Peut-on écrire le verbe « entraîner » sans accent circonflexe ? Non, pense encore une bonne partie de nos concitoyens. Pourtant, depuis 1990, ce signe n’est plus obligatoire sur les lettres « i » et « u », sauf dans les terminaisons verbales (exemple : qu’il dût, qu’il fût) et les cas où cela induirait une confusion de sens (exemple : mûr/mur).
Cette évolution fait partie d’un ensemble de modifications de l’orthographe publiées au Journal officiel en 1990, dont voici une synthèse :
Résumé des rectifications orthographiques de 1990. Journal Officiel de la République française
Les rectifications touchent quatre points précis : le trait d’union, le pluriel des noms composés, l’accent circonflexe et le participe passé des verbes pronominaux. Dans le détail, on peut signaler aussi :
la généralisation du trait d’union à tous les numéraux formant un nombre complexe
l’emploi du È pour transcrire le son « e ouvert » pour tous les verbes se terminant en -eler ou -eter (à l’exception de appeler et jeter)
la graphie nénufar, qui a fait couler beaucoup d’encre, alors que ce mot s’est écrit ainsi jusqu’en 1932.
Bref, des modifications raisonnables et très limitées, visant à rendre l’orthographe plus régulière et donc la langue écrite accessible à tous. Mais comme le souligne une enquête menée en 2010, les étudiants et enseignants français sont assez peu nombreux à les connaitre, en tout cas nettement moins nombreux que les Belges, Suisses et Canadiens. Et ils sont peu nombreux à les appliquer.
Cela provient du fait qu’une fois ces modifications actées, le pouvoir politique français n’a pas fait beaucoup d’effort pour les promouvoir auprès des enseignants. Or, si les professeurs ne les transmettent pas en classe, comment cette nouvelle orthographe pourrait-elle se retrouver dans l’usage ? On peut aussi signaler que les dictionnaires usuels ont mis un certain temps à les faire apparaitre et qu’aucun journal de référence français ne les applique. Et la virulente campagne de dénigrement relayée par les journaux, chaines de télévision et radio a eu un fort impact négatif.
Deux événements importants ont été à l’origine des rectifications de 1990. Tout d’abord, une prise de position de la part de professeurs d’écoles et de collèges réclamant une simplification de l’orthographe. Ensuite, un appel en faveur d’une modernisation de l’orthographe est signé par dix linguistes et paru dans le journal Le Monde en 1989. Le pouvoir politique s’empare alors de la question par l’entremise du premier ministre de l’époque, Michel Rocard.
Pour arbitrer, il fait appel à trois instances, à savoir l’Académie française, le Conseil supérieur de la langue française et un comité d’experts. Michel Rocard prend une position active et volontariste dans l’entreprise. Le comité d’experts se met au travail le 12 décembre 1989 et rend un rapport quatre mois plus tard. Ce rapport contient les propositions de rectifications que les membres du comité d’experts jugent pertinentes. L’Académie française l’approuve à l’unanimité des présents. Le premier ministre les soutient également.
Il est alors prévu que ces rectifications soient enseignées dès la rentrée 1991. Sans toutefois les imposer aux adultes qui pourront conserver l’ancienne orthographe en attendant que la nouvelle se généralise. Le texte est publié au Journal officiel le 6 décembre 1990. Les réactions médiatiques hostiles furent presque immédiates. Allant jusqu’à un retournement spectaculaire de la position des membres de l’Académie française.
Pour finir, la circulaire ne fut pas publiée, contrairement à ce qui était prévu. Il faudra attendre 18 ans pour que les rectifications apparaissent timidement dans les programmes scolaires. Et 8 ans de plus pour que les manuels scolaires les adoptent, ce qui a eu pour conséquence de relancer les hostilités.
Ces écueils ne représentent pas des exceptions. Depuis plus d’un siècle, toutes les propositions de modification de l’orthographe se sont heurtées à des campagnes de dénigrement. Or il faut bien voir que des strates de rectifications ont été empilées au cours des siècles sans vue d’ensemble.
Cela a abouti à de multiples sous-systèmes pas toujours cohérents entre eux. D’où l’importance d’actualiser périodiquement notre orthographe afin de la rendre plus régulière. Sans parler du fait que si on ne le fait pas, on s’éloigne lentement mais sûrement de la prononciation.
Pour des raisons historiques, le français avait une orthographe très proche du latin, dont il est issu. C’est la raison pour laquelle il possède un certain nombre de lettres étymologiques muettes. Certaines de ces lettres étymologiques ont d’ailleurs été réintroduites alors qu’elles avaient disparu ou bien ont été supprimées. C’est le cas dans tiLtre et aDvocat. De plus, l’alphabet du français est directement hérité de celui du latin. Or, le français comporte plus de sons que le latin. Pour compenser cela, on y a ajouté quelques lettres ainsi que des accents et la cédille.
Ces ajouts ont été décidés par des grammairiens et imprimeurs codifiant la transcription de notre idiome. Il faut en plus ajouter, aux divers procédés orthographiques utilisés, le recours à la combinaison des lettres pour transcrire un son : CH, EAU, OU, ON, etc. Et aussi l’importance accordée à la différenciation des homographes, c’est-à-dire au fait de distinguer, par la forme graphique, des mots se prononçant de la même façon comme vert, verre, vers, ver. La liste des mots possédant un pluriel irrégulier est également touchée par ces choix, ainsi qu’un ensemble de règles d’orthographe grammaticale : conjugaisons des verbes, absence d’accord quand on a affaire à un substantif épithète (des rideaux orangE)…
Ce très rapide tour d’horizon montre bien que l’orthographe française est le résultat de choix, et non d’une évolution naturelle. Bien sûr, on peut critiquer, à raison, tel ou tel cas modifié en 1990. Par exemple, on peut se demander pourquoi le comité d’experts a décidé de conserver certaines exceptions plutôt que d’élaborer des règles systématiques. Mais il ne faut jamais perdre de vue que l’on a besoin de rendre notre orthographe plus régulière et donc plus accessible. C’est un enjeu démocratique majeur à une époque où l’écrit est indispensable et où l’on souhaite agrandir la famille de la francophonie.
Les étymologies fantasmées en disent beaucoup sur ce que pense la personne qui les imagine. C'est le cas de Lorànt Deutsch, mais on peut aussi en rire avec Isidore de Séville.
Après avoir sévi pendant des années en histoire, Lorànt Deutsch a sorti un livre sur la langue française, Romanesque. Après avoir bien ri et vanné mes amis linguistes («bien fait pour vous, chacun son tour»), j’ai quand même regardé un peu ce qu’il y disait.
Et je suis notamment tombé sur cette pépite: selon Lorànt Deustch, le mot «femme» viendrait du latin femina, lui-même dérivé du latin fellare, sucer –il s’empresse de préciser «pas au sens trivial», mais en lien avec la tétée du nourrisson.
Et l’auteur de conclure que du coup, ce mot n’est pas du tout approprié quand on veut défendre la libération de la femme, et qu’il vaudrait mieux utiliser «dame», dérivée de domina, la maîtresse, et donc parler de «damisme» et non de féminisme.
Bon, des linguistes et des spécialistes de la langue française diront mieux que moi que cette étymologie est absolument délirante. Et qu’elle est regrettable, car, bien menée, l’étymologie est une vraie science très utile pour mieux comprendre les mots.
Ce qui est intéressant, d’un point de vue d’historien, c’est que cette passion pour l’étymologie est, pour le coup, partagée par les hommes du Moyen Âge.
Au VIIe siècle, un auteur espagnol, Isidore, évêque de Séville, rédige un très gros livre intitulé Les Étymologies. Il s’agit d’un traité sur le sens des mots via leur étymologie.
Pour Isidore, remonter à la racine permet de mieux comprendre un mot: en grec, etymon veut dire «authentique», et à l’époque, l'étymologie est pensée comme une véritable démarche scientifique.
Isidore entreprend de retracer l’histoire de près de 100.000 mots –à titre de comparaison, le Petit Robert en contient environ 60.000.
Le résultat est l’un des plus gros succès de librairie de tous les temps: plus de mille manuscrits conservés pendant toute la période médiévale, et des éditions imprimées dès les premiers temps de la nouvelle technique.
Précisons d’emblée que, dans ce livre, Isidore fait souvent preuve d’esprit critique: il est tout à fait capable de critiquer une étymologie jugée trop fragile, et ne rate jamais une occasion de s’en prendre aux superstitions païennes de son époque.
Il faut également bien rappeler qu’Isidore n’invente pas tout: au contraire, il puise dans plus de 150 sources antiques et tardo-antiques, recopiant souvent des étymologies que l'on trouvait déjà chez Virgile, Servius, Ovide, Eusèbe de Césarée, etc.
Dans les milliers d’étymologies qu’Isidore propose, plusieurs sont tout à fait correctes et encore reconnues comme valides aujourd’hui.
Le problème, c'est que la méthode d'Isidore est souvent très fragile: il rapproche des mots, sur la base d’une homonymie plus ou moins précise, et pouf, ça donne une étymologie.
Par exemple, «Saxons» viendrait de saxum, le rocher. Les Saxons étant un peuple dur, on les a appelés comme un caillou. Si à ce stade vos sourcils se froncent d’eux-mêmes, pas de panique, c’est normal.
Son passage sur les animaux (livre XII) est le plus drôle. On y apprend que le renard, vulpes, est appelé ainsi car il est agile (volubilis) sur ses pieds (pedes). Vous combinez les deux mots, et ça donne –avec un peu de bonne volonté, mais faites un effort ou on ne va pas s’en sortir!– vulpes.
Plus tordu: la fourmi, en latin formica –comme le revêtement, voilà voilà. Le mot dériverait de fert micas, «elle porte des graines»...
Allez, je sens que vous en voulez encore. Un peu en vrac, vous apprendrez que l’agneau vient de agnoscere, reconnaître, car le petit agneau reconnaît toujours sa mère; que le chien, canis, tire son nom du bruit (canor) qu’il fait en aboyant; que le mot «crocodile» est issu de «crocus», autrement dit le safran, qui lui donne sa couleur –oui, pour Isidore, les crocodiles sont jaunes, c’est comme ça.
La plupart des étymologies viennent du latin et du grec, mais Isidore est tout à fait conscient qu’il existe d’autres langues. «Tigre» viendrait ainsi d’un mot perse voulant dire «flèche», car l’animal est aussi rapide qu’une flèche. On croise également des animaux fantastiques, perçus comme bien réels à l’époque: le griffon vient de la combinaison de grus, la grue, et pedes, les pieds, car c’est un animal avec des plumes et des pattes.
Ces étymologies ne sont pas que délirantes –ou plutôt, même ces délires en disent long sur l’auteur et sa vision du monde. On voit par exemple qu'Isidore relie très souvent l’étymologie d’un nom d’animal au comportement de cet animal: la vipère est «née par la force» (vi parere), car les bébés vipères déchirent le ventre de leur mère en naissant, et qu’avant, la maman vipère a mangé le papa vipère. La façon dont il pense les mots renvoie à la façon dont il pense le monde animal.
Ses étymologies en disent également long sur le monde dans lequel Isidore vit. On apprend par exemple que Vénus, la déesse de l’amour, tire son nom du latin vis, la force, «car aucune vierge ne cesse de l’être si ce n’est par la force».
D’ailleurs, «homme», en latin vir, vient également de vis, toujours la force, «car en lui il y a une plus grande force qu’en la femme ou car il traite sa femme par la force». L’homme est violent, la femme est violentée. Hop, derrière une étymologie discrète, une culture du viol banalement constatée et donc renforcée.
Pour le dire autrement, les étymologies d'Isidore, aussi farfelues soient-elles, ne sont pas neutres: elles révèlent des choses et elles justifient des comportements. Ainsi choisit-il de faire dériver loup, lupus, d’un mot grec voulant dire «enragé, sauvage, violent»: le loup est forcément une bête féroce, que l'on doit craindre et exterminer, car il porte la violence dans son nom.
De même, quand Deutsch dit –à tort, répétons-le– que femme vient de fellare, sucer, c’est une façon de renvoyer la femme à un rôle maternel et sexuel. Car même s’il exclut ce sens trivial, reste que tout le monde l’a en tête. Le loup est enragé; la femme suce et donne à téter. Les deux, malgré leurs efforts, ne pourront jamais vraiment échapper à leur nature, inscrite au cœur des mots qui servent à les désigner.
Les étymologies fantasmées en disent ainsi beaucoup sur ce que pense celui qui les imagine. Elles sont assez dangereuses, car elles proposent des codes génétiques des mots, comme si on ne pouvait pas changer le sens d’un terme: ce qui compte, c’est son origine. D’où il vient. Ses racines, quoi. Et l'on devine à quel point cette obsession pour les racines linguistiques peut rejoindre un fantasme des racines historiques.
Laissons le mot de la fin à Isidore: racine, radix, viendrait de eradere, «arracher, couper». On ne saurait mieux dire… À vos bêches, camarades!
a Commission d'enrichissement de la langue française a publié au Journal Officiel ce jeudi 4 octobre une série de termes à utiliser à la place de l'expression "fake news".
Vous avez l'habitude d'employer le terme "fake news"? Et bien ne le faites plus.
C'est en tout cas ce que souhaite la Commission d'enrichissement de la langue française (CELF), chargée de proposer des termes français pour maintenir la fonctionnalité de notre langue.
Cette commission a publié une recommandation sur les équivalents à donner à cette expression au Journal Officiel ce jeudi 4 octobre.
plusieurs propositions
Chers Français, vous pouvez donc désormais employer le terme "information fallacieuse" ou le néologisme "infox", fusion des mots "information" et "intoxication".
La CELF vous propose également "nouvelle fausse", "fausse nouvelle", "information fausse" ou "fausse information", termes figurant déjà dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse ainsi que dans les codes électoral, pénal et monétaire et financier.
Des expressions à utiliser "lorsqu’il s’agit de désigner une information mensongère ou délibérément biaisée, répandue par exemple pour favoriser un
parti politique au détriment d’un autre, pour entacher la réputation d’une personnalité ou d’une entreprise, ou encore pour contredire une vérité scientifique établie", indique l'avis publié au Journal Officiel.
pas obligatoire
La recommandation de la CELF n'a de caractère obligatoire que pour les administrations et les établissements de l'Etat. Elle peut servir de référence, notamment pour les traducteurs.
"En tout état de cause, la Commission d’enrichissement de la langue française recommande l’emploi, au lieu de fake news, de l’un de ces termes, choisi en fonction du contexte."
Nous utilisons de plus en plus la technologie pour communiquer dans une autre langue. Mais les logiciels de traduction se heurtent à quelques obstacles.
Un sondage du British Council, une institution gouvernementale du Royaume-Uni dédiée à la promotion de la langue anglaise, a montré que 60% des 16-34 ans utilisent les applis de traduction sur leur smartphone lorsqu’ils ou elles sont à l’étranger.
Pendant la Coupe du monde cet été en Russie, Reuters avait fait un reportage sur l’omniprésence de Google Translate, utilisé par les supportrices et supporters des différentes nations pour communiquer. Son utilisation avait alors augmenté de 60%, notamment pour traduire les mots «stade» et «bière».
En mars, Microsoft a annoncé que son intelligence artificielle avait réussi à atteindre des performances humaines en termes de traduction. C’est-à-dire que des articles de presse ont été traduits du chinois vers l’anglais par une machine, aussi bien que l’aurait fait un traducteur ou une traductrice de chair et de sang.
Toutefois, quiconque a déjà tenté de rendre un devoir d’espagnol fait à la dernière minute sait que ces applications sont loin d’être entièrement fiables. L'expression n’est pas assez fluide et il existe de nombreux bugs. Numérama montrait en juillet que lorsqu’on tape du charabia dont on demande une traduction depuis une langue mal connue, le logiciel se met à prêcher des incantations à tonalité pseudo-biblique. Par exemple, vingt-cinq fois la syllabe «ag» traduite depuis le maori donne la phrase «À quel point une avidité gourmande est-ce que nous voulons être?»
En fait, ce bug permet de comprendre comment fonctionnent les logiciels de traduction. Plutôt que de piocher chaque mot individuellement dans une base de données, Google Translate et les autres utilisent le deep learning («apprentissage profond»), une sorte d’intelligence artificielle pensée pour s'approcher de la manière dont les humains réfléchissent. La machine compare son premier jet à des traductions humaines pré-existantes et se corrige en conséquence. Ainsi, l’algorithme apprend de ses erreurs et se perfectionne tout seul.
Le rapport avec le bug évoqué plus haut? Lorsqu’il existe peu de traductions entre deux langues (le français et le maori par exemple) le logiciel se réfère aux rares existantes. Et au moins un texte est traduit dans toutes les langues: la Bible. D’où le sermon sur l’avidité cité précédemment.
Ce dysfonctionnement illustre aussi une impasse du deep learning. Lorsqu’une langue n’a pas beaucoup été traduite par des humains, les logiciels ne disposent pas d'assez de ressources pour apprendre. Microsoft peut donc traduire de manière très performante le chinois vers l’anglais car ce sont les langues les plus utilisées au monde et que son IA peut piocher dans un très large éventail de traductions. Ce ne serait pas possible avec des langues peu documentées.
Une autre impasse est la rapidité de l’évolution des langues. Les résultats obtenus par Microsoft se basaient sur des articles de presse, soit une écriture relativement classique et codifiée. Ce n’est pas le cas des langues courantes. Par exemple, un vieux manuscrit traduit du français à l’anglais ne va pas du tout ressembler au français parlé d’aujourd’hui. La machine sera confuse devant la différence de fond comme de forme des deux textes qui sont pourtant écrits dans la même langue.
Lettre ouverte à Madame Hélène Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuel de l'Académie Française
Madame le Secrétaire perpétuel de l'Académie Française,
Né à Saumur, le long de la Loire et derrière l'école de cavalerie et son célèbre Cadre Noir, ayant grandi dans la douceur angevine, fait mes études au lycée David d'Angers puis étudié à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales et au British Institute de Paris, je ne peux me résigner à l'affaiblissement de notre langue et accepter les attaques quotidiennes contre le français, à la manière de ces monstrueuses grandes surfaces qui tuent à petit feu commerces et métiers artisanaux de nos villes, communes et villages.
Voici donc quelques exemples d'expressions et de mots du dictionnaire "branché" d'un nouvel esperanto: Clip, Cool, Bottom line, être au Top, Lobby , Job dating, Brand, Marketing, Trade, Dumping, Lobbying, Wording, booster, bruncher, Working process et Working progress, Teaser, Workshop, Cheap, Benchmark, Testing, Teasing, Feeling, Rush, Buzz, Bug, Concept-store, Co-working, Open-space, Free-lance, Open-bar, Open-data, Success stories, Powerpoint, Slides, Cluster, Start-up, Stand-up, Bottom-up, Corporate, Chat, Flyer, Look, être Overbooké, Speaker, Team, Full-time job, Burn-out, Coming-out...... La liste est longue et affligeante.
Moi qui n'ai jamais été dans le placard (je suis out of the closet disent les anglo-saxons), je me sens le devoir de porter auprès de vous, tel un militant des droits de la langue française, cette requête enflammée pour que les plus hautes autorités de l'État et les médias français, se ressaisissent et réagissent, afin que notre langue si riche, si belle et si complexe, apprise et parlée avec tant de passion et détermination par des millions de gens, ne soit plus piétinée, contournée, abimée, oubliée, outragée, brisée et martyrisée par ces formes de paresse et de vulgarité nouvelles, mais qu'elle soit libérée!
Je souhaite de tout mon cœur, Madame le Secrétaire perpétuel de l'Académie Française, que vous entendiez mon cri d'amour pour la langue française, sur laquelle veille votre institution unique au monde. Mais si je revendique, au même moment, le droit salutaire à l'évolution de notre langue car le français est une langue plus que jamais vivante, je ne peux me résigner à l'invasion et à la promotion du "bluff" et de la "com'", et donc de la facilité et de l'air du temps.
Aimer le monde moderne ou vouloir un monde nouveau requiert, me semble-t-il, une obligation de connaitre, de respecter, d'écrire et de parler notre vocabulaire, afin d'être nous-mêmes, c'est-à-dire différents, autres, singuliers et cultivés. N'est-ce pas le meilleur chemin pour faire envie au monde et d'aimer mieux la France?
Dans l'espoir de vous lire, je vous prie de croire, Madame le Secrétaire perpétuel, à l'assurance de ma haute considération.
Par Anne Crignon - Paru dans "L'OBS" du 6 avril 2017
Enid Blyton avait laissé quelques historiettes en jachère dans ses imposantes archives, que Hachette a rachetées en 2012 à Londres. De courtes aventures écrites, imagine-t-on, du temps qu'elle était gouvernante de très jeunes enfants. Hachette n'ayant pas à composer avec des héritiers sourcilleux, ces fonds de tiroir vont paraître dans une collection créée ad hoc pour les 6 à 8 ans: «le Club des Cinq junior». Le premier texte, en librairie cette semaine, s'intitule «Un après-midi bien tranquille». Edgar, 7 ans et demi, un goût affirmé pour la lecture, l'a avalé en un quart d'heure et trouvé «rigolo», particulièrement le chien Dagobert avec ses «ouaff'» sempiternels.
Quoi qu'on pense de ce Club des Cinq riquiqui, le miracle est là: la série «The Famous Five» écrite «pour la libération des enfants», selon François Rivière, biographe d'Enid Blyton (1), et installée depuis 1955 dans les librairies de France, est toujours au XXIe siècle une œuvre qui compte 300.000 exemplaires vendus rien qu'en France en 2016. Pour comprendre comment Hachette la «modernise» depuis soixante ans, nous avons donc lu et comparé, stylo à la main, «le Club des Cinq contre-attaque» dans ses versions successives: celle de 1955 avec la tranche jaune qui a préludé à la Bibliothèque rose (très prisée des bibliophiles), celle de 1974 dans la Rose, et ses versions édulcorées en 2000 et 2005.
Six ans après la mort d'Enid Blyton, les modifications survenues sont un incroyable coup de ciseaux: 400 lignes de moins en 1976, soit douze pages ou l'équivalent de deux chapitres. Des bavardages charmants et des considérations échangées par François, Mick, Claude et Annie en marge de l'intrigue disparaissent. Chez Hachette, on n'a pas gardé trace de ce travail éditorial; mais on est passé de 31 dessins à 57.
Dans les années 2000, la série est reprise. On raccourcit, on simplifie. On ôte au texte son vocabulaire désuet - des mots comme «grommeler» - et les marques d'une technologie dépassée - les enfants ne reçoivent plus un télégramme mais un appel téléphonique. En 2005, la bascule est spectaculaire: pour les 150 ans de la Bibliothèque rose, le passé simple est déclaré non grata. La série est récrite au présent. On ne veut pas risquer qu'un enfant lâche le livre au premier «découvrit» venu.
Un autre Club entre alors en scène, celui des anciens lecteurs catastrophés. Qui ose dégrader ainsi la chère série de leur enfance? Un blogueur nommé Celeborn prend la tête de la contestation. Le petit Edgar, à qui nous expliquons cette querelle, dit qu'il «aime bien le passé» et file chercher un Roald Dahl écrit au passé simple. «Si c'est au présent, dit-il, c'est comme si ça arrivait au moment où c'est écrit. Avec le passé, on voit que ça leur est déjà arrivé.» Mais Edgar grandit dans un milieu où on lit. Or le Club des Cinq est pensé pour le grand public enfantin. C'est «le premier polar pour enfant et les abdominaux de la lecture», disait Charlotte Ruffault, l'éditrice qui décida de tout mettre au présent.
Aujourd'hui encore cette série doit être «divertissante, attrayante et facile, explique Myriam Héricier, directrice des Bibliothèques rose et verte. Les enfants commencent par le Club des Cinq puis ils lisent Jack London et plus tard Kant, et nous avons gagné.» Jamais elle ne récrirait la comtesse de Ségur, qui reflète l'esprit du XIXe siècle, mais il lui semble pertinent de simplifier la série la plus susceptible de faire aimer les livres. Le prix à payer, c'est que le Club des Cinq de 2017 a bel et bien perdu son charme au profit d'une intrigue déshabillée jusqu'à l'os et d'une histoire platement rédigée.
Je constate ça dans d’autres séries littéraires également.
En particulier une série de livres pour enfant en néerlandais. J’avais la série complète, mais avec des bouquins de deux éditions différentes (originale & reformulée). J’ai fini par me mettre à la recherche de la série en version originale.
Je trouve ça assez lamentable, de simplifier. C’est pas mieux de maintenir le niveau ? Là ça revient simplement à avouer que les gens sont de plus en plus cons. Ni plus, ni moins.
Dans quelques années, on va avoir droit à une version en SMS aussi ?
Finalement Jean Rochefort n’avait pas tort avec ça : https://www.youtube.com/watch?v=16ubmu7qbJc
Du coup, je salue la solution à tout ça :
Que faire, alors ? Proposer deux versions en librairie. Celle des années 1970, avec son passé simple et ses longueurs savoureuses, simplement modernisée par les illustrations; et l'actuelle, rétrécie au nom de la lecture pour tous.
Si ça peut permettre à tous de lire, c’est bien.
J’espère juste que les éditeurs ne nous prennent pas tous pour des débiles et finissent par laisser tomber la version normale.
ÉDIT : Certaines choses disparaissent et d’autres apparaissent, ce qui est normal. Mais si c’est pour perdre le passé simple et le subjonctif pour se retrouver avec du SMS et des émoticônes… jsui pa conv1Q d’émé sa.
LANGUES RÉGIONALES - L'orthographe de la discorde. Les parents du petit Derc'hen, né le 21 août 2017, ne pourront pas orthographier le prénom de leur fils comme ils le souhaitaient, à savoir avec une apostrophe entre le "c" et le "h", comme le rapporte Ouest-France.
Ce mardi 23 janvier, l'association "Secours Breton" (Skoazell Vreizh) a publié un communiqué de presse dans lequel elle explique avoir été saisie pour un cas similaire à celui du petit Fañch. En septembre 2017, le tribunal de Quimper avait refusé de faire figurer le tilde sur le prénom du petit garçon, ce qui avait déclenché une vague de protestations de la part des défenseurs des langues régionales.
Communiqué de presse Après le Ñ, le C'H refusé par l'administration française pour orthographier un #PrénomBreton ! pic.twitter.com/zQ1X4R7BXw
— Skoazell Vreizh (@SkoazellVreizh) 23 janvier 2018
Cette fois-ci, c'est le trigramme, c'est-à-dire l'association d'un groupe de trois caractères, qui pose problème à la municipalité de Rennes. Dans son communiqué, l'association Secours Breton relaie l'appel à l'aide qu'elle a reçu de la part d'un couple de jeunes parents.
"Le 21 août 2017 est né notre petit garçon. Nous avions depuis six ans déjà choisi son prénom qui était Derc'hen. Lors de la déclaration de naissance, l'apostrophe a été refusée par la mairie de Rennes", écrivent-ils.
Ils saisissent alors le procureur, qui refuse leur demande. Les parents sont alors contraints de se rabattre sur "Derchen" -sans apostrophe-, pour respecter les délais de déclaration de naissance. La mairie leur assure alors qu'ils pourront déposer un recours par la suite.
Mais alors que les parents s'apprêtent à déposer le recours, ils découvrent que ce n'est plus possible: "Nous avons appris que la procédure de refus du prénom n'avait pas dû être réalisée correctement, et qu'aucun recours ne serait possible, mise à part une éventuelle demande de modification de prénom qui devrait être faite en mairie." A la mairie de Rennes donc, qui a déjà fait connaitre sa position en refusant l'apostrophe lors de la déclaration de naissance.
L'association "Secours Breton", qui dénonce une "discrimination linguistique intolérable", précise avoir demandé à la mairie de Rennes les raisons de la décision du procureur. Mais, indique-t-elle dans son communiqué, "il semblerait que le procureur s'appuie sur la circulaire ministérielle de juillet 2014 listant les signes diacritiques autorisés."
Cette circulaire concentre les critiques des défenseurs des langues régionales, qui ont déjà demandé sa modification. En vain pour l'instant.
septante, octante et nonante versus soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix
Selon une circulaire dont l'AFP a eu une copie ce mardi 21 novembre, Édouard Philippe a décidé de bannir l'écriture inclusive des textes officiels. "Je vous invite, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive", demande le chef du gouvernement à ses ministres. Et d'ajouter : "Outre le respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les administrations relevant de l'État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme".
L'ancien maire du Havre veut donc que tout le monde veille à "la bonne application de ces principes" par "l'ensemble des services placés sous (leur) autorité".
Objectif, "clore la polémique"
Ce petit recadrage a eu lieu alors que la règle controversée d'élargissement du féminin dans la langue française continue à susciter un vif débat. Dans ces conditions, la circulaire vise à apporter une "clarification après des initiatives dans certaines administrations" et à "clore la polémique", a précisé Matignon à l'AFP.
Par exemple, la semaine dernière, le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner a publié une profession de foi en écriture inclusive. Et ce, sans le feu vert de l'Académie française et contre l’avis de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Education, qui a déjà exprimé ses réserves concernant cette nouvelle méthode d'écriture. Il l'a fait une fois, il ne le refera donc plus.
Engagé dans le renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes
Toutefois, la note d'Edouard Philippe ne signifie pas que le gouvernement ne sera pas engagé dans le renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes, au contraire. Comme l'indique le Premier ministre, même si dans les textes réglementaires, "le masculin est une forme neutre qu'il convient d'utiliser pour les termes susceptibles de s'appliquer aux femmes", quand l'auteur d'un texte officiel ou la personne nommée est une femme, il convient bien d'écrire "la ministre", "la secrétaire générale" et de féminiser la fonction en se référant à un guide ( "Femme, j'écris ton nom...") élaboré par le CNRS et l'Institut national de la langue française. La seule exception : dans les actes de recrutement et avis de vacances publiés au JO, il faudra utiliser des formules comme "le candidat ou la candidate" afin, cette fois, de "ne pas marquer de préférence de genre".
Sans transmission, pas d'histoire humaine. Mais une transmission intégrale et parfaite annulerait aussi toute évolution. Son statut paradoxal est donc de devoir être toujours active et incomplète, de réussir en échouant partiellement.
« Quel progrès pourrait faire le genre humain épars dans les bois parmi les animaux ? » Rousseau pose cette question en 1755, dans son célébrissime Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Aucune transmission n'existe tant que l'humanité vit encore dans ce que le philosophe nomme « état de pure nature » - fiction conceptuelle décrivant une sorte de dehors de toute civilisation. Des animaux humanoïdes déambulent en forêt, solitaires, dispersés, dépourvus même de langues pour communiquer. Ils n'héritent donc d'aucun savoir, ne lèguent aucune trouvaille. Si l'un d'eux, par hasard, découvre quelque chose, cette invention périt avec son inventeur. Sans possibilité de mémoriser, d'inscrire, de faire passer quoi que ce soit des uns aux autres, l'histoire humaine demeure immobile, annulée. Humanité zéro, transmission zéro et histoire zéro vont ensemble.
Passons aux antipodes. Imaginons le modèle inverse, celui d'une transmission parfaite, intégrale, absolue. Toute aussi fictif que l'état de pure nature de Rousseau, cet achèvement idéal permet de faire un pas de plus dans la compréhension. Comme serait étrange, en effet, une société où les valeurs, les conduites, les institutions passeraient d'une génération à l'autre sans perte ni modification aucune... Par hypothèse, cette Cité serait dépourvue de corrosion, de contestation, d'oublis. Tout y serait transmis. Le patrimoine littéraire, musical, esthétique, scientifique se trouverait rigoureusement préservé, exactement conservé à l'identique. Conséquence : rien ne pourrait plus distinguer un siècle d'un autre ! Dans ce modèle idéal, incarné par la Cité parfaite que Platon élabore dans La République tout est transmis, donc tout est figé. Aucune évolution n'est plus possible. A l'extrême opposé de l'état de nature, le résultat est le même : l'histoire disparait, le progrès et l'humanité aussi.
Récapitulons. Nulle transmission, donc nul progrès - voilà qui n'a rien d'étonnant. Mais on constate également, ce qui est déjà plus surprenant qu'une transmission totale déboucherait sur un progrès impossible. Il faut donc tirer cette leçon, simple mais paradoxale : la transmission, pour être humaine, doit être... imparfaite. Pour qu'elle fonctionne, du jeu est nécessaire, c'est-à-dire des ruptures et des discontinuités. On ne transmet toujours qu'en partie, avec des lacunes et des transformations . La transmission vivante réinvente ce qu'elle transmet. Elle interprète, réactualise. Elle reconstitue, parfois sans le savoir, les pièces manquantes du puzzle, avec une fidélité apparente, mais inéluctablement trompeuse. C'est heureux, car ainsi rien n'est figé - dans aucun domaine de la connaissance, qu'elle soit scientifique ou spirituelle.
Transmettre la richesse d'une spiritualité, le système conceptuel d'une philosophie, les données d'une discipline scientifique, revient à les réinventer, au moins pour une part. Ceci vaut du côté du maître, du transmetteur, comme du côté du disciple, de l'étudiant. C'est au prix d'une certaine marge d'infidélité à la lettre que se transmet l'esprit. Les développements nouveaux naissent dans les ratés ou les ruptures de la transmission. Le paradoxe central de la transmission est donc bien celui-ci : la continuité est nécessaire, mais doit imparfaite et incomplète pour être efficace.
Ceci se vérifie au niveau des existences individuelles comme des entreprises collectives. L'éducation, au sein des familles, doit à la fois reproduire valeurs, croyances et modes de vie et laisser libre cours à l'autonomie et l'émancipation des jeunes. De même, les institutions - scolaires, universitaires, mais aussi judiciaires, économiques, sociales... - ont pour double objectif de maintenir les équilibres et de permettre les évolutions.
La transmission est un pratique à double face. Trop pesante, elle étouffe. Négligée, elle laisse désemparé. Elle doit être assez souple pour laisser émerger du nouveau, mais ne peut ni ne doit se laisser anéantir. Croire qu'on peut faire sans elle, vivre uniquement dans l'innovation et le disruptif, constitue un piège majeur de notre époque. Ce qu'elle garantit ? Réorganisation du passé en vue de l'avenir, réécriture permanente du texte de la Cité, interminable équilibre instable du progrès.
Depuis plusieurs semaines, on en parle de plus en plus. Il faut croire que le sujet devient une controverse qui ébranle tout le monde. On pourrait trouver fou que chacun considère un fait de langue si capital, si digne de révolte, si révélateur de la pensée, dans un camp comme dans l’autre. Car les camps s’affrontent, et là, en revanche, c’est moins drôle. Je ne retranscrirai pas de propos précis ici mais j’ai été stupéfaite de lire de véritables insultes, parfois vulgaires, prononcées à l’encontre de F féministes qui prônent ces bêtises, ou de ces F (aussi) vieux réacs qui ne veulent pas changer la langue alors qu’elle est tellement macho, notre bonne vieille langue. Vous ne le saviez pas ? Une macho finie. C’est vrai, on apprend aux petites filles que « le masculin l’emporte sur le féminin », les temps ont changé, non ? Et si on propose de remettre un peu le féminin aux commandes, les vieux s’insurgent, quelle honte, ne touchez pas à mon orthographe. Bref. J’arrête-là, mais je caricature à peine, à mon grand regret. (Il suffit d’écouter un débat radiophonique ou d’ouvrir twitter pour être soufflé de toute cette violence, terrassé par ces arguments, toujours les mêmes, et parfois faux, des deux côtés.)
Avant de commencer, il faut aussi préciser quelque chose. Cet article n’est pas un article de fond, une référence, un manifeste. Il s’agit simplement de nos deux avis. Mon avis, celui d’une femme (et ça compte), agrégée de lettres, et professeure de lycée. Et l’avis de mon mari, ce chercheur en linguistique antique spécialiste du genre. (Oui.) Tous les deux, nous sommes sensibles à ce sujet passionnant qu’est l’évolution des genres dans les langues occidentales. Nous avons même prénommé notre fils… Camille, ce si joli nom épicène, il faut croire que nous avons toujours eu quelque chose avec cette question du masculin et du féminin.
Voici donc notre petit avis, je vais tenter de le rendre le plus bref et le plus clair possible, mais aussi le plus complet, et le plus lisible. C’est un avis de passionnés de la langue, dans son ensemble, et de toutes les réflexions qui gravitent autour d’elle. Je compte donc sur votre compréhension et votre bienveillance. Si cela permet de clarifier les choses pour beaucoup, nous en serons ravis, mais chacun pense ce qu’il veut et nous n’avons pas envie de convertir (ni de froisser) qui que ce soit. Il s’agit surtout de nuancer plusieurs idées que l’on entend beaucoup, et d’inviter chacun à être mesuré sur la question.
D’abord, je vais essayer de rappeler très brièvement les faits, si (vous vivez sous un caillou et que) vous n’avez pas trop entendu parler de tout ça.
On entend en cette fin d’année l’expression « écriture inclusive » partout. Elle est présentée comme une idée portée par les mouvements féministes et comme un concept en train de s’imposer, d’autant plus qu’un manuel scolaire l’a adoptée récemment. Il s’agirait donc de « réformer l’orthographe et la syntaxe », et l’on « attend que l’académie fasse une loi ». (C’est ainsi qu’on peut le lire dans les journaux.)
Mais qu’est-ce que c’est d’abord, cette écriture ?
En fait, c’est compliqué, mais ce qu’on entend beaucoup, ce que les médias (et les gens) retiennent, c’est : une mise en valeur du féminin dans la langue, passant par une féminisation des noms de métiers, la précision du genre féminin s’il y a lieu (celles et ceux qui…), ou grâce notamment au point en haut (les éditeurs・trices) (ou iels, ou celleux) , l’abolition du « masculin qui l’emporte », en « rétablissant l’accord de proximité », on pourrait dire « les hommes et les femmes sont belles », ce qu’on faisait avant que des grammairiens statuent là-dessus au XVIIIème, et hop, exemple de Racine (toujours le même exemple d’ailleurs), tenez tenez, «Armez-vous d’un courage et d’une foi nouvelle» (Athalie), vous voyez ?
Bon.
Autrement dit, sans rentrer dans le contenu des propositions, il y a déjà des précisions à apporter. Je mettrai en vert les arguments que l’on entend beaucoup et qui posent problème, en expliquant ensuite pourquoi.
« Il faut réformer l’écriture, la grammaire est sexiste. » // « Qu’est-ce que c’est que cette réforme, conservons l’orthographe telle qu’elle est. »
Le premier problème, c’est de penser que la langue est une loi. (J’en avais longuement parlé dans mon article sur la réforme sur l’orthographe, si vous voulez en savoir plus.) Dans la langue il n’y a pas de loi. Donc pas de réforme. On entend beaucoup dire que les enseignants qui veulent enseigner l’écriture inclusive « ne respectent pas la règle et sont hors la loi, condamnables ». Mais… il n’y a ni loi, ni loi à changer ! Il y a un usage. La langue n’existe que par ce que nous faisons d’elle, ce que nous prenons l’habitude de dire.
Et c’est là un point qui nous semble crucial : d’un côté comme de l’autre, on ne pourra pas dire « allez hop maintenant on va faire comme ça ». La plupart du temps, la règle officielle ne suffit pas. On ne vote pas ça comme on vote une loi. La langue ne repose que sur des usages.
Si vous êtes écrivain, ou écrivaine, vous pouvez tout à fait choisir d’écrire en écriture inclusive. Ou pas. C’est un choix, selon vous-même, selon votre éditeur, selon vos futurs lecteurs, dans un cas comme dans l’autre. Rien n’est interdit. Il y a certes des normes, mais surtout un usage, mais l’usage a toujours primé et primera toujours.
Bien sûr, il est vrai aussi que parfois les normes vont contre l’usage, comme si elles étaient un peu périmées, et il faut qu’elles soient adaptables. Mais elles ne sont périmées qu’à cause de ce que la majorité adopte comme usage, on ne peut pas forcer une majorité à adopter une manière de parler.
« L’académie française, c’est une bande de vieux qui décide de tout, et qui décide n’importe quoi. Je vais leur écrire. «
L’académie en a parfaitement conscience, : ce n’est pas elle qui fait la langue. C’est lui donner mille fois plus d’importance qu’elle n’en a vraiment ! Les académiciens font leur propre dictionnaire, il font des recommandations, mais c’est tout. Ce n’est pas un parlement de la langue. Leurs recommandations ne sont d’ailleurs pas toujours raccord avec le Robert, ou le Littré ou le Larousse. On peut trouver des informations différentes d’un dictionnaire à l’autre, ce qui surprend souvent les gens qui prennent un dictionnaire pour un code pénal. Mais non ! Une langue est mouvante. Il y a des normes qui aident à se comprendre les uns les autres mais l’usage domine ces normes.
« C’est faux d’écrire iels, c’est juste d’écrire il et elles » (ou l’inverse.)
On a un problème avec l’orthographe en France parce que c’est si compliqué que des générations ont été traumatisées par ça et on entretient l’idée selon laquelle il y a « le bon » et le « pas bon ». Le faux et le juste. Mais l’affaire est bien moins binaire, et tout dépend des époques, et des contextes. Voilà qui est regrettable : aucun des deux camps n’est mesuré là-dedans.
« Il faut l’enseigner à l’école. »
Alors, ne me fustigez pas, nous décidons simplement de vous donner notre avis. L’école est souvent très en retard sur plein de choses dans l’évolution de la société, parce qu’il reste sans doute préférable qu’elle s’adapte à l’usage, et non l’inverse. Son but reste de former des élèves à s’intégrer dans la vie du travail, et même, la vie en général. Si cette écriture inclusive (dans son aspect acteur•trice•s et celleux) est promue par un tout petit nombre de personnes (parce que ça reste le cas, qu’on le veuille ou non), je crois qu’il faut préférer enseigner l’usage majoritaire. Pour l’instant l’usage dominant c’est l’autre. L’école ne peut pas prendre les devants. Elle n’a pas à le faire. Si les auteurs décident d’écrire davantage ainsi, si les entreprises, les employés, à tous les niveaux, l’adoptent, imaginons, dans 50 ans, ou plus, si on la trouve partout, cette écriture iels ou candidat•e, là on l’enseignera. Mais aujourd’hui, l’école ne peut pas suivre une mode tant qu’on ne sait pas si c’est une mode ou si c’est durable.
L’écriture inclusive repose sur plusieurs grands principes. Ce sont ces principes qui sont au coeur des débats que l’on entend en ce moment, alors, prenons le temps de les examiner.
♦ »Accorder en genre les noms des fonctions, grades, métiers et titres. » (Exemples, que je cite depuis écriture-inclusive.fr : « présidente, intervenante, directrice, chroniqueuse, professeure. » )
Alors là… il est évident que cela relève du bon sens. Et même… c’est déjà très largement le cas ! (Mon correcteur orthographique n’a pas tiqué lorsque j’ai tapé ces mots d’ailleurs.) C’est tout à fait entendu à l’oral, d’ailleurs l’usage se l’est approprié. Le besoin est né, l’usage a su évoluer. Alors, évidemment, certains préfèrent encore dire « madame le professeur », ou « madame le ministre ». Mais il faut être honnêtes : l’usage populaire a déjà imposé le féminin. Allez dans n’importe quel café du commerce, je vous mets au défi d’entendre quelqu’un dire autre chose que « la ministre ». C’est là un point véritablement important : cela s’impose dans l’usage, et donc dans la langue, et donc, il n’y a même pas de débat à avoir là-dessus. On ne peut pas « décider que désormais tout le monde dira ou écrira » A ou B. Les mots sont vivants, ils naissent lorsque nous en avons besoin.
Et, parlons-en d’ailleurs : ce n’est pas (selon moi, mais vous avez le droit de ne pas être d’accord) le langage qui a créé des femmes ministres. Ce n’est pas la mise au féminin du nom qui a encouragé la féminisation de la fonction. C’est la société, c’est la réalité, et le langage a suivi. Je ne crois donc pas que l’on puisse dire que si l’on impose une adaptation de la langue qui irait dans le sens d’une mise en valeur des femmes, on ferait changer la société. Cela se produit toujours dans la langue : quand on a besoin d’un mot, on le crée. Le féminin se met à exister pour être plus clair, plus logique à l’oreille. (Et « Madame la ministre », c’est plus logique à l’oreille.) (Après, militer pour qu’il y ait plus de femmes ministres, ou présidentes, là, je suis bien d’accord avec vous, mais c’est un autre sujet ! ) En bref : cet accord se fait de lui-même, avec le temps, dans l’usage, puis à l’écrit.
♦User du féminin et du masculin, par la double flexion, l’épicène ou le point milieu. Exemples (je cite toujours ce site) « »elles et ils font », « les membres », « les candidat·e·s à la Présidence de la République », etc. »
Il y a plusieurs soucis là-dedans, mais qui ne sont pas vraiment des soucis, et je vais essayer de les expliquer clairement, sans trop rentrer dans des détails techniques.
(Accrochez-vous et enfilez votre costume de linguiste, ou de philosophe, vous allez voir c’est amusant.)
Le principe de l’écrit est au départ d’exister pour figer quelque chose de dit. Le principe d’une langue est d’être la version sur le papier d’une langue orale. Tout écrit doit pouvoir se dire. Il existe un cas ou l’on s’éloigne un peu de ce principe : le cas des abréviations. Toutefois, cela correspond quand même à quelque chose qu’on peut développer à l’oral. (Si j’écris qqch, je peux le prononcer « quelque chose ».) Sur des milliers d’années d’écriture, la seule petite différence qui ait existé entre l’écrit et l’oral se situe ici, sinon, tout écrit est prononçable. Même la ponctuation est une retranscription écrite de quelque chose d’oral.
Le problème de l’écriture avec le point en haut se situe donc ici : en plus d’être délicate à lire, elle est proprement imprononçable. Ce serait donc rompre un lien ancestral, et cela pose un problème de fond. Tout texte écrit doit pouvoir être lu. Comment faire, alors, si on écrit «iels sont fier.e.s », comment dire ? « Iels sont fiereuess? » Ou alors doit-on lire «ils et elles sont fier et fières », et alors, on considère « l’écriture inclusive » comme une abréviation ? Dans ce cas pourquoi ne pas l’écrire en entier ? Le voilà, le premier souci de cette histoire de point en haut. On ne peut pas considérer l’écrit en faisant abstraction de l’oral.
Evidemment, plus ça va, plus il y a un fossé dans notre langue entre l’écrit et l’oral, plus on idéalise l’écrit, on utilise à l’écrit des élégances dont on se passe à l’oral, évidemment. Mais normalement, et, quoi qu’il arrive, fondamentalement, c’est indissociable, on ne peut penser l’un sans l’autre.
Eh, dites, si on se mettait à conseiller de préciser à chaque fois le masculin ET le féminin (c’est ce qui s’appelle la « double flexion » : « celles et ceux », « tous et toutes»…) ? Comme ça, on peut le prononcer !
Alors. C’est un fait : il existe dans la langue française (comme dans toutes les langues occidentales) un masculin pluriel qui englobe masculin et féminin. Je reviendrai sur l’origine, mais techniquement,et sans être linguiste, tout le monde sait qu’on dit « vous êtes arrivés » si le pronom « vous » désigne à la fois des femmes et des hommes. On dira de même pour des objets : « chez nous, les fourchettes et les couteaux sont verts ». (L’autre jour en faisant mes courses, j’entendais un enfant dire à sa soeur « ils sont où, papa et maman ? ». Ce dernier avait donc intégré sans y réfléchir que pour désigner un masculin + un féminin, on utilise le masculin pluriel, sans que ce « masculin » exclue le féminin, me suis-je dit, avant d’aller au rayon pâtes.) Encore une fois, j’y reviendrai, mais je voulais préciser cela pour mieux situer les choses.
Or, ce masculin pluriel globalisant commence parfois à nous gêner, (« nous » au sens de « nous tous utilisateurs de la langue française »), et nous sentons de plus en plus le besoin de préciser le genre féminin lorsque nous parlons de référents animés, pour bien indiquer que nous ne l’oublions pas. (L’enfant des courses n’en a pas besoin, par exemple, il ne dira jamais « il et elle sont où, papa et maman ». En revanche, on peut imaginer qu’on commence une annonce par « les danseuses et les danseurs », ou « les musiciennes et les musiciens », parce qu’on a peur que l’utilisation de « les danseurs » n’indique pas assez qu’il peut y avoir des danseuses dedans, et la même chose pour « les musiciens ».)
Là encore : c’est un fait, on le dit de plus en plus. « Chers adhérentes, chers adhérents ». Je ne sais pas si c’est bien ou pas. D’un côté, je trouve que c’est bien, c’est la femme en moi qui parle. D’un autre, je trouve que ça rend la phrase assez lourde, et puis, l’inconvénient et que, si par malheur on oublie de préciser le féminin quelque part, on peut nous accuser d’oublier les femmes. (Je n’invente rien, et je lis beaucoup d’avis dans ce sens.) Toujours est-il que l’usage l’adopte de plus en plus, et il suffit d’écouter n’importe quel discours de notre président de la république pour l’entendre. Il s’agit donc là non d’une écriture inclusive mais d’une évolution naturelle de l’usage et de la langue qui fait son chemin : à chacun de voir ce qu’il utilise, s’il ressent le besoin de préciser la version féminine ou pas de ceux dont il parle. (Et si vous voulez mon avis, je trouve ça très fastidieux à écouter, à dire, à écrire, et à lire.)
D’accord, et alors, si on contournait le problème ? On pourrait systématiser l’usage d’une tournure épicène, c’est-à-dire, on pourrait essayer de se débrouiller pour trouver à chaque fois un équivalent globalisant, « les membres » au lieu de « les employés », « les plumes » au lieu de « les écrivains » ?
Alors, oui, c’est une autre solution : contourner le souci en trouvant une formulation qui évite d’avoir à choisir. Et là, eh bien… évidemment, qu’on peut ! Mais ça ne résout pas vraiment le problème ! Est-ce que cela voudrait dire qu’il faudrait se débrouiller pour trouver dans TOUTES les situations où le masculin pluriel se manifeste une tournure qui évite de se poser des questions ? Qu’à chaque fois qu’on aurait besoin d’un pluriel dans une phrase, on chercherait un mot qui nous évite de choisir entre masculin et féminin ? C’est certain, nous ne pouvons pas deviner l’évolution de la langue dans le futur. Toutefois, je doute que le masculin pluriel conçu comme un neutre, comme une tournure globalisante, disparaisse, parce que notre langue en a besoin. Et qu’on ne peut rendre « obligatoire » ni le fait de préciser le féminin à chaque fois, ni celui de trouver un détour, car l’ensemble serait très fastidieux, d’un point de vue linguistique.
Le point crucial demeure cette idée de « il faut dire ou écrire ainsi » : on ne peut pas statuer sur une «obligation» de précision grammaticale, on ne peut pas imposer d’écrire « les abonnés et les abonnées », ou seulement « les abonnés », parce que techniquement, « les abonnés » englobent encore le masculin et le féminin. Je recevais encore aujourd’hui un mail s’ouvrant par un « bonjour à tous » (signé par une femme) alors qu’il y a des femmes dans le « tous », et je ne m’en offusquais pas, et j’imagine qu’elle non plus. J’entendais une étudiante dire à son copain « Viens, on va s’installer là tous les deux », avec un beau « tous » qui englobe masculin et féminin, et qui est bien la preuve que notre langue a besoin de ce pluriel globalisant, portant la marque du masculin sans désigner seulement des hommes. (Sinon c’est assez compliqué, avouez, « Viens, on va s’installer là tout•e•s, euh, toute les deux, tous, enfin, à deux, enfin, toi et moi quoi. »)
Si seulement c’était comme en anglais, sans féminin et masculin, ce serait plus simple (bordel).
C’est un fait : la langue française est une langue qui contient un genre grammatical, pour les référents animés (les personnes), comme pour les référents inanimés. On ne la fera pas passer là maintenant tout de suite du côté d’une langue sans genre. Allez savoir, peut-être un jour, mais pas tout de suite. (Et je ne sais pas vous, mais moi, je le trouve jolie, notre bonne vieille langue, avec son féminin et son masculin.) Cet aspect travaille énormément les grammairiens depuis des siècles, et c’est passionnant à lire. (Par exemple, les grammairiens latins ont établi que tous les noms d’arbres étaient au féminin, parce qu’ils portent des fruits. Ça a changé en français : c’est bien dommage.) Depuis des centaines d’années, on se pose des questions là-dessus, on se demande pourquoi on dit « une corde », et « un livre », et pas l’inverse. Or, beaucoup de chercheurs passés et présents s’interrogent sur le lien entre genre grammatical et sexe, autrement dit, sur la vision de la société qu’une telle distinction linguistique imposerait (ou n’imposerait pas) dans nos esprits. Pour résumer, certains linguistes établissent que le féminin de « vaisselle » est lié à de la fragilité, par exemple. On se pose beaucoup de questions sur cette histoire de masculin et féminin, et on se demande si on attribue aux objets des caractéristiques sexistes. (Une fourchette, et un couteau, est-ce suspect ? Je vous laisse réfléchir là-dessus.)
Mais le langage influence tellement la pensée. Donc si on apprend que le masculin l’emporte, même pour les objets, ce n’est pas juste ! On va finir par croire que les choses au masculin, comme les hommes, sont supérieur(e)s aux choses au féminin, comme les femmes.
Forcément, nous sommes façonnés par le langage, et forcément, nous ne mesurons pas consciemment tout. Mais (vous avez le droit de penser le contraire) : je crois que la notion de genre grammatical ne peut pas aller jusqu’à influer sur notre vision des hommes et des femmes. Si c’était le cas…on penserait tous la même chose, puisqu’on utilise tous la même langue ! En des centaines d’années, l’égalité en France entre hommes et femmes n’a cessé de changer, et pourtant on a toujours dit « une table » et « un tabouret ». L’enfant que j’évoquais qui disait « ils sont où, papa et maman », ne devait pas pour autant penser que papa était plus fort que maman, et j’avoue que moi-même, en tant que maman, je ne me sentirai ni oubliée ni inférieure quand mon petit garçon dira « papa et maman sont parfaits ». (Parce qu’il le dira.)
Oui mais regardez à côté, les autres langues ! Les sociétés les plus égalitaristes sont celles avec un genre neutre !
Mais ce n’est pas toujours aussi simple. En finois, oui d’accord, mais il existe des contre-exemples. (Le Turc, notamment, ou le mandarin oral.) Cet impact de la grammaire sur les comportements sociétaux, en terme d’égalité homme-femme, est réellement encore très controversé, c’est un point d’interrogation. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’il y a un masculin et un féminin en français que nous sommes très en retard en matière de place de la femme.
Mais et l’accord de proximité ? Racine écrivait bien en accordant avec le plus proche si c’était un féminin, comme en latin, non ? (On peut lire ça un peu partout, comme ici ou ici. ) Pourquoi « le masculin l’emporte » ? Les hommes et les femmes sont beaux, c’est injuste, on pourrait dire « les hommes et les femmes sont belles », parce qu’il paraît que c’était le cas, avant ?
Alors.
Je vais essayer d’être compréhensible.
Ce qui est très embêtant là-dedans, c’est justement que le genre grammatical ait un lien avec le sexe. Prenons de la hauteur. De tout temps, les langues ont fait une distinction naturelle (d’usage) entre des référents animés et des référents inanimés. C’était d’ailleurs la distinction première en indo-européen, la langue-mère. Dans les deux langues descendant de l’indo-européen que l’on connait le plus, le latin et grec, on a eu une division en 3. (L’animé-masculin, l’animé-féminin, et le neutre pour l’inanimé.) Sauf qu’au fil du temps, le neutre a disparu, et tous les inanimés sont venus s’inscrire dans des cases de féminin et de masculin. On arrive donc au fameux système de notre langue, dans laquelle une chose a un genre, et où l’on dit une table et un tabouret, avec cette fameuse complexité qui laisse si perplexe nos voisins anglo-saxons. Ils nous demandent pourquoi un tabouret est masculin… Nous sommes souvent si démunis pour leur répondre ! C’est bien qu’il ne s’agit pas de problème homme/femme là-dedans. Les mots sont rentrés dans ces genres masculins ou féminins pour des questions de terminaisons, de flexion, et d’usage.
Donc, si vous me suivez, nous avons une langue avec deux grandes colonnes : les animés et les inanimés. Ces deux colonnes sont elles-mêmes partagées en deux, le féminin et le masculin, à chaque fois. Or, pour simplifier les choses, on apprend aux élèves qu’en cas de pluriel, « le masculin l’emporte « . (« Papa et maman sont ravis », « le croissant et la tasse de thé que j’ai apportés ».) Dans notre débat, on entend trop souvent : « Avant les méchants grammairiens du XVIIIème, on accordait couramment au féminin, exemple : Racine, et surtout : les citations des grammairiens qui disent que le masculin est plus noble. (Cf par exemple cette tribune de Marie Darrieussecq dans l’Obs.)
Mais ce n’est pas si simple.
Racine aurait hurlé si on lui avait dit « les hommes et les femmes sont belles ». Ça ne s’est JAMAIS FAIT, JAMAIS JAMAIS.
Qu’est ce qui s’est fait alors?
En latin, en grec, dans toutes langues romanes depuis 3000 ans, quand nous sommes dans la colonne des animés, si on veut utiliser le pluriel, on accorde au masculin. Et surtout quand l’adjectif est attribut. En grec, en latin, on accordait au masculin, systématiquement. « Les hommes et les femmes sont beaux ». On pouvait aussi éventuellement accorder l’attribut et le verbe avec le dernier nommé, ou le plus important des deux. Si on essayait de faire un équivalent français, ça donnerait : « La fille et le garçon a été arrêté ». Pourquoi? En fait, suite de la phrase avec le premier sujet sous-entendu. (« La fille a été arrêtée et le garçon a été arrêté. ») Dans tous les cas, il faut bien avoir à l’esprit que les syntaxes latines et grecques n’ont rien à voir avec notre syntaxe, et qu’il est donc très délicat de comparer strictement avec notre langue. (Et pour finir, le statut de la femme dans la civilisation latine, parlons-en, hein.)
Passons dans la colonne des inanimés. Là, et si l’adjectif est attribut, on trouve plusieurs possibilités. Soit on accorde au neutre pluriel. (Et ça, on ne peut plus le faire, on n’a plus de neutre.) Soit on accordait le verbe et l’attribut avec le dernier nommé, là encore. (Cela faisait quelque chose comme : « nous avons eu affaire à des conflits et des haines sérieuses ».)
Au moyen-âge, on a continué à appliquer cette règle de proximité, qui n’était donc pas si simple et pas applicable dans tous les cas, et, effectivement, nos grands auteurs l’ont employée, pour les référents inanimés. Jamais pour les animés. (Rappelons-nous l’exemple entendu partout de Racine (« Armez-vous d’un courage et d’une foi nouvelle ») : « le courage », et « la foi » ne sont pas des référents animés, des êtres vivants. De plus, il s’agit d’un exemple, il n’appliquait pas cette règle à chaque fois, et puis on l’oublie, mais eh, c’est bien utile pour sa rime, donc, bon. )
Quand les premiers grammairiens ont essayé de tout normaliser au XVIIIème siècle, parce que c’était un gigantesque capharnaüm, ils se sont demandé quelle règle fixer. Ils ont proposé une idée qui ne sortait pas de nulle part : le masculin l’emporterait, dans tous les cas, inanimé ou animé. On les voit misogynes avec nos yeux d’aujourd’hui. Et pourtant, cela devait très probablement être déjà l’usage courant, sinon, leur règle ne se serait jamais installée. Leur formulation est certes maladroite, mais ils voulaient suivre l’usage, ils n’ont pas sorti ça de nulle part.
Il est donc bien trop simple de dire « de méchants grammairiens ont tout imposé et l’école a appris ça aux malheureux écoliers qui l’ont fait contre nature ».
Je ne dis pas que ça veut dire qu’il ne faut rien changer.
Je veux simplement dire : attention à ne pas déformer l’histoire de la langue pour la mettre au service d’une idéologie.
Certes, on peut rêver, et se dire qu’un jour on modifiera l’usage, et qu’il sera courant d’entendre « les hommes et les femmes sont belles ». Mais pour l’instant on ne le dit pas. Et on ne l’a jamais dit. Intuitivement, on ne l’a jamais fait dans l’histoire de la langue. Est ce que ça pourra s’imposer ? Qui sait. Mais dans tous les cas, arrêtons de mentir en le présentant comme un retour à un ordre ancien, une sorte d’âge d’or avant le sexisme. (Et laissons Racine tranquille.)
Pour conclure…
Cet article un peu long ne veut pas blâmer qui que ce soit. Il a simplement pour but de rappeler des faits de langues trop méconnus qui sont détournés au service d’une idéologie, sans être creusés, ce qui est regrettable.
Je crois qu’il faut garder en tête que pour les référents animés, les êtres vivants, si depuis 3000 ans, on fait un accord au masculin lorsqu’on les met au pluriel, il y a très peu de chances que l’usage prenne pour faire autre chose. Je ne dis pas qu’il faut tout enterrer, mais simplement qu’il faut avoir un recul historique sage sur tout cela. Et qu’il faut garder en tête que ce pluriel masculin n’est pas un masque à la féminité, pas du tout : il s’agit d’une forme qui englobe, qui rassemble, et ça, c’est joli, non ? Vous n’avez pas envie d’être rassemblés ?
Il reste les noms de métiers : et là, évidemment, la version féminine s’impose si on en a besoin. Il n’y a rien à revendiquer, selon moi : l’usage suit l’évolution de la société.
Terminons par ce qui paraît essentiel dans toute cette polémique : cette culpabilisation ambiante des français par eux-mêmes, cette idée selon laquelle la langue française va mal, la société va mal, avant c’était mieux, ailleurs c’est mieux. C’est là un mal bien français et tellement triste. Dans aucune langue romane on ne dit aujourd’hui « les hommes et les femmes sont belles », et on ne l’a jamais dit dans un âge d’or passé.
Moralité : laissons l’usage nous guider, laissons notre impression et notre rapport à la langue nous guider. Et l’usage rassemble des millions de personnes. On ne peut pas résoudre un dogmatisme par un autre dogmatisme. Sur ce sujet, et avec un recul de linguiste, ce n’est pas aussi simple que de dire « il n’y a qu’à écrire ça », et boum, tout le monde l’écrirait. La langue est vivante, et libre, tellement libre, c’est ce qui la rend merveilleuse. Elle est incontrôlable, elle touche à l’intimité des gens et à leur pensée. La mue vers un nouvel usage, quel qu’il soit, est très longue et progressive.
Allez, pour finir, un autre petit exemple de Racine. C’est dans une de ses pièces que je préfère.
Andromaque (V, 2) « Son salut et sa gloire semblent être avec vous sortis de sa mémoire ».
« Sortis ». Au masculin pluriel. Sans l’accord de proximité avec « gloire ». Comme quoi…
Pour Abnousse Shalmani, auteur de «Khomeyni, Sade, et moi», la libération de la femme ne passera pas par l'écriture inclusive.
Le souci avec le féminisme, depuis qu’il est devenu «mainstream», c’est le pot pourri des revendications qui étouffent la légitimité du combat et brisent la colonne vertébrale de la raison –oui, je sais aussi: c’est devenu un gros mot, vu que, dorénavant, ce qui prime et séduit, c’est l’émotion, le ressenti, le témoignage; nous vivons la fin de l’esprit critique. Parmi ses nouvelles marottes: l’écriture inclusive. Qu’est-ce que c’est? Une orthographe qui inclut le masculin et le féminin. Par exemple: les militant.e.s. sont tou.te.s des con.ne.s. Le tout dans l’espoir de rencontrer le prince charmant, pardon, d’effacer les inégalités qui persistent entre les hommes et les femmes.
Les défenseurs de l’écriture inclusive en sont convaincus: le langage conditionne l’inégalité, et structure la domination (ou le contraire). Le masculin l’emportant sur le féminin, les femmes sont naturellement infériorisées, il faut donc changer cette odieuse règle qui sévit seulement depuis le XVIIe siècle et condamne les femmes à être exclues de la grammaire, de la parole, de la société, de la galaxie.
Seulement voilà: en persan ou en turc –pour ne parler que des langues que je connais un peu–, il n’y a pas de masculin et de féminin. Ce qui ne fait pas pour autant de l’Iran et de la Turquie, des havres de paix et d’égalité où l’infériorité des femmes n’est pas terriblement intériorisée comme dans notre République si abjecte envers les femmes jusque dans la grammaire.
Soyons sérieux: lorsque j’apprenais le français à l’école de la République, personne ne m’a asséné: «Le masculin gagne sur le féminin» mais «Le masculin est neutre». Nuance. Je passe rapidement sur la laideur esthétique de l’écriture inclusive, pour imaginer un monde façonné par les adeptes de la novlangue où il faudra traduire Madame Bovary ou Anna Karénine en inclusif parce que, merde, les femmes méritent leur forme écriture à elles toutes seules. Quoique… si nous en arrivons là, dans la logique où s’inscrit l’écriture inclusive, les deux romans précédemment cités seront interdits et brulés, car comment! des hommes, des hétérosexuels blancs, fruits du patriarcat dominant qui écrivent sur les femmes, qui s’autorisent à faire parler les femmes? Vous n’y pensez pas! Usurpation sexuelle! Trahison de sexe! Au bûcher! Flaubert repasserait devant le tribunal de l’inquisition féministe: «Non, Monsieur Flaubert, vous n’êtes pas Madame Bovary.»
Et Madame la procureure s’empresserait de déterrer des limbes du temps, la belle formule de l’écrivain, à propos de sa grande amie et collègue, George Sand (ci-contre): «Il fallait la connaître comme je l’ai connue, pour savoir tout ce qu’il y avait de féminin dans ce grand homme.» Sursaut dans la salle d’audience, un frisson de haine parcourait la foule: Flaubert ce phallocrate immonde. Ce serait une preuve à charge: parce que George Sand osait être écrivaine, osait se travestir pour être plus libre de ses mouvements, Flaubert, ce sexiste qui s’ignorait, éprouvait le besoin patriarcal de préciser, dans son «hommage», que c’était quand même toujours une femme! Ne riez pas: nous n’en sommes pas si loin.
L’écriture inclusive nous raconte quelque chose du féminisme qui sévit et qui n’a plus grand chose à voir avec le féminisme historique (ou universaliste): créer les conditions de l’égalité en offrant les mêmes chances de réussite et d’émancipation, militer pour la liberté sexuelle, soutenir l’entrée des femmes dans toutes les carrières et lutter contre les discriminations. Personne n’avait imaginé qu’on en viendrait à dresser des listes de noms féminins négatifs (la soumission, la corvée, la vaisselle etc. et je pourrais rajouter la clairvoyance, la violence, la puissance etc. pour équilibrer) et qu’il serait sexiste de dire «Madame le Président» ou de vouloir demeurer «Mademoiselle» (ne pas se marier et le revendiquer est aussi un choix féministe).
La sacralisation des femmes sous-entend sa fragilité et par conséquent sa protection indispensable. Protéger les femmes, c’est les discriminer
Les conséquences de ce parasitage continu du féminisme historique sont doubles: la sacralisation de la femme et son corolaire, la sainte victimisation. La sacralisation des femmes sous-entend sa fragilité et par conséquent sa protection indispensable. Protéger les femmes, c’est les discriminer.
Ainsi, en 1928, lors des Jeux olympique d’Amsterdam, les femmes participent pour la première fois à l’épreuve du 800 mètres. Mais à l’arrivée, devant le spectacle d’athlètes effondrées par l’effort ou reprenant simplement leur souffle, les organisateurs décidèrent que les femmes étaient inaptes à tenir plus de 200 mètres, le tout dans le but de les préserver… L’épreuve olympique du 800 mètres fut alors interdite aux femmes jusqu’en… 1960.
Les femmes n’ont pas besoin d’être protégées, elles ont besoin de liberté pour exister et faire la preuve de leur endurance. Car derrière la fragilité se dévoile la victime éternelle qu’est la femme et qui arrange les sexistes depuis des millénaires pour justifier sa mise à l’écart et sa discrimination au nom de sa différence. Victimes, les femmes! Victimes tout le temps, partout, victimes nues et habillées, victimes dans le verbe, victime dans l’art, victime dans le travail, victime dans l’espace public!
À 8 ans, je ne parlais pas un mot de français. Mais je voulais déjà être «écrivain français», ce qui faisait gentiment rire mon entourage. Zola fut l’un des premiers auteurs que j’ai adoré. De l’âge de 10 ans à 15 ans, je croyais que Zola était une femme. Emile et Emilie sont proches, mon français était encore immature et j’avais joliment choisi que mon écrivain préféré était une femme. Une femme écrivain. Cela m’a conforté dans mon ambition. En 2014, la question m’était encore posée: écrivain ou écrivaine? Ce temps-là est achevé. Femme tu es, écrivaine tu seras.
Eh bien, je ne veux pas. Je ne veux pas vivre dans un monde parallèle à celui des hommes, réservé aux femmes décidément si fragiles. J’ai toujours voulu être écrivain et déjà enfant, je trouvais injuste que dans les manuels scolaires français, l’histoire des femmes se résume à un chapitre couvrant plusieurs siècles en fin de livre. Pourquoi ne pas mentionner Olympe de Gouges lors de la Révolution Française mais lui réserver une place à part? Comme si les femmes ne faisaient pas parti du même monde que les hommes, comme si leur histoire se déroulait en marge de celle des hommes.
Ainsi, l’injonction à être écrivaine, réveille en moi ce même sentiment enfantin de rejet. L’écrivain n’a pas de sexe et son œuvre s’inscrit dans l’histoire universelle de la littérature. Je suis une femme, j’écris. Je suis un écrivain.
Et pourtant. Adolescente, je découvre les figures féministes d’avant mai 1968 et des luttes collectives. Je découvre Madeleine Pelletier, la première femme psychiatre en 1905. Elle s’est farouchement battu pour poursuivre ses études: il fallait alors posséder ses droits civiques pour s’inscrire en psychiatrie et les femmes n’en avaient pas. Madeleine Pelletier encore moins: boursière, orpheline de père, mère catholique intégriste. Alors quand elle installe son cabinet dans le XVIIIe arrondissement de Paris, en 1907, il est légitime qu’elle féminise sa profession pour faire naître la révolutionnaire Doctoresse Pelletier (elle pratiquait aussi illégalement l’avortement).
Ici, est la différence: le contexte, l’époque, l’inédit. Aujourd’hui, nous sommes égales aux hommes dans le droit –faite des pieds et des mains, hurlez à la mort, en tapant du pied, que c’est pas vrai, ça l’est, Doctoresse Pelletier s’est battue pour ça– bien que les mentalités évoluent plus lentement que la loi, bien que nos droits fondamentaux soient régulièrement mis en cause, nous disposons d’un arsenal juridique pour exister à l’égal des hommes.
À nous d’exercer nos droits et de se battre pour nous imposer, à nous de renvoyer une baffe bien sentie après une main au cul, à nous d’avoir une attitude conquérante et une certitude inébranlable, à nous de ne pas glousser comme des gourdes face à des attaques sexistes, à nous de nous mettre en avant, à nous de prendre la parole et de la garder, à nous de conquérir des espaces masculins, à nous de refuser d’être des victimes, à nous d’être fières, à nous, chacune, individuellement, de prendre le pouvoir, comme ont su le faire des femmes extraordinaires à une époque pas si lointaine où elles n’étaient pas protégées par aucune loi.
Féminiser les métiers ne rendra pas le rapport de force moins inégalitaire comme écrire «tou.te.s» ne rendra pas les femmes plus autonomes et indépendantes. Au contraire, choisir sa vie, en dehors de toutes les injonctions parentales, sociétales, religieuses et culturelles, demeurera toujours une démarche féministe. Et gagnante.
Nouvel accès de masochisme linguistique, hier : les médias n'ont cessé de s'apitoyer sur le niveau du Français moyen en anglais. Une fois n'est pas coutume, je me contenterai dans ce billet de laisser la parole à Ilyes Zouari, spécialiste du monde francophone, ex-administrateur de l'association Paris-Québec. Ne serait-ce que pour le plaisir d'entendre un son de cloche quelque peu différent... et d'alimenter le débat !
« Selon la dernière édition du classement international EF EPI, publiée ce 8 novembre, la France se classe 32e pour ce qui est du niveau en anglais de sa population adulte. L’Hexagone fait ainsi mieux que dix ex-colonies britanniques ayant toutes l’anglais pour langue co-officielle, de jure ou de facto, comme les Émirats arabes unis, le Qatar, le Sri Lanka ou encore le Pakistan.
Mais la France est également la grande puissance non anglophone la plus anglicisée au monde, et se classe largement devant les chefs de file des autres principaux espaces géolinguistiques, à savoir la Russie, la Chine, le Brésil, le Mexique et l’Arabie saoudite (ou l’Égypte). Par ailleurs, elle devance aussi le Japon dont la société est technologiquement la plus avancée au monde.
Cette situation ubuesque est la conséquence de cette anglicisation à outrance que subit la France. Une France repliée sur l’Union européenne (UE), qui ne cesse de se comparer aux autres de ses pays membres, vassaux culturels et donc politiques des puissances anglo-saxonnes. Cette UE, qui est de loin la zone la plus anglicisée du monde et qui ne cache plus son hostilité à la langue et à la culture françaises. Dernier exemple en date, la toute nouvelle réglementation européenne SERA - Partie C qui vise à imposer l’anglais comme unique langue de communication entre les pilotes privés français et les six principaux aéroports de France métropolitaine. Aberration qui n’existe nullement au Québec et en Afrique francophone, où il faut désormais s’exiler afin de vivre paisiblement en français.
À cette attitude de l’UE, s’ajoute celle de la France elle-même où l’on ne compte plus les Grandes écoles aux sites internet majoritairement en anglais, ainsi que les manifestations et salons internationaux où le français est banni de l’affichage. Choses absolument impensables au Québec ou dans la vaste Afrique francophone, Maghreb inclus. Une France où l’on ne compte plus les slogans publicitaires ou les intitulés de fonction intégralement en anglais, alors qu’ils sont en français au Québec. Une France où se multiplient les bars et restaurants où le français est désormais lingua non grata, et qui accueille avec mépris les touristes francophones et francophiles, de l’Hexagone et du reste du monde, en mettant de plus en plus à leur disposition des brochures exclusivement en anglais, ou avec une version microscopique en français. Chose inimaginable au Québec ou en Afrique francophone. Une France dont de nombreux diplomates irresponsables affichent des messages d’absence uniquement en anglais, contrairement à leurs confrères francophones du Québec ou d’Afrique. Enfin, une France désormais république bananière où les tribunaux s’acharnent à ne pas faire appliquer la loi en déboutant systématiquement les associations de défense de la langue française. Situation là encore impensable au Québec où la loi… est la loi.
La France d’aujourd’hui est donc bel et bien la principale menace qui pèse sur la langue et la culture françaises dans le monde. Cette langue qui est l’un des piliers de son identité et de sa puissance mondiale. Un de ses piliers auxquels l’on s’attaque sans retenue afin de servir certains intérêts. Loin d’être un simple passe-temps pour passionnés de dictées, de mots croisés ou encore de poèmes, la langue est avant tout une question de géopolitique, de parts de marchés et d’influence culturelle. Ainsi, ce n’est pas un hasard si les premiers pays au monde à avoir interdit le niqab étaient tous francophones, en Europe comme en Afrique, ou si le Canada est toujours plus pacifiste lorsqu’il est dirigé par un Québécois.
Pourtant, et dans cette partie européenne et sans repères d’un monde francophone grand comme près de quatre fois l’UE et regroupant 470 millions d’habitants, dans sa définition la plus stricte, la France s’emploie donc activement à entraver la dynamique favorable dont bénéficie le français à travers le monde, grâce à l’émergence démographique et économique de l’espace francophone. Tel un enfant, qui sur une plage, prendrait un malin plaisir à venir régulièrement détruire un château de sable patiemment édifié par d’autres enfants. Une France, seconde puissance militaro-économique du monde, trente fois plus étendue que l’Allemagne en incluant son vaste territoire maritime, et où certains souhaitent aller encore plus loin sur la voie de l’absurde, de la défrancisation, de la trahison et de la collaboration, en rendant désormais quasi obligatoire, de facto, l’apprentissage de l’anglais dès le CP (chose que même trois des quatre pays scandinaves n’ont osé faire). Ou encore, en proposant que les films américains soient diffusés en version originale à la télévision.
Comme l’avait dit le Général de Gaulle, "Le snobisme anglo-saxon de la bourgeoisie française est quelque chose de terrifiant. [...] Il y a chez nous toute une bande de lascars qui ont la vocation de la servilité. Ils sont faits pour faire des courbettes aux autres." Quels qu’ils soient et où qu’ils soient, les responsables et acteurs de ce processus d’éradication du français doivent être écartés. Il ne peut y avoir de place en France pour des individus hostiles à la langue et à la culture françaises, et donc à la France. »
Ilyes ZOUARI, auteur du Petit Dictionnaire du monde francophone (éd. de L'Harmattan)
L’Académie française a adopté à l’unanimité de ses membres jeudi 26 octobre une déclaration très critique sur l’écriture inclusive. Cette « solennelle mise en garde » dénonce la « démultiplication des marques orthographiques et syntaxiques » engendrée par cette graphie, qui « aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité », selon l’institution. Ce verdict des « Immortels » met-il pour autant un terme au débat ? Place-t-il de fait tout recours à l’écriture inclusive en dehors des bons usages de la langue ? Pas forcément.
L’Académie française a été fondée en 1635 par Richelieu et a depuis traversé les âges. Selon la loi de programme pour la recherche de 2006, elle est une personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du président de la République. C’est également le cas de l’Institut de France, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts et l’Académie des sciences morales et politiques. La mission de toutes ces instances est, selon ce texte, de « contribuer à titre non lucratif au perfectionnement et au rayonnement des lettres, des sciences et des arts ».
Les 40 membres de l’Académie française se réunissent les jeudis après-midi et débattent des sujets prévus à l’ordre du jour, établi par le secrétaire perpétuel. Parmi les 34 membres de l’institution qui siègent actuellement (six fauteuils sont vacants pour cause de décès), on trouve des profils divers comme l’écrivain et chroniqueur Jean d’Ormesson, l’historienne Hélène Carrère d’Encausse (qui est également secrétaire perpétuelle de l’Académie), l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing ou le philosophe Michel Serres. En 2017, on ne compte que cinq membres de sexe féminin. En quatre siècles, il n’y a eu que huit femmes sur 729 académiciens. Certaines critiques estiment d’ailleurs que cet état de fait biaise quelque peu le regard de l’institution au sujet des questions de genre.
Selon ses statuts (article XXIV), la « principale fonction » de l’Académie française est de « travailler (…) à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences ». A ce titre, elle rédige son propre dictionnaire, qui respecte le « bon usage de la langue » et indique des niveaux de langages ainsi que les emplois déconseillés et les constructions fautives. Si l’institution française tire une certaine légitimité de son histoire et du prestige de ses membres, elle ne fait pas figure d’autorité suprême et indiscutable de la langue française pour autant. Elle possède certes un droit de regard sur la publication au Journal officiel des termes et expressions nouveaux, comme le prévoit le décret de 1996 relatif à l’enrichissement de la langue française. Mais pour le reste, rien n’oblige à partager toutes ses positions, tout comme l’Académie des beaux-arts ne définit pas à elle seule ce qui serait « beau » ou non.
Plusieurs exemples récents rappellent cet état de fait. Ainsi, l’Académie française s’oppose à la féminisation des fonctions et des titres lorsque ce serait contraire « aux règles ordinaires de dérivation ». Position qui s’est retrouvée au centre d’un débat houleux à l’Assemblée nationale en 2014. Le député UMP Julien Aubert, se fondant sur le verdict des académiciens, refusait d’appeler la socialiste Sandrine Mazetier « madame la présidente », préférant dire (contre la volonté de l’intéressée), « madame le président ». Se prévaloir de l’Académie française n’a pas empêché le député de se voir infliger une sanction financière.
La polémique autour de la prétendue « mort de l’accent circonflexe » en 2016 illustre également les contradictions de l’Académie en elle-même. A l’origine, on trouve des rectifications orthographiques proposées par le Conseil supérieur de la langue française et approuvées par l’Académie française en 1990. Parmi les possibilités, toutes facultatives, prévues dans ces dispositions, il y a le fait que l’accent circonflexe peut ne plus être employé sur les « i » et les « u » dans la plupart des cas. Le ministère de l’éducation nationale a rappelé en 2008 dans son bulletin officiel puis dans la réforme des programmes de 2015 l’existence de ces révisions facultatives, avant qu’elles ne soient appliquées par les éditeurs de manuels scolaires à la rentrée de 2016, suscitant alors une polémique… Jusqu’à la colère même de l’Académie française, qui n’y était pourtant pas hostile vingt-six ans plus tôt.
Au-delà de ces deux exemples, d’autres références de la langue française se sont fréquemment opposées à certaines positions des académiciens, depuis des décennies. Ce que souligne la quatorzième édition du Bon usage de Grevisse et Goosse : « Le Dictionnaire de l’Académie française (…) donne une certaine image de la langue soignée, et la caution de ce juge sévère suffit à rendre légitimes des tours que l’on avait critiqués. En revanche, ses mises en garde sont plus d’une fois discutables, parfois même oubliées par les académiciens aussitôt quitté le quai de Conti. »
"La langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd'hui comptable devant les générations futures."
FÉMINISME - Les immortels de l'Académie Française entrent en guerre contre l'écriture inclusive. Dans une déclaration relayée ce jeudi 26 octobre par Le Figaro, ils jugent "cette aberration" comme "un péril mortel". Rien que ça.
L'écriture inclusive est un mode d'écriture qui vise à féminiser la grammaire en plaçant à la fin des mots, quand c'est nécessaire, la terminaison du féminin entre des points. Ainsi, "les Immortels de l'Académie française" deviendrait "les Immortel.le.s de l'Académie française".
Elle est notamment recommandée par le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes, qui écrivait en 2015 que "les représentations auxquelles les citoyen.ne.s sont constamment exposé.e.s renforcent les stéréotypes de sexe et les inégalités entre les femmes et les hommes".
Bravo aux @EditionsHatier qui donnent l'exemple pour une écriture inclusive et une éducation égalitaire #EgaCom : https://t.co/W5i6NV5wNS
— HCE (@HCEfh) 25 septembre 2017
Pour l'Académie française, ce mode d'écriture, dont les Immortels ne voient pas "l'objectif poursuivi", crée "une confusion qui confine à l'illisibilité". Les difficultés de lecture engendrées pénaliseraient donc à la fois l'apprentissage et la lecture, mais aussi "les promesses de la francophonie".
L'écriture inclusive avait été mise sur le devant de la scène par la médiatisation, en septembre 2017, du premier manuel scolaire à l'avoir adoptée. Intitulé "Questionner le Monde", le livre avait été salué par Hatier, son éditeur, ainsi que par le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes, mais critiqué par d'autres, comme le chroniqueur Raphaël Enthoven qui craignait un "négationnisme vertueux".
Un mois plus tard, les Immortels, chargés selon leurs statuts de "donner des règles certaines à notre langue", se rangent à leur tour parmi les critiques:
"La démultiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu'elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l'illisibilité. On voit mal quel est l'objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d'écriture, de lecture - visuelle ou à voix haute - et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs.
Plus que toute autre institution, l'Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu'elle a pour mission de les codifier. En cette occasion, c'est moins en gardienne de la norme qu'en garante de l'avenir qu'elle lance un cri d'alarme: devant cette aberration «inclusive», la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd'hui comptable devant les générations futures.
Il est déjà difficile d'acquérir une langue, qu'en sera-t-il si l'usage y ajoute des formes secondes et altérées? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s'empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d'autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète."
Les Immortels, à l'unanimité, estiment que cette nouvelle pratique est un danger pour la langue française.
Les immortels de l'Académie française se sont fendus ce jeudi 26 octobre d'une déclaration au ton alarmiste condamnant vertement l'écriture inclusive. Ils vont même jusqu'à prédire un«péril mortel» pour l'avenir de la langue française. Pour rappel, cette graphie consiste à inclure le féminin, entrecoupé de points, dans les noms, comme dans «mes ami·e·s», pour le rendre «visible». Le «point milieu», ce signe situé à mi-hauteur des lettres, peut être utilisé alternativement en composant un mot comme «lycéen·ne» comme suit: racine du mot + suffixe masculin + le point milieu + suffixe féminin.
Cette pratique défendue par certaines militantes féministes au prétexte que la langue française «invisibiliserait les femmes» a beaucoup fait parler d'elle ces dernières semaines alors qu'un manuel scolaire, destiné à des élèves de CE2, a été publié pour la première fois en écriture inclusive en mars 2017. On peut y lire que «grâce aux agriculteur.rice.s, aux artisan.e.s et aux commerçant.e.s, la Gaule était un pays riche». L'éditeur a expliqué avoir choisi d'appliquer les recommandations du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes datant de 2015.
Prenant acte de la diffusion de cette «écriture inclusive» qui «prétend s'imposer comme norme», l'Académie française élève à l'unanimité une solennelle mise en garde: «La démultiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu'elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l'illisibilité. On voit mal quel est l'objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d'écriture, de lecture - visuelle ou à voix haute - et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs.
Plus que toute autre institution, l'Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu'elle a pour mission de les codifier. En cette occasion, c'est moins en gardienne de la norme qu'en garante de l'avenir qu'elle lance un cri d'alarme: devant cette aberration “inclusive”, la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd'hui comptable devant les générations futures.
Il est déjà difficile d'acquérir une langue, qu'en sera-t-il si l'usage y ajoute des formes secondes et altérées? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s'empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d'autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète.»
«Bégaiement cérébral»
Membre de l'Académie française, Michael Edwards, poète, philosophe et traducteur franco-britannique, avait confié début octobre au Figaro à quel point l'écriture inclusive abîmait, selon lui, la langue française. «C'est la chair même du français qui est ainsi rongée, et son esprit qui se trouve frappé d'une sorte de bégaiement cérébral», indiquait-il. Les académiciens avec qui il avait discuté du sujet étaient «scandalisés» mais ont décidé de prendre un peu de temps pour réagir officiellement.
La virulence du communiqué de l'Académie a été peu goûtée, jeudi, par les féministes, comme la militante et «cheffe d'entreprise» Caroline De Haas: «On va tous mourir!», écrit-elle sur Twitter. «Et après, c'est nous qu'on traite d'hystériques...»
Cette condamnation sans appel des académiciens sera-t-elle entendue? Pas si sûr. Depuis 2015 et les recommandations du Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes, l'écriture inclusive, longtemps cantonnée aux associations féministes et aux partis d'extrême gauche, entre peu à peu dans les mœurs.
Plusieurs ministères, institutions, collectivités et universités se sont depuis mises à appliquer peu ou prou ces recommandations. Sur le site du ministère de l'Éducation nationale, il est ainsi désormais question de professeur·es. Le ministère de la Santé, quant à lui, évoque les chirurgien·ne·s-dentistes. Depuis 2016, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s'est engagé très officiellement à écrire de façon inclusive: «Assemblée la plus paritaire de la République française, le CESE est convaincu que les stéréotypes, terreau du sexisme, sont profondément ancrés dans notre société et s'expriment dans le langage et la grammaire.» Le Cnam se définit désormais comme une école d'ingénieure·es «parce que nos formations sont ouvertes à toutes et tous».
Dans certains médias comme TV5Monde, dans des communications du CNRS, cette graphie a fait son apparition. Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation, lui, n'approuve pas: «On doit revenir aux fondamentaux sur le vocabulaire et la grammaire, je trouve que ça ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire.»
Aïe, ma langue française
Grand dossier dans Le Point qui en fait sa couverture sur la langue française qui nous interpelle : "ceci n'est pas une interview mais un entretien, publié non pas dans une news magazine, encore moins dans un "mag (pan pour nous !),mais dans un hebdomadaire d'informations générales "écrit le journal en avant propos de son "entretien" avec Alain Borer, (auteur de "De quel amour blessée", Gallimard, (et qui enseigne à Los Angeles), qui déplore "notre soumission à l'anglais" et "alerte contre un Azincourt dans la langue" (Azincourt, célèbre bataille perdue par la France contre l'Angleterre pendant la Guerre de Cent Ans).
Sont raillées également "la positive attitude chère à Jean-Pierre Raffarin, le ParisRollers Marathon d'Anne Hidalgo. Le jugement de Borer est implacable : "ce qui se passe en langue pourrait se décrire en termes de mercatique (je n'ai pas dit "marketing"), car cela ressemble à la désindustrialisation : la fabrique de mots francophones est en panne. Jadis nous avons fourni 60% de son vocabulaire actuel. Désormais, non seulement nous importons, mais nous remplaçons des mots déjà existants. Nous nous soumettons". A cela il faut ajouter la bataille autour de l'écriture inclusive : "Il s'agit de déconstruire les inégalités hommes-femmes quitte à reconstruire le langage d'abord et c'est la partie la moins controversée de féminiser systématiquement les noms de profession . Ensuite il faut faire attention à la parité là où auparavant le masculin occultait le féminin. À l'oral cela donne par exemple "étudiants et étudiantes", qui sonne comme le discours d'un politique désireux de ne pas se couper de 50 % de son électorat mais elle écrit ça se corse avec l'usage des points milieu "étudiant-e-s". Cela vous paraît illisible ? Une ruse consiste à reformuler des noms différents en genre en "termes épicènes" (qui peuvent être employés au masculin et au féminin sens variation de forme... Remplacer "collaborateur" par "membre", " répondant" par "personne qui ont répondu". Elémentaire, non? A ce sabir vient s'ajouter "la poltronnerie toute virulence est effacée : "plus de place pour la réflexion spontanée, pour le raisonnement bâti au fur et à mesure d'une conversation ; non, les politiques soumis aux pressions des chaînes d'information en continu qui les interrogent dix fois par jour, préfèrent s'abriter derrière des réponses toutes faites, lisses et donc inoffensives, s'évitant ainsi bien des désagréments", comme celui de devoir se justifier à propos de "ceux qui foutent le bordel".
On connait l'éternel débat linguistique entre ceux qui parlent de "pain au chocolat" et ceux qui préfèrent déguster "une chocolatine". Mais c'est loin d'être le seul différend sémantique qui oppose les Français. Dans son ouvrage, Atlas du français de nos régions (Armand Colin), publié en octobre, le linguiste Mathieu Avanzi s'intéresse à toutes les petites différences géographiques en termes de langage, qu'il a synthétisé sous forme de cartes.
"Les cartes ont été générées à partir des résultats d’enquêtes dirigées par des linguistes des universités de Louvain-la-Neuve, Zurich, Genève, Strasbourg, Neuchâtel, Paris-Sorbonne et Bangor", explique l'auteur sur son site internet. Franceinfo vous propose de découvrir cinq d'entre elles.
"Crayon à papier" ou "crayon gris" ?
Vous devez faire un schéma à votre collègue et cherchez quelque chose pour griffonner. Lui demandez-vous un "crayon à papier" ou un "crayon gris" ? Tout dépend d'où vous vivez. Les Normands où les habitants de Nouvelle-Aquitaine parleront de "crayon à papier", tandis que ceux qui vivent en PACA ou dans le Finistère réclameront un "crayon gris". Les habitants de Troyes ou de Nancy préfèrent, quant à eux, les "crayons de papier", tandis que les Wallons et les Mosellans parlent simplement de "crayon".