La question des formats sur le web est une chose fascinante. Comprendre l'émergence hier de Vine, et aujourd'hui de TikTok [et de Youtube Shorts, clone des précédents permettant de réaliser des vidéos de 6 secondes], c'est plonger dans l'histoire du web. De ce qui mena des premières pages "homepages" à la "statusphère" en passant par l'âge d'or puis le déclin des blogs (mon tout premier livre paru en 2008 ...) mais aussi l'imposition de la vidéo comme outil de captation attentionnelle semblant aujourd'hui indépassable.
Au commencement du web n'était que le texte. Les premiers navigateurs ne lisaient pas les images et dès que les images furent lues, il fallait de longues minutes avant de charger, ligne à ligne, un Gif mal dégrossi d'à peine quelques dizaines de kilos octets. Au commencement, donc, n'était que le texte. A l'époque déjà, on conversait pas mal sur IRC, l'ancêtre des Messenger et WhatsApp d'aujourd'hui. Et sur nos pages personnelles, sur nos "Homepages", si l'on pouvait faire long on se contentait bien souvent de faire court. Tout le monde faisait court. Les premières pages web des premiers sites marchands ou institutionnels en ligne se contentaient de courts paragraphes en texte noir sur fond gris. Avec parfois mais rarement, mais péniblement, quelques images en basse définition que l'on prenait des heures à regarder charger. Le format c'est le texte.
Au commencement du web c'était l'attente. On attendait. On attendait du texte. On attendait que les pages se chargent. On attendait que les images s'affichent. On attendait que la page suivant arrive. On attendait beaucoup. Et l'on était content lorsque l'attente cessait et que le texte s'affichait. Les débits augmentant (très très très mollement) et les forfaits des FAI (fournisseurs d'accès) devenant presque raisonnables (on parle quand même de plus de 30 euros par mois pour les premiers forfaits "illimités" avant quoi on était sur l'équivalent de 5 euros de l'heure !), on s'offrait la joie de payer pour poireauter. Le format c'était l'attente.
Petit à petit, tels des pionniers de canapé, quelque-un.e.s se lancèrent dans la création de leurs pages personnelles. Le web, ce web là en tout cas, devint une féérie chatoyante de mauvais goûts entremêlés où chacun se racontait sans se dire. Le format c'était le mauvais goût chatoyant et les premiers gifs animés jusqu'à la nausée.
Et puis il y eut, l'arrivée et l'explosion des blogs. Nous sommes début 2002. Les blogs et les premières 'plateformes' (Typepad, Live Journal, Blogger, etc.) c'est la possibilité de faire long sans avoir pour autant à se coller la nécessité du code HTML et de l'hébergement via FTP. Vous vous souvenez du FTP ? Le "File Transfer Protocol" qui faisait de chacun de nous des Franc Tireurs et Partisans de l'avènement d'un web où chacun, enfin, allait pouvoir écrire. Si dès le début des blogs l'empan scriptural ne souffre théoriquement plus aucune limite y compris technique, les blogs vont pourtant s'affirmer comme la forme d'une nouvelle brièveté, une brièveté ante-chronologique : il y a des journaux intimes et puis il y a tout le reste, les experts, les anonymes, les blogueurs influents, esquisse des actuels influenceurs. Sur les blogs on partage, et oui, déjà, on partage des étonnements, des choses lues, des images, et des liens, beaucoup de liens. Le format c'est le partage et l'expression de soi. Cela paraît peut-être anecdotique mais pour la première fois, un média, le web, devient saturé d'intime et d'expressions privées. Ce n'est pas anecdotique.
Youtube est créé en 2005 et racheté par Google en 2006. Lorsque c'est la vidéo qui devient le format de référence pour celles et ceux soucieux de conquêtes attentionnelles toujours plus vastes, la vidéo est souvent courte. En 2004 la 3G a débarqué en France. On peut commencer à naviguer en haut débit (pour l'époque) y compris sur des ressources et des formats excessivement gourmands en débit. Le streaming encore balbutiant au début des années 2000 va prendre définitivement son essor. En 2007 débarque le premier iPhone. 3G + smartphone + vidéo : plus rien, sur le web, ne sera jamais comme avant. Le format c'est du lourd. Lourd en poids, lourd en débit, lourd en équipement.
Faire court c'est aussi le format imposé par les réseaux sociaux, Facebook en 2004 et Twitter en 2007. On ne publie plus des contenus, on publie des "statu(t)s", des "états" (d'âme) des "positions" (géographiques), on "dit" (ce qu'on écoute, ce qu'on regarde, etc.). En un nombre de signes limité : 140 pour Twitter, 160 sur Facebook, avant extension (à 280 pour le premier, à ... 63 000 pour le second). Le format c'est "hic et nunc" : où je suis, ce que je fais, dans quel état, à quel endroit. Ici et maintenant et recommencement. Mais le web, fut-il celui des plateformes ne saurait être un étroit. Alors on ouvre et l'on peut insérer et partager des sons et des images, et comme par compensation de ce texte empêché en longueur, on peut en longueur "s'actualiser", et puis regarder les autres s'actualisant.
Vous vous souvenez du web où le format c'était l'attente ? Et bien on continue d'attendre. Mais on attend les autres cette fois, et non pas les pages. Et puisque c'est l'autre que l'on attend, et puisque l'on ne paie presque plus pour attendre, alors on ne supporte presque plus ... de l'attendre. Après la navigation, après la publication, le nouveau format c'est l'injonction. Cela peut paraître anecdotique, mais pour la première fois avec Facebook en 2004, on nous demande de dire quelque chose. C'est tout sauf anecdotique.
Le format c'est aussi celui du droit. Derrière chaque évolution, texte, image, vidéo, il y a des questions de droit. Des droits. Des droits d'auteur notamment. Alors faire court ce fut aussi un temps, s'affranchir de risques de poursuite dans une économie du remix mondialisée. A moindre coût. A moindre court. A moindre frais.
Dans la capsule. C'est la dernière étape. Jusqu'à ce jour en tout cas. Complémentaire des précédentes. Le temps qui est celui de "l'encapsulage" et qui préfigure les médias sociaux mainstream actuels. Progressivement, la capacité comme la nécessité de faire lien, de déployer des hyperliens, cette capacité s'amenuise alors qu'il devient de plus en plus facile "d'encapsuler" un contenu dans un autre. On ne renvoie plus vers un ailleurs, on ramène vers un "à soi". Les "widgets", les trucs rigolos genre "Bitty Browser", Netvibes bien sûr en 2005, et plus globalement la page web, cette entité documentaire première qui ne cesse de se fracturer, de se fragmenter. Or lorsque l'on arrête d'adresser des externalités, lorsque l'on ne fait plus qu'établir des internalités supposées se suffire à elles-mêmes, on cesse alors progressivement de naviguer, on s'habitue à faire défiler. Les réseaux sociaux arrivent et se déploient massivement dans ce contexte d'usage qui les précède et les prépare en un sens. Ils n'ont alors qu'à achever d'alléger la tâche d'encapsulage dans sa charge technique et cognitive, ils n'ont qu'à la rendre fluide pour qu'elle s'impose.
Le rêve du web est mort. Il n'est plus question d'un Homme, d'une page et d'une adresse, mais que toute l'humanité (connectée) réside à la même adresse, qu'à cette adresse on ne trouve qu'une seule et même page changeant et se rechargeant tout le temps, et que, selon les âges de la vie, comme dans l'énigme du Sphinx, cette page s'appelle Tik-Tok, Instagram ou Facebook. L'énigme du Sphinx vraiment, presque littéralement :
"Quel être, pourvu d'une seule voix, a d'abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ?"
Le corps à 4 membres sur TikTok, 4 membres qui dansent. Deux jambes sur Instagram, celles de l'adolescence, de l'autonomie que l'on se construit dans le regard des autres, des siens, des "comme soi" ou des "comment l'on voudrait être soi". Et puis Facebook le soir, toujours nos deux jambes et cette canne conversationnelle, cette béquille cognitive.
Ce n'est pas la taille, c'est le temps qui compte. Durant toutes ces années, la question de la durée de ce que l'on partage est devenue secondaire, derrière la question du temps nécessaire pour établir ce partage ; question elle-même reléguée à l'arrière-plan de celle du temps qu'occupera la publicité dans la durée du partage comme du visionnage. Avez-vous remarqué qu'il n'est pas rare aujourd'hui de passer davantage de temps à regarder la ou les publicités conditionnant l'accès à un contenu que ce contenu lui-même ? Mais dans la cour principale des plateformes, l'essentiel demeure de faire court. Le format c'est la vitesse. Il faut publier vite. Il faut partager vite. Il faut visionner vite. Il faut vite passer au visionnage suivant. On attend toujours, mais on n'attend plus des pages, on n'attend plus des gens, on attend que se maintienne un rythme, une cadence, un enchaînement, une ritournelle.
Longtemps chacun cherchait son court. Un court billet de blog à lire. Une courte vidéo à regarder. Chacun cherchait son court mais chacun suivait son lien. Il y avait bien sûr déjà des attracteurs étranges qui l'on n'appelait pas encore "influenceurs", le capitaine Gloasguen d'Embruns et quelques autres ; mais il n'y avait aucun mur sur l'océan et surtout il n'y avait aucune autre relance automatique que celle de notre propre curiosité ou du coût cognitif permettant de pallier notre ennui de surfeur dilettante en allant chercher un dernier lien, pour la route.
Tout est question de rythme. Sur le web et les plateformes aussi. 120 battements par minute pour la House des années 1990, celle des débuts du web. Et 24 images par seconde pour le cinéma. Et sur le web, tant d'autres formats. Mais toujours plus courts, 10 secondes, 15 secondes mais avec le plus souvent non plus 24 mais 30 images par seconde (comme le réclame la norme NTSC en vigueur aux USA). Comme le nombre de signes de la statusphère, dire toujours plus mais avec toujours moins de texte. Des vidéos toujours plus courtes mais avec toujours plus d'images.
"Less is More" écrivait et prônait l'architecte Mies Van Der Rohe. Il ne s'agit plus ici d'une forme d'épure, mais d'une recherche de tout ce qui sature.
Comme une contraction, un Big Crunch qui serait en cours plus de 30 ans après le Big Bang initial du web ; comme si nous étions au coeur de cette contraction sans savoir ce qui en sortira vraiment : un métavers, un tyran populiste, ou le compte TikTok d'un tyran populiste dans le métavers.
Comme chercheur, comme enseignant, comme parent, comme usager du web, je regarde ce temps passé à dilater du pouce ou de l'index des fragments signifiants d'insignifiance. Ces distractions. Souvent seulement vues uniquement comme des "dys-tractions", des anomalies de ce qui nous meut, de ce qui nous tire et nous attire ; distractions et dys-tractions qui, si elles en sont souvent, ne sont pas uniquement cela. Regarder et essayer de comprendre ce qui s'y invente, ce qui s'y déploie, et ceux qui s'y replient, aussi. A se demander où est la fiction pour sortir de l'affliction.
Jamais autant de gens n'ont raconté autant d'histoires. Et jamais autant d'histoires n'ont été aussi semblables. Communes ritournelles. La question est de savoir ce qui reste de la capacité de fiction quand toutes les histoires se publient sans friction et quand seules les frictions semblent capables de "faire histoire" dans le débat public.
La forme courte, les formes courtes ont toujours été présentes dans nos espaces sociaux, dans nos espaces publics, dans nos horizons culturels : litotes, métonymies, syllogismes, haïkus, apophtegmes, aphorismes, épigrammes, maximes, proverbes, feuilletons et aujourd'hui séries ... Les formes narratives, poétiques ou même rhétoriques courtes ont toujours été un essentiel de nos sociétés. Elles sont aujourd'hui au cœur de l'essentiel de nos usages numériques.
Des brièvetés en concurrence comme en co-occurence : celle de la série qui se déploie dans la longueur des saisons qui la composent ; celle du Tweet qui s'articule en Thread ou se déploie sans le défilement infini des autres gazouillis ; celle de la vidéo TikTok de 15 secondes qui fait collection au milieu d'autres dont le visionnage nécessiterait bien plus qu'une seule vie.
Faire court. Imiter le court. Reproduire le court. Faire rythme. Ce défilement est avant tout un battement, une pulsation. Le format aujourd'hui c'est la pulsation. C'est pourquoi il importe de savoir comment en contrôler la vitesse. La vitesse de ces enchaînements déterminés algorithmiquement dans le seul but de fabriquer des routines d'aliénation scopique, cette capacité à ne valoriser le court que tant qu'il concourt à fabriquer de l'artificiellement long en continu, ce refus total et programmatique du discontinu, cela interroge aujourd'hui notre capacité plus globale, plus politique, à nous confronter à des régimes narratifs nécessitant d'articuler le temps long comme autre chose que la simple agrégation de séquences courtes.
Je regardais mes étudiant.e.s faisant défiler leur compte TikTok. Je regardais mes enfants faire de même. J'avais envie d'écrire un billet. Je n'ai pas eu le temps de faire plus court.
"Je n'ai fait [cette lettre] plus longue que parce que je n'ai pas eu le loisir de la faire plus courte."
Blaise Pascal, Les Provinciales, lettre 16.
Imaginer ce monde où un autre Blaise Pascal écrirait aujourd'hui :
"Je n'ai fait ce Tweet plus court que parce que je n'ai pas eu le loisir de le faire plus long."
Les navigateurs web étaient faits pour… naviguer.
Aujourd’hui on ne navigue plus sur internet, il n’y a plus d’exploration.
On reste entre des murailles bien définis. Celles de quelques gros écosystèmes, Facebook, Google…
Naviguer le web à perdu son sens, parce qu’il n’y a plus de navigation.
Pourtant, il existe encore quelque chose en dehors de ces murailles.
Un web sauvage, naturel, appelle-le comme tu veux.
Mais ce qui est sûr c’est qu’il y a beaucoup plus à découvrir, on y trouve beaucoup plus de liberté, de créativité qu’à l’intérieur des murailles...
Between 1998 and 2003, searching for something on Google was magical. I remember inputting a vague notion like "oil mother's milk," and being directed to an interview with Thomas Gold, an astrophysicist who postulated that hydrocarbon deposits refilled themselves because of geological pressure.
Today, if you're looking for something that is technical, specific, academic or generally non-commercial, good frigging luck. The world's best information retrieval system has devolved into something reminiscent of 2006-era Digg: A popularity index that's controlled by a small number of commercially motivated players. They call themselves "SEOs."
Technical search-engine optimization specialists get a pass: They generally make the web faster, safer and more accessible. "Black hat" SEOs are obvious villains. They boost their own web rankings by breaking the law (e.g. hacking into a website to add links back to their own). But, black hats are the petty criminals of the SEO world. It's the "white hat" SEOs, the supposed good guys, who are the wolves in sheep's clothing.
These web marketers have a simple strategy: to squelch competition by concentrating authority. They march behind a banner of legitimacy and self righteousness, and like a totalitarian regime, they believe their end justifies their means. Here are some of the tactics they use.
If you've ever re-read an article and sworn that the headline, hyperlinks and headings were modified, you're not imagining it. SEO specialists "optimize" old articles to make them more marketable (and to drive visitors into newer, more commercial content). When I look back at articles that I wrote a decade ago, they've been updated with text that I didn't write, carrying meanings that I didn't mean.
"Content pruning" is an effective SEO tactic on large, established websites. Rather that archiving old content with historical significance, many websites will delete it from their servers and return a 410 status code. Gone. The goal is to optimize "crawl budget," keeping Google focused on the content that matters now. The result is a web without institutional memory or accountability.
Show me a modern newsroom and I'll show you a content strategist whom writers are expected to consult. But, when journalists feel pressured to write about topics they are not comfortable with, or, when they are compelled to phrase things in a specific way, "SEO best practices" start to look like propaganda. This is the cable news effect, where a behind-the-scenes strategist is editing the script and pushing every trend as "Breaking News!"
A handful of publishing companies own hundreds media websites that collectively receive billions of search engine visits each year. Search for "best smartphone" and you may see results from websites like TechRadar, Android Central, T3, Tom's Guide, Anandtech, iMore or Top Ten Reviews. It doesn't matter which site you vote for with your click, the ballot is stacked: All of those websites are owned by a single company.
Links are the currency of the web. Without them, search engines couldn't judge the relative worth of one page versus another. Unfortunately, many large websites hoard their link equity by refusing to link to external websites, or, by using a rel="nofollow" attribute on every external link (i.e. telling search engines to ignore those links). This makes the entire web poorer as a result.
SEO is a zero-sum game that has a loser for every winner. But, we all lose when SEO promotes gaslighting, link rot, conformity, monopoly and subversion. I remember when it was easy to find logic, facts, and reason on the web. Then, someone optimized it.
Pour Tim Berners-Lee, l'Internet dont il avait rêvé échouera si l'on ne crée par un cadre strict pour lutter contre la désinformation et l'exploitation des données personnelles.
Il signe « Monsieur Tim » mais cette lettre est du père d'Internet, Sir Tim Berners-Lee. C'est à lui qu'on doit le Web tel qu'on le connaît aujourd'hui, et dans une longue lettre publiée sur le site de la Web Foundation, il revient sur son invention d'un « système de gestion de l'information » pour le plus grand nombre, et il évoque son avenir.
Lui qui souhaitait simplement donner accès à l'information avec la notion de partage constate aujourd'hui que le Web est devenu « une place publique, une bibliothèque, un cabinet de médecin, un magasin, une école, un studio de design, un bureau, un cinéma, une banque et bien plus encore ». S'il admire aussi le fait que la moitié de la population soit connectée et qu'Internet simplifie et enrichit la vie quotidienne, il regrette qu'il soit aussi devenu le terreau des « fraudeurs, une voix à ceux qui propagent la haine et facilitent la perpétration de toutes sortes de crimes ».
Pour freiner cette tendance et revenir à un espace bienveillant et sûr, Berners-Lee milite pour la mise en place de lois et d'un code, semblable à celui que l'on trouve dans la vie de tous les jours. Il prône de s'attaquer à la cause et non aux symptômes, et cela exige un travail en profondeur avec un esprit communautaire. Il prend ainsi exemple sur la Déclaration universelle des droits de l'homme, née de l'esprit de gens venus de tous bords et il souhaite qu'Internet soit reconnu comme « un droit humain et construit pour le bien public ». Cela passe forcément par le soutien des gouvernements, garants de la protection des droits et libertés des personnes en ligne, mais aussi capables de sévir lorsque les intérêts privés de sociétés menacent le bien public.
L'internaute peut contrôler ce qu'il partage sur les réseaux sociaux. Mais les failles sont nombreuses et des applications continuent de récolter les informations confidentielles pour les monnayer. © Futura
L'internaute peut contrôler ce qu'il partage sur les réseaux sociaux. Mais les failles sont nombreuses et des applications continuent de récolter les informations confidentielles pour les monnayer. © Futura
En tournée pendant deux jours à travers la planète pour fêter les 30 ans de son invention, Berners-Lee s'est aussi exprimé dans une interview auprès de journalistes, dont nos confrères de l’AFP. Il cible son combat contre la désinformation (fake news) et le manque de protection des données. « On devrait avoir le contrôle complet de ses données. Ce n'est pas de l'essence. Ce n'est pas un produit, rappelle-t-il. On ne devrait pas pouvoir les vendre contre de l'argent car c'est un droit. »
Très affecté par l'affaire Cambridge Analytica, il milite pour un navigateur plus anonyme et des applications qui ne stockent plus les données des utilisateurs. Là encore, il estime que seuls les gouvernements, avec des lois, sont capables de stopper les abus actuels : « Parfois, il faut que la législation stipule que les données personnelles, les données génétiques, ne doivent jamais être utilisées. »
Le tout en restant positif pour la suite : « Vu comment le Web a changé au cours des 30 dernières années, il serait défaitiste et dénué d'imagination de supposer que le Web tel que nous le connaissons ne puisse pas être amélioré dans les 30 prochaines années. Sinon ? On aura échoué », conclut-il.
Si Arthur Clarke a échoué à prédire le futur de la conquête spatiale pour le début du XXIe siècle il y a 50 ans, on ne peut qu'être impressionné par sa clairvoyance en ce qui concerne le monde des télécommunications qui est le nôtre. Une bonne occasion de s'en souvenir alors que l'on fête sur la toile, ce 12 mars 2019, les 30 ans de la naissance du Web au Cern.
Il y a longtemps déjà Arthur Clarke avait avancé la thèse que tout comme les États-Unis avaient été unifiés grâce au télégraphe et au train, l'Humanité et la Terre le seraient grâce aux satellites de télécommunications et aux avions de ligne. Dès les années 1960, on le voyait préciser cette thèse avec des prédictions visionnaires lors d'une émission de la BBC et encore au début des années 1970 comme le montre la vidéo ci-dessous. Lui faisait écho, dès 1962, la fameuse expression de « village global » que l'on doit au philosophe et sociologue des médias canadien Marshall McLuhan. Les deux hommes pensaient que les progrès des télécommunications et de l'informatique allaient aider l'Humanité à développer une conscience et une culture planétaires.
On peut constater dans cette vidéo datant de 1976 qu'Arthur Clarke anticipait clairement non seulement le World Wide Web et les utilisations que l'on en fait, d'arXiv à Skype en passant par Amazon et Google, mais aussi les téléphones portables connectés au World Wide Web qui nous permettent, par exemple, d'écouter des documentaires d'Haroun Tazieff au sommet du Vulcano dans les îles éoliennes. Nous pouvons également assister en direct aux 30 ans du World Wide Web ce 12 mars 2019, avec une manifestation au Cern qui sera notamment retransmise en direct sur les chaînes Facebook et YouTube du célèbre centre de recherche européen où l'on a fait la découverte du boson de Brout-Englert-Higgs.
Rappelons en effet que c'est au Cern, en mars 1989, que le Britannique Tim Berners-Lee (anobli depuis) a commencé à rédiger le contenu de sa proposition d'« un système hypertexte basé sur Internet permettant de relier différents ordinateurs et d'accéder ainsi à des informations », comme l'explique le communiqué du Cern pour les 30 ans de la toile. Si Internet, c'est-à-dire des protocoles de communication entre ordinateurs, remonte en fait aux années 1960 et est essentiellement une création anglo-saxonne principalement portée aux États-unis par l'Armée avec la Defense Advanced Research Projects Agency (Darpa) qui va donner naissance à Arpanet (Advanced Research Projects Agency Network), le jeune informaticien, qui était venu au Cern quelques années auparavant pour travailler sur le fameux Proton Synchrotron, va le conduire à une métamorphose qui, aujourd'hui, impacte plusieurs milliards de personnes sur Terre.
Mais à la base, il s'agissait de rendre disponible une même information centralisée à toute la communauté mondiale en physique des hautes énergies, que ce soit en Europe, aux États-Unis ou encore au Japon. Pour cela, Tim Berners-Lee va être amené à introduire des éléments qui nous sont désormais familiers comme le langage html, le protocole http avec URL et bien sûr les premiers serveur, navigateur et éditeur web. Il fut aidé à ses débuts par l'ingénieur et informaticien belge Robert Cailliau qui cosigna notamment avec Tim Berners-Lee, en novembre 1990, un document désormais entré dans l'Histoire et intitulé « WorldWideWeb : Proposition pour un projet hypertexte ».
L'Histoire se mettra vraiment en marche le 30 avril 1993 lorsque le Cern mettra gratuitement dans le domaine public la dernière version du logiciel derrière le World Wide Web. Et cela, conformément au statut même du Cern depuis sa fondation qui a pour principe de diffuser librement, in fine, les découvertes scientifiques et les avancées technologiques, et pas seulement entre les nations qui sont membres du laboratoire.
En France, le Web s'installe au début des années 1990 grâce à deux ingénieurs du CNRS travaillant à Lyon au Centre de calcul de l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (plus connu sous le sigle de l'IN2P3) : Wojciech Wojcik et Daniel Charnay.