A partir de quel âge peut-on se marier en France ? Et doit-on demander l’autorisation de ses parents ?
Oui, ce sont 2 questions différentes, il ne faut pas confondre l’âge nubile (en droit, cela désigne quelqu’un qui est en âge d’être marié) et la majorité matrimoniale (âge auquel une personne peut s’engager dans les liens du mariage sans autorisation de ses parents) !
Jusqu’à la Révolution : dans le droit canonique (autorité catholique), l’âge nubile et la majorité matrimoniale étaient de 12 ans pour les filles et de 14 ans pour les garçons. Et un édit de Henri II entré en vigueur en 1556 et valable jusque 1792 fixait la majorité à 30 ans pour les garçons et 25 ans pour les filles.
Loi du 20 septembre 1792 : mariage à partir de 13 ans pour les filles et 15 ans pour les garçons, mais avec le consentement des parents jusque 21 ans.
Code civil de 1804 : la nubilité est à 15 ans pour les filles et 18 ans pour les garçons, la majorité matrimoniale à 21 ans pour filles et 25 ans pour les garçons !
Loi du 21 juin 1907 : Il faudra attendre 100 ans pour que la majorité matrimoniale soit également fixée à 21 ans pour les garçons.
Loi du 5 juillet 1974 : On peut se marier sans le consentement de ses parents à partir de 18 ans.
Depuis 2006 : La nubilité est ramenée à 18 ans aussi pour les filles…
Le XVIIIe siècle ou Siècle des Lumières est aussi le siècle du clair-obscur, mêlant le pire et le meilleur, avec des comportements divergents face au mariage, selon que l'on appartient aux classes supérieures ou aux classes populaires.
Ces divergences se retrouvent aux siècles suivants et jusqu'à nos jours avec la concurrence entre mariage arrangé et mariage d'amour, entre pudibonderie et liberté sexuelle, entre soumission de la femme et émancipation.
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Le 27 octobre 1851, Pétronille B. « demeurant depuis environ six ans dans la commune de Sainte-Alausie […] en qualité de fille de service au lieu de Bouisset, chez l’instituteur primaire de cette commune » comparait devant maître Bousquet, notaire à la résidence de Saint-Cyprien, canton de Montcuq.
« Agée de vingt cinq ans accomplis, [elle] demande respectueusement à Jean B. son père, veuf, demeurant comme colon partiaire [métayer] au lieu de la Bartiole, commune de Saint-Pantaléon, son conseil sur le mariage » qu’elle « se propose de contracter avec Jean C., agriculteur, demeurant au lieu de Rans [Ramps], commune de Sainte-Alausie ».
Pétronille requiert Me Bousquet, notaire soussigné, « de faire la notification de cette demande à son père, ainsi que la loi le prescrit. Dont acte en brevet, fait et passé à Belmas, commune de Saint-Cyprien » en présence d’un maçon, demeurant à Lamasse, commune de Saint-Cyprien, et d’un ouvrier charpentier, demeurant sur la commune de Saint-Cyprien et natif de celle de Cézac.
Au XIXe siècle, la majorité matrimoniale est de 25 ans pour un homme et de 21 ans pour une femme selon l’article 148 du code civil napoléonien (1804) : « Le fils qui n’a pas atteint l’âge de vingt-cinq ans accomplis, la fille qui n’a pas atteint l’âge de vint-et-un ans accomplis, ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment, le consentement du père suffit ».
Mais même plus âgés, les jeunes gens qui désirent se marier doivent notifier aux parents le projet par un acte notarié : « acte respectueux » ou « acte de respect ». En cas de refus, la demande doit être renouvelée deux fois. A l’issue de cette procédure légale, même à défaut de consentement, le mariage peut être célébré un mois après la dernière notification.
Si le garçon a plus de 30 ans, ou la fille plus de 25 ans, un seul acte respectueux suffit.
Ces mesures - progressivement assouplies à la fin du XIXe siècle - ont été définitivement supprimées par la loi du 2 février 1933. Cette loi - assimilant l'âge de la majorité matrimoniale à l'âge de la majorité de droit commun - a rendu totalement libres les jeunes gens majeurs de se marier sans consentement parental.
« Il est un âge où les enfants capables de faire avec discernement le choix d’un époux, n’ont plus besoin du consentement de leurs parents ; mais ils doivent toujours honneur et respect » rappelle le Dictionnaire de législation, de doctrine et de jurisprudence en matière civile, commerciale, criminelle, administrative et de droit public par A. Dalloz, édition de 1844.
Il est ici fait référence aux articles 151 à 153 du code civil napoléonien promulgué en 1804 :
Art. 151. Les enfants de famille ayant atteint la majorité fixée par l’article 148, sont tenus, avant de contracter mariage, de demander, par un acte respectueux et formel, le conseil de leur père et de leur mère, ou celui de leurs aïeuls et aïeules, lorsque leur père et leur mère sont décédés ou dans l’impossibilité de manifester leur volonté.
Art. 152. Depuis la majorité fixée par l’article 148, jusqu’à l’âge de trente ans accomplis pour les fils, et jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans accomplis pour les filles, l’acte respectueux prescrit par l’article précédent, et sur lequel il n’y aurait pas de consentement au mariage, sera renouvelé deux autres fois, de mois en mois ; et un mois après le troisième, il pourra être passé outre à la célébration du mariage.
Art. 153. Après l’âge de trente ans, il pourra être, à défaut de consentement sur un acte respectueux, passé outre, un mois après, à la célébration du mariage.
Un « acte respectueux » - passé devant notaire - est un « acte en brevet » : en clair, le notaire mentionne l’acte dans son répertoire, mais donne l’original à la partie concernée. Ce qui explique qu’on ne trouve pas ces documents dans les minutes du notaire (sauf exception), mais dans les archives privées.
Loin d’être une invention du code civil, la majorité matrimoniale plonge ses racines au milieu du XVIe siècle. Son principe (30 ans pour les fils et 25 ans pour les filles) est posé par l’édit de février 1556 que Henri II fait publier sur les « mariages clandestins » ; il est assorti de l’obligation pour les enfants, même après leur majorité, de solliciter l’avis de leurs parents par des actes respectueux.
L’article 41 de la grande ordonnance de réformation dite de Blois (1579) confirme l’instauration de la majorité matrimoniale de 25 et 30 ans en deçà de laquelle l’assentiment des parents est requis, ainsi que l’exigence d’actes respectueux de la part des majeurs.
Le vent révolutionnaire tente de balayer la chose : la loi du 20 septembre 1792 ramène la majorité pleine et entière à 21 ans pour les deux sexes ; il n’est plus fait de distinction entre majorité matrimoniale et majorité civile. Mais le code civil napoléonien défait la législation révolutionnaire et conforte les dispositions de l’Ancien Régime.
Pour aller plus loin
Dictionnaire de l’Ancien Régime. Royaume de France XVIe-XVIIIe siècle sous la direction de Lucien Bély, Presses universitaires de France, 1996. Voir l’article « Mariage ».
La vie conjugale sous l’Ancien Régime par François Lebrun aux éditions A. Colin, 1998. Collection U.
Le mariage putatif est un mariage qui est réellement célébré. Mais celui-ci est contracté par les deux époux, ou par l'un d'eux, dans l'ignorance d'une disposition légale interdisant le mariage et l'entachant de nullité. Quelles sont les conditions pour invoquer un mariage putatif ? Quels sont ses effets ?
Mariage putatif : définition
Pour qu'un mariage soit qualifié de putatif et qu'il produise certains effets, les époux ou au moins l'un d'eux doit avoir été de bonne foi au moment de l'échange des consentements. C’est-à-dire dans l'ignorance totale d'une disposition légale interdisant le mariage et l'entachant de nullité.
Conditions
Pour que le mariage putatif puisse produire ses effets, et notamment être annulé rétroactivement, des conditions doivent être réunies.
Il faut constater l'existence de la bonne foi. Si cette dernière est présumée, il appartient à celui qui la conteste d'apporter la preuve formelle qu'elle n'existait pas au moment de la célébration de l'union. Le mariage putatif, pour qu'il soit qualifié ainsi, impose qu'au moins l'un des deux époux ait été dans l'ignorance de l'existence d'une erreur de fait ou de droit compromettant la validité légale du mariage. L'erreur de fait constitue une représentation inexacte d'un fait matériel ou l'ignorance de son existence (inceste, bigamie, incarcération de l'un des époux, etc.). L'erreur de droit, quant à elle, est une représentation inexacte du contenu de la loi ou l'ignorance de son existence.
L’union doit avoir été solennellement célébrée avec échange réel des consentements des époux.
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Effets du mariage putatif
Les effets s'appliquent tant sur les époux et leurs enfants, que sur les tiers à l'union.
Effets entre les époux
Entre les époux, s'ils sont tous les deux de bonne foi, les droits acquis par le mariage (avantages matrimoniaux et libéralités entre époux) sont maintenus entre eux tant que l'annulation de ce dernier n'est pas prononcée. Une fois l'union annulée, elle va cesser de produire ses effets pour le futur : perte du nom de femme mariée, fin des droits successoraux et des avantages matrimoniaux et libéralités. Toutefois, le mariage putatif n'efface pas les acquis du passé entre les époux (s'ils se sont consentis une donation par exemple, elle ne sera pas annulée).
Il est important de noter que si seul l’un des deux était de bonne foi au moment du mariage, il a le droit de demander l'annulation de celui-ci et l'application des effets de l'union putative à son encontre. Il peut ainsi demander que les libéralités consenties à son bénéfice, par contrat de mariage, soient exécutées. Mais il ne peut pas conserver les droits successoraux, car l'annulation du mariage entraîne la perte de la qualité de conjoint et donc de successible. Il peut également réclamer une prestation compensatoire à son ex époux de mauvaise foi. Lequel peut alors voir sa responsabilité engagée et être contraint de réparer sa faute et le préjudice qui en découle.
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Effets envers les enfants
A l'égard des enfants, l'annulation du mariage putatif produit des effets, et ce même si les époux étaient tous deux de mauvaise foi au moment de l'union. Les enfants issus d'une telle union sont réputés légitimes, car il n'y a plus aucune distinction de type de filiation. Comme en matière de divorce, le juge doit statuer sur la résidence et le mode de garde des enfants, l'autorité parentale, et les conditions de l'organisation des droits et obligations de chacun. Ces enfants conserveront le droit de succéder à leurs auteurs.
Effets vis-à-vis des tiers
Enfin, à l'égard des tiers, le mariage putatif produit les mêmes effets qu'un mariage classique. Toutefois, un époux de mauvaise foi ne pourra pas s'opposer à une action des créanciers, seule la bonne foi pouvant être entendue et acceptée