Oubliée la réclame à la papa ! Désormais digitalisée, la pub se veut intelligente et personnalisée. Mais elle est aussi de plus en plus intrusive…
Vous allez fêter votre anniversaire cet été et, voilà que sur votre fil d’actualité Facebook, on vous propose d’acheter un tee-shirt où est inscrit «Les meilleurs sont nés en juillet». Vous consultez régulièrement des sites de recettes italiennes et une publicité apparaît sur votre écran, vantant un tablier de cuisine où s’affiche le slogan «Les filles aiment les garçons qui aiment les pâtes». Comme des centaines de milliers d’internautes, vous venez d’être la proie d’une publicité ciblée qui a utilisé vos données personnelles. Car les réseaux sociaux, mais aussi la plupart des sites Internet que vous fréquentez, savent beaucoup de choses sur vous et ne se privent pas de vendre à leurs clients des informations sociologiques ou géographiques vous concernant. Un marché colossal puisqu’en 2019, selon Cisco, le marché de la publicité digitale (Internet et téléphonie mobile) devrait dépasser les 200 milliards d’euros dans le monde. En France, la publicité en ligne a atteint le chiffre d’affaires record de 4,9 milliards d’euros en 2018. Et pour la première fois, le digital est passé devant la télévision.
«Une bonne publicité, c’est le bon message livré à la bonne personne au bon moment.» La traditionnelle formule n’a jamais été aussi pertinente qu’à l’heure de la révolution numérique, qui permet un ciblage des consommateurs toujours plus précis. Entré en vigueur le 25 mai 2018, le règlement général sur la protection des données (le RGPD) n’a pas entamé ce marché en pleine croissance. Pour le respecter, les sites sont certes obligés de demander l’autorisation aux internautes pour utiliser leurs données, mais cela ne semble pas ralentir le business, car l’immense majorité clique sur le bouton «accepter». Certains internautes ressentent même les pubs ciblées comme moins agaçantes que les publicités classiques, car elles correspondent à leurs envies du moment. Pour toutes ces bannières publicitaires, l’élément central est le cookie.
Des pubs de plus en plus précises
On peut le définir comme un ensemble d’informations textuelles enregistrées sur le navigateur de votre ordinateur après la visite d’un site Internet. A chaque fois que l’on revient sur cette page, l’information est transmise par l’ordinateur au serveur Web qui vous identifie immédiatement. Les cookies basiques, dits «internes», ne sont utilisés que par le site Web que vous avez visité. Mais, très souvent, ces sites partagent ces petits intrus avec des régies publicitaires, qui peuvent ainsi cibler leurs publicités à partir de plusieurs adresses Internet. Grâce à un simple cookie, votre profil d’internaute se précise et les publicités qui s’afficheront sur votre écran correspondront de mieux en mieux à vos données sociologiques et à vos habitudes de consommation. C’est la raison pour laquelle vous recevez des publicités de clubs de vacances en Croatie si vous vous êtes renseigné sur les hébergements de ce pays ou que des messages vous incitent à revenir sur un site d’e-commerce que vous avez récemment consulté.
Encore plus précis, le geo-targeting permet aux annonceurs de cibler leurs clients potentiels en leur proposant des publicités pour des produits ou des services se trouvant à proximité de leur position géographique. Vous êtes au fin fond de l’Aveyron et, comme par hasard, une fenêtre s’affiche sur votre navigateur avec une publicité pour le supermarché situé à 2 kilomètres. Et ce n’est rien à côté de ce qui vous attend : votre téléviseur va, à son tour, bientôt diffuser des publicités adaptées à votre profil. TF1, France Télévisions ou BFM demandent une réforme de l’audiovisuel pour tenter de contrer l’influence grandissante du Net qui fait chuter leur chiffre d’affaires. En janvier 2018, un test grandeur nature a été réalisé par France Télévisions : les habitants de la région du Mans ont reçu une page de publicité spécifique pour l’assureur Thélem sur le signal TNT de France 2 et de France 4. Techniquement, tout est déjà au point et votre box Internet regorge d’informations personnelles que les annonceurs vont s’arracher.
Mais les nouvelles technologies sont jugées de plus en plus intrusives par les consommateurs. Les millennials seraient devenus totalement «adlergics» et ont massivement recours à des logiciels bloqueurs de publicité quand ils sont sur Internet. Dernière polémique en date, les panneaux publicitaires équipés de systèmes de mesure d’audience installés dans le métro parisien ainsi qu’à Toulouse. Sur ces panneaux, des capteurs scannent les ondes Wi-Fi et Bluetooth des smartphones qui passent à proximité afin de mesurer l’audience. Les données recueillies sont anonymes, mais elles permettront de savoir, par exemple, que des personnes qui ont vu une publicité sur un panneau se sont ensuite rendues dans une boutique si elle est équipée du même dispositif… Mais ce qui n’est pas du goût de certains usagers, c’est que, par défaut, tout le monde est enregistré et qu’il faut aller sur le site du prestataire (l’agence Retency) pour signaler qu’on ne veut pas que notre portable soit tracé… Ce qui oblige à communiquer ses données personnelles.
La publicité ciblée mode d’emploi
Un cookie est intégré dans un site Internet appelé A par les administrateurs de cette adresse.
Lorsque l’internaute visite ce site, le cookie se télécharge directement sur son navigateur.
L’internaute continue de surfer et part vers d’autres sites.
Sur ces autres sites, le cookie est analysé et détecte la visite préalable sur le site A.
Des bannières de publicité s’affichent alors sur l’écran de l’internaute pour l’inciter à retourner vers le site A.
À l’occasion de la journée européenne de protection des données, ce lundi 28 janvier 2019, Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP) et La Quadrature du Net, soutenues par d’autres associations, lancent une opération Bloque la pub sur Internet et passe le bloqueur à tes voisin·es.
Cette opération continue de mettre en évidence les effets négatifs de la publicité en ligne et les outils pour s’en prémunir !
Internet est devenu un espace prioritaire pour les investissements des publicitaires. En France, pour la première fois en 2016, le marché de la publicité numérique devient le « premier média investi sur l’ensemble de l’année », avec une part de marché de 29,6%, devant la télévision. En 2017, c’est aussi le cas au niveau mondial. Ce jeune « marché » est principalement capté par deux géants de la publicité numérique. Google et Facebook. Ces deux géants concentrent à eux seuls autour de 50% du marché et bénéficient de la quasi-totalité des nouveaux investissements sur ce marché. « Pêché originel d’Internet », où, pour de nombreuses personnes et sociétés, il demeure difficile d’obtenir un paiement monétaire direct pour des contenus et services commerciaux et la publicité continue de s’imposer comme un paiement indirect.
Les services vivant de la publicité exploitent le « temps de cerveau disponible » des internautes qui les visitent, et qui n’en sont donc pas les clients, mais bien les produits. Cette influence est achetée par les annonceurs qui font payer le cout publicitaire dans les produits finalement achetés.
La publicité en ligne a plusieurs conséquences : en termes de dépendance vis-à-vis des annonceurs et des revenus publicitaires, et donc des limites sur la production de contenus et d’information, en termes de liberté de réception et de possibilité de limiter les manipulations publicitaires, sur la santé, l’écologie…
En ligne, ces problématiques qui concernent toutes les publicités ont de plus été complétées par un autre enjeu fondamental. Comme l’exprime parfaitement Zeynep Tufekci, une chercheuse turque, « on a créé une infrastructure de surveillance dystopique juste pour que des gens cliquent sur la pub ». De grandes entreprises telles que Google, Facebook et d’autres « courtiers en données » comme Criteo ont développés des outils visant à toujours mieux nous « traquer » dans nos navigations en ligne pour nous profiler publicitairement. Ces pratiques sont extrêmement intrusives et dangereuses pour les libertés fondamentales.
L’Europe dispose pourtant désormais d’un règlement qui devrait mettre majoritairement fin à cette exploitation de nos données personnelles. En vertu du règlement général pour la protection des données RGPD, la plupart de ces pratiques de collecte de données personnelles en ligne devraient reposer sur un consentement libre et éclairé. Sinon, ces pratiques sont illégales. C’est sur ce fondement que La Quadrature du Net a porté plainte collectivement contre les 5 géants du numérique. Si le RGPD est rentré en application récemment et que ces plaintes collectives prennent du temps, la CNIL française a déjà agi sur des questionnements similaires, et a même, lundi 22 janvier 2019, commencé à sanctionner Google à une amende de 50 millions d’euros s’agissant de ces pratiques relatives à Android.
Il est temps que cette législation soit totalement respectée et que les publicitaires cessent de nous espionner en permanence en ligne.
Un sondage BVA-La Dépêche de 2018 révélait que 77% des Français·es se disent inquiet·es de l’utilisation que pouvaient faire des grandes entreprises commerciales de leurs données numériques personnelles. 83% des Français·es sont irrité·es par la publicité en ligne selon un sondage de l’institut CSA en mars 2016 et « seulement » 24% des personnes interrogées avaient alors installé un bloqueur de publicité.
Le blocage de la publicité en ligne apparait comme un bon outil de résistance pour se prémunir de la surveillance publicitaire sur Internet. Pour l’aider à se développer, nos associations lancent le site Internet :
Plusieurs opérations collectives ou individuelles de sensibilisation et blocages de la publicité auront lieu sur plusieurs villes du territoire français et sur Internet peu de temps avant et le jour du 28 janvier 2019, journée européenne de la « protection des données personnelles ». Le jour rêvé pour s’opposer à la publicité en ligne qui exploite ces données !
RAP et La Quadrature du Net demandent :
– Le respect de la liberté de réception dans l’espace public et ailleurs, le droit et la possibilité de refuser d’être influencé par la publicité,
– Le strict respect du règlement général pour la protection des données et l’interdiction de la collecte de données personnelles à des fins publicitaires sans le recueil d’un consentement libre (non-conditionnant pour l’accès au service), explicite et éclairé où les paramètres les plus protecteurs sont configurés par défaut. Les sites Internet et services en ligne ne doivent par défaut collecter aucune information à des fins publicitaires sans que l’internaute ne les y ait expressément autorisés.
Rendez-vous sur bloquelapub.net et sur Internet toute la journée du 28 janvier 2019
Les associations soutiens de cette mobilisation : Framasoft, Le CECIL, Globenet
Contact : contact@bloquelapub.net, contact@antipub.org, contact@laquadrature.net