Pourquoi les licornes s'imposent dans les tendances de Noël.
NOEL - Vous voulez des culottes licorne? Ca existe. Des bouées licorne? Aussi. Du maquillage, des cafés licorne? Oui, ça existe aussi. Si les licornes en tout genre sont de plus en plus présentes dans notre quotidien depuis quelques années, ce Noël s'annonce comme l'apogée de l'animal magique. Dans les catalogues pour jouets, entre les habituels jeux de constructions, poupées, dînettes et autres gadgets high-tech, elles viennent rajouter leurs paillettes et leurs couleurs arc-en-ciel.
Au-delà des très nombreuses peluches -les plus grandes mesurent plus d'un mètre de long, corne non incluse- les marchands de jeux redoublent d'imagination, du robot licorne à la chouette licorne, en passant par les enceintes licorne.
Et loin de se limiter aux enfants, la licorne-mania traverse plusieurs générations. La page Facebook Unicorn Gift (cadeaux-licorne) peut en témoigner. Chaque jour, elle recense des dizaines et dizaines de gadgets plus ou moins utiles, des tenues pour bambins au verre à vin.
Des monstres antiques à la licorne arc-en-ciel
L'intérêt pour les licornes est loin d'être récent. En réalité, cela fait quelques millénaires que cela dure. "Les premières mentions apparaissent dans l'antiquité, comme chez Pline l'Ancien qui mentionne un 'unicornis'", explique au HuffPost l'historienne Elisabeth Taburet-Delahaye, directrice du musée de Cluny et coauteure du livre "Les secrets des licornes".
"On la retrouve chez des auteurs grecs comme Ctesias au IVe siècle avant Jésus-Christ, ou même dans la Bible, où elle apparaît comme un animal menaçant", poursuit Béatrice de Chancel-Bardelot, conservatrice générale du patrimoine, en charge des collections de tapisserie au musée de Cluny -et notamment de la célèbre tenture de la "Dame à la Licorne".
"La licorne a connu deux grandes périodes de popularité", résume Elisabeth Taburet-Delahaye. "Autour des années 1500, comme le montrent les grandes séries de tapisseries qui lui sont dédiées, et à l'époque contemporaine." Animal initialement masculin chez les auteurs antiques, l'unicorne est repris par les auteurs médiévaux, qui ajoutent à son caractère sauvage un symbole de pureté. La licorne devient ainsi une créature ambiguë, à la fois attirée par les femmes vierges utilisées par les chasseurs comme appât pour la capturer, et susceptible d'être agressive.
La redécouverte des tapisseries médiévales, comme la "Dame à la Licorne", dans la seconde moitié du XIXe siècle, a réactivé l'imaginaire autour de la créature. L'Angleterre de l'ère victorienne l'a adaptée au monde enfantin, et y a associé les couleurs de l'arc-en-ciel, explique au Guardian l'historienne et philosophe Natalie Lawrence. "De nombreuses images de bestiaires ont été édulcorées, même si les Victoriens avaient également des images érotiques de licornes."
Des visuels taillés sur mesure pour une société de l'image
Ainsi transformées, ces créatures fantastiques vivent une nouvelle jeunesse avec la montée en puissance des réseaux sociaux et de la culture internet. D'après l'expert en tendances Daniel Levine, interrogé par le site Refinery 29, une mode se crée quand "il y a un intérêt culturel reconnu dans quelque chose qui colle à l'air du temps", que des célébrités le rendent public, et que "cette mode est suffisamment visuelle pour décoller sur les réseaux sociaux".
Les licornes, elles, cumulent les trois. "Nos profils sur les réseaux sociaux sont élaborés à partir d'une culture visuelle", explique Hannah Dick, professeure de communication à l'université de New York. "Il n'est donc pas surprenant que les arcs-en-ciels, les licornes, et toutes les représentations pleines de couleurs vives se soient imposées dans ce champ visuel."
En France, la youtubeuse Natoo fait presque figure d'avant-garde quand elle publie, en 2014, sa kitchissime chanson des licornes, habillée d'un pyjama licorne. Depuis, la vidéo a été vue près de 22 millions de fois, et d'autres célébrités ont pris le relais pour populariser l'animal fantastique, de Séléna Gomez à Christina Aliguera.
Une frénésie commerciale des produits dérivés
Cet engouement a rapidement été commercialisé. Alors que la marque Australienne Frank Body décide de commercialiser au mois d'avril un gommage qui fait briller la peau, elle est dépassée par son succès. Plus de 50.000 personnes s'inscrivent pour recevoir le produit, décrit par plusieurs sites comme le "gommage licorne", comme le rapportait Fast Company.
Autre signe de cette frénésie, la marque Starbuck's a fait exploser à la fin avril les compteurs de Google pour les recherches sur les licornes. Elle commercialisait de manière temporaire un frappuccino licorne, partagé plus de 100.000 fois sur Instagram. Les logiques marchandes, depuis les ventes de cornes et de poudre de corne de licorne au moyen-âge, n'ont guère changé.
La nostalgie de toute une génération aide à porter cette mode. "On a retrouvé la licorne dans les années 1990 chez les fabricants de jouets, à travers les jeux Hasbro, la licorne de Barbie ou encore Mon Petit Poney", rappelle Elisabeth Taburet-Delahaye. Les producteurs et industriels se reposent sur cette nostalgie. Lancée en 1982, la série My Little Pony a engrangé plus d'un milliard de recettes avec sa version de 2015, "Friendship is magic". Le personne principal est la princesse Twiligh Sparkle, une licorne ailée.
Un échappatoire plein de couleurs
La symbolique attachée à l'animal aide à la lier à toute cette mélancolie. "Elle endosse plusieurs symboles liés à la pureté, la naïveté", indiquait ainsi l'historien Michel Pastoureau à 20 Minutes. Cette nostalgie pour la magie des licornes et les joies de la jeunesse offre une échappatoire pour les jeunes femmes, estime auprès de Fast Company Aminata Tall, directrice de la communication de la marque Wet n Wild, qui vend du maquillage licorne. "Les gens cherchent à échapper à la réalité. Une des raisons principales pour cela est probablement que l'atmosphère actuelle n'est pas des plus réjouissantes."
Lumineuses et pleines de couleurs, les licornes sont ainsi assimilées à la joie et à l'espoir. "On retrouve le caractère magique de l'antidote du moyen-âge", analyse pour Le HuffPost Béatrice de Chancel-Bardelot. Un caractère merveilleux auquel on se raccroche, que l'on soit petit ou plus âgé.
Des licornes en lutte
La licorne peut être également vue comme une manière d'exprimer son individualité. "Elle est assimilée à la rareté, à l'unicité", rappelle Elisabeth Taburet-Delahaye. Revendiquer être une licorne, c'est revendiquer être unique. "Il y a un écartèlement entre le le goût du merveilleux et un attachement à des tendances humaines séculaires ambiguës, entre pureté et virulence", poursuit l'historienne.
De même, la rareté et la magie de la licorne en a fait un emblème des luttes LGBT, comme le rappelait Slate. "Il y a très probablement un lien avec l'arc-en-ciel, mais pas seulement. Je pense que la licorne est aussi l'étendard de l'invisible", expliquait au pure-player Sophie Barel, doctorante en sciences de l'information et de la communication à l'Université Rennes 2.
"Les licornes sont parfaites pour les célébrités, pour Instagram, ou pour une période politique sombre", résume Daniel Levine pour Refinery 29. "Les licornes ont été faites pour nous, et pour ce moment présent." Autant de raison qui expliquent pourquoi elles font encore et toujours de la résistance, malgré leur remplacement annoncé par les lamas ou les sirènes.