Les arbres remarquables sont des survivants. Ils ont échappé aux flammes, aux guerres et aux ravages du temps. Ils ont sauvé leur vénérable ramure de l'urbanisation galopante et des grandes réformes agricoles. En Bretagne, avec une centaine de ces monuments naturels par département, leur densité est beaucoup plus importante que dans toutes les autres régions françaises. Pourquoi ? Parce que, contrairement à ce que l'on pense, c'est quand ils s'enracinent dans le patrimoine des hommes, parfois loin des bois, que les arbres sauvent leurs feuilles d'un hiver définitif.
Leurs noeuds incongrus et leurs branches tordues racontent notre histoire. Mais encore faut-il dénicher ces ouvrages muets. C'est le travail patient qu'a mené Mickaël Jézégou. Ce technicien forestier au conseil départemental des Côtes-d'Armor arrive au terme d'un recensement minutieux, entamé en 2008. Avec lui, des associations, mais aussi des particuliers, mobilisés pour signaler quelque 2.000 candidats potentiels. « Cet inventaire régional est le fruit d'un travail participatif, avec des centaines de bénévoles ». Mickaël Jézégou, de son côté, coordonne et écrit le plus gros d'un beau livre qui sortira en septembre prochain, sur la base de cette collecte passionnée.
« Il n'y a pas de statut juridique pour ces arbres. Nous avons retenu ceux, qui, par leur sacralité, leur essence, leur esthétique, présentaient un caractère remarquable ». L'âge, évidemment, est essentiel. Mais surtout « leur sens, dans une histoire locale, régionale ou nationale, ce qu'ils disent de nous ». « L'arbre a longtemps été au coeur du hameau, c'était un bien en commun », analyse Mickaël Jézégou. Peu importe que l'essence soit noble. Il suffit que, sous son ombre, se soient accumulés quelques siècles de palabres. À Plumaugat (22), une vieille carte postale désigne ainsi un « arbre aux commères ». Avec le banc qui va bien dessous.
L'arbre aux commères de Plugaumat
Dans les cimetières, les ifs millénaires gardent les morts. La Bretagne est parsemée d'ancêtres guérisseurs : à Camors, on vient encore déposer les petits chaussons des enfants près du vieux chêne, pour qu'ils marchent bien. À Langourla (22), les dames viennent confier leurs problèmes de fertilité à un centenaire.
Et puis « Tous ces arbres sont des témoins de l'Histoire ». Des 60.000 arbres plantés en France à la Révolution, il n'en reste qu'un seul, dans la plus petite commune du Finistère, à Locquénolé. « Tous les autres ont été arasés lors de la Restauration ». Dans les Côtes-d'Armor, à Trébry, en 1982, un vétéran américain est revenu voir l'arbre qui l'avait caché, des journées durant, des soldats allemands. Les arbres racontent aussi la mer et les grands voyages. « Il y a beaucoup plus d'espèces exotiques très anciennes, détaille Mickaël Jézégou. Par exemple les araucarias. Les premiers ont été introduits par l'amiral de Kersauson, à Brest ». À Bulat-Pestivien (22), se trouve un des chênes les plus colossaux d'Europe. Entre 900 et 1.200 ans au compteur. Les Égyptiens ont les pyramides : les Bretons, eux, n'ont jamais scié les vieilles branches sur lesquelles leur histoire est assise.
Lorsque les Latins voulaient désigner un ensemble d’arbres ou d’arbustes de même espèce, ils ajoutaient un suffixe – ETUM au nom de l’arbre. Par exemple, OLIVETUM désignait une plantation d’oliviers (OLIVA) et ROBORETUM un bois de chênes (ROBUR, d’où ROUVRE en français, ROURE en provençal). Il faut remarquer d’ailleurs que la langue française emploie encore, pour jouer le même rôle, des termes de même formation, tels que PINEDE ou OLIVETTE.
Dans la toponymie provençale, ce suffixe, qui a été emprunté au latin se retrouve sous les formes – ET et EDE : le FIGUEIRET caractérise une plantation de figuiers et la ROUREDE est un bois de chênes.
Voici une liste des noms de lieux de cette catégorie, étant précisé qu’elle n’est pas exhaustive mais qu’elle comporte déjà un assez grand nombre de spécimens.
Dans cette liste, à côté du nom actuel, figure une forme ancienne lorsqu’elle existe et la traduction est donnée le plus souvent par le dictionnaire le Trésor du Félibrige (Lou Tresor dóu Felibrige) de Frédéric Mistral (1878).
Aubarède, Albareta : lieu planté de peupliers blancs.
Avelanède : plantation de noisetiers.
Bagarède : taillis de jeunes lauriers, bois de lauriers.
Bletounet, Bletounède, Bletoneda : bois nouvellement planté.
Bouisset, Bexutum : lieu planté de buis.
Cadenet, Cadenède, Cadanetum, Cadaneda : lieu couvert de cades.
Cannet, Cannetum : cannaie, taillis de roseaux.
Castagnarède : châtaigneraie.
Corneidère, Cornarieta : bois de cornouillers.
Fenouillet, Fenouillède : lieu où le fenouil abonde.
Feouvède : fougeraie, lieu couvert de fougères.
Figueiret, Figaredum : plantation de figuiers.
Fraxinetum, Fraxineda : frênaie. Le terme Fraxinetum a plus particulièrement désigné au Moyen Age, le golfe de Saint Tropez, base d’opérations des Sarrasins.
Garoupède : lieu planté de garou ou sainbois (espèce d’arbrisseau).
Genebreda : lieu planté de genévriers.
Ginestet, Ginestedum : lieu où le genêt abonde.
Gourrède : plantation d’osiers.
Nogarède : noiseraie, lieu planté de noyers.
Oliverède : plantation d’oliviers.
Oumède, Olmeta : ormaie, lieu planté d’ormes.
Oinède, Pineta, Pinetum : pinède.
Pourraquède : lieu planté d’asphodèles.
Rourède, Rovoretum : chênaie.
Sanguinède : lieu couvert de cornouillers sanguins.
Suveret, Suveretum : bois de chênes lièges.
Tremoureda : bois de peupliers.
Vernet, Vernède, Vernetum, Verneta : bois d’aulnes.
Vorzeda : lieu planté d’osiers noirs.
Il est à noter qu’à côté de la formation en EUTUM, on trouve une formation en – IER, IERE qui joue le même rôle : BOUISSIERE, CADENIERE, FENOUILLERE, GINESTIERE, etc…
Source : "Lou terraire" (Le terroir) Revue culturelle provençale