Entre un manque de sommeil et un syndrome dépressif, la lumière artificielle a un impact important sur la santé.
SANTÉ - Depuis le 1er juillet, les enseignes commerciales doivent être plongées dans le noir entre 1 heure et 6 heures du matin. La raison? La pollution lumineuse. Vous savez, toutes les sources d'éclairage qui dérangent l'obscurité de la nuit, mais qui perturbent aussi votre sommeil.
Une réalité inquiétante puisque que 83 % de la population mondiale vit sous un ciel altéré par les différents types d'éclairages publics, selon l'étude publiée dans la revue Science Advances en juin, "Un nouvel atlas mondial de la luminosité artificielle du ciel nocturne". En effet, seulement 40 % des Européens peuvent admirer la Voie lactée aujourd'hui.
En plus d'être un problème économique et écologique, la pollution lumineuse s'avère dangereuse pour la santé. Comme l'explique le docteur Marc Rey, responsable du Centre du sommeil à l'Hôpital de la Timone à Marseille, au HuffPost, "elle peut être responsable d'une dépression, d'une prise de poids ou d'une perte de mémoire".
Tout repose sur le sommeil
Les troubles évoqués par le docteur Marc Rey, auteur du livre "Quand le sommeil nous éveille", sont caractéristiques d'un manque de sommeil évident. Les lumières artificielles altèrent notre horloge biologique. L'hormone sécrétée quand il fait nuit, la mélatonine, va être la principale victime de la pollution lumineuse. Sa sécrétion s'arrête quand le jour se lève et donc quand le ciel est bleu.
Cette lumière émise par le soleil est aussi diffusée par les lampes à LED et les écrans. C'est ce que l'on appelle la lumière bleue, et qui recrée en quelque sorte l'effet de la lumière du jour.
Ainsi, si vous regardez un film ou une série sur votre ordinateur le soir, le cerveau comprend qu'il est temps de se lever, à cause de la lumière bleue. Elle envoie un faux signal à la mélatonine. Votre endormissement va donc être retardé. Les adolescents sont encore plus touchés, car leur hormone du sommeil se manifeste de manière très lente lors de la puberté.
Pourquoi est-ce problématique? Le lendemain, vous allez vous retrouver en privation de sommeil, comme le prouve une étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Science en décembre 2014. Une baisse d'énergie se manifestera, tout comme d'autres effets négatifs.
De fait, une dépression peut être causée par le fort déséquilibre que subit le système hormonal. Ce même dérèglement peut entraîner des pertes de mémoire et de l'attention. L'appétit augmente considérablement, ce qui peut provoquer une prise de poids. C'est pour cette raison qu'il y a "plus d'obèses chez les gens qui travaillent la nuit que chez ceux qui travaillent le jour", affirme le spécialiste.
Est-ce une fatalité ?
En soi, non. Il est possible d'adopter quelques habitudes pour limiter les effets de la pollution lumineuse. L'une d'entre elles est d'activer l'option "filtre de lumière bleue" ou une application qui possède la même fonction sur votre smartphone ou iPhone, comme Twilight. Des outils qu'a recommandés le chronobiologiste de l'Inserm, Claude Gronfier, en 2016. Mais, attention: pour l'instant, aucune étude n'a été menée sur l'efficacité de ces options.
Il existe également des lunettes filtrantes, correctrices ou non, que l'on peut se procurer chez un opticien. Le seul bémol est le reflet violet qui apparaît dans les verres lorsque vous les portez.
Mais, idéalement, il faudrait arrêter de regarder les écrans une heure avant de se coucher, selon le chef du Centre du Sommeil. "Vous pouvez également porter un masque de sommeil pour bloquer les éclairages extérieurs", conseille le docteur Marc Rey.
"La télévision représente une nuisance visuelle et sonore", insiste Marc Rey. Il recommande alors de s'asseoir sur une chaise. Ainsi, dès que vous vous endormirez, vous tomberez littéralement de fatigue et le choc vous réveillera. Autre technique, moins douloureuse cette fois, prévoir une alarme pour que l'appareil électronique en question s'éteigne tout seul à une certaine heure.
Évidemment, ces astuces sont difficiles à transposer pour les personnes qui exercent un travail de nuit. Pour elles, la solution est en partie entre les mains des gestionnaires de lampadaires. Sauf que, en accord avec la législation européenne qui interdit les ampoules halogènes à partir du 1er septembre 2018, de plus en plus d'éclairages à LED sont introduits... la lumière bleue avec. Cette dernière crée certes une luminosité plus confortable pour l'œil humain, mais elle n'est en rien une réponse au dérèglement hormonal que peuvent subir les travailleurs de nuit.
Le vrai problème, selon le docteur, c'est que "nos rythmes sociaux ne sont pas en phase avec nos rythmes biologiques". Le corps humain est conçu pour dormir plus longtemps l'hiver. Pourtant, c'est la période où les gens travaillent le plus. La nuit tombe plus tôt. Donc, nous somme exposés plus longtemps à la pollution lumineuse. Le cerveau humain n'a donc pas le temps de récupérer et s'épuise progressivement.
Des chercheurs ont étudié 500.000 personnes sur plus de six ans. Les lève-tôt ont un risque de décès 10% inférieur.
Grégory Rozières
avec AFP
stevanovicigor via Getty Images
Les couches tard risquent de mourir plus jeune (et ça pourrait être à cause du travail)
SOMMEIL - Les "oiseaux de nuit", qui se couchent tard et ont du mal à émerger du lit le matin, ont un risque de mortalité plus élevé que les couche-tôt qui aiment se lever avec le soleil, selon une étude publiée ce jeudi 12 avril.
Celle-ci a porté sur près d'un demi-million d'habitants du Royaume-Uni âgés de 38 à 73 ans. Elle montre que les couche-tard ont un risque de décès, de toutes causes, de 10% plus élevé que les couche-tôt sur la période étudié de six ans et demi. Un peu plus de 10.500 décès au total ont été relevés sur la période de six ans et demi.
Des études antérieures avaient souligné leurs taux plus élevés de maladies cardiovasculaires et de pathologies métaboliques comme le diabète. Mais cette étude est la première à explorer le risque de mortalité, note l'Université de Surrey dans un communiqué.
Des horaires de travail qu'il faudrait adapter
L'étude, réalisée à partir d'une base de données publique, est parue dans le journal spécialisé Chronobiology International.
Les participants se sont définis soit comme "une personne du matin" (27%), "plus du matin que du soir" (35%), "plus du soir que du matin" (28%), ou "vraiment une personne du soir" (9%).
"C'est un problème de santé publique qui ne peut plus être ignoré", estime Malcolm von Schantz, professeur de chronobiologie à l'Université de Surrey. Selon lui, les couche-tard devraient pouvoir bénéficier d'une plus grande flexibilité d'horaires de travail pour commencer et finir plus tard.
"Les noctambules qui tentent de vivre dans un monde du matin peuvent en subir les conséquences sur leur santé", renchérit Kristen Knutson (université Northwestern, à Chicago) co-auteure avec lui de l'article.
"Il se pourrait que les personnes couche-tard aient une horloge biologique interne qui ne correspond pas à leur environnement externe", avance Kristen Knutson en évoquant toute une variété de comportements mauvais pour la santé chez ces derniers (manque d'exercice, ne pas dormir suffisamment...).
Mieux gérer sa lumière
Les couche-tard ont plus tendance à souffrir de troubles psychologiques, de diabète, de troubles neurologiques, gastro-intestinaux et respiratoires.
Ils ont également davantage tendance, à fumer, boire de l'alcool, consommer de la caféine et des drogues illégales.
Le passage à l'heure d'été, qui coincide d'ailleurs avec une incidence plus grande de crises cardiaques, est moins bien supporté par les couche-tard, relèvent également les chercheurs. Malcolm von Schantz suggérant d'envisager sa suppression.
En attendant que les lois et les pratiques sociales évolue, peut-on se transformer en couche tôt? Il y a une part de génétique qui définit notre rythme circadien, mais il y a aussi une part environnementale, précise Kristen Knutson.
Ainsi, pour essayer de se coucher plus tôt et être plus frais le matin, il faut essayer de s'exposer dès le petit matin à la lumière. A l'inverse, il faut éviter de s'y exposer la nuit. Mieux vaut donc éviter la série télé avant d'aller dormir.
La vieille croyance populaire aurait trouvé une vérification scientifique. De nombreux paramètres du sommeil seraient en effet perturbés les nuits de Pleine Lune. Des résultats inattendus pour les chercheurs suisses à l'origine de ce travail, puisque ce n'était pas leur but premier...
On associe à la Pleine Lune des pouvoirs presque mystiques. En effet, de nombreuses croyances populaires font état d'événements bizarres lorsque l'astre de la nuit brille de tout son éclat. Sans aller jusqu'à parler des loups-garous, on dit souvent qu'il y a davantage de délits commis sous la pleine lueur de la Lune, qu'il y a plus de naissances ou que l'on dort moins bien. De nombreuses études sont venues invalider ces affirmations. Mais une nouvelle recherche, réalisée après une discussion dans un bar, pourrait bien confirmer l'influence du cycle lunaire sur notre sommeil.
Le contexte : une idée née une nuit de Pleine Lune
Entre 2000 et 2003, Christian Cajochen et ses collègues de l'université de Bâle, en Suisse, ont mené une étude sur 33 volontaires de 20 à 74 ans afin de tester l'effet de l'âge sur de nombreux paramètres du sommeil. Plus tard, alors qu'ils discutaient ensemble autour d'un verre dans un bar une nuit de Pleine Lune, ils ont eu l'idée de se servir de leurs données pour réaliser une nouvelle étude : voir si le cycle de la Lune influence notre façon de dormir.
Ce travail, décrit plus bas, concluait que l'astre de la nuit influait réellement sur le sommeil. Des résultats auxquels les auteurs ne s'attendaient pas, puisque la majorité des articles de la littérature scientifique n'ont jamais établi un tel lien.
Dubitatif sur sa propre expérience, Christian Cajochen a préféré ne pas publier ses résultats, avant que des collègues d'autres universités le poussent à divulguer le contenu des recherches. Ce qu'il s'est enfin décidé à faire, dans la sérieuse revue Current Biology.
L’étude : le cycle lunaire influence le sommeil
En tout, les volontaires avaient passé 64 nuits à dormir dans une chambre isolée du monde extérieur, donc sans bruit et sans lumière, pour des conditions de sommeil pleinement contrôlées. Au lieu de se focaliser sur les âges comme dans un premier temps, ils ont placé chaque nuitée par rapport au calendrier lunaire, afin de déterminer l'écart par rapport à la Pleine Lune. Ils ont ainsi défini trois groupes : les nuits recouvrant les jours avec un ciel sans Lune, celles durant les périodes intermédiaires du cycle, et enfin celles autour des moments de Pleine Lune.
Les nuits ne se ressemblent pas toutes. Certaines sont bonnes, d'autres plus difficiles. Plusieurs facteurs peuvent rentrer, parmi lesquels le calendrier lunaire. © Alyssa L. Miller, Flickr, cc by 2.0
Les nuits ne se ressemblent pas toutes. Certaines sont bonnes, d'autres plus difficiles. Plusieurs facteurs peuvent rentrer, parmi lesquels le calendrier lunaire. © Alyssa L. Miller, Flickr, cc by 2.0
Qu'ont-ils observé ? L'électroencéphalogramme révèle que le sommeil profond, mis en avant par des tracés caractéristiques, a été raccourci de 30 % lorsque la Lune illuminait le ciel. Globalement, le sommeil est écourté de 20 minutes, tandis que la qualité est jugée moins bonne de 15 % par les participants qui, au moment de l'interrogatoire, ne savaient pas que les données seraient réutilisées pour faire le parallèle avec l'influence de la Pleine Lune.
Enfin, toujours pour cette même catégorie, les sécrétions de mélatonine, une hormone liée au sommeil et au rythme biologique, étaient nettement plus basses, nouveau critère attestant d'une perte de la qualité du sommeil. Alors que les taux avoisinaient les 4 pg/ml (picogramme par millilitre) lorsque l'astre de la nuit brillait de tous ses éclats, ils étaient doublés à l'autre bout du cycle, au moment de la Nouvelle Lune.
L’œil extérieur : un rythme biologique calé sur celui de la Lune
Cette étude, bien qu'entamée après une discussion dans un bar et menée à partir d'un petit échantillon, ne manque pas pour autant de pertinence scientifique. Le mode opératoire est, de l'avis des spécialistes, tout à fait cohérent avec les exigences scientifiques, en accord avec ce que les relecteurs de Current Biology ont décidé.
Désormais se pose la question du pourquoi. Pourquoi serions-nous affectés par la Lune ? Une chose est certaine : ce n'est pas la lumière qu'elle dégage qui nous empêche de nous reposer, car les participants ont dormi dans un noir complet. Est-ce que notre satellite pourrait agir sur nous comme il le fait pour les mers et les océans ? Non, car nous ne sommes que de bien petites créatures, et ses effets ne se font sentir que sur de gros volumes. Même les lacs ne connaissent pas de marées.
Alors, à l'instar d'animaux invertébrés pour lesquels on l'a montré, les chercheurs émettent l'hypothèse que nous pourrions être dotés d'une horloge biologique calée sur le cycle de la Lune. Le reliquat d'une époque où nos ancêtres vivaient plus en phase avec la luminosité naturelle ? Peut-être. Il faudra désormais le prouver à plus grande échelle, et éprouver les volontaires durant au moins une trentaine de jours consécutifs. L'idée de tester des ethnies vivant encore sans lumières artificielles fait également son chemin. Et seulement à ce moment-là, il pourrait être possible de conclure que nous sommes, en fait, tous des enfants de la Lune.