Le Parlement a approuvé mardi 23 juillet l'instauration d'un "droit voisin" au droit d'auteur au bénéfice des agences et des éditeurs de presse, une réforme destinée à rééquilibrer leurs relations avec les géants du numérique comme Google ou Facebook.
Cette proposition de loi, adoptée par 81 voix contre une, lors d'un ultime vote de l'Assemblée, est la première transcription, dans une législation nationale, de l'article 15 (ex-11) de la directive européenne sur le droit d'auteur, approuvée fin mars par le Parlement européen.
"Nous pouvons être fiers d'être le premier pays d'Europe", s'est félicité le ministre de la Culture Franck Riester, qui avait salué un "texte absolument essentiel pour notre démocratie et la survie d'une presse indépendante et libre".
"L'Assemblée a su se rassembler pour montrer aux GAFA qu'en démocratie, la presse n'est pas un produit comme les autres", a ajouté le rapporteur Patrick Mignola (MoDem).
La création d'un "droit voisin" doit permettre aux médias, comme l'Agence France-Presse (AFP), de se faire mieux rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production par des agrégateurs d'informations, comme Google News, ou des réseaux sociaux comme Facebook.
Le texte adopté exclut cependant "les actes d'hyperlien ainsi que les mots isolés et les très courts extraits d'une publication de presse" du champ de la protection du droit voisin, dont la durée est fixée à deux ans, conformément à la directive européenne.
L'adoption de cette proposition de loi, initiée par le sénateur David Assouline (PS), ouvre la voie à des négociations portant notamment sur l'assiette et les modalités de rémunération, ou encore sur le choix de la société chargée de la collecte et de la gestion des fonds.
"Le montant de la rémunération (...) devra prendre en compte des éléments tels que les investissements humains, matériels et financiers réalisés" par les éditeurs et agences, ainsi que "leur contribution à l'information politique et générale", précise le texte qui entend favoriser ainsi la qualité plutôt que l'audience.
Les journalistes professionnels et les autres auteurs des oeuvres publiées (photographies et vidéos incluses) auront également droit à "une part appropriée et équitable" de la rémunération, indique la proposition de loi.
"C'est l'aboutissement d'un long travail que nous portons depuis trois ans", a déclaré à l'AFP Florence Braka, directrice générale de la Fédération française des agences de presse, qui observe que "les informations coûtent cher à produire et les contenus, notamment les photos, sont pillés via les plateformes".
"Cela va permettre de rééquilibrer la valeur dans un secteur qui est vital pour la démocratie", en soutenant des médias qui produisent "une information de qualité et vérifiée", selon elle.
Pour Bruno Hocquart de Turtot, représentant de l'Alliance de la presse d'information politique et générale, qui rassemble la plupart des titres de la presse écrite (hors magazines), "le travail des éditeurs de presse et des journalistes va être enfin rémunéré au lieu de se voir allègrement pillé par les GAFA" (Google, Apple, Facebook, Amazon).
De son côté, l'Association des services internet communautaire (ASIC) qui compte Google et Facebook parmi ses membres, a souligné dans un communiqué les "exceptions" consacrées par le Parlement, "protégeant la libre circulation de l'information et le libre choix des éditeurs et acteurs du numérique".
Elle s'est également réjouie que "malgré les craintes, la loi ne crée pas d'obligation de rémunération systématique pour chaque lien hypertexte", mais a regretté qu'elle n'ait pas clarifié "ce qu'il faut entendre par "très court extraits" d'une publication de presse".
Interrogative sur "le périmètre d'application de la loi", elle s'est aussi demandé "si des contenus qui ne seraient pas d'information politique et générale" entrent ou non "dans le périmètre du nouveau droit", et même "s'ils seraient légitimes à recevoir une rémunération".
Les pays membres de l'UE ont jusqu'au 17 avril 2021 pour transposer la directive européenne sur le droit d'auteur dans leur législation nationale.