Le bruit, c'est un peu comme les enfants ou les pets: on ne supporte que les siens. (Pardon, mais c'est Pierre Desproges qui le disait, à moins que ce ne soit Frédéric Dard.) Les moteurs de motos ou de voitures qui se mettent soudain à vrombir dans l'espace public sont insupportables. Et ce problème souvent très masculin a d'ailleurs fini par intéresser la communauté scientifique.
Basée à l'Université Western Ontario (sud-est du Canada), la psychologue Julie Aitken Schermer s'est livrée à une étude fondée sur un demi-millier de personnes, afin de déterminer ce que pouvait bien signifier le rapport de certains d'entre nous vis-à-vis des véhicules qu'ils possèdent (ou pourraient posséder) et notamment de leurs bruits. La conclusion n'est pas piquée des hannetons.
«Comme les modifications du pot d'échappement dérangent les gens et les animaux, et puisqu'elles sont illégales dans certaines juridictions, comprendre qui sont ceux qui veulent que leur véhicule fasse du bruit est un sujet de recherche intéressant», écrit la chercheuse pour le magazine Psychology Today.
Or, il se trouve que, comme nous l'apprend le média en ligne ScienceAlert, les personnes qui rêvent de faire pétarader leur engin (qu'elles le fassent réellement ou non) présentent fréquemment de hauts niveaux de sadisme et de psychopathie.
Pour parvenir à ses fins, Julie Aitken Schermer a interrogé 529 étudiants en commerce, dont 52% d'hommes, à propos de leur rapport à leur voiture. Les questions portaient aussi bien sur le bruit des véhicules que sur leur lien affectif avec leur voiture, ainsi que sur les éventuelles modifications de pots d'échappement effectuées.
Ensuite, les cobayes ont été invités à répondre au Short Dark Tetrad, un test destiné à détecter leur part sombre. Machiavélisme, narcissisme, psychopathie, sadisme, absence d'empathie: de nombreux critères ont été passés au crible. La mise en parallèle des résultats des deux parties de l'expérience a permis d'accoucher de résultats saisissants.
Ceux-ci ont permis d'établir que de forts degrés de sadisme et de psychopathie sont liés au fait «de vouloir modifier son pot d'échappement, de se sentir connecté à son véhicule et de penser que les voitures bruyantes sont vraiment cool, explique Julie Aitken Schermer au média audiovisuel canadien CBC News/Radio-Canada. Cela témoigne d'un mépris et d'un manque de sensibilité à l'égard des autres personnes et de ce qu'elles ressentent.»
D'après ses résultats, les hommes sont également bien plus nombreux à vouloir rendre leur voiture plus bruyante et à être prêts à trafiquer leur pot afin de monter dans les décibels.
AVERTISSEMENT - A l'entrée du Saint-André-de-Valborgne, petit village du Gard, les touristes sont accueillis par un drôle de panneau. Installé par le maire, celui-ci les met en garde contre les bruits des cloches et le chant du coq.
"Vous pénétrez à vos risques et périls" peut-on lire sur le panneau installé à l'entrée du village de 400 habitants de Saint-André-de-Valborgne dans le Gard. "Ici, nous avons des clochers qui sonnent régulièrement, des coqs qui chantent très tôt, des troupeaux qui vivent à proximité, certains ont même des cloches autour du cou". Depuis sa publication la semaine dernière sur Facebook, la photo du panneau a été partagée plusieurs milliers de fois.
C'est le maire de la commune, Régis Bourelly, qui a installé ce panneau en réponse aux plaintes de plus en plus fréquentes des touristes qui ne supportent pas les bruits de la campagne : "Ils sont venus me voir parce que la cloche sonnait quinze fois, parce que le coq chantait, parce que les chiens du voisin aboyaient", a-t-il raconté à France Bleu. Un ras le bol et pour cause, les affaires de touristes importunés par des désagréments habituels sont fréquentes. L'an dernier déjà en Lozère, une vacancière, dérangée par le bruits des cloches de l'église, avait demandé au maire de décaler de sept heures le carillon pour faire la grasse matinée. Récemment, en Charente-Maritime, c'est un coq qui s'est retrouvé devant la justice pour "nuisance sonore".
En tout cas, les touristes qui n'aiment pas les bruits de la campagne sont prévenus : "Si vous ne supportez pas ça, vous n'êtes pas au bon endroit".
Beaucoup. Et ça, certains patrons l’ont bien compris et s’en servent pour manipuler leurs clients.
Un soir vous entrez dans un restaurant... En ouvrant la porte, vous êtes frappé.e par le bruit, vous restez mais vous n'appréciez pas votre dîner, vous forcez la voix, la discussion est difficile.
Ce n'est pas vous, c'est que le bruit change l'expérience de votre repas et le goût des aliments dans votre assiette.
Dans le 4e épisode du podcast Plan Culinaire, que je co-présente avec la journaliste Nora Bouazzouni, nous racontons comment nous avons découvert que l'ouïe influence énormément notre perception du goût. C'est le spécialiste mondial de la question, Charles Spence, professeur et docteur en psychologie expérimentale à Oxford, qui nous a permis de réaliser que le bruit pouvait modifier du tout au tout notre expérience gustative. Avec son équipe, ils ont en effet mené une étude sur 34 sujets pour voir si leur goût changeait de manière similaire quand on leur jouait certaines sonorités. Il explique en effet:
"Quand le son, la musique ou les conversations deviennent trop bruyantes, on peut parler de quelque chose de gênant. Et ce bruit de fond bloque nos capacités gustatives. C'est pour cette raison qu'on a tendance à rajouter du sucre ou bien du sel dans ce qu'on mange pour compenser l'effet de ces bruits de fond. Notre goût est donc diminué lorsque notre environnement est trop bruyant."
C'est pour ça que vous mettez beaucoup plus de sel de céleri dans votre jus de tomate quand vous prenez l'avion ou que vos frites ont l'air plus salées quand vous les mangez chez vous et pas dans un McDo bruyant.
Avec son équipe de recherches à Oxford, ils ont en effet identifié des musiques qui modifient véritablement le goût de ce que l'on mange. Certains sons vont rendre les aliments plus sucrés, d'autres plus salés, une musique qui fait ressortir l'amertume, une pour le crémeux et enfin une dernière qui rend tout plus épicé.
On ne sait pas vous mais on a été frappées de voir à quelle vitesse le goût peut changer en fonction de ce qu'on entend. Et ce qui est tout aussi étonnant, c'est que la musique peut non seulement changer notre goût, mais aussi notre comportement quand on mange. Charles Spence souligne qu'il faut aussi prendre en compte le rythme:
"ll faut également penser au tempo de la musique qui passe. Des recherches ont montré que plus il est rapide, plus il y a de battements par minutes, et plus on a tendance à boire et manger vite. On adapte en quelque sorte notre comportement au tempo."
Et ça, certains patrons l'ont bien compris et s'en servent pour manipuler leurs clients. C'est notamment le cas de la chaîne de fast-food américaine Chipotle, qui a plusieurs restaus en Ile-de-France, continue Charles Spence:
"Cela devient très intéressant lorsque l'on se penche sur les chaînes de restaurants en Amérique du Nord, par exemple avec Chipotle. Ils ont presque 1500 restaurants et ils choisissent avec soin la musique.(...) Et ils changent délibérément le tempo de la musique dans tous les restaurants, en mettant plus vite quand la clientèle est nombreuse, pour l'encourager à venir, manger vite et partir, et ils ralentissent le rythme quand il y a moins de monde. Ils se servent du son pour influencer les comportements".