actualité qui les intéresse. Et tous les types d’éditeurs — qu’ils soient grand ou petit, éditeur de presse traditionnel, nouvel acteur numérique, site d’actualités locales ou publication spécialisée — ont intérêt à ce que les lecteurs soient orientés vers leurs contenus.
Nous avons conçu Google de manière à assurer à chacun les mêmes conditions d’accès à l’information, ce qui suppose notamment d’aider l’internaute à trouver les contenus d’actualités les plus pertinents. Dans le secteur de la presse écrite, les éditeurs paient pour que leurs journaux, quotidiens ou magazines, soient proposés à une clientèle qui ne les connaît peut-être pas. Ce service, Google l’offre aux éditeurs gratuitement. Cette approche est créatrice d’une valeur tangible pour les éditeurs. Rien qu’en Europe, Google est à l’origine de plus de 8 milliards de visites par mois sur les sites des éditeurs de presse, ce qui représente plus de 3 000 visites chaque seconde. Les éditeurs peuvent ainsi attirer un nouveau public et augmenter leur chiffre d’affaires au moyen de la publicité et des abonnements. Le cabinet d’études Deloitte a estimé que chaque clic renvoyé par Google vers les grands éditeurs de presse représentait un potentiel de revenus supplémentaires compris entre 4 et 6 centimes d’euro.
En plus d’orienter les internautes vers les sites d’information, qui en tirent un revenu supplémentaire, Google continue de contribuer à l’essor du journalisme en ligne. Nous cherchons constamment de nouveaux moyens de valoriser des contenus de haute qualité sur nos produits. Nous investissons 300 millions de dollars sur trois ans dans la Google News Initiative. Ce programme aide les éditeurs à développer de nouvelles sources de revenus et à explorer de nouvelles manières innovantes de présenter l’information. Cela englobe notamment des centaines de projets destinés à favoriser la vérification des informations, à mieux décrypter les médias et à délivrer près de 300 000 formations à des journalistes en Europe.
Avec le développement d’internet, le comportement des consommateurs a changé. Nous sommes nombreux à nous connecter pour obtenir des informations et des services à partir de sites spécialisés et de places de marché en ligne. Le vaste choix d’informations sur internet induit une concurrence qui représente un véritable défi pour les éditeurs de presse, qui par conséquent doivent adapter leurs modèles économiques. Nous prenons très au sérieux notre collaboration actuelle avec les organes et éditeurs de presse, quelle que soit leur taille et quelle que soit leur ancienneté, pour les aider à s’adapter à l’ère du numérique. C’est en travaillant main dans la main que nous pourrons avancer.
Richard Gingras, Vice President of News, Google Inc.
Le Parlement a approuvé mardi 23 juillet l'instauration d'un "droit voisin" au droit d'auteur au bénéfice des agences et des éditeurs de presse, une réforme destinée à rééquilibrer leurs relations avec les géants du numérique comme Google ou Facebook.
Cette proposition de loi, adoptée par 81 voix contre une, lors d'un ultime vote de l'Assemblée, est la première transcription, dans une législation nationale, de l'article 15 (ex-11) de la directive européenne sur le droit d'auteur, approuvée fin mars par le Parlement européen.
"Nous pouvons être fiers d'être le premier pays d'Europe", s'est félicité le ministre de la Culture Franck Riester, qui avait salué un "texte absolument essentiel pour notre démocratie et la survie d'une presse indépendante et libre".
"L'Assemblée a su se rassembler pour montrer aux GAFA qu'en démocratie, la presse n'est pas un produit comme les autres", a ajouté le rapporteur Patrick Mignola (MoDem).
La création d'un "droit voisin" doit permettre aux médias, comme l'Agence France-Presse (AFP), de se faire mieux rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production par des agrégateurs d'informations, comme Google News, ou des réseaux sociaux comme Facebook.
Le texte adopté exclut cependant "les actes d'hyperlien ainsi que les mots isolés et les très courts extraits d'une publication de presse" du champ de la protection du droit voisin, dont la durée est fixée à deux ans, conformément à la directive européenne.
L'adoption de cette proposition de loi, initiée par le sénateur David Assouline (PS), ouvre la voie à des négociations portant notamment sur l'assiette et les modalités de rémunération, ou encore sur le choix de la société chargée de la collecte et de la gestion des fonds.
"Le montant de la rémunération (...) devra prendre en compte des éléments tels que les investissements humains, matériels et financiers réalisés" par les éditeurs et agences, ainsi que "leur contribution à l'information politique et générale", précise le texte qui entend favoriser ainsi la qualité plutôt que l'audience.
Les journalistes professionnels et les autres auteurs des oeuvres publiées (photographies et vidéos incluses) auront également droit à "une part appropriée et équitable" de la rémunération, indique la proposition de loi.
"C'est l'aboutissement d'un long travail que nous portons depuis trois ans", a déclaré à l'AFP Florence Braka, directrice générale de la Fédération française des agences de presse, qui observe que "les informations coûtent cher à produire et les contenus, notamment les photos, sont pillés via les plateformes".
"Cela va permettre de rééquilibrer la valeur dans un secteur qui est vital pour la démocratie", en soutenant des médias qui produisent "une information de qualité et vérifiée", selon elle.
Pour Bruno Hocquart de Turtot, représentant de l'Alliance de la presse d'information politique et générale, qui rassemble la plupart des titres de la presse écrite (hors magazines), "le travail des éditeurs de presse et des journalistes va être enfin rémunéré au lieu de se voir allègrement pillé par les GAFA" (Google, Apple, Facebook, Amazon).
De son côté, l'Association des services internet communautaire (ASIC) qui compte Google et Facebook parmi ses membres, a souligné dans un communiqué les "exceptions" consacrées par le Parlement, "protégeant la libre circulation de l'information et le libre choix des éditeurs et acteurs du numérique".
Elle s'est également réjouie que "malgré les craintes, la loi ne crée pas d'obligation de rémunération systématique pour chaque lien hypertexte", mais a regretté qu'elle n'ait pas clarifié "ce qu'il faut entendre par "très court extraits" d'une publication de presse".
Interrogative sur "le périmètre d'application de la loi", elle s'est aussi demandé "si des contenus qui ne seraient pas d'information politique et générale" entrent ou non "dans le périmètre du nouveau droit", et même "s'ils seraient légitimes à recevoir une rémunération".
Les pays membres de l'UE ont jusqu'au 17 avril 2021 pour transposer la directive européenne sur le droit d'auteur dans leur législation nationale.
On nous a accusés lors des longs débats sur la directive copyright, d’une part, de faire le jeu des GAFAM, d’autre part, de ne pas penser aux auteurs, aux autrices, aux journalistes, aux pigistes, à tous ces métiers de la création.
D’abord, il faut dire que tout n’est pas mauvais dans la directive copyright. Certains points sont positifs, par exemple ce qui relève de la protection du domaine public, trop souvent détourné.
Ensuite, ce sont surtout les articles 15 (ex 11), sur les liens vers les articles de presse, et 17 (ex 13), sur le partage de contenus, qui sont problématiques et auxquels beaucoup de personnes, d’associations de défense des libertés, et les Partis Pirates de toute l’Europe, se sont opposés.
Pour les défenseurs de ces articles, dont le discours a largement été repris par les médias, il s’agissait d’un combat binaire : d’un côté les créateurs et ayants-droit, de l’autre les géants d’Internet, où il fallait rééquilibrer où allait l’argent, le « partage de valeur ». Si on était contre les articles 15 et 17, on était forcément pour les GAFAM.
Or… ce n’est pas si simple. Sur Internet, contrairement à ce que disent les lobbyistes des ayantsdroit, il y a beaucoup d’autres personnes, des citoyens, des associations, des sites communautaires, des entreprises, qui vont souffrir des articles 15 et 17.
Donc, on peut être contre les articles 15 et 17 tout en n’étant pas non plus grand ami des GAFAM. Il y a même d’excellentes raisons de penser que les articles en question vont, en réalité, avantager les GAFAM. Mais c’est une autre histoire, nous ne la développerons pas ici.
Maintenant, parlons des créateurs. La directive copyright ne dit pas grand-chose pour les protéger. Elle est écrite pour appuyer les ayants-droit dans leurs négociations de licence auprès des géants d’Internet. Elle suppose ensuite que ce qui profite aux ayants-droit profitera forcément aux créateurs. On sait que ce n’est pas si simple. Des sociétés d’auteurs qui ont défendu la directive reconnaissent maintenant que son adoption et sa transposition ne leur apporteront rien s’ils ne défendent pas le droit des créateurs en tant que tels.
Nous le savons, il y a un certain nombre d’intermédiaires qui se gavent sur le dos des auteurs, des autrices, des pigistes ; et la directive ne va rien changer à cette situation. Certains articles (l’article 16 notamment) affaiblissent même la position des auteurs.
Avec le temps, et quoi qu’on pense de notre société actuelle, il est de plus en plus facile de faire de la création. C’est sur cela que les intermédiaires fonctionnent : transformer une ressource abondante en une raréfaction institutionnalisée. Transformer une manne en un investissement financier.
Alors oui, plus de création c’est offrir un choix plus large pour plus de spectateurs. Mais c’est croire, encore et toujours, que l’assiette culturelle va s’agrandir de manière magique. Alors qu’en fait la seule chose que cela va faire, c’est fragmenter un peu plus les ventes.
Et qui dit fragmentation dit, par personne, moins de revenu … et donc une précarisation rampante des … auteurs, autrices, pigistes… que les éditeurs ont sélectionnés.
Les mécaniques que certains politiques mettent en place pour le compte des intermédiaires ne servent pas à protéger les producteurs de contenu, les créatifs, comme ils le pensent, mais à sanctuariser la position des éditeurs.
Donc le Parti Pirate ne lutte pas contre les auteurs ! Au contraire, nous soutenons ardemment la créativité et nous voulons protéger les créateurs des multiples prédateurs auxquels ils sont confrontés. Ce que nous constatons, c’est que l’industrie culturelle, menée par les plus gros prédateurs de la créativité, est écoutée par les gouvernements et par un certain nombre de députés européens.
Voilà pourquoi le Parti Pirate s’est opposé aux articles 15 et 17 : ils profitent à quelques-uns, mais pas aux créateurs, ni aux citoyens.
Texte écrit par Cédric Levieux et Pierre Bessac
La Pologne a officiellement contesté la directive controversée sur le droit d’auteur récemment approuvée par l’Union européenne, selon Reuters, affirmant que cette législation entraînerait une censure non souhaitée. Le pays a déposé sa plainte devant la Cour de justice de l'Union européenne.
Le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Konrad Szymanski, a déclaré que « le système pourrait aboutir à l'adoption de réglementations analogues à la censure préventive, interdite non seulement par la constitution polonaise, mais également par les traités européens ». Les députés polonais ont majoritairement rejeté la mesure (deux abstentions, huit pour, 33 contre, six non-votants et deux manquants) lors du vote.
Le Conseil de l'Union européenne a officiellement approuvé la directive en avril et celle-ci entrera en vigueur le 7 juin 2019. Suite à cette action, les États membres de l'UE auront jusqu'au 7 juin 2021 pour élaborer leurs propres lois afin de la mettre en œuvre. La législation est conçue pour mettre à jour la loi sur le droit d'auteur et contient un certain nombre de clauses controversées, telles que l'article 11, appelé "taxe sur les liens", qui permettra aux éditeurs de charger des plateformes telles que Google d'afficher des informations d'actualité, et l'article 13, qui tient pour responsables les plateformes où le contenu qui enfreint le droit d'auteur serait publié.
Les propriétaires de telles plateformes telles que Facebook, Google, YouTube, Wikipedia et d’autres craignent que la directive ne nuise à la façon dont les utilisateurs s’en servent (avant cette directive, les plateformes de contenu n’étaient pas tenues pour responsables du contenu qu’elles hébergent, à condition de s’efforcer de supprimer tout contenu signalé et reconnu comme enfreignant le droit d'auteur, notamment de la musique ou des films piratés). Les sites devraient désormais s’assurer de manière proactive que le contenu protégé par le droit d’auteur ne parvient pas à être diffusé sur leurs plateformes.
Les conséquences de l'article 13
Ray Corrigan, maître de conférences à la faculté des sciences de l'ingénierie et mathématiques de l'Université Ouverte du Royaume-Uni, a fait valoir que l'article 13 vise à instaurer le filtrage automatique des contenus mis en ligne, puisque ce sont des algorithmes qui devraient juger quel contenu a le droit d'apparaître sur Internet.
Cela pourrait être intéressant si ça pouvait fonctionner comme annoncé, c'est-à-dire bloquer tout ce qui est en violation des droits d'auteur sur Internet et ne laisser passer que le contenu légal. « En particulier, ce serait intéressant pour les décideurs, qui ignorent souvent les technologies et qui sont souvent sous la pression de faire quelque chose à propos de l'énorme ampleur de la violation du droit d'auteur sur Internet », estime Ray Corrigan. Mais « le problème est qu'il n'y a pas de technologie magique qui puisse faire la différence entre contenu contrevenant au droit d'auteur et le contenu non-contrevenant sauf au niveau le plus basique », ajoute-t-il.
Les amateurs pensent que le machine learning pourrait résoudre ce problème, « mais l'utilisation de filtres capables de détecter des nuances subtiles de réutilisation [d'un contenu] n'est pas une de ces choses » dans lesquelles le machine learning est assez efficace, trouve-t-il. Par conséquent, des contenus comme la parodie vont se retrouver facilement bloqués.
L’approche du parlement est irréaliste dans de nombreux cas, selon la PDG de YouTube
En octobre dernier, Susan Wojcicki, la PDG de YouTube est monté au créneau pour appeler les créateurs de vidéos à protester contre l'article 13 de la directive Copyright qui, selon elle, menace des milliers d'emplois. Elle a, en effet, mis en garde les réalisateurs de vidéos contre la directive et les a exhorté à protester vivement contre la réglementation : s’appesantissant tout particulièrement sur l’article 13, elle explique aux réalisateurs de vidéos dans un billet de blog que « cette législation menace à la fois leur gagne-pain et leur capacité à partager leur voix avec le monde ». « L'article 13 menace des centaines de milliers d'emplois, de créateurs européens, d'entreprises, d'artistes et tous leurs employés. La proposition forcera les plateformes, comme YouTube, à donner la priorité au contenu d’un petit nombre de grandes entreprises. Le fardeau de la preuve du droit d'auteur sera trop lourd pour la plupart des créateurs indépendants », disait-elle.
En novembre, elle est revenue à la charge, affirmant qu'il est impossible pour une plateforme comme YouTube de respecter les réglementations suggérées. Elle déclare que YouTube n'a pas les capacités techniques ou financières pour appliquer le type de restriction du droit d'auteur que l'Union européenne recherche. « L'approche du parlement est irréaliste dans de nombreux cas, car les titulaires de droits d'auteur ne sont souvent pas d'accord sur qui détient quels droits. Si les propriétaires ne peuvent s'entendre, il est impossible d'espérer que les plateformes ouvertes hébergeant ce contenu prennent les bonnes décisions en matière de droits », a-t-elle annoncé.
Pour s'expliquer, elle a pris l'exemple de « Despacito », la vidéo la plus regardée sur YouTube. « Cette vidéo contient plusieurs droits d'auteur, allant de l'enregistrement sonore aux droits de publication. Bien que YouTube ait passé des accords avec plusieurs entités en vue de la licence et du paiement de la vidéo, certains détenteurs de droits restent inconnus. Cette incertitude signifie que nous pourrions devoir bloquer de telles vidéos pour éviter toute responsabilité au titre de l'article 13. Multipliez ce risque par la taille de YouTube, où plus de 400 heures de vidéo sont téléchargées chaque minute et le passif potentiel pourrait être si important qu'aucune entreprise pourrait prendre un tel risque financier », dit-elle.
Depuis son lancement en octobre 2007, YouTube a investi plus de 100 millions de dollars dans son système d’identification du contenu. Wojcicki le considère toujours comme le meilleur moyen de détecter les violations du droit d’auteur et de veiller à ce que les titulaires de droits d’auteur soient payés lorsque leur contenu est utilisé. Elle pense aussi que le Content ID est la solution pour gérer les droits à l'échelle mondiale. YouTube a « déjà pris des mesures pour lutter contre la violation du droit d'auteur en développant une technologie, telle que notre programme Content ID, afin d'aider les titulaires de droits à gérer leurs droits d'auteur et à gagner de l'argent automatiquement. Plus de 98 % des droits d'auteur sur YouTube sont gérés via Content ID. À ce jour, nous avons utilisé le système pour verser aux titulaires de droits plus de 2,5 milliards d'euros pour l'utilisation de leur contenu par des tiers. Nous pensons que Content ID constitue la meilleure solution pour gérer les droits à l'échelle mondiale », a-t-elle déclaré.
Les européens pourraient-ils être coupés de certaines vidéos sur YouTube ?
Pour elle, les conséquences de l'article 13 vont même au-delà des pertes financières. « Les résidents de l'UE risquent d'être coupés de vidéos qui, au cours du mois dernier, ont été visionnés plus de 90 milliards de fois. Ces vidéos proviennent du monde entier, y compris de plus de 35 millions de chaînes de l’UE, et comprennent des cours de langue, des tutoriels scientifiques et des vidéos de musique », dit-elle. Toutefois, elle se réjouit à l'idée de travailler avec les décideurs et les plateformes pour développer une solution au sein de l'article 13 qui protège les titulaires de droits tout en permettant à l'économie créative de prospérer. « Cela pourrait inclure des accords de licence plus complets, une collaboration avec les détenteurs de droits pour identifier qui possède quoi et une technologie intelligente de gestion des droits, similaire à Content ID », propose-t-elle.
Elle conclut en disant que « les plateformes qui respectent ces règles et s'efforcent d'aider les détenteurs de droits à identifier leur contenu ne doivent pas être tenues pour responsables de chaque élément de contenu téléchargé par un utilisateur ». Elle avait exhorté les décideurs politiques à trouver une solution qui protège à la fois les titulaires de droits et les créateurs.
Susan Wojcicki n'était pas la seule à protester contre l'article 13 de la directive. La fondation Mozilla a estimé que le filtrage automatique de contenu et les dispositions relatives aux droits d’auteur figurant à l’article 13 sont impraticables pour les sociétés de logiciels open source, dont elle fait partie, et l’écosystème open source en général. Le filtrage automatique concerne en effet toutes les formes de contenu protégé par le droit d'auteur, y compris les logiciels. Le coût et le risque juridique associés à ces nouvelles règles vont donc pousser les petits développeurs de logiciels open source hors de l’Europe et menacer les plateformes de partage de code dont ils dépendent pour innover.
Source : Reuters, annonce sur Twitter
La réforme du droit d'auteur en Europe veut aider les créateurs de contenus à défendre leurs droits vis-à-vis des plateformes numériques.
(CCM) — Dans la nouvelle directive que les députés européens viennent d'adopter, le célèbre article 13 est devenu l'« article 17 », mais dans l'ensemble, le contenu de la loi n'a pas changé fondamentalement. La réforme du droit d'auteur en Europe prend forme, en renforçant les responsabilités desplateformes de contenus en ligne.
Le nouvel article 17 de la directive européenne sur le droit d'auteur prévoit que les plateformes digitales soient considérées comme responsables des contenus que les internautes partagent publiquement. C'est la fin programmée du statut d'hébergeur dont beaucoup de plateformes profitaient jusqu'à présent. L'objectif est de mieux protéger les œuvres en amont, dès le moment où un internaute veut les « uploader ».
Les obligations imposées aux plateformes dépendent de leur situation. Après 3 ans d'existence et au-delà de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, leur responsabilité est de rendre inaccessible tout contenu inapproprié le plus vite possible. Quant aux plateformes de plus de 5 millions de visiteurs par mois, leur responsabilité n'entre en jeu qu'à partir du moment où elles ont reçu une notification des ayants droits. En cas d'infraction sur le droit d'auteur, chaque contrefaçon pourrait être punie de 3 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
Les législateurs ont prévu des exceptions. Les parodies restent permises, même sans l'autorisation des propriétaires des contenus. Idem pour les citations, les revues de presse ou les critiques. Sont également exclus les plateformes de contenus à but non lucratif, les sites de partage de logiciels libres, les places de marché et les services de communication. Wikipedia, GitHub, LeBonCoin, WhatsApp et leurs concurrents devraient donc échapper aux nouvelles responsabilités prévues par la directive européenne.
Mais sur toutes les plateformes concernées, le filtrage automatique des contenus devrait devenir la norme, quitte à ce que des contenus soient refusés abusivement, comme le craignent les défenseurs des libertés sur Internet. Ces derniers craignent que les algorithmes de filtrage ne soient pas assez performants pour analyser les différents contextes d'utilisation d'un même contenu : entre une parodie et une utilisation abusive d'une vidéo, la différence est parfois subtile.
Le Parlement européen a adopté aujourd’hui la Directive sur le droit d’auteur. Cédant au lobbying intense et fallacieux des industries de la presse et de la culture, ainsi qu’à la pression de plusieurs gouvernements européens (avec la France en première ligne) l’Union européenne vient d’institutionnaliser la censure automatisée et la surveillance de masse pratiquées par les géants du Web.
Aujourd’hui, en quelques minutes à peine, le Parlement européen a adopté le texte de la Directive Copyright (par 348 voix contre 274). Croyant agir au nom de la défense des auteurs et de la liberté de la presse, l’Union européenne vient au contraire (comme nous le dénonçons depuis plusieurs mois) de renforcer la dépendance de l’industrie de la culture et de la presse aux géants du Web, Google et Facebook en tête. Les manifestations de ce week-end, les pétitions, les tribunes et autres campagnes organisées par des associations de défense des libertés à travers toute l’Europe n’auront donc eu que peu de poids face à la campagne frénétique et mensongère menée par les promoteurs de ce texte (voir, pour un bon exemple, ici, à 1’06’10).
Le texte adopté impose notamment à une partie des acteurs du Web — les plateformes centralisées et lucratives — une obligation de filtrage a priori des contenus protégés par le droit d’auteur (article 13, devenu article 17). Il crée également de nouveaux droits pour les éditeurs de presse, en forçant les plateformes à les rémunérer pour toute utilisation de leurs contenus (article 11, devenu article 15). Nous le répétions encore la semaine dernière : ces dispositions ne pourront entraîner que de graves restrictions de la liberté d’expression et de l’accès à l’information.
En aucun cas, elles ne permettront de rééquilibrer les relations avec les Géants du Net : elles ne conduiront qu’à leur déléguer encore plus de pouvoir. Ces derniers doivent d’ailleurs voient sûrement avec plaisir l’ouverture d’un nouveau marché très porteur, celui des filtres automatiques. Déjà leaders sur ce sujet, les géants ne seront sûrement pas mécontents de le voir institutionnalisé et consacré par l’Union européenne.
Au lieu de combattre la surveillance de masse mise en place par les Géants du Net, la Directive Copyright consacre leur puissance, pourtant basée sur la violation du RGPD voté par le même Parlement européen… D’où vient l’argent que convoitent tant les industries de la presse et de la culture ? Du marché de la publicité ciblée qu’exploitent depuis plusieurs années les GAFAM en toute illégalité, et qui est entièrement fondé sur la surveillance généralisée de nos comportements sur le Web. Alors que les premières décisions commençaient justement à remettre en cause ce modèle économique (voir notre communiqué sur la décision de la CNIL contre Google), l’Union européenne et ses gouvernements ne semblent pas réellement souhaiter l’application de leur propre texte, mais plutôt se satisfaire de petits retours financiers sur la violation de nos libertés.
Ainsi, l’Union européenne préfère promouvoir des outils de filtrage automatique, dans une logique de toujours plus de censure, de toujours plus de surveillance, au lieu de se pencher sur d’autres réformes et d’autres solutions plus adaptées au monde numérique et surtout plus respectueuses de nos libertés (voir nos propositions).
Malgré le vote d’aujourd’hui, la lutte contre le filtrage automatisé et la censure continue. L’autre texte contre lequel La Quadrature se bat depuis plusieurs mois, et qui repose sur les mêmes logiques de censure automatisée, de surveillance et de centralisation, sera voté en commission parlementaire début avril. Il nous reste encore quelques jours pour appeler les députés en charge de ce règlement de censure automatique de contenus terroristes et leur demander de le rejeter.
Mardi 26 mars 2019, journée noire pour les libertés sur Internet et pour tous ceux et celles qui agissent au quotidien pour promouvoir un Internet libre et ouvert, neutre et acentré, donc contre l'emprise technologique des GAFAM. 348 parlementaires européens (contre 274) ont adopté la généralisation du filtrage automatisé des contenus mis en ligne. Le coup est dur mais l'April restera mobilisée pour la transposition future du texte en droit national et pour la probable révision à venir de la directive E-commerce, dont les principes structurants ont été profondément mis à mal par la directive droit d'auteur.
Malgré une incroyable mobilisation citoyenne et des prises de position argumentées toujours plus nombreuses issues de milieux très divers — culturel, technique, juridique, associatif comme institutionnel — les eurodéputés ont finalement approuvé la version issue des négociations inter-institutionnelles et portée par le rapporteur Axel Voss.
Des amendements de suppression de l'article 13, devenu article 17, avaient bien été déposés, mais 317 parlementaires (contre 312) ont jugé qu'il n'y avait pas lieu de les soumettre aux votes malgré les désaccords profonds entourant la disposition. La procédure prévoit en effet qu'avant de voter d'éventuels amendements les parlementaires doivent d'abord valider le fait d'amender le texte.
La liste des votes nominatifs est disponible (en PDF) pour les deux votes : celui de refus d'amendements et sur la directive elle même. On notera à regret que seulement deux parlementaires côté français ont voté contre la directive droit d'auteur dont un article institutionnalise pourtant la censure automatisée : Marie-Christine Vergiat et Younous Omarjee du groupe GUE/NGL. Un grand merci à elle et à lui ! L'ensemble de leurs collègues ont voté favorablement ou se sont abstenus.
Par ailleurs, dans les votes comptabilisés, ils ne sont que trois français et française parmi les 312 parlementaires à avoir voté pour la tenue d'un vote sur l'article 13. Sur ce même vote, parmi les 24 abstentionnistes, quatre sont français. Précisons que des « corrections d'intention de vote » ont été signalées ensuite (voir page 51), corrections qui font que normalement il aurait dû y avoir une majorité pour que les amendements de suppression de l'article 13 soient soumis au vote. Deux parlementaires françaises ont indiqué avoir en fait voulu voter en faveur de l'étude des amendements alors que leur vote a été comptabilisé comme une abstention.
Nous n'oublierons pas les parlementaires qui ont jugé acceptable de confier l'application du droit d'auteur et la protection (sic !) de la liberté d'expression à des systèmes automatisés gérés par des entités de droit privé. Les positions des parlementaires français et françaises sont détaillées en bas de page.
Si l'exclusion des plateformes de développement et de partage de logiciels libres a été actée, article 2 (6), il n'est évidement pas question de s'en satisfaire tant le texte est contraire aux valeurs du logiciel libre.
L'April restera bien sûr mobilisée et remercie toutes celles et ceux qui se sont mobilisés contre ce texte liberticide.
La réforme du droit d'auteur sur Internet est approuvée par le Parlement européen ce mardi 26 mars 2019. Souvent présentée comme une solution pour "sauver les auteurs et la presse" contre l'appétit des géants du Net qui ne les rétribuent pas, la réalité est plus complexe et plus nuancée.
Personne n'a encore réussi à comprendre ce qu'il se passerait réellement si la directive droits d'auteur sur Internet était votée, après plus de deux ans de négociations et de remaniements. Maintenant que le Parlement européen l'a approuvée, ce mardi 26 mars, il est temps de refaire le point sur ceux qui la dénoncent ou ceux qui la plébiscitent.
Jeudi 21 mars 2019, les versions de l'encyclopédie coopérative en ligne Wikipédia, en allemand, en tchèque, en slovaque et en danois n'étaient pas disponibles pour 24 heures, en signe de protestation contre la directive droits d'auteur.
Pour résumer : deux camps s'affrontent, et en réalité… trois. D'un côté, les sociétés d'auteurs et les auteurs, ayants droit, organes de presse, et de l'autre les plateformes géantes du Net et les défenseurs des libertés sur Internet. Croire que les deux derniers s'opposeraient aux premiers pour les mêmes raisons est un raccourci souvent utilisé : des accusations de financement par Google du collectif "Save the Internet" qui appelle à manifester en Europe ont circulé et la croyance que les GAFAM seraient seuls à la manœuvre pour faire empêcher le vote de la directive ou seraient de mêche avec des organisations civiles anti-censure internet, reste encore d'actualité. Pourtant, la vérité se situe souvent au milieu du gué, et c'est bien là que se situe le nœud du problème avec la directive droits d'auteur, ses détracteurs… et ses soutiens.
A lire : Droits voisins Internet : l'Union européenne donne son feu vert pour une réforme
Une idée juste…
Rétribuer les auteurs lorsque leurs œuvres sont utilisées ou empêcher leur utilisation par des tiers sans accord est une règle juste qui s'applique dans le monde physique sans opposition particulière. Mais sur Internet cette règle n'est pas forcément respectée : plateformes de streaming illégales, diffusion d'œuvres par des particuliers sur YouTube, partages de photos, de vidéos sur Facebook et diffusion d'articles de presse sont devenus courants, le tout étant massivement monétisé par les firmes, et ce, sans contreparties. C'est à cet état de fait que la directive droits d'auteurs veut s'attaquer. Pour redonner le pouvoir à ceux qui créent les contenus plutôt qu'à ceux qui les pillent ou les exploitent illégalement.
La directive droits d'auteur est donc une directive qui a pour ambition d'aider la création artistique, soutenir les producteurs de contenus et pouvoir les rétribuer : une idée considérée comme "juste" par tous — collectifs de "défense d'Internet" inclus — à l'exception des firmes mises en cause, que sont les GAFAM et autres plateformes d'échanges de contenus. Mais comme le diable se cache dans les détails, ce n'est pas l'idée en tant que telle qui est contestée mais les moyens prévus pour l'appliquer. C'est sur cet aspect que les défenseurs des libertés et les promoteurs de la directive sont irréconciliables.
…pour une application décalée ?
Deux articles sont contestés en particulier : le 11 et le 13, qui — pour simplifier — obligent les fournisseurs de contenus à empêcher que des contenus sans accord avec des ayants droit puissent être publiés, ou que des citations puissent être faites sur des contenus de presse sans rétribution.
L'article 13 de ce texte entend créer de nouvelles règles pour les gros hébergeurs - qui diffusent un « grand nombre d'œuvres ». Ceux-ci devraient passer des accords avec les ayants droit des œuvres qu'ils diffusent, afin de définir les modes de répartition des revenus (publicitaires ou d'abonnement) avec ceux-ci ou de prendre des mesures pour empêcher la diffusion de contenus signalés par ces derniers. Le texte mentionne des « techniques efficaces de reconnaissance des contenus », faisant clairement référence au Content ID déployé sur YouTube depuis dix ans - outil qui permet à Google de détecter automatiquement les œuvres publiées sur son site afin de permettre à leurs ayants droit d'empêcher ou de permettre leur diffusion (auquel cas contre rémunération).
(Droits voisins Internet : l'Union européenne donne son feu vert pour une réforme)
Ces articles ont été assouplis depuis septembre : dans la nouvelle version les hyperliens vers des sites presse sont par exemple désormais possibles sans autorisation : Wikipedia ne devrait donc pas subir les foudres de la directive droits d'auteur pour ses liens externes. Mais de nombreuses nuances apportées dans la directive laissent dans le flou la surveillance des contenus et leur retrait, les possibilités de citations d'articles sans accord ou la création de pastiches, de parodies à partir d'œuvres commerciales…
Le site NextInpact détaille point par point les effets possibles de censure ou de limitations de la liberté d'expression que la directive pourrait causer, ainsi que les potentielles avancées en matière de financement de la presse par Google ou d'autres plateformes de mises en avant de contenus : "Directive Droit d'auteur : mais qu'ont voté les eurodéputés ?"
Savoir précisément ce qu'il sera possible ou non de publier, sur quelle durée, par quels moyens, depuis quelle plateforme est excessivement difficile à la lecture du texte de loi européen. Les défenseurs d'Internet estiment par exemple que la "censure aveugle des robots de téléchargement", empêchera de nombreux partages, comme les "mèmes Internet" (idée, concept simple propagés à travers le web, prenant la forme d'un hyperlien, d'une vidéo, d'un site Internet, d'une image).
Liberté, protection et surveillance sont dans un bateau
Internet et son célèbre avatar le World Wide Web est un outil de partage depuis l'origine. Son succès mondial est le fruit d'une liberté de diffusion de l'information sans contraintes entre tous ses utilisateurs. Ce succès a permis d'ouvrir les échanges à tous mais a aussi créé des opportunités commerciales immenses, des monopoles de fait, menant à l'exploitation indue du travail d'autrui : c'est cette distorsion que veut combattre la directive droit d'auteur en permettant de protéger les créations.
Mais protéger en contraignant les plateformes à surveiller chaque contenu pour vérifier les droits qui lui sont conférés, oblige ces plateformes à automatiser le filtrage des contenus, selon les défenseurs de la liberté d'expression sur Internet. Tout contenu ou extrait de contenu commercial pourrait alors être supprimé ou impossible à partager sur le réseau de façon publique. C'est avec cette crainte qu'une question simple pourrait se poser : "Si dans le bateau Internet accueillant la protection, la surveillance et la liberté, la liberté tombe à l'eau, qui va donc rester dans le bateau ?"
La réponse est facile. Reste désormais à voir si celle-ci s'applique aussi simplement ou de manière plus souple… une fois la directive adoptée.
Pascal Hérard
es eurodéputés ont approuvé mardi 26 mars la réforme européenne du droit d'auteur, un texte très attendu par les médias et le monde de la culture mais combattu par les plateformes américaines et les partisans de la liberté sur internet.
Présentée par la Commission européenne en septembre 2016, cette réforme a reçu 348 votes pour, 274 contre et 36 abstentions. Les grandes plateformes commerciales américaines comme Google, Facebook ou YouTube, devront donc coopérer avec les auteurs et la presse pour les rémunérer ou les aider à protéger leurs œuvres.
"Je sais qu'il y a beaucoup de craintes sur ce que peuvent faire ou pas les utilisateurs - maintenant, nous avons des garanties claires sur la liberté d'expression (...) et la créativité en ligne", s'est félicité le vice-président de la Commission européenne, Andrus Ansip, sur twitter. Présentée par M. Ansip en septembre 2016, cette réforme aux enjeux financiers conséquents a fait l'objet d'un lobbying sans précédent de la part de ses partisans comme de ses opposants, mobilisés jusqu'au dernier jour.
Mardi 26 février 2019 la commission JURI, ou « affaires juridiques », a validé le texte de proposition de directive sur le droit d'auteur issu des négociations interinstitutionnelles. Sans surprise la dernière ligne de défense sera le vote final en séance plénière qui devrait avoir lieu lors de la session parlementaire du 25-28 mars. Mobilisons-nous d'ici là afin qu'une majorité absolue de parlementaires se montre à la hauteur de l'enjeu et rejette ce texte liberticide.
Par un vote à 16 contre 9, la commission JURI a approuvé le texte issu des négociations interinstitutionnelles1, dans lequel la version de l'article 13 est considérée comme une des pires, voire la pire des versions à ce jour. L'ensemble des parlementaires français a voté en faveur. La prochaine et ultime étape sera donc le vote en séance plénière où l'ensemble des parlemenaires européens, 750 au total, sera amené à se prononcer sur la directive, dont le liberticide article 13. Ce vote est annoncé pour la session parlementaire du 25-28 mars, mais ça ne serait pas une première dans l'histoire de cette directive s'il devait être reporté.
Ce vote sera donc crucial, il inscrira dans le droit européen la négation de nos valeurs, ou il enverra ce projet de directive dans les corbeilles de l'histoire. Le résultat de ce vote sera structurant pour la manière dont nous accéderons, produirons et partagerons à l'avenir de la connaissance en ligne, dans toute ses formes.
Nous devons rester mobilisés pour contacter et convaincre une majorité absolue de parlementaires de se montrer à la hauteur de l'enjeu et de voter contre cette directive !
Le 23 mars est annoncée comme une journée européenne de mobilisation. La campagne semble notamment très forte en Allemagne, où de nombreux rassemblements sont d'ores et déjà prévus, ou ont déjà eu lieu.
À quelques mois des élections européennes de mai, une campagne spécifique a été lancée pour interpeller les parlementaires européens avec un message clair : « Si vous votez pour l'article 13, nous ne voterons pas pour vous ». Le site pledge2019 offre pour cela un outil simple pour appeler les législateurs, et propose une vidéo très réussie2 pour expliciter les dangers de l'article 13. Elle fait intelligement le lien avec les menaces similaires contenues dans le projet de règlement européen de censure sécuritaire (voir la campagne de La Quadrature du Net contre ce texte).
Pour résumer l'enjeu en quelques mots : cet article préconise de fait la généralisation du filtrage automatisé rendu de facto obligatoire par une responsabilisation disproportionnée des plateformes de partage sur les contenus publiés par leurs utilisateurs et utilisatrices. Avec pour seuls garde-fous des injonctions contradictoires et hors-sol. Un système qui conduira à l'assèchement de tout ce qui fait la richesse, le sel d'Internet.
La campagne pledge2019 s'affiche comme complémentaire à celle, plus ancienne mais toujours active, de saveyourinternet.eu. Campagne qui propose de nombreuses ressources argumentaires ainsi qu'une liste des parlementaires, avec informations de contact et position sur l'article 13 lors du vote du 12 septembre 2018 préalable aux négociations interinstitutionnelles.
Mesdames et Messieurs les parlementaires européens, le constat est simple et sans appel : si vous votez pour cette directive, vous vous placez en adversaire de nos libertés et il n'y aura pas de pardon. Nous resterons mobilisés jusqu'au bout pour être sûrs que vous l'entendiez.