La société française traverse un moment historique, à un grand nombre de titres. Tout d'abord, elle tente de voir le bout du tunnel de sa première grande épidémie depuis la grippe espagnole de 1918. Elle voit arriver avec, pour certains, une réelle angoisse, une élection présidentielle qui imprime des élans politiques toujours plus clivants. Elle débat et se débat pour savoir si l'obligation vaccinale est une atteinte à la démocratie (question qu'elle ne s'était pas posée jusqu'à présent malgré l'existence de onze vaccins obligatoires). Et elle surnage dans un monde numérique dont elle croit savoir se servir alors que tout porte à croire que c'est le numérique qui se sert d'elle. Point culminant de cette nouvelle révolution humaine, une grande partie de la vie de plusieurs millions de Français a basculé de l'autre côté de l'écran de leurs smartphones et ordinateurs.
Cette nouvelle scène sociale, si elle ne concerne pas tous les Français (malgré l'impression dégagée lorsqu'on fréquente des réseaux sociaux comme Twitter, il existe encore des humains, assez nombreux, qui n'y ont jamais mis les pieds, ne savent pas ce qui s'y passe, sont à mille lieues des débats qui y font rage et s'en contrefoutent), joue un rôle prédominant chez un certain nombre d'enfants, d'adolescents et d'adultes.
Chaque fois que le monde numérique et intangible des réseaux sociaux déploie son ombre sur le monde «réel» (terme de plus en plus impropre, car la vie numérique a sa réalité aussi), des sirènes d'alarme devraient retentir à tous les niveaux de la société, du citoyen lambda aux plus hautes instances de la nation.
Les réseaux sociaux, phénomène incompréhensible pour ceux qui n'y sont pas plongés, sont désormais un univers digne de la série Black Mirror où numérique et réalité se fondent au point de devenir indissociables. Aux tout débuts, on a cru qu'il était possible d'avoir une vie sociale sur les réseaux et une autre, distincte, dans la «vraie vie». On a cru (on a souhaité?) que le dédoublement serait possible et que chaque vie serait dissociable de l'autre. Très vite, on s'est rendu compte que la notoriété sur les réseaux sociaux pouvait se traduire de façon très concrète (demandez aux Kardashian). La célébrité sur internet s'est avérée traduisible et payante dans la vie réelle et parfois, dans les vrais comptes en banque.
Et puis, il y a eu Mila.
Si vous n'avez jamais entendu parler de Mila, c'est une adolescente qui, à 16 ans, a exercé son droit d'expression et conspué l'islam en général et Mahomet en particulier, après avoir été provoquée et insultée. Sa prise de parole a déchaîné un torrent de haine et de violence qui, de mémoire de femme quasi quinqua, n'avait jamais eu d'équivalent dans notre histoire (début 2021, elle avait reçu plus de 50.000 menaces de mort).
Mila est déscolarisée, l'État a renoncé à la protéger autrement qu'en la surveillant continuellement dans la crainte que quelqu'un ne mette à exécution les nombreuses et épouvantables menaces dont elle est l'objet, et elle est dorénavant prisonnière chez elle. Elle subit une forme de torture psychologique à laquelle nombre d'adultes seraient bien en peine de résister. En outre, Mila, si elle a quelques soutiens, ne fait pas l'unanimité. Ceux qui prennent parti pour elle font ce qu'ils peuvent mais rien ne semble vouloir arrêter le déferlement de haine et de menaces contre cette jeune femme de 18 ans qui n'a commis aucune infraction.
Le procès d'un microscopique échantillon de ses harceleurs (treize spécimens) s'est tenu en juin et même pendant les audiences, Mila continuait de recevoir insultes et menaces de sévices. Rien ne semble arrêter la machine. Aucune des solutions que la société lui propose ne semble apte à la libérer de sa prison.
Le procès des harceleurs de Mila a exposé non pas la lie de l'espèce humaine, mais celle de l'intelligence. On y a découvert des individus relativement jeunes qui ont parfois reconnu que les menaces et les insultes qu'ils avaient proférées à l'égard de Mila étaient injustifiées et moralement répréhensibles. On y a découvert qu'ils confondaient blasphème (autorisé) et racisme (répréhensible). Que parfois ils ne savaient pas vraiment ce que Mila avait dit en réalité. Que comme le souligne maître Richard Malka, avocat de Mila, ils estiment souvent sans en appréhender le paradoxe que la liberté d'appeler au meurtre prévaut sur celle d'exprimer une opinion légale susceptible de les choquer.
Ils se sont jetés dans la curée pour faire comme les autres, obéissant au pire des instincts: celui de la meute qui déchiquète l'animal déjà à terre.
On y attendait des ressources de haine et des convictions religieuses acharnées, des inquisiteurs islamiques modernes drapés dans le respect d'une religion portée au pinacle, et on a principalement découvert des processus de réflexion proches du vide absolu, des puits de bêtise qui n'avaient souvent aucun rapport avec la religion, et tout avec l'ignorance. Non que la foi des harceleurs y eût changé quoi que ce soit: quelles que soient leurs motivations, la menace et l'insulte sont inacceptables et injustifiables.
D'ailleurs, bon nombre de harceleurs de Mila, qui ne seront jamais jugés, l'accablent au nom de leur foi. Notamment celui qui a mis le feu aux poudre, Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman, qui a déclaré sur Sud Radio en janvier 2020 à propos de Mila: «Qui sème le vent récolte la tempête [...] elle l'a cherché, elle l'assume», ouvrant ainsi la digue au flot de haine de la meute des suiveurs.
Dans ce délire de fange, on ne peut s'empêcher de chercher un éclair de raison, une étincelle de réflexion, quelque chose à quoi se raccrocher pour se dire qu'aussi fourvoyé soit-il, l'humain qui en est à l'origine a fait un effort intellectuel et s'est trompé de chemin.
Mais là, rien. Les harceleurs de Mila dont on a pu entendre les justifications se sont jetés dans la curée principalement pour faire comme les autres, obéissant au pire des instincts: celui de la meute qui déchiquète l'animal déjà à terre. Certains ne savaient même pas ce qu'elle avait dit ou fait, ou croyaient le savoir et ne s'étaient pas donné la peine de vérifier. L'instinct, chez tous, a prévalu.
Le jugement a été rendu le 7 juillet. Sur les treize prévenus, onze ont été condamnés à des peines de quatre à six mois de prison avec sursis. Et maintenant quoi? La charge symbolique du procès est forte et nécessaire, mais en quoi va-t-elle changer la vie de Mila? Dans un entretien accordé à France Culture, son avocat raconte que la jeune femme, coupée de toute relation sociale physique, aimerait avoir un chien pour lui tenir compagnie. Or même ça, ça ne lui est pas permis: un chien doit être sorti deux fois par jour, ce qui donnerait l'occasion de localiser son lieu d'habitation. Mila, contrairement à ses agresseurs, reste en prison.
La condamnation des harceleurs de Mila, les pétitions pour la défendre, sont nécessaires mais elles ne suffiront pas à lui permettre de réintégrer la société. Hormis une expatriation ou une déconnexion absolue (et encore) auxquelles elle se refuse absolument (et elle a raison: comme elle le clame, pourquoi devrait-elle être sanctionnée pour les fautes des autres?), quelle solution concrète à apporter pour que cessent enfin les menaces et les injures, ou pour que tout du moins elles deviennent gérables?
Maître Malka affirme que ce ne sont pas des soutiens qu'il faut à Mila. Enfin, pas seulement: ils sont certes une absolue nécessité. Il faut enseigner la laïcité, dit-il, expliquer à l'école que le blasphème est autorisé et qu'à l'inverse du respect qu'on doit aux humains, «on a le droit de ne pas respecter une religion». Il a raison, bien entendu, mais même cela ne sera pas suffisant. Tous les harceleurs de Mila ne sont pas collégiens. Il en est pour qui l'éducation est terminée.
Alors que faire? La seule solution peut-être envisageable, le seul moyen qui pourrait éventuellement permettre d'entrevoir une solution pour que Mila, à défaut de vie normale, ait une vie acceptable, serait de parler à ses harceleurs présents et potentiels dans leur langue à eux. De se mettre à leur niveau, de récupérer leurs codes, et de s'en servir contre eux.
Les hommes et les femmes qui insultent et menacent au nom d'une religion font en règle générale ce que leur disent ceux qui les mènent, et imitent ceux qu'ils estiment être leurs égaux, dans une dynamique de lynchage. L'instinct grégaire est très fort dans ce genre de phénomène; les prévenus du procès Mila évoquent un «effet d'entraînement». Dans cette situation, l'économie de la réflexion est absolue. On a des modèles simples, et une division du monde totalement binaire: il y a ce qui se fait, et ce qui ne se fait pas. Il y a les gens bien, et tous les autres. Ceux qu'on admire, et ceux qu'on maudit. Les intouchables, et ceux qui peuvent servir de cible, surtout lorsqu'on se sent protégé par sa meute, voire son anonymat.
Le seul moyen de faire respecter Mila est donc de la faire passer dans le camp des intouchables aux yeux de ces gens-là. Pour les plus fanatiques des religieux, la cause est perdue et Mila devra toujours être protégée des djihadistes opportunistes du XXIe siècle, au même titre que les journalistes de Charlie Hebdo. Mais pour les autres, ceux qui suivent le troupeau, qui ont cru que Mila était raciste et se sont contentés de faire comme les autres, de s'inventer une indignation pour mieux y répondre, la solution est à la fois accessible et pathétique: il faut faire de Mila une star.
Les propos tenus par Mila servent de prétexte à son harcèlement parce qu'elle est perçue comme vulnérable et inférieure par ceux qui l'attaquent. Lesbienne, fille, isolée, inconnue, ordinaire, exposée: autant d'éléments combinés qui alimentent dans l'esprit de ceux qui ne réfléchissent pas une sensation d'impunité. Si Mila avait la notoriété d'un Omar Sy, l'aplomb d'une Adèle Haenel, la fortune d'une Taylor Swift, le crédit de respect d'un Booba aux yeux de cette population, elle bénéficierait du respect profond qu'inspire tout ce qui brille à ceux pour qui la célébrité est la valeur suprême, et qui n'oseraient alors pas s'attaquer ainsi à elle de peur d'abîmer une idole.
Intellectuellement, c'est une solution épouvantable. Adopter les codes des harceleurs pour leur intimer le respect, transformer Mila en intouchable par la vertu des apparences, c'est tourner le dos à la justice, à la raison, à la morale. Mais justice ne sera jamais rendue à Mila, et cette abdication temporaire des valeurs auxquelles nous aspirons, c'est sans doute le prix à payer pour les nombreux mois de lâcheté de tous ceux qui, dès le premier jour, ont détourné le regard au lieu de prendre sa défense et de tout faire pour la protéger.
Si l'on veut sauver Mila, au lieu de se résigner à la savoir emmurée vivante dans notre indifférence, il faut la faire sortir et l'imposer, partout. À l'Élysée aux côtés de Macron, à la place de Justin Bieber (!). À la télévision, dans les émissions de variété (Mila chante très bien, soit dit en passant). Sur toutes les affiches publicitaires de toutes les grandes marques qui impressionnent les plus influençables: les Nike, Dior, Chanel, Vuitton, Coca-Cola, Louboutin, et d'autres encore. Sur les photos de profil de toutes les stars des réseaux sociaux, dans les grandes productions, les séries télévisées. Mila, aujourd'hui, devrait être à Cannes, sur le tapis rouge, au bras des stars du cinéma.
Si nous ne sauvons pas la vie de Mila, alors nous aurons perdu l'honneur, la morale, et le droit de nous proclamer une société démocratique et juste.
Je voudrais voir Mila partout, jusqu'à la folie, jusqu'au malaise. Mila doit devenir la nouvelle Marianne de nos mairies et de nos timbres. Depuis une dizaine d'années, une guerre insidieuse contre la liberté d'expression et la liberté tout court est menée dans la société, avec un nombre de victimes intolérable. Le Bataclan, les fusillades des terrasses, Charlie Hebdo, Samuel Paty et toutes les autres victimes de la radicalité ne sont plus que des souvenirs pour en témoigner. Mila est vivante et le vit dans sa chair. Elle est condamnée à avoir un destin, l'anonymat ne lui est plus permis. Elle doit devenir l'égérie de la liberté d'expression, une égérie officielle. Que son nom et son visage soient omniprésents jusqu'à l'outrance pour imposer silence sans contradiction possible à ceux qui croient que l'univers fictif des religions a plus de valeur que la vie d'une jeune femme, qu'il a plus de valeur que la liberté.
Il ne sera plus temps, si Mila disparaît, victime de fous de Dieu ou parce qu'elle ne supporte plus sa vie de recluse et qu'elle décide d'y mettre fin, de faire naître partout des rues Mila, des places Mila, et d'organiser des cérémonies officielles ineptes et creuses avec drapeaux français et larmes de circonstance, avant de tourner la page dans le soulagement des autorités pas fâchées d'en avoir fini avec cette histoire. Si collectivement, nous ne sauvons pas la vie de Mila –c'est-à-dire que nous ne nous contentons pas de la savoir vivante, car ce n'est pas une vie qu'elle mène, mais que nous ne lui assurons pas un parcours de vie acceptable, fût-ce sous les projecteurs et au prix d'une notoriété fabriquée par la nécessité– alors nous aurons perdu l'honneur, la morale, et le droit de nous proclamer une société démocratique et juste. Nous aurons perdu le droit à notre liberté, car c'est en la personne de Mila qu'il se joue aujourd'hui, dans un drame qui la dépasse et qu'elle incarne pourtant avec un courage qui force le respect.
La République protège ses enfants, elle ne les condamne pas à se taire et à se cacher pour continuer de vivre tranquillement sans trop déranger sa conscience. Le sort actuel de Mila est une honte pour la France, pour chaque Français qui le connaît et ne prend pas ouvertement sa défense, pour chaque personnage public –élu, actrice, chanteur, autrice, journaliste, YouTubeur, influenceuse et autres milliardaires– qui ne prend pas parti pour elle.
Tant que Mila vivra recluse, le pays aura une souillure à l'âme dont les relents empoisonneront la démocratie au point de la pourrir. L'affaire Mila est un tournant dans l'histoire de France contemporaine. Si nous ne choisissons pas la bonne direction, elle sera condamnée à la tragédie et nous, au déshonneur, à la honte et, au bout du chemin, à la déchéance de notre droit à une liberté que nous lui refusons.
Parfois on m’a fait la remarque du genre « hé, mais tu as vu qui tu cites ? l’idée que tu propose vient d’un gros faschiste-pédo-tueur-nazi-pirate-communiste-traître ! ».
On me dit que je cite tantôt le FN, tantôt les Verts, puis les Africains, les Russes, les Aztèques, les pingouins, les Pokémon… que ça ne tient pas la route, qu’il n’y a pas de « logique ».
À ceux qui se demandent à quoi je joue, qui pensent que je me contredis, qui ne comprennent pas pourquoi je change toujours mes sources d’idées (voire d’inspiration), sachez juste que je ne regarde pas qui propose une idée, mais que je regarde l’idée en elle-même.
Ceux qui me font ces remarques sont — selon moi — ceux qui refusent d’attribuer une bonne idée à un salaud et une mauvaise idée à un génie. Et ça, c’est dommage : car même un crétin peut un jour avoir une idée qui va améliorer la face du monde.
La nature m’a donné un cerveau me permettant de réfléchir par moi-même et d’imaginer des choses d’une grandeur infinie. Et je devrais l’éteindre et suivre les autres aveuglément ? Navré mais non.
Je veux pouvoir être libre de penser par moi-même et pas par les autres. Je veux pouvoir être libre de dire quelque chose sans que l’on me sorte « ah t’as des idées de communistes » ou « ah tes idées sont capitalistes ». Stop ! J’ai des idées à moi, j’ai des idées qui me vont : on s’en fiche si elles ont été émises par untel ou par un autre : je les trouve bonnes.
On ne peut pas créer un monde meilleur en n’écoutant qu’une seule personne, qu’un seul groupe, qu’un seul parti politique ou un seul gourou. Le monde est construit parce que l’humanité toute entière est là ou a été là, parce que chacun peut donner ses idées et parce que le monde conserve celles qu’elle juge bonnes et rejette celles qu’elle juge mauvaises (un peu comme le fait la nature, avec la sélection naturelle), peu importe leur origine ou leur cause.
Je pense que la société devrait prendre ce qu’il y a de bon de tous les côtés plutôt que de prendre le bien et le mal se trouvant d’un seul côté (en politique, par exemple).
La perfection du monde devrait être le but recherché constamment, sans avoir à accepter quelque chose qui ne va pas.
Et c’est bien ce que je fais ici : partager des choses que j’estime être digne d’intérêt pour moi, peu importe leurs origines et spécialement si elles sont sorties de leur contexte.
Une fuite de documents à la Maison-Blanche la semaine passée aurait révélé que le président américain Donald Trump serait en train de rédiger un décret visant à réglementer la censure des médias sociaux en ligne. Le projet de loi confierait à la FTC et à la FCC, la surveillance des échanges en ligne sur les plateformes de médias sociaux, les forums, etc. Le décret en question donnerait aux organismes fédéraux, le pouvoir de choisir quel type de données seraient acceptable ou non sur Internet. Pour beaucoup, ce projet témoigne de l’aversion profonde de Donald Trump pour les médias sociaux.
Ces derniers mois, le président américain Donald Trump n’a pas cessé de rappeler combien de fois il trouve que les médias sociaux deviennent de plus dangereux pour l’homme et la façon dont ils influent négativement sur le comportement humain. Cela a encore été le cas la semaine passée lorsqu’il s’est prononcé sur les fusillades dans les villes d’El Paso, au Texas, et Dayton, dans la l’Ohio. « Les dangers d'Internet et des médias sociaux ne peuvent être ignorés et ne seront pas ignorés. La haine n'a pas sa place en Amérique », avait-il déclaré. Il a invité les agences de réglementation de l’État et les médias sociaux à collaborer.
« Nous devons identifier et agir plus efficacement sur les signes avant-coureurs. Je demande au ministère de la Justice de travailler en partenariat avec les agences étatiques et fédérales locales, ainsi que les sociétés de médias sociaux, pour développer des outils qui vont permettre de détecter les tireurs de masse avant qu'ils ne frappent », avait-il déclaré dans son discours de la semaine passée. À en croire ces événements, l’on peut être amené à dire que Trump nourrit un sentiment d’exécration très forte à l’égard des plateformes de médias sociaux et des communautés en lignes.
Selon le média américain CNN, un résumé du décret montre que Donald Trump appelle la FCC à élaborer de nouvelles réglementations. Ces réglementations vont préciser comment et quand la loi peut protéger les sites de médias sociaux lorsqu'ils décident de poster ou de supprimer du contenu sur leurs plateformes.
Selon des groupes de défense de liberté d’expression, cela donnerait à ces agences fédérales un contrôle sans précédent sur la manière dont les plateformes Internet modéreraient les posts en ligne. Le décret leur permettrait de révoquer les protections essentielles énoncées par le Congrès à la section 230 de la loi sur la décence des communications.
En effet, la CDA 230 (Communications Decency Act 230) est la loi fondamentale qui permet aux plateformes en ligne de permettre aux utilisateurs de publier leur propre contenu et de prendre des décisions de base concernant les types de contenu qu’elles souhaitent héberger en tant qu’entités privées. Tous les contenus publiés par les utilisateurs sur Internet ont été rendus possibles grâce à cette protection essentielle de la liberté d’expression.
Ainsi, si le décret venait à être appliquée, elle refléterait une escalade significative du président Trump dans ses attaques fréquentes contre les sociétés de médias sociaux pour un préjugé systémique prétendu, mais non prouvées à l'encontre de conservateurs de la part de plateformes technologiques.
Cela pourrait aussi donner lieu à une réinterprétation importante d'une loi (CDA 230) qui, selon ses auteurs, était censée donner aux entreprises de haute technologie la plus grande liberté pour gérer le contenu à leur guise. Ce qui signifierait que n'importe quel parti politique au pouvoir pourrait dicter quel discours est autorisé sur Internet. Selon l’association Fight For The Future, l’administration prétend vouloir empêcher les entreprises privées de faire taire le discours, mais ce plan créerait de nouveaux pouvoirs terrifiants de censure en faveur du gouvernement et pour les agences étatiques de réglementation.
Le média CNN a informé que le résumé du projet de loi qu’il a pu consulter porte actuellement le titre « Protéger les Américains de la censure en ligne ». La FTC serait la grande bénéficiaire des avantages de ce décret. Elle va travailler avec la FCC pour élaborer un rapport d’enquête sur la manière dont les entreprises technologiques gèrent leurs plateformes et vérifier si elles le font de manière neutre.
Le résumé indique aussi que les entreprises dont la base d'utilisateurs mensuels représente au moins un huitième de la population américaine pourraient se retrouver confrontées à un examen minutieux. En gros, le décret de l’administration Trump cherche à restreindre considérablement les protections accordées aux entreprises en vertu de la directive CDA 230. Trump a-t-il à l’idée que cette loi accorde trop de protection aux médias sociaux ?
Cette loi aurait déjà été fermement condamné par le Premier amendement et des experts de la liberté de parole issus de tous les horizons politiques. « Peu importe votre politique, peu importe ce que vous pensez du président, c'est une idée terrible qui aura l'effet exactement opposé à celui de son objectif déclaré de protéger la liberté d'expression », a déclaré l’association Fight For The Future. D’après cette dernière, la Maison-Blanche et son administration actuelle ne sont pas les seules à promouvoir cette idée erronée. Certains grands démocrates ont également appelé à affaiblir la CDA 230.
En Europe également, des lois sur la censure continuent de nourrir les assises des députés. Au sein de l’UE, en début d’année, les négociations sur la réforme européenne sur le droit d’auteur avaient été interrompues après que les gouvernements des États membres n’ont pas réussi à adopter une position commune sur l’article 13, qui vise à obliger les plateformes d’Internet à installer des machines de censure qui filtrent automatiquement les contenus mis en ligne par leurs utilisateurs. Finalement, en février, la France et l'Allemagne ont trouvé un accord et les négociations sur la directive Copyright ont repris.
Pour rappel, l’article 13 vise à instaurer le filtrage automatique des contenus mis en ligne, puisque ce sont des algorithmes qui devraient juger quel contenu a le droit d'apparaître sur Internet. Néanmoins, notons que beaucoup condamnent ces propositions de loi, en les traitant d’horribles. « Je parie que de nombreux conservateurs se retournent dans leur tombe en écoutant toutes ces grandes approches du gouvernement. Leur proposition aujourd'hui ne constitue rien de moins qu'un discours policier », a déclaré le sénateur Ron Wyden (D-Ore) dans une interview accordée à CNN.
Le Défenseur des droits s'inquiète d'un "affaissement" des libertés dans son rapport annuel.
FRANCE - Des étrangers aux gilets jaunes en passant par la lutte antiterroriste, le Défenseur des droits pointe un "renforcement (...) de la répression" en France et s'inquiète d'un "affaissement" des libertés inspiré par l'état d'urgence de 2015, selon son rapport annuel publié ce mardi 12 mars.
"En France, (...) s'est implantée une politique de renforcement de la sécurité et de la répression face à la menace terroriste, aux troubles sociaux et à la crainte d'une crise migratoire alimentée par le repli sur soi", pointe cette autorité indépendante chargée notamment de défendre les citoyens face à l'administration. "Nous sommes dans un pays crispé", dit-il aussi dans une interview au Parisien.
Dans son rapport 2018, qui couvre la période d'éclosion du mouvement des gilets jaunes, l'institution présidée par l'ancien ministre de droite Jacques Toubon s'interroge notamment sur "le nombre 'jamais vu' d'interpellations et de gardes à vue intervenues 'de manière préventive'" lors de certaines manifestations.
Selon ce document, les directives des autorités pour gérer la contestation sociale "semblent s'inscrire dans la continuité des mesures de l'état d'urgence", décrété après les attentats du 13 novembre 2015.
Ce régime d'exception, resté en vigueur pendant deux ans et dont certaines dispositions ont été conservées dans la loi, a agi comme une "pilule empoisonnée" venue "contaminer progressivement le droit commun, fragilisant l'État de droit", estime le rapport.
"Un nouvel ordre juridique, fondé sur la suspicion"
Pour le Défenseur, il a "contribué à poser les bases d'un nouvel ordre juridique, fondé sur la suspicion, au sein duquel les droits et libertés fondamentales connaissent une certaine forme d'affaissement".
Cette logique sécuritaire imprègne également le droit des étrangers, selon le rapport du Défenseur qui estime que la France mène "une politique essentiellement fondée sur la 'police des étrangers', reflétant une forme de 'criminalisation des migrations'".
En 2018, ce sont toutefois les réclamations liées aux services publics qui ont le plus occupé le Défenseur des droits: elles représentent 93% des dossiers traités par une institution toujours plus sollicitée. Avec 96.000 dossiers en 2018, le Défenseur des droits a vu les réclamations augmenter de 6,1% en un an.
Retards dans le versement de certaines retraites, suppression du guichet dans les préfectures pour délivrer le permis de conduire, "déserts médicaux"... Le rapport s'alarme d'un "repli des services publics".
Un tableau noir que le Défenseur relie au ras-le-bol fiscal exprimé par les gilets jaunes. Selon lui, "en s'effaçant peu à peu, les services publics qui, en France, constituent un élément essentiel du consentement à l'impôt, hypothèquent la redistribution des richesses et le sentiment de solidarité, sapant progressivement la cohésion sociale".
Le dernier livre du chercheur Tarleton Gillespie (@TarletonG, blog), Custodians of the internet (Les gardiens de l’internet, 2018, Yale University Press, non traduit) livre une plongée très documentée dans le monde de la modération des plateformes des grands réseaux sociaux… et offre bien des prises pour comprendre les enjeux ce débat récurrent sur les règles et le droit qui doivent présider nos échanges en ligne.
La modération – cette invitation à la pondération, à trouver les bonnes règles d’échanges et de débats en ligne – désigne souvent cette capacité à gérer les communautés d’utilisateurs, le public (« l’ensemble de ceux qui sont affectés par les conséquences indirectes de transactions qu’il est jugé nécessaire de veiller systématiquement à ces conséquences », disait John Dewey dans Le public et ses problèmes) est une préoccupation centrale depuis le début du web. Des premiers forums aux listes de discussions sur Usenet, les communautés en ligne ont toujours eu besoin qu’on prenne soin d’elles, que ce soit en développant des formes de gouvernance pour les protéger, des procédures claires et démocratiques d’usages, ou en trouvant les modalités pour traiter les préjudices et infractions. Les plateformes n’échappent pas à ces règles ni à ces débats.