Il y a cent quarante ans, était promulguée une législation majeure pour la démocratie : la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, encore en vigueur de nos jours à part quelques modifications de détail.
Cette loi s’inscrivait dans une séquence historique d’extension de la démocratie et des libertés impulsée par les gouvernements républicains « opportunistes » des années 1880 : loi du 30 juin 1881 permettant de tenir les réunions publiques sans autorisation, sur simple déclaration préalable, loi du 4 mars 1882 donnant à tous les conseils municipaux le droit d’élire leur maire, ou bien encore loi du 21 mars 1884 instaurant la liberté syndicale.
Le texte du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse apparaît comme une consécration. Car si cette liberté était déjà reconnue dans l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, elle avait été bien souvent mise à mal depuis la Révolution.
La législation votée sous le ministère de Jules Ferry impose un cadre légal à toute publication, ainsi qu’à l’affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique. Son article 1 stipule que « l’imprimerie et la librairie sont libres ». Pour en arriver là, le chemin a été long et jalonné par des flux et des reflux.
La liberté d’expression a été perçue comme un danger par tous les régimes politiques et par l’Église, depuis que l’invention de l’imprimerie par Gutenberg multiplia les ouvrages, journaux, libelles et illustrations de toutes sortes...
Dès le règne de Louis XIII, le cardinal Richelieu organise une surveillance systématique de l'écrit afin d’interdire ou freiner la multiplication des écrits hostiles au pouvoir.
Sous le nom de Librairie, un service d'une centaine de censeurs va jusqu'à la Révolution veiller à ce que la religion, la moralité, l’État, le roi, le gouvernement ou des compatriotes ne soient pas bafoués.
Avec plus ou moins d’efficacité car les auteurs faisaient souvent éditer leurs œuvres à l’étranger et les diffusaient sous le manteau. Les censeurs eux-mêmes procédaient à des arrangements. Le plus célèbre directeur de la Librairie (1750-1763), Malesherbes, pensait d'ailleurs « qu’un homme qui n’aurait lu que des livres parus avec l’attache expresse du gouvernement, comme la loi le prescrit, serait en arrière de ses contemporains presque d’un siècle ».
Tout change avec la Révolution. Plus de 1300 journaux et gazettes apparaissent, de façon souvent éphémère. Mais la liberté de la presse a beau être proclamée, elle n’est pas toujours respectée comme le montre la saisie du Vieux Cordelier de Camille Desmoulins ou celle du Tribun du peuple de Gracchus Babeuf, ainsi que l’emprisonnement ou l’exécution de journalistes.
Après dix ans de révolution, le Premier Consul Bonaparte rétablit la censure le 17 janvier 1800. Le nombre de journaux est limité à onze et sera encore réduit à quatre en 1811.
La surveillance des journaux ne se relâche pas avec la chute de Napoléon Ier malgré l’article 8 de la Charte constitutionnelle de 1814 qui reconnaît la liberté de la presse et malgré Chateaubriand : « Plus vous prétendez comprimer la presse, plus l’explosion sera forte. Il faut donc vous résoudre à vivre avec. »
Le point d’orgue de la répression intervient lorsqu’en 1830, Charles X signe les quatre ordonnances de Saint-Cloud, dont la première suspend une nouvelle fois la liberté de la presse. Cette mesure constitue le déclencheur de la révolution des Trois Glorieuses.
La révolution aboutit à remplacer le très autoritaire Charles X par son cousin, le libéral Louis-Philippe. La nouvelle Charte constitutionnelle stipule que « les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois » et restaure la liberté de la presse.
Mais cette embellie s’avère de courte durée car l’attentat de Fieschi contre Louis-Philippe, le 28 juillet 1835, donne l’occasion au pouvoir de porter le fer contre la presse à travers la « loi scélérate » du 9 septembre 1835 qui soumet les dessins et gravures à l’autorisation préalable.
Avec l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République le 10 décembre 1848 puis avec la proclamation du Second Empire, s’ouvre une période sombre pour la presse (cautionnement, timbres, avertissements, etc.).
C’est à cette époque que des satiristes représentent la censure en une vieille femme tenant d’énormes ciseaux et surnommée Anastasie.
La presse n’est pas la seule forme d’expression victime de la censure. Des œuvres littéraires sont aussi dans le viseur de la police et de la justice. En 1857, trois écrivains, Gustave Flaubert, Charles Baudelaire et Eugène Sue sont traînés devant les tribunaux. Ce qui fera dire à Flaubert : « La censure quelle qu’elle soit, me paraît une monstruosité, une chose pire que l’homicide : l’attentat contre la pensée est un crime de lèse-âme. »
La libéralisation du régime à partir des années 1860 conduit à l’Âge d’or de la presse sous la Troisième République qu’amplifiera la loi du 29 juillet 1881.
Les aléas de la politique et de l’Histoire vont conduire toutefois au retour de la censure. C’est le « bourrage de crâne » que dénonce le Canard Enchaîné lors de la Première Guerre mondiale. La censure revient aussi, plus gravement, sous l’Occupation allemande, enfin encore pendant la guerre d’Algérie.
Méfiant malgré tout à l’égard des citoyens, surtout quand ils disposent d’une plume, d’un micro ou d’un clavier, le législateur nes manque pas d’amender régulièrement la loi de 1881.
La loi Pleven du 1er juillet 1972, relative à la lutte contre le racisme crée un nouveau délit et permet à des associations de se porter partie civile, ce qui va susciter nombre d’abus. La loi Gayssot du 13 juillet 1990 sanctionne quant à elle la négation de la Shoah.
L’émergence d’Internet et des réseaux sociaux suscite enfin de nouvelles « adaptations » de la loi...
Quelques centaines de milliers de Français sont dans la rue pour protester contre l’obligation d’un « passe sanitaire ». Il ne s’agit plus simplement d’un mouvement d’humeur mais d’une révolte populaire qui n’est pas sans rappeler le mouvement des Gilets jaunes (2019) et celui des Bonnets rouges (2013).
Pas question ici de prendre position sur l’obligation du passe sanitaire. Nous ne nous demanderons pas s’il s’agit d’une mesure de salut public ou d’une atteinte insupportable à la liberté. Mais nous nous interrogerons sur la notion de liberté et le respect des procédures démocratiques par le gouvernement français...
Dans le droit fil de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, nous tendons à penser que la liberté « consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (Article IV de la Déclaration). Ainsi puis-je revendiquer le droit de ne pas me vacciner, ne pas attacher ma ceinture de sécurité, ne pas inscrire mes enfants à l'école, mais aussi porter un voile (si je suis une femme) ou encore payer une femme pour qu'elle porte un enfant conçu à partir de mes gamètes.
L'application stricte de cette définition conduit à une impasse. Il faut beaucoup de contorsions en effet pour justifier d'un côté le refus de se faire vacciner, d'autre part l'acceptation de la ceinture de sécurité. Si j’accepte l’obligation de porter la ceinture de sécurité en voiture ou encore de me faire vacciner contre la fièvre jaune quand je vais dans certains pays, pourquoi devrais-je contester l’obligation du passe sanitaire dans les magasins et les lieux de spectacle ?
On pourra rétorquer que le vaccin contre la fièvre jaune a été validé par l’expérience, ce qui n’est pas le cas du vaccin contre le covid. C’est affaire de débat et c’est là le nœud de l’affaire. Qui peut juger du bien-fondé d’une contrainte ? Face à un enjeu collectif, chacun est-il habilité à agir selon son opinion personnelle, ce qui revient à supprimer toute contrainte ?
Chaque société, pour conserver sa cohésion, doit imposer des règles de conduite communes, comme par exemple, en France, inscrire ses enfants au cursus scolaire commun, respecter le code de la route, ne pas dissimuler son visage, ne pas faire commerce de ses organes, etc. Toutes ces obligations et bien d’autres, qui limitent de fait la liberté individuelle, sont admises par l’ensemble des citoyens. Pourtant, elles ne coulent pas de source et plusieurs d’entre elles sont ignorées par des pays tout aussi démocratiques que la France.
Les députés de l’Assemblée nationale de 1789 ont eux-mêmes convenu de la nécessité d’imposer des bornes à la liberté individuelle. Ils ont pris soin de souligner que « ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » (Article IV) en précisant : « La loi est l'expression de la volonté générale » (Article VI). En d’autres termes, la loi doit émaner du Peuple souverain (j'aime bien cette formule qui nous vient de Rousseau). C'est essentiel pour l'acceptabilité de la loi car toute loi contient des obligations susceptibles d'affecter telle ou telle catégorie de citoyens. Une loi qui ne gênerait personne et ne contiendrait que des obligations consensuelles serait inutile.
Si une loi est promulguée sans débat comme il est de règle dans les régimes despotiques, les catégories affectées par cette loi vont tendre à s’y opposer de toutes les façons possibles (révolte ou désobéissance massive) en arguant de son illégitimité. Le gouvernement n’aura d’autre solution que de mettre au pas les récalcitrants par la répression et les tribunaux.
Si par contre une loi est véritablement débattue au Parlement, alors les citoyens auront le loisir de peser les termes de l’enjeu et d’en discuter entre eux s’il en est besoin. Au final, ils seront portés à accepter le vote de leurs députés et il ne sera pas nécessaire de mobiliser policiers et juges pour faire appliquer la loi. C’est tout l’avantage de la démocratie (étymologiquement, le « gouvernement par le peuple ») sur le despotisme (le « pouvoir d’un seul »)... Et c'est d'évidence ce qui a manqué à la loi sur le passe sanitaire, dont le vote, acquis d'avance, n'a pas fait l'objet d'un débat approfondi et contradictoire.
Dès lors que les gouvernants jouent le jeu de la démocratie, dès lors que les citoyens connaissent et comprennent les règles sociales qui s'appliquent à chacun et les limites qui s’appliquent à leurs pulsions et leurs désirs, chacun peut vivre dans la sérénité. L'ennemi de la liberté, ce ne sont pas les limites à cette liberté, sous réserve qu'elles aient fait l’objet d’un vote démocratique, mais c'est l'arbitraire et l'opacité.
Parions que si le gouvernement français avait laissé les parlementaires dé-battre du passe sanitaire sans leur forcer la main, nous n'en serions pas venus à nous battre dans la rue à son propos ! Dès le début de la pandémie, notons-le, il a requis l’état d’urgence. En s'appuyant sur une majorité de députés « godillots », il a pu faire passer des mesures coercitives d’une rare violence (confinement général) et parfois ubuesques (auto-attestations de sortie, limitation à 30 du nombre de fidèles dans les lieux de culte, cathédrale ou chapelle, etc.).
Les manifestations contre l’obligation du passe sanitaire traduisent l’exaspération de citoyens privés d’un débat démocratique et ouvert sur ces questions comme sur bien d'autres. Cette exaspération a des racines profondes. Elle vient en premier lieu de la judiciarisation de la loi, qui a débuté avec l’extension du droit de saisine du Conseil Constitutionnel en 1974, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Depuis lors, les magistrats français et européens, sans autre légitimité que d’avoir été nommés à leur poste par des homologues bienveillants, n’ont de cesse de grignoter des parcelles de pouvoir. Ils en viennent à encadrer la loi sans que les représentants du Peuple souverain aient leur mot à dire.
La classe politique a accepté cette judiciarisation parce qu’elle sert son dessein, qui est de déléguer aux instances européennes les instruments de la souveraineté nationale : monnaie, maîtrise des frontières, droit de la citoyenneté, etc. Chaque fois qu’émerge une tentative de renforcer la souveraineté nationale, autrement dit la maîtrise de leur destin par les citoyens, il se trouve un tribunal (Conseil Constitutionnel, Conseil d’État, Cour de justice européenne) pour y faire obstacle avec les meilleures intentions du monde.
Si les députés s’inclinent si facilement, c’est que depuis l’introduction du quinquennat en 2000 et l’alignement du mandat présidentiel sur la législature, il n’y a plus de débat véritable au Parlement. Les élections législatives suivant de quelques semaines l’élection présidentielle, les électeurs sont naturellement portés à donner une majorité très confortable à l’hôte de l’Élysée, lequel se trouve dès lors assuré pendant cinq ans d’un pouvoir quasi-absolu, plus important que celui dont pouvait jouir Louis XIV !
L’illustration la plus percutante de cette dérive antidémocratique nous a été fournie en 2005 (16 ans déjà !) par le référendum sur le traité constitutionnel européen. Au terme d’une campagne intense et richement argumentée, ce texte a été clairement rejeté par les citoyens et malgré cela imposé par la classe politique, tous bords confondus, sous le nom de traité de Lisbonne.
Sauf sursaut démocratique comme nos cousins britanniques en ont donné l’exemple en restaurant leur souveraineté, il est à craindre que nous nous éloignions de l'idéal démocratique avec un pouvoir qui ne laisse aucune chance au vote populaire chaque fois que celui-ci cherche à exprimer sa différence ou ses inquiétudes, que ce soit sur les institutions européennes, l'écotaxe ou le passe sanitaire.
André Larané
C’est avec un plaisir gourmand que les médias nous apprennent ces derniers jours les prochaines évolutions de la formidable application gouvernementable de suivi pandémique TousseAntiCovid : grâce à tout ce que la « French Tech » connaît de petits génies de l’informatique, cette dernière va prochainement intégrer le « pass sanitaire ».
Eh oui, à compter du 9 juin, la date choisie en France pour la mise en place du « pass sanitaire », l’application verra le déploiement du « carnet de rappel numérique », dont l’objet serait de permettre la traçabilité des cas contacts dans les bars, les restaurants ou les salles de sports. Cette nouvelle fonctionnalité qui revient donc à pister les potentiels infectés sera donc prochainement disponible dans cette application dont les versions se suivent et se ressemblent surtout dans leur opacité technique et de financement.
On se souvient en effet de la version précédente, StopCovid, parfaitement catastrophique à l’usage avec un drain notoire de la batterie, une anonymisation douteuse des données, un usage médiocre et finalement un impact nul dans la gestion épidémique.
Sa mise en place avait été l’objet de plusieurs polémiques non seulement sur son code, aussi franco-français que mal foutu, que sur les frais (consternants) qui avaient accompagné son déploiement et sa maintenance extrêmement coûteuse. La légalité même du financement de l’ensemble de l’opération est tellement sujette à caution qu’une plainte a même été déposée par Anticor pour favoritisme des sociétés concernées, illustration supplémentaire d’un capitalisme de connivence baveux dont toute cette pandémie n’aura été qu’une suite d’exemples tous plus sordides les uns que les autres, et tous plus évités et pudiquement oubliés par une presse devenue à ce sujet parfaitement inutile.
TousseAntiCovid, la version suivante, améliore quelques uns des points noirs des premiers essais (rassurez-vous : le financement reste toujours aussi propret), et l’évolution récente permet de dessiner la tendance globale qui vise à pousser tous les citoyens sur la version électronique du carnet de vaccination d’antan. Si le papier reste toujours possible pour les has-been et autres largués du progrès technophile, le smartphone semble de moins en moins contournable, et tant pis pour ceux qui n’ont pas les moyens (financiers ou intellectuels) ou qui n’ont juste pas l’envie d’avoir un téléphone portable pour simplement prouver qu’ils sont des humains fréquentables.
La norme est donc posée. Aux Français de s’adapter et tout ira bien.
Cependant, on ne pourra s’empêcher de noter quelques problèmes graves posés par cette nouvelle mouture : en fait, il n’y a aucune transparence sur la façon dont les données sont collectées, assemblées, conservés, et l’utilisateur lambda n’a aucune idée réelle de la nature même des données qui sont effectivement récupérées par l’application. Si l’on peut supposer que ces données sont collectées de façon raisonnable, l’historique de l’État en la matière impose de commencer par s’inquiéter, de poser des question avant de donner quelque acquiescement que ce soit.
Pire : cette application, dans la droite ligne de ce qui a été pondu jusqu’à présent, continue d’autoriser un copinage capitalistique de quelques gros acteurs proches du gouvernement pour continuer à toucher de l’argent gratuit du contribuable. Dans ce contexte, il est impossible de ne pas imaginer pour les données collectées toutes sortes de dévoiements parfaitement en ligne avec les intérêts particuliers de ces sociétés et pas du tout ceux de la collectivité.
Les dérives possibles sont si flagrantes qu’on en arrive au point où même le premier secrétaire du PS, l’insipide Olivier Faure, se retrouve à devoir rappeler des évidences sur des notions essentielles de libertés et de vie privée ce qui, de la part d’un organe politique qui a toujours été à la source des pires dérives attentatoires aux libertés et à la vie privée, laisse quelque peu songeur.
En pratique, absolument rien n’empêchera le pistage complet et total des individus avec cette application. Il n’existe en réalité aucun moyen simple, efficace de garantir le bon usage des données médicales collectées, la géolocalisation des individus,… permis par cette application. Il n’y a quasiment plus aucun contrôle démocratique des récoltes de données des individus ni sur le plan de la vie privée, voire intime, ni sur le plan médical.
Selon toute vraisemblance, ce « pass sanitaire » va devenir un véritable petit aspirateur à tout ce qui peut passer dans le téléphone. Oh, bien sûr, ce ne sera pas le cas au début où on peut parier sur affichage d’encadrement très ostentatoire. Mais l’usage, les besoins « impérieux » des administrations et des hommes de pouvoir, les petites retouches et évolutions progressives rendront progressivement tous ces encadrements caducs pour arriver au moment où cette application ne sera plus éloignée des meilleurs logiciels de contrôle social chinois.
Pour le moment, l’usage de ce bricolage douteux sera rendu obligatoire pour les événements de plus de 1000 personnes ce qui va indubitablement favoriser tous les événements de 999 personnes et moins. Reconnaissons d’ailleurs aux sénateurs le mérite d’avoir taillé dans les dispositions initiales – bien trop vastes – du projet de loi et d’avoir réussi à limiter la portée de ce nouvel outil de pistage gouvernemental puisque ce dispositif ne sera pas étendu aux activités du quotidien comme aller au restaurant, au musée ou faire du shopping, aller à l’hôtel ou en camping…
Mais on comprend que ces limitations seront temporaires et on devra s’étonner de tous ceux qui acceptent le principe de ce nouvel instrument de pistage, les naïfs et les idiots utiles qui croient que cela permettra de « revenir à la normale », chose qui n’est pas prévue et ne sera jamais dans les cartons, et qui pensent que la loi permettra d’encadrer la gourmandise étatique. Cela ne s’est jamais vu ni en France ni ailleurs, le temporaire durant toujours bien trop longtemps, la loi étant toujours modifiée, amendée, élargie, les usages étant systématiquement détournés pour toujours accroître les prérogatives de l’État sur le citoyen.
En réalité, ce « pass sanitaire » est une abomination liberticide qui doit être combattue car elle est idiote par nature et délétère par principe.
Par nature, parce que ce pistage de plus en plus invasif, intrusif, des individus dans leurs activités quotidiennes n’a plus aucun rapport avec l’objectif affiché au début, limiter le nombre de malades en réanimation. Il est clair que la stratégie n’a plus aucun lien avec le nombre de lits occupés, ni même avec le nombre de morts mais tout à voir avec des objectifs purement politiques : on veut montrer à la face du monde et aux électeurs qu’on a réussi à vacciner tout le monde, qu’on a tout fait pour endiguer le phénomène et on confond ici largement gesticulations administratives, mesures coercitives et liberticides avec quelques précautions sanitaires d’utilité prophylactique.
Par principe ensuite parce qu’autoriser, une nouvelle fois, une perte de liberté pour une chimère de sécurité aboutira de façon évidente, claire, obligatoire, à une perte de liberté, de sécurité et d’individualité pour tous : seuls les imbéciles et les incultes (cumul possible) peuvent encore refuser les enseignements de l’Histoire.
À chaque fois qu’un pouvoir a cherché à pister, numéroter, traquer et surveiller chaque individu de sa société, cela s’est soldé par des dérives abominables. Prétendre niaisement que « cette fois, ce sera différent » n’est au mieux qu’une stupidité d’esprits enfumés par la propagande actuelle, au pire que la démonstration d’une sordide complicité dans ce qui aboutira inévitablement à de nouvelles horreurs.
Nous avons besoin de vous. De votre mobilisation. Du rempart de vos consciences.
Il n’est jamais arrivé que des médias, qui défendent souvent des points de vue divergents et dont le manifeste n’est pas la forme usuelle d’expression, décident ensemble de s’adresser à leurs publics et à leurs concitoyens d’une manière aussi solennelle.
Si nous le faisons, c’est parce qu’il nous a paru crucial de vous alerter au sujet d’une des valeurs les plus fondamentales de notre démocratie: votre liberté d’expression.
Aujourd’hui, en 2020, certains d’entre vous sont menacés de mort sur les réseaux sociaux quand ils exposent des opinions singulières. Des médias sont ouvertement désignés comme cibles par des organisations terroristes internationales. Des États exercent des pressions sur des journalistes français “coupables” d’avoir publié des articles critiques.
La violence des mots s’est peu à peu transformée en violence physique.
Ces cinq dernières années, des femmes et des hommes de notre pays ont été assassinés par des fanatiques, en raison de leurs origines ou de leurs opinions. Des journalistes et des dessinateurs ont été exécutés pour qu’ils cessent à tout jamais d’écrire et de dessiner librement.
“Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi”,
proclame l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée à notre Constitution. Cet article est immédiatement complété par le suivant: “La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.”
Pourtant, c’est tout l’édifice juridique élaboré pendant plus de deux siècles pour protéger votre liberté d’expression qui est attaqué, comme jamais depuis soixante-quinze ans. Et cette fois par des idéologies totalitaires nouvelles, prétendant parfois s’inspirer de textes religieux.
Rappelons ici, en solidarité avec Charlie Hebdo, qui a payé sa liberté du sang de ses collaborateurs, qu’en France, le délit de blasphème n’existe pas.
Bien sûr, nous attendons des pouvoirs publics qu’ils déploient les moyens policiers nécessaires pour assurer la défense de ces libertés et qu’ils condamnent fermement les États qui violent les traités garants de vos droits. Mais nous redoutons que la crainte légitime de la mort n’étende son emprise et n’étouffe inexorablement les derniers esprits libres.
Que restera-t-il alors de ce dont les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 avaient rêvé? Ces libertés nous sont tellement naturelles qu’il nous arrive d’oublier le privilège et le confort qu’elles constituent pour chacun d’entre nous. Elles sont comme l’air que l’on respire et cet air se raréfie. Pour être dignes de nos ancêtres qui les ont arrachées et de ce qu’ils nous ont transmis, nous devons prendre la résolution de ne plus rien céder à ces idéologies mortifères.
Les lois de notre pays offrent à chacun d’entre vous un cadre qui vous autorise à parler, écrire et dessiner comme dans peu d’autres endroits dans le monde. Il n’appartient qu’à vous de vous en emparer. Oui, vous avez le droit d’exprimer vos opinions et de critiquer celles des autres, qu’elles soient politiques, philosophiques ou religieuses pourvu que cela reste dans les limites fixées par la loi. Rappelons ici, en solidarité avec Charlie Hebdo, qui a payé sa liberté du sang de ses collaborateurs, qu’en France, le délit de blasphème n’existe pas. Certains d’entre nous sont croyants et peuvent naturellement être choqués par le blasphème. Pour autant ils s’associent sans réserve à notre démarche. Parce qu’en défendant la liberté de blasphémer, ce n’est pas le blasphème que nous défendons mais la liberté.
Nous avons besoin de vous. De votre mobilisation. Du rempart de vos consciences. Il faut que les ennemis de la liberté comprennent que nous sommes tous ensemble leurs adversaires résolus, quelles que soient par ailleurs nos différences d’opinions ou de croyances. Citoyens, élus locaux, responsables politiques, journalistes, militants de tous les partis et de toutes les associations, plus que jamais dans cette époque incertaine, nous devons réunir nos forces pour chasser la peur et faire triompher notre amour indestructible de la Liberté.
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Le Premier ministre s'en est pris à l'anonymat sur Internet, qui permet selon lui au pire de se déverser. Mais Jean Castex se trompe : il n'y a pas d'anonymat en ligne. La loi offre tous les outils adéquats pour remonter jusqu'à l'identité des internautes, si nécessaire. Encore faut-il donner les moyens à la justice de le faire rapidement.
Faut-il en finir avec l’anonymat en ligne ? La question n’est pas nouvelle : voilà bien vingt ans qu’elle revient de temps à autre dans le débat public, à gauche comme à droite, comme si elle n’avait jamais été vraiment tranchée. Elle vient de connaître un rebond le 15 juillet, avec l’interview de Jean Castex par Le Parisien. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le nouveau Premier ministre ne mâche pas ses mots.
Car le nouveau chef du gouvernement est allé puiser dans ce qu’il y a de pire dans l’histoire contemporaine française pour se livrer un réquisitoire sévère contre les réseaux sociaux et leur mode de fonctionnement actuel. « Les réseaux sociaux c’est le régime de Vichy : personne ne sait qui c’est ! », dénonce Jean Castex. « On peut vous traiter de tous les noms, de tous les vices, en se cachant derrière des pseudonymes. »
Si l’intéressé se dit « pour la liberté d’expression », il considère que l’anonymat « a quelque chose de choquant. […] si on se cache, les conditions du débat sont faussées ». D’ailleurs, la nouvelle tête de l’exécutif met en garde : la loi en la matière pourrait bouger d’ici la fin du quinquennat. , juge-t-il. « C’est un sujet dont il va falloir que l’on s’empare », a-t-il fait savoir, car à ses yeux, « il faudrait réglementer un peu tout ça ».
Il reste toutefois à savoir si le geste sera joint à la parole, ce qui s’avère moins certain qu’il n’y paraît. Jean Castex l’admet d’ailleurs : le gouvernement a déjà fort à faire sur le front de l’emploi, de la crise sanitaire et de la reprise économique pour ne pas se disperser. « Si on commence à dire aux gens que l’on va tout faire, ils ne nous croiront pas. Il faut choisir ses priorités ». Et l’anonymat n’en est pas forcément une.
Surtout qu’en réalité, l’anonymat sur Internet n’existe pas. Ce qui se manifeste en ligne, c’est du pseudonymat — le recours aux pseudonymes, pour le dire autrement. Et depuis 2004, la France sait très bien gérer l’identification des internautes qui franchissent les limites de la loi, grâce à un texte qui a fait depuis longtemps ses preuves la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), et plus particulièrement son fameux article 6.
Car l’anonymat supposerait que l’on n’ait aucune information sur l’internaute pour pouvoir remonter jusqu’à lui. Or, c’est faux : le fournisseur d’accès à Internet sait très bien qui sont ses clients (il a leur identité réelle, leur adresse postale, leurs coordonnées bancaires, leur numéro de téléphone, etc.). Et du côté des réseaux sociaux, justement, on a aussi accès à diverses données de connexion, dont l’adresse IP.
Même avec leur vraie identité, les internautes ne se comportent pas forcément de la meilleure des façons. // Source : Facebook
L’adresse IP agit un peu comme une plaque d’immatriculation sur le net. Avec elle, il est possible de remonter jusqu’à l’abonné d’un opérateur télécom pour savoir depuis quel accès à Internet tel ou tel contenu illicite a été publié. Et bien entendu, les sites comme Facebook, Twitter, YouTube ou Twitch, ont l’obligation légale de conserver un temps ces éléments pour les transmettre à la justice, en cas de demande.
Bien sûr, il peut y avoir ponctuellement des difficultés : l’utilisation d’un VPN ne facilite pas la tâche d’identification d’un internaute. Et ce n’est pas parce que l’on a une adresse IP que l’on sait avec exactitude qui a publié tel ou tel message incriminé (l’adresse IP est partagée par exemple par toutes les personnes se connectant à la même box Internet). Mais c’est là que l’enquête judiciaire prend le relais.
Évidemment, cela peut prendre du temps. Cela requiert des moyens. Mais cette levée du pseudonymat n’est jamais hors de portée. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les faits divers qui peuplent les colonnes des médias. Il est fréquent d’apprendre que tel ou tel internaute hors des clous de la loi s’est fait pincer par les enquêteurs. Ceux qui ont harcelé et menacé la journaliste Nadia Daam pourraient l’attester.
Est-ce donc au pseudonymat qu’il faut mettre un terme ? Certainement pas : d’abord, car l’utilisation de l’identité réelle n’est pas systématiquement gage de civilité. Il n’est pas rare de voir des internautes apparaissant de toute évidence sous leur vrai nom déverser des injures dès que quelqu’un a le malheur de leur déplaire : il suffit de lire les réactions sous certains sites de presse ou sur les réseaux sociaux.
Ensuite, le pseudonymat est indispensable pour préserver sa vie privée tout en ayant un moyen d’exercer sa liberté d’expression. Aurait-on la même facilité à parler d’une maladie, de son employeur, de sa vie sexuelle, de son mal être à « visage » découvert ? Certains, peut-être. D’autres, en aucune façon. Et les cas de figure peuvent être multipliés : religion, politique, syndicalisme, fantasmes…
Loi haine internet
Le gouvernement et la majorité présidentielle ont tenté de faire passer une loi contre la haine en ligne. Si l’intention est louable, le texte a été jugé justement excessif et bancal juridiquement. // Source : Commission des lois
Il faut aussi imaginer l’enfer que cela pourrait être en matière de droit à l’oubli : en principe, celui-ci doit concilier l’intérêt du public et le respect de la vie privée. Or, on peut supposer que dans de nombreux cas de figure, les demandes de droit à l’oubli impliqueront des personnes n’ayant aucune surface médiatique et, donc, seront éligibles à bénéficier au droit à l’oubli. Or, vu le volume de demandes et de pages concernées, des pans entiers du web seraient désindexés.
Le pseudonymat sert aussi à se protéger contre des représailles (comme de son patron si l’on a envie de vider son sac) ou d’autres internautes, en utilisant une fausse identité ou, plus exactement, une identité numérique. Les personnes LGBT y ont recours, par exemple. Et vous aussi, certainement : vous jonglez probablement entre différentes identités, selon les communautés que vous fréquentez sur la toile.
Faire disparaître le pseudonymat aura une conséquence immédiate et d’ampleur sur la liberté d’expression : elle reculera. Plus personne ne voudra prendre la parole sur tout un tas de sujets. De façon imperceptible, une certaine auto-censure s’installera, surtout chez les personnes qui ne se rallient pas à l’opinion majoritaire sur tel ou tel sujet. Si Jean Castex est pour la liberté d’expression, il lui faut être pour le pseudonymat.
Le gouvernement veut rendre plus efficace la levée du pseudonymat pour que cessent les injures et les « vices » ? Qu’il flèche davantage de moyens à la justice ! Car aujourd’hui, la justice est l’un des ministères les moins bien pourvus. Et c’est le gouvernement qui le dit lui-même : sur 1 000 euros de dépenses publiques, la justice n’a droit qu’à 4 euros. 0,4 %, en clair. Et il s’agit pourtant d’une mission régalienne.
À quoi servent mes impôts
À quoi servent vos impôts ? Pas tant à financer la justice que ça.
Si Jean Castex veut faire émerger plus de civilité en ligne, sans saper les bénéfices réels que peut fournir le pseudonymat, c’est en donnant aux autorités judiciaires les outils pour agir vite et bien. Et les internautes seraient certainement moins enclins à se dépasser les bornes si les décisions de justice étaient prononcées en quelques heures ou quelques jours, en fonction du caractère d’urgence.
Le problème, c’est le sentiment d’impunité sur la toile parce que les décisions de justice arrivent trop tard par rapport à la commission des faits. Ce n’est pas le pseudonymat en tant quel le souci, mais bien l’enveloppe financière allouée à la justice. Appliquer la loi en lui accordant que 0,4 % sur 1 000 euros de dépense publique, c’est laisser croire que l’on peut être intouchable sur le net.
Tout comme le personnel soignant n’a ni besoin d’applaudissements, de médailles, ni de parades aériennes, les autorités judiciaires n’ont pas besoin d’un empilement législatif toujours plus sévère pour réguler la haine en ligne. Ce dont elles ont besoin, c’est de moyens humains et judiciaires conséquents, sans avoir besoin ni de transférer leurs missions à des tiers privés, ni de nuire aux libertés des autres.