En Inde, la croissance urbaine est si rapide qu’en quelques années des villes jaillissent sur des zones agricoles. Pour convaincre les paysans de céder leurs terres, les promoteurs les associent à l’actionnariat de leurs entreprises. Ce modèle inédit d’urbanisation met en péril la démocratie locale.
Imaginez une ville nouvelle qui jaillirait soudainement de champs de canne à sucre, au cœur de l’Inde. Avec son architecture de vague inspiration singapourienne ou méditerranéenne, cette cité de haut-standing serait entièrement conceptualisée, construite et gérée par une entreprise privée. Les cultivateurs, propriétaires originels des terres cédées à la ville, seraient eux transformés en partenaires à part entière, et même en actionnaires (shareholders), leur permettant de brasser une rente à long terme sur les bénéfices de cette opération immobilière lucrative.
C’est ce que propose le projet de « ville-actionnaire » (shareholders city), un modèle qui demeure encore expérimental et très minoritaire mais qui représente cependant un des nouveaux avatars de l’urbanisation de l’Inde contemporaine et qu’il convient donc, à ce titre, d’observer avec attention. C’est précisément le thème qu’aborde l’urbaniste indienne Sai Balakrishnan (Harvard) dans son dernier ouvrage, Shareholder Cities.