Barcelona, plaza Espana. Visual hunt
Le cas de la Catalogne – et d’autres régions européennes aux revendications similaires (Écosse, Flandre, Padanie, Pays basque, Bavière…) – illustre les conséquences logiques et les bouleversements potentiels du « glocal » (combinatoire de global et de local, zappant le national). Les États-nations pouvaient se croire épargnés par la disruption provoquée par la mondialisation combinée au numérique transfrontière, mais le statu quo est désormais contesté. La Catalogne semble aux avant-postes d’autres disruptions à venir dans d’autres régions, au-delà de celles déjà en rupture de ban.
Ces phénomènes se trouvaient déjà en filigrane dans les discussions concernant le traité sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles,adopté en 2005, où les États réclamaient leur souveraineté… mais les régions aussi ! La Catalogne était alors à l’avant-garde de cette diplomatie régionale dont elle fait preuve dans la crise actuelle, en dénonçant la subalternité de certaines régions par rapport aux États dans la nouvelle colonialité globale. Elle a été la première à demander et obtenir le 16 septembre 2005 une extension des domaines de l’adressage Internet pour les régions et communautés linguistiques, le « .cat », ce qui n’a pas été sans hérisser Madrid.
Subalternité vs colonialité : modifier le statu quo
Dans le glocal, la subalternité des régions est désormais un outil de contestation face à une théorie de l’État-nation prénumérique. Pour le moment, face à une Espagne sciemment construite comme hégémonique et réduite à Madrid (pour ne pas s’aliéner les autres régions), la Catalogne met en scène des astuces dramatiques pour exacerber la violence du pouvoir central et mettre la communauté internationale de son côté ou en neutralité. Seule, elle n’a pas la possibilité de changer l’histoire, mais elle se sert de tous les interstices ouverts de manière créative, donc disruptive.
Et Mariano Rajoy se retrouve en père autoritaire à sommer Carles Puigdemont de se prononcer clairement… Rajoy, dont le grand-père a été un des rédacteurs du statut d’autonomie de la Galice en 1932. Pour Puigdemont, il s’agit aussi de créer des images fortes pour son projet d’affiliation à une histoire commune de l’Europe qui n’est pas obligé de passer par la case Madrid.
Les Catalans se vivent en position de subalternité à l’égard d’un Madrid qui se comporte en état colonial, drainant ses ressources vives vers le centre avec peu de contreparties et beaucoup de corruption (ce qu’ils vérifient en se voyant reléguer en quelques décennies de 1re région industrielle à la 3e). Ils ne veulent plus subir l’étiquette de minorité imposée par ce pouvoir colonial alors qu’ils ont connu leur propre forme de pouvoir, républicain de surcroît. Ils dénoncent la colonialité du pouvoir étatique, qui crée des barrières ethniques et des exploitations commerciales.
Barcelona, Montjuic. Visual Hunt
Un contre-récit, en demande de démocratie directe
Les Catalans proposent un contre-récit au récit étatique moderne, en se voyant déjà comme nation au sein de l’Europe. Au discours moderne qui a créé les termes d’ethnicité et de minorité, ils opposent un discours disruptif de solidarité et de démocratie directe, – discours que je qualifie de « cybériste » pour signifier la rupture avec des références prénumériques obsolètes. D’où l’enjeu autour du référendum, une des formes les plus participatives de démocratie.
Leurs références politiques ne sont d’ailleurs plus identifiables selon des axes polarisés extrême droite vs extrême gauche, conservateurs vs progressistes, élite vs peuple. Dans la disruption, ces catégories ne recouvrent plus la complexité des choix non-rationnels et non-linéaires (mais néanmoins légitimes) qui guident les individus et les collectifs.
De fait, considérer la disruption catalane à l’aune du simple nationalisme, c’est nier sa dimension transnationaliste, avec le risque d’y appliquer des remèdes et solutions prénumériques, ce qui ira irrémédiablement plus loin que le clash symbolique…
Les Catalans peuvent s’appuyer sur leurs communautés de la diaspora, les casals, Catalans de l’extérieur. Elles sont ailleurs dans le monde mais reliées au pays par les réseaux transfrontières d’Internet pour comparer leur situation à celle partagée par d’autres cultures subalternisées, ce qui les conforte dans leur différence et leur diversité culturelle à l’égard de Madrid.
Une culture catalane locale et globale à la fois
Le bouillonnement culturel de la région catalane pousse ses habitants à imaginer, inventer, oser et à façonner la région à leur image, avec un regard porté sur le local autant que sur le global. La Catalogne, à travers Barcelone notamment mais pas seulement, s’est depuis longtemps constituée comme une région utilisant la créativité et la diversité culturelle comme levier de développement urbain et de rayonnement économique. Et ce, même avant le mouvement « Barcelona Posat Guapa » (« Barcelone, fais-toi belle ») de 1985.
Des artistes célèbres comme Antoni Gaudi ou Salvadro Dali, ou encore, plus récemment des chanteurs comme Luis Llach avec sa chanson « L’Estaca » (le pieu) en 1976 illustrent cette excentricité ludique et disruptive, loin de la capitale officielle. Cet excentrisme du coup donne de la force à l’authenticité du local, ce qui amène au décrochage à l’égard du national, puis éventuellement à la disruption.
Les quatre T de la Catalogne
Ce bouillonnement disruptif relève du même phénomène que celui des villes et régions créatives dans le monde, autour des trois T de Richard Florida (Routledge, 2014) auquel je rajoute le T de transnationalisme : technologie, talent et tolérance.
En Catalogne, ces quatre T indicateurs sont fortement présents. Le T de technologie se manifeste dans les hubs d’innovation high-tech, le numérique permettant à la région de s’installer dans les industries créatives du XXIe siècle (du design à la gastronomie). Il permet aussi de s’exprimer et de s’organiser et crée de la proximité à distance avec la diaspora.
Le T de talent tient dans sa capacité à créer une atmosphère où les arts de toutes sortes sont un élément de rayonnement socio-économique, qui attire la classe créative, en demande de bien-être culturel et friande d’infrastructures culturelles et sportives pour se maintenir créative.
Le T de tolérance concerne la capacité d’accueil de nouvelles formes de pensée et de différents groupes à l’identité ethnique, sexuelle ou sociale marquée, dont les migrants, les homosexuels et d’autres éléments d’une bohème geek internationale. Nombre d’entre eux sont bi-culturels et bi-lingues, les Catalans en premier (l’édition catalane tend à publier des ouvrages en français et en anglais en plus du catalan et du castillan).
Une disruption qui pointe vers d’autres en cours
Telle est la disruption catalane, quand on la pense hors de la boite. Elle est à suivre au même titre que la montée des réseaux de villes qui s’autonomisent des états comme le C40 des villes monde pour faire face au dérèglement climatique ou du réseau des régions d’Europe pour la culture.
Elle est une manifestation des recherches de réactivité face à des urgences, qu’elles soient numériques ou climatiques, les dérèglements glocaux imposant des solutions rapides, adaptées à des territoires dont l’aune n’est plus perçue comme relevant de l’Etat-nation moderne.
Mais toutes les disruptions ne sont pas égales entre elles. Certaines sont mieux dotées pour ne pas juste subir l’histoire tout en luttant pour elle. D’autres inégalités et déséquilibres vont se créer qui demandent accompagnement et vigilance. En politique, il va falloir aussi se montrer créatif, sinon les démocraties prénumériques vont rappeler aux mauvais souvenirs de bien des peuples leurs racines colonialisantes et subalternalisantes.
Il faut plus que jamais penser la trans-européanité et revoir le pacte de l’Union Européenne en faisant de la place à la diplomatie régionale en lien à la diplomatie transnationale. La demande catalane d’une médiation internationale bienveillante, sans violence, relève de cette démarche. Les Etats-nation européens qui se rallient à Madrid par peur de leurs propres régions et par respect de l’ordre prénumérique feraient mieux d’y repenser à deux fois car ils se coupent de forces créatives importantes et d’une réelle capacité de ré-enchanter l’Union Européenne.
The Conversation
Divina Frau-Meigs est membre de l'Association Internationale des Etudes et Recherches en Information-Communication (AIERI), à statut d'observateur de la société civile à l'UNESCO. A ce titre, elle a participé aux débats concernant le traité sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles à l'UNESCO entre 2001 et 2005.
C’est avec l’usage que la langue s’adapte. Le jour où les postes de préfets, chercheurs, ingénieurs et autres métiers seront occupés par autant de femmes que d’hommes, le langage suivra.
Le langage a-t-il besoin d’un manuel pour évoluer?
C’est avec l’usage que la langue s’adapte. Le jour où les postes de préfets, chercheurs, ingénieurs et autres métiers seront occupés par autant de femmes que d’hommes, le langage suivra.
ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
"Grâce aux agriculteur.rice.s, aux artisan.e.s et aux commerçant.e.s, la Gaule était un pays riche". L’on pourrait croire à une nouvelle expérience d’écriture créative de l’OuLiPo où le "e", disparu sous la plume de Georges Pérec, ferait cette fois une grande apparition. Mais il s’agit plus prosaïquement d’un extrait en écriture inclusive du nouveau manuel scolaire édité par Hatier que les enseignants pourront désormais choisir pour leurs classes de CE2. Un manuel se voulant, comme l’explique son éditeur, "le reflet de la société et de ses évolutions". Mais le langage a-t-il besoin d’un manuel pour évoluer?
Le langage ne se décrète pas
Il est évident que l’égalité entre les femmes et les hommes doit être une priorité. Il est tout aussi évident que la langue française ne doit pas être figée pour être préservée et qu’une langue dite vivante doit justement s’adapter. Mais ce n’est pas en glissant de force des "e" minuscules entre deux points que l’on fera évoluer les usages. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en apporte, sans le vouloir, la démonstration : c’est en constatant l’inapplication de la première circulaire relative à la féminisation des noms de métier que le Premier ministre a réitéré cette obligation en 1998. Vingt ans plus tard, entend-on davantage de femmes se dire "sapeuse-pompières" ou "doctoresses"?
Laissons les mots se transformer à leur rythme. C’est avec l’usage que la langue s’adapte et se transforme. "Ma doctrine est que ce sont les usagers qui décident", confiait récemment le linguiste Alain Rey dans un entretien pour Le 1. Prenons le mot "sénatrice". Dans sa version féminine, ce mot ne figure pas dans le Larousse. Il est pour autant facile de constater que cela ne l’a pas empêché de s’imposer dans le langage courant. Que l’usage précède le langage! Rien n’empêche les auteurs, "autrices" et les plumes en tous genres favorables à l’écriture inclusive de s’en saisir. Tout plaide en faveur d’une féminisation de certaines professions. Le jour où les professions de préfets, chercheurs, ingénieurs et autres activités seront occupées par autant de femmes que d’hommes, le langage suivra.
L’écriture inclusive pour les robots?
Selon étude menée par l’Université de Princeton sur un algorithme utilisé dans toutes sortes d’applications, l’intelligence artificielle associerait majoritairement les mots évoquant la gente féminine (fille, soeur, mère, etc.) aux notions de famille, enfants, foyer et aux arts. A l’inverse, l’algorithme rapprocherait automatiquement les hommes des notions de travail, carrière et les associe aux matières scientifiques et technologiques.
L’algorithme - né d’un concepteur subjectif - serait-il sexiste? Ou n’est-il que le reflet numérique de nos comportements individuels? Dans les deux cas, le big data alimente le risque de voir les comportements majoritaires devenir une norme. Et nous courrons aussi collectivement le risque de nous emprisonner dans nos propres conformismes. Faudra-t-il alors enseigner l’écriture inclusive aux robots? Commençons d’abord par intéresser les petites filles aux robots.
Je trouve que ça ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire", plaide le ministre de l'Education.
16/10/2017 13:19 CEST | Actualisé il y a 2 heures
Geoffroy Clavel
Chef du service politique du HuffPost
Philippe Wojazer / Reuters
Le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer.
EDUCATON - Il n'y aura pas de manuels scolaires pour tous et toutes. Le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, s'est déclaré lundi contre l'emploi de l'écriture dite "inclusive" à l'école, estimant que cette méthode de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes créait "des polémiques inutiles".
Interrogé sur BFMTV et RMC sur l'opportunité d'utiliser cette écriture dans les manuels scolaires, au moment où le gouvernement en fait la promotion à destination des TPE et des PME, le ministre a jugé que ce n'était "pas une bonne idée". "On doit revenir aux fondamentaux sur le vocabulaire et la grammaire, je trouve que ça ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire", a-t-il estimé en redoutant que cela finisse par nuire à une "bonne" cause, l'égalité des sexes.
"Je me considère comme féministe", a-t-il précisé. "Mais je ne pense pas que ce soit le juste combat", a-t-il indiqué en désignant l'écriture inclusive comme "une façon d'abîmer notre langue".
Pour Jean-Michel Blanquer, l'écriture inclusive "ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire" pic.twitter.com/YGDGowSr2R
— BFMTV (@BFMTV) 16 octobre 2017
L'écriture inclusive est un outil destiné à lutter contre les stéréotypes liés aux sexes et les inégalités entre les femmes et les hommes. Son caractère le plus visible est l'accord des noms et des adjectifs au féminin et au masculin lorsque c'est possible. L'emploi du point est encouragé pour mettre sur le même plan hommes et femmes lorsque c'est nécessaire. Exemple: "les électeur.trice.s votent".
Un manuel sur la sellette?
Jusqu'ici, le ministre avait plutôt affiché sa prudence vis à vis de cet outil pédagogique, encouragé par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Interrogé sur le sujet fin septembre, Jean-Michel Blanquer avait jugé "questionnable" l'utilisation de cette écriture dans des manuels : "que cette liberté soit offerte dans la vie démocratique courante, ça me paraît compréhensible. A l'école je suis plus réservé (...) quand je vois les difficultés qu'on a à bien consolider la lecture" chez les élèves.
Jean-Michel Blanquer ne s'est en revanche pas prononcé sur l'éventuelle interdiction d'un manuel scolaire de CE2 ("Découvrir le monde" paru aux éditions Hatier à la rentrée) qui utilise pour la première fois cette écriture inclusive. Le député LR Julien Aubert, qui avait réclamé son interdiction à l'école pour ne pas "transformer, sous couvert d'apprentissage à l'égalité, notre langue à des fins idéologiques", est du coup revenu à la charge.
#Blanquer se prononce sur #BFM c/ l'écriture inclusive, suite à notre lettre commune. Nous attendons qu'il retire le manuel scolaire pilote!
— Julien Aubert (@JulienAubert84) 16 octobre 2017
En 2015, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes avait publié un guide incitant les pouvoirs publics à adopter une communication "sans stéréotypes de sexe". Plusieurs ministères, institutions, collectivités et universités se sont depuis engagés à appliquer ces recommandations.
Hommage aux profs que j’ai eus : vieux manuels, vieilles méthodes, bienveillance. Les humanités sont la voie d’accès à notre humanité.
Quand j’étais petit, je voulais être enseignant. Mes instituteurs et mes professeurs me fascinaient par leur science : leur haute stature m’en imposait, à raison. Ils étaient des personnages sacrés, les héritiers, dans un monde en délicatesse avec les religions révélées, des clercs, ou leurs équivalents. Sans le savoir, je réactivais la Trinité des fonctions sociales bien mise en évidence par les historiens et les anthropologues : ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui produisent - les laboratores, les travailleurs-laboureurs, ceux qui produisent la matière indispensable à la subsistance physique en travaillant (laborare) la terre. Mes parents appartenaient à cette troisième catégorie. Dans une société largement déruralisée depuis les années 60, les laboureurs étaient devenus les travailleurs des secteurs secondaire et tertiaire. Les professeurs, eux, ceux des écoles, des collèges et des lycées, étaient les successeurs des oratores, ceux qui prient, ceux dont le métier est d’être en relation avec une transcendance, celle de Dieu jadis, celle de la science aujourd’hui. Je rêvais de les rejoindre, et d’être un clerc - dont j’arbore fièrement la tonsure, la toge et, me dit-on, l’embonpoint…
J’ai eu la chance d’être scolarisé dans des établissements moyens, voire médiocres, inconnus des palmarès, des classements, pas spécialement courtisés par les bourgeoisies en quête de reproduction sociale, voire soigneusement évités d’icelles. Dans ces établissements, des instituteurs et des professeurs à l’ancienne. Vieux manuels, vieilles méthodes, grande bienveillance, et total investissement pour les élèves. En 5e, notre professeure de lettres, Mme Chauvin, nous faisait lire des extraits de Proust et des poèmes courtois. Elle nous faisait aussi explorer des listes de vocabulaire : chaque semaine, vingt ou quarante mots au programme ! Tous au CDI, le Centre de document et d’information, dans le Larousse ou le Robert et en avant la définition, étymologie comprise : pergélisol, analogie, métaphore, rhétorique… Tout y passait. Affreuse réactionnaire ?
Cette enseignante admirable me semblait plutôt très à gauche. Elle nous faisait comprendre, à grands coups d’anecdotes vécues, que la langue était un marqueur social : employez les bons mots, avec la bonne syntaxe, vous serez respectés. Mieux, elle nous montrait que la langue est le lieu du déploiement de la pensée, donc de la liberté. La langue, c’était aussi le théâtre : elle passait ses mercredis après-midi à nous faire jouer, écrire, répéter. Je sais que Mme Balkany a eu la Légion d’honneur, mais j’ignore si Mme Chauvin l’a obtenue. Elle ne l’a sans doute jamais demandée. En 3e, elle remettait ça : à chaques vacances, un Flaubert ou un Zola à lire, et un dossier de vingt pages à rendre. Le travail de la langue s’accompagnait de l’apprentissage de l’histoire de la littérature, et du travail en profondeur des textes. Ah oui, en 3e, on a lu et étudié Phèdre aussi. La découverte de Racine a été un trésor pour la vie. Son travail était appuyé par celui de Mme Bonnin, professeure de latin. Mme Bonnin nous motivait en nous donnant des points supplémentaires pour toute version ou tout exercice de grammaire que nous ferions en plus. Excellente méthode. Je lui dois de parler et d’écrire le français, qui est du latin simplifié, à peu près correctement.
Je suis de ceux qui ont voté François Hollande en 2012, en prenant au sérieux les déclarations du PS : en dix ans d’opposition, ils avaient fait un travail considérable, leur première année au pouvoir était prête jusqu’au décret d’application. La réforme fiscale allait être mise en œuvre, et l’Education nationale, après la dévastation des années Sarkozy, allait être réparée. Sur les deux fronts, le quinquennat passé fut un échec. Je suis de ceux qui ont pleuré de rage en voyant le latin conspué, les classes bilangues entamées, et la réforme des rythmes scolaires mise en œuvre au grand désarroi des collectivités locales. La justice sociale, brandie par la gauche au pouvoir, était bafouée : les grands lycées de centre-ville n’étaient pas fous au point de sacrifier leur latin et leurs langues. Quant aux grands établissements privés, certains font du latin, et de la grammaire dès l’école primaire, et ils ont raison.
Je ne connais pas M. Blanquer. Je n’aime pas ce qu’il dit sur l’autonomie des établissements. Mais je souscris à tout ce qu’il dit sur la langue, le latin (n’oublions pas le grec), les fondamentaux, la lecture. Les humanités sont la voie d’accès à notre humanité, tout simplement. Ma fille aînée est rentrée en maternelle. Je m’incline devant ses professeurs, devant les animateurs de la garderie, devant leur générosité et leur amour pour ces enfants. Ma gratitude à leur égard est infinie. Je suis heureux qu’elle entre dans une école qui l’exercera à la grammaire, aux mathématiques, qui lui permettra d’habiter sa langue en lui faisant faire du latin. Pour que vive la République, vive son école, ses savoirs, ses maîtres et maîtresses.