Petit résumé des thématiques abordées dans les épisodes précédents dans le texte mais aussi dans les commentaires :
épisode 1 : la pub biaisée des sociétés de généalogie génétique.
épisode 2 : les dérives de racisme et de fichage sous prétexte d'étude sociologique et de santé. L'intelligence artificielle permet d'associer un ADN à une reconnaissance faciale
épisode 3 : les universités américaines travaillent sur un outil probabilistique de répartition géographique et des résultats sur la longévité, la fertilité, les schémas de migration et, dans certains cas, des caractéristiques faciales.
épisode 4 : le mythe des enfants adultérins démonté.
épisode 5 : le cas particulier de Hans Jonathan, antillais en Islande en 1802, le portrait robot ADN (couleur de peau, présence/absence de taches de rousseur, présence d'alopécie), les dérives racistes.
épisode 6 : les résolutions de cold cases à partir des fichiers d'ADN récréatif, les dérives de fichage, les dérives des assurances, les accords entre entreprises d'ADN et FBI. Le premier procès suite à une de ces arrestations s'ouvre et les avocats contestent la fiabilité du test.
épisode 7 : comparaison des séquençage complet, emprunte FNAEG et test récréatif. Dérives de revente des données à des fins médicales, incident de cybersécurité, le fichage d'état en Estonie, l'édition des gènes chez des enfants chinois, la technologie d'édition des gènes balbutiante et les effets "hors cibles", le séquençage complet de loisir.
épisode 8 : le sondage Geneanet et sa faible représentativité, biais et paradoxes des comparaisons (avec nos contemporains uniquement, avec des échantillons non représentatifs ou en sous nombre...) La fiabilité déplorable des interprétations, le problème des naissances sous X, l'amélioration génétique, l'eugénisme, la suppression du gène CCR5 et ses problèmes d'éthique, Ancestry qui déroute ses clients en changeant les origines ethniques, le conseil d’éthique UK dit qu'il est moralement permissible de créer des bébés génétiquement modifiés, les experts de l'OMS demandent un encadrement international de la correction du génome humain. L'idée que nous sommes nos gènes est fausse, les gènes ne contiennent aucun marqueur racial, ethnique ou culturel.
épisode 9 : la non toute puissance de prédiction médicale, la désinformation médicale des tests, la cybersécurité, la porosité entre les bases et les enquêtes de police, le fichage d'état en Angleterre, Ancestry poursuivi aux USA pour mésinformation et tromperie
épisode 10 : Geneanet se lance dans la bataille, résumé des dérives médecine, assurances, employeurs, police, racisme. Cybesécurité. Récréation avec Spotify, taille du marché de l'ADN, un premier site de rencontre à base de correspondance ADN de phéromones !
épisode 11 : le problème des naissances sous X, anciens vs nouveaux (tout en ligne) généalogistes, la perte d'information forte au delà de la 6e génération, le fichage généralisé, les dérives racistes dénoncées par les universitaires, les problématiques vues par les universitaires, l'impossibilité de renouvellement des données en cas de compromission.
épisode 12 : le marché de l'ADN : la fin de la gratuité des transferts de données brutes, les caractéristiques physiques héritées de vos ancêtres, les voyages sur mesure fonction des résultats ADN, la prédiction de la mortalité et la probabilité de contracter des maladies à partir de l'expression des gènes, la monétisation de l'ADN avec des entreprises de recherche prêtes à l'acheter, la publicité qui promet aux américains des réductions sur les billets d'avion fonction de leur pourcentage d'ADN mexicain. Sous prétexte d’études scientifiques, les laboratoires de généalogie génétiques étrangers vous font participer à la création d’une société façonnée par notre patrimoine génétique. Les monopoles de données qui se créent au profit d'industries privées. L'étude sur le marché des tests ADN de KPMG.
épisode 13 : le peu de fiabilité des résultats ADN les résultats entre des jumelles ou triplées homozygotes chez un même fournisseur de test ne sont pas identiques, les résultats sont différents d'une entreprise à l'autre
épisode 14 : les risques sur la cybersécurité, la volonté des chercheurs français d'avoir une base de données en France, une proposition de fichage généralisé dans l'Arizona, et un professeur d'Harvard qui nous rappelle qu'aucun ADN n'est "pur". L'abandon de la proposition en Arizona, son codicille étonnant sur le prélèvement de l'ADN des morts. Le lobby des entreprises de généalogie génétique pour promouvoir leur business auprès du législateur américain et leurs dizaines de milliers de dollars de financement
épisode 15 : l'audition à l'assemblée nationale, d'un généticien, de la FFG et de sociétés de généalogie dans le cadre de la future loi de bioéthique, la CNIL rappelle que ces tests récréatifs ne sont pas inoffensifs, l'appel des sociétés américaines à se ficher pour confondre les meurtriers, l'étude ADN sur les descendants des habitants des villes pillées aux Pays-Bas par l'infanterie espagnole au 16e siècle, l'appel au bannissement des sites de généalogie génétique par un professeur d'université pour protéger la vie privée des donneurs de sperme.
épisode 16 : l'ADN des morts au dos des timbres et des enveloppes. La non-fiablité de la source. Les questions éthiques qui s'y rapportent. La question de la vie privée des morts. La ruée vers l'os des anthropologues. L'ADN de Léonard de Vinci testable par tous. L'autorisation d'un tribunal américain faite à des parents concernant le sperme de leur fils unique mort dans sa deuxième décennie
épisode 17 : les quatre problèmes à ce que la police exploite les données ADN des sites de généalogie génétique : portée, consentement éclairé, vie privée, collecte à partir des élements abandonnés. Les compléments très fumeux aux tests généalogiques par réanalyse. Le partenariat Airbnb / 23andMe pour visiter les régions de ses ancêtres et sa portée en France analysée par un juriste. Les USA qui veulent changer leur droit sur les brevets pour autoriser les entreprises à breveter les gènes humains.
Retour sur ce sujet passionnant des tests ADN.
Même dans les pays où ces tests sont légaux, on se pose des questions sur leur impact. La RTS (la télévision Suisse) a consacré l'un de ses reportages du magasine Temps Présent à ces tests. Le reportage est intitulé "ADN, réfléchissez avant de cracher". On y apprend entre autres que les écoles d'ingénieur de Lausanne et Zurich ont créé une société commune de big data appelée SDSC et que cette dernière propose un site internet qui vous permet de voir à chaque analyse ADN effectuée par des proches combien vous perdez de votre confidentialité. On apprend également dans ce reportage que la commission pour la science l'éducation et la culture du conseil national a émis un amendement qui aurait eut pour effet rendre obligatoire, pour conclure une assurance vie ou une assurance invalidité facultative, la transmission de tout profil génétique réalisé préalablement, dans quelque contexte que ce soit, à l’assureur. Cet amendement a été rejeté par le parlement helvétique mais les lobbys des assureurs ne font que commencer leur quête de données et ce genre d'amendement risque de revenir d'ici 5 ou 10 ans.
Le reportage aborde aussi le fait que les données sont revendues par les sociétés de généalogie ADN vers des entreprises de recherche médicale. Le site Korii, reprenant une information de Blumberg, nous montre qu'au Royaume-Uni le NHS (l'équivalent de la sécurité sociale) a la main sur une somme colossale de données personnelles de santé que l'industrie pharmaceutique cherche à racheter. Un cabinet privé (EY) a calculé le prix de ces dossiers : le dossier électronique basique d'un·e patient·e vaudrait, 111 euros, s'il contient des données génétiques, le prix s'envole à 5600 euros. Comment des services publics sous-financés vont-ils pouvoir tenir face à l’appétit de ces multinationales ?
Cela a amené en France le Comité Consultatif National d’Éthique à se poser par avance la question et à publier un avis. Cet avis rappelle que la loi informatique et liberté identifie les données génétiques comme des données sensibles ce qui entraîne une interdiction de les traiter hors recherche et la santé, si la personne a donné un consentement libre et éclairé. Le législateur ne change pas d'avis lorsqu'il ne prévoit pas d'ajouter les tests "récréatifs" dans la futur loi de bioéthique malgré le lobbying mené depuis plusieurs mois par un certain nombre d'acteurs. Pour que le consentement soit libre et éclairé, il me semble que le préalable soit qu'une information neutre présentant les avantages et inconvénients ainsi que la possibilité de participer au cas par cas à telle étude soit donné à la personne, au lieu d'un acquiescement global sous la forme d'une case pré-cochée (technique habituelle des entreprises de la tech). On y apprend également que la France prévoit à l’horizon 2025, la couverture par la médecine génomique de l’ensemble des patients atteints de cancer concernés sur notre territoire, ce qui veut dire que 235 000 séquençages médicaux de génomes auront lieu par an rien que pour ce besoin. L'avis pointe donc plusieurs questions à propos du consentement dans le cadre du RGPD :
la personne doit faire un double choix : d’une part, accepter ou non l’étude (pour son bénéfice s’il s’agit d’un patient, ou pour celui de la collectivité s’il s’agit de participer à une cohorte ou une base de données) et, d’autre part, en connaître ou non les résultats, s’agissant de sa maladie ou de données incidentes
l’inadaptation de ce consentement au fur et à mesure que progresse la recherche
la difficile délimitation des contours de sa « finalité » dans ce contexte marqué par une forte évolution et un partage des données
la décision de recontacter les participants à une recherche
le caractère fictif de l’anonymisation alors que l’on cherche à corréler données génomiques
L'avis continue dans quelques années, la séquence génomique sera probablement intégrée au DMP (désormais dossier médical « partagé » et non plus « personnel ») et bientôt l’espace numérique de santé, véritable carnet de santé numérique et instrument de la coordination des soins. Il rappelle le caractère unique de la séquence génomique ; chacun des quelque sept milliards d’individus a un génome non seulement unique, mais invariant. La spécificité tient à l’existence de multiples variants génétiques, dont la combinaison est spécifique d’une personne donnée (environ 3 millions de variants distinguent deux individus). Ce qui n’est pas le cas pour d’autres données biologiques (plusieurs individus peuvent avoir un même taux de globules rouges, ou de cholestérol), ni même pour des résultats d’imagerie. Cette séquence d’ADN est donc « identifiante », au même titre que les empreintes digitales, et elle le reste tout au long de la vie puisqu’elle est invariante. {...} dans la mesure où le génome se transmet à la descendance, toute information déduite de la séquence concerne non seulement la personne, mais également son entourage familial.
Et encore contrairement à d’autres données de santé, la production d’informations médicales à partir de la séquence génomique reste un défi et requiert de nombreuses étapes entre le séquençage de l’ADN et l’interprétation : Il est nécessaire dans un premier temps de séquencer l’ADN (détermination de la succession des nucléotides), puis d’assembler le génome (aligner les fragments de séquence) et d’annoter l’ensemble des variations génétiques identifiées. Ces étapes techniques sont effectuées en utilisant des algorithmes standardisés établis par des bio-informaticiens. Comme les méthodologies diffèrent et sont en constante évolution, il est important que ces différentes étapes soient transparentes car c’est à partir de ces données que le généticien va faire ses déductions. Du côté de la généalogie, les origines géographiques qu'on vous attribue ne sont que des statistiques, avec leur marge d'erreur. En plus, chaque société bricole à sa façon ses propres critères géographiques, il faut donc prendre les résultats pour ce qu'ils sont : de simples indices aléatoires, avertissait Patrick Gaudray, directeur de recherche au CNRS dans Le Parisien.
Les risques de discrimination introduits par une société de l'ADN y sont enfin pointés : la stigmatisation de groupes à risque, l'inégalité de prédiction génétique, en raison de biais dans la constitution des bases de données génomiques et le risque de recoupement des données génétiques conservées à des fins de généalogie dans des banques publiques avec celles qui ont été recueillies en matière de procédures judiciaires.