Yannick Lecerf, archéologue et chercheur au CNRS, affirme que les Celtes ne se sont jamais installés en terre bretonne. Pour lui, la littérature romantique a largement fondé le mythe.
Mercredi, dans la salle d'honneur de la mairie, la conférence de Yannick Lecerf, archéologue, chercheur au CNRS, a surpris son public. Après avoir expliqué la chronologie du peuplement de la Bretagne depuis 750 000 ans avant J.-C. jusqu'aux Gaulois, ce chercheur a affirmé que jamais les Celtes n'étaient venus s'installer en Bretagne. Une thèse confirmée aujourd'hui par bon nombre de scientifiques.
« De nombreuses traces de la civilisation celte ont été retrouvées dans une grande partie de l'Europe, en Espagne et en France. Mais pas l'once d'un Celte en Bretagne. Les Parisiens, les Strasbourgeois ou les Rouennais sont plus celtes que les Bretons. » Les dernières cartes migratoires établies grâce aux fouilles des archéologues dans les régions concernées l'attestent.
Mais comme l'a rappelé Yannick Lecerf, cette légende de la celtitude bretonne « a commencé au XVIIIe siècle, avec la grande période de la littérature romantique chère à François-René de Chateaubriand ». Facétieux, le conférencier ajoute : « Le Festival interceltique de Lorient est une grande et belle manifestation, mais qui se déroule sur un territoire qui n'a jamais vu un celte. »
Un spectateur ajoute tout bas : « Ce n'est pas grave, la course du Paris-Dakar se déroule bien en Amérique du Sud. » Cette conférence était donnée dans le cadre de la Fête de la Bretagne, et cela ne s'invente pas, dimanche dans le cadre de cette même fête, la ville accueille le groupe Panick celtic. On ne saurait mieux dire.
Renseignements : La Bretagne préhistorique, de Yannick Lecerf, aux éditions Skol Vreizh.
Par René Perez
Chateaubriand n'y est pas allé de main morte. L'écrivain a imaginé carrément des druides celtes faisant des sacrifices humains sur des dolmens ! En pleine celtomanie, née au XVIIIe siècle, le romantisme ambiant et l'imaginaire débridé ont composé des tableaux celtes délirants quand on les confronte aux dernières publications des historiens. Non, les Armoricains n'ont pas attendu les Celtes pour dresser leurs menhirs de plusieurs dizaines de tonnes. Et l'historien et archéologue Yannick Lecerf va même jusqu'à affirmer que dans leurs grandes migrations, les Celtes ont probablement évité la Bretagne ! Ah bon ?
Alors comment s'y retrouver ? D'abord, en allant chercher les Celtes du côté de la Mer Noire où ont commencé leurs transhumances vers l'Ouest, à la poursuite du soleil. Pendant plusieurs siècles avant J.C., ils vont ainsi avancer par petites étapes sans que l'on puisse mesurer la part de conquêtes ou d'assimilations. Une avancée durant laquelle ils ne prirent pas le temps d'élaborer une véritable écriture, au point qu'il faut aller chercher les auteurs gréco-romains ou César lui-même pour trouver des écrits, forcément sujets à caution. Donc, ils avancent. Et se répandent si largement que l'historien Patrick Galliou n'a pas hésité à observer, à propos du Festival interceltique de Lorient : « Les Auvergnats y auraient autant leur place que les Bretons ». Oups ! Tout à fait, embraye Yannick Lecerf, dont le dernier ouvrage pose comme quasi-certitude que les Celtes migrateurs ont contourné la Bretagne où ils n'ont pas laissé de traces tangibles. Une branche est partie vers les îles britanniques et l'autre vers le sud et l'Espagne. Pourquoi ? « Sans doute, dit-il, parce qu'ils sont tombés, en Armorique, sur des populations bien organisées et homogènes, avec de vrais chefs ». Autrement dit, à en croire l'historien, les Celtes qui avaient pour habitude de prendre l'ascendant sur les populations indigènes, auraient préféré ne pas se frotter aux Armoricains, dompteurs de mégalithes. S'ils sont tombés sur les ancêtres de Kersauson, Bernard Hinault, Christian Troadec ou Enora Malagré, on comprend qu'ils aient préféré passer leur chemin et ne pas se coltiner cette bande de furieux.
Près d'un millénaire se passe avant que les descendants des Celtes « brittoniques » ne traversent la Manche en sens inverse, chassés par les Saxons, pour débarquer en Armorique. Ce sont les grandes migrations d'Irlandais et Gallois entre le IVe et le VIe siècles de notre ère, des populations passant de la grande à la petite Bretagne, avec leurs coutumes, leur langue et leur clergé (essentiellement composé d'ermites) qui va marquer durablement la foi en Armorique. En témoigne la Vallée des Saints de Carnoët (22) où d'impressionnantes statues géantes viennent maintenant s'aligner au fil des ans. Il y en a déjà assez pour constituer deux équipes de rugby mais pour un match Pays-de-Galles - Irlande car la quasi-totalité des saints bretons représentés sont référencés comme nés gallois ou irlandais. En cherchant bien, on trouve ainsi un bon millier de saints en Bretagne mais bien peu ont été reconnus comme tels par Rome, même s'ils ont durablement marqué l'Armorique croyante. Pour le reste, Yannick Lecerf relativise : « Ces populations migrant en petite Bretagne descendaient de Celtes arrivés dans les îles britanniques mille ans plus tôt. Que pouvait-il rester du celtisme originel ? ».
La troisième époque charnière, il faut la chercher au XVIIIe siècle quand un mouvement parti d’Écosse avec les fameux (mais contestés) poèmes d'Ossian, remet en cause la civilisation gréco-romaine comme base de la culture millénaire. La tradition orale que l'on va chercher dans les campagnes fait remonter une autre civilisation enfouie dont on ne savait plus rien mais dont la mémoire s'est transmise oralement, de génération en génération, dans des campagnes reculées. L'Europe va se passionner pour ce sujet qui porte l'éveil des nations et Bonaparte lui-même va voir dans la Bretagne et sa géographie particulière un sanctuaire du celtisme originel. Le mouvement était lancé et avec toutes les approximations, voire certaines dérives, on sait à quel point il a fait son nid dans une Bretagne allant chercher, outre-Manche, son hymne, sa croix celtique et même certains instruments de musique, nous ramenant ainsi au bagad de Vannes. Ceux qui ont joué, mardi soir, n'étaient probablement pas nombreux à avoir de lointains aïeux celtes, si l'on en croit les dernières théories. Mais leur succès prouve que pour s'approprier la mythologie celte et donner un formidable élan à la culture celtique, la Bretagne a fait preuve d'un incroyable talent ! Pour en savoir plus sur ce regain d'intérêt pour les Celtes, on renvoie aux deux numéros spéciaux de Bretagne-Magazine sur les Celtes, aux publications d'historiens comme Yannick Le Cerf et Patrick Galliou ainsi qu'à l'Atlas des mondes celtiques qui vient de sortir, chez Coop Breizh.
La glacière du port de pêche de Lorient a fêté ses cent ans en août 2020. Cette fabrique s'inscrit dans le plan national établissant une chaîne de froid entre Saint-Pierre-et-Miquelon, via Lorient, et les consommateurs français de poissons pêchés sur les bancs de Terre-Neuve. L’échec de cette chaîne n’altère en rien l’ambition initiale de l’État. L’inauguration en grande pompe ce 29 août 1920 marque bien les prémices d’une grande aventure industrialo-portuaire. Mise en service en février 1922, ce premier bâtiment industriel produisant du froid annonce le premier port de pêche industriel français.
« C’est dans cette baie de Keroman que je construirais le port, et sur le rocher de la pointe de la Perrière, j’établirais le Frigorifique ». Déjà en 1904, l’ingénieur Henry Verrière (1876-1965) imaginait les contours de la future cité du poisson à Keroman qu’il réalisera 14 ans plus tard.
La construction du frigorifique débute à Keroman en mai 1919. L'édifice, érigé par la compagnie Sulzer, doit répondre à quatre besoins : la fabrication de la glace, sa distribution et sa conservation ainsi que la congélation du poisson. Ces quatre usages sont bien lisibles sur les façades. Pour contenir le froid, les murs extérieurs sont faiblement percés. De simples fentes aux allures de meurtrière ponctuent les trois premiers étages réservés au stockage et à la congélation. Le dernier niveau concentre le lieu de production. Il est éclairé par des ouvertures ne devant pas dépasser 3 m2. Quatre ascenseurs extérieurs facilitent l’accès aux étages quand les portes du rez-de-chaussée s’ouvrent sur les frigos loués aux pêcheurs. La salle des machines et ses annexes jouxtent le bâtiment. La face, côté bassin et criée, est réservée à la distribution.
Vue du port de Keroman, à droite la glacière. Carte postale. Musée de Bretagne : 993.0133.2094.
Vue du port de Keroman, à droite la glacière. Carte postale. Musée de Bretagne : 993.0133.2094.
Le bâtiment s’ancre sur un soubassement de voûtes en béton et de piliers en moellons de granite posés sur le rocher. De cette assise, s’élèvent, sur cinq niveaux, les murs en maçonnerie de pierres enduites de ciment. Le béton armé est utilisé pour l'ossature intérieure quand les briques d'agglomérés isolées de panneaux de liège cloisonnent les salles prévues pour le stockage de 1 500 tonnes de glace et 2 000 tonnes de poissons. La toiture, à l'origine en shed couverte de tuiles, est remplacée en 1955.
La congélation n'est encore qu'à ses balbutiements. C'est le système du Danois Ottesen, testé en 1912, qui est retenu. « Dans des grands bacs à saumure, des séries de mouleaux sont remplis d’eau douce, puis réfrigérés à – 10°C pendant une douzaine d’heures. A l’aide d’un pont roulant, les rames de mouleaux sont soulevées puis démoulées sur une table. Les pains de glace de 25 kg ainsi constitués descendent aux niveaux inférieurs à l’aide d’un toboggan pour être soit stockés, soit concassés par les broyeurs. Cette glace pilée est acheminée sur tapis roulant vers les bateaux ou par wagonnet jusqu’aux halles et magasins des mareyeurs ».
Par jour, 120 tonnes de pains de glace sortent des mouleaux et, en une heure, est congelée 1,8 tonne de poissons. L’usine tourne en 3/8 parfois 7 jours sur 7. L'équipe, jusqu'à 70 personnes, travaille sous des températures oscillant entre -10° et -20° C. En 1970, la fabrication passe à 450 tonnes en barre ou sous forme de paillettes depuis 1965. La production de pain de glace cesse en 1991, les paillettes en 2005, date de la fermeture du frigorifique destiné alors à la destruction.
Ce grand et haut bâtiment gris a perdu la blancheur de ses origines et la noblesse d’une architecture industrielle aux airs d’art décoratif. Dans les étages, si la glacière se dégrade, elle conserve bien des traces de cette activité industrielle révolue dont la zone de production aux matériels encore présents. Elle ne laisse personne insensible. Pour les uns, la glacière est fascinante et offre ses surfaces au Street Art. Pour les autres, cet immeuble concentre deux logiques qui s’opposent : celle d’une part de sa conservation au motif de la qualité architecturale, au nom des valeurs d’ancienneté et d’une certaine importance historique ; celle d’autre part qui défend sa destruction au motif du développement économique portuaire.
Vue du port de Keroman, au fond la glacière. Carte postale. Musée de Bretagne : 993.0133.2102.
Vue du port de Keroman, au fond la glacière. Carte postale. Musée de Bretagne : 993.0133.2102.
Quinze années d’un avenir en suspens que sauveront peut-être des logiques environnementales plus prégnantes aujourd’hui, celle de la durabilité. « Si l’on sait les regarder, ces architectures partagent des capacités hors du commun : très solides, elles supportent des tonnes et permettent donc à peu près tout » expose l’architecte Philippe Prost au sujet de l’architecture industrielle et militaire. Et si, en cette année du centenaire, nous apprenions à la regarder…!?
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Auteur : Soazig Le Hénanff, « La glacière du port de pêche lorientais », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 7/05/2020.
Permalien: http://bcd.bzh/becedia/fr/la-glaciere-du-port-de-peche-lorientais
BIBLIOGRAPHIE :
Slipway – Glacière, Art et Histoire, Livret de l’exposition du même nom, Lorient, Édition Ville de Lorient, 2003.
Le Bouëdec Gérard et Le Brigand Dominique, Lorient Keroman, du port de la pêche à la cité du poisson, Rennes, Marines Éditions, 2015.
Le dossier documentaire sur la glacière de Keroman sur le site internet du service régional de l’Inventaire.
Deuxième étape de notre tour d’horizon estival des archives les plus utiles pour les recherches généalogiques : l’incontournable état civil, avec les registres paroissiaux.
Les actes d’état civil ou religieux sont au nombre de trois : naissance ou baptême, mariage, décès ou sépulture. Etablis en double exemplaire à partir de 1737 (un exemplaire conservé par le curé, un autre transmis au greffe), ils sont relativement bien conservés partout en France (à l’étranger, c’est une autre histoire), mais en cas de lacune de l’exemplaire unique (incendies, dégâts des eaux, disparitions…) avant 1737, il vous faudra vous avouer vaincu… ou vous tourner vers d’autres sources que l’état civil !
S’il n’est pas indispensable de retrouver ces trois actes marquant la vie d’une personne pour remonter de génération en génération, cela reste tout de même fortement conseillé, afin d’avoir la vision la plus complète de votre ancêtre, sans compter que chaque acte peut revêtir une mention inattendue et compléter des informations que l’on croyait déjà connaître. Le principe est très simple : il faut trouver les noms des parents d’un individu pour remonter une génération, puis pour chacun d’entre eux faire de même en retrouvant leurs actes de naissance, mariage, décès et leurs parents, etc.
On peut y trouver (selon les actes et les époques) :
L’acte le plus complet est l’acte de mariage, lui seul suffit pour faire votre généalogie, car il contient des informations à propos des deux époux (donc des deux parents d’un de vos ancêtres).
Bien évidemment, plus vous remonterez dans le temps, moins les informations seront précises. Si l’on peut pleinement se fier à un acte rédigé au XXe siècle (quoique l’exemple de l’acte de décès ci-dessous prouve le contraire), il faut rester prudent avec un acte du XIXe (prénoms confondus ou différents, orthographe incertaine, erreur sur un lieu ou un témoin) et utiliser son flair et son sens de la déduction pour ceux d’ancien régime (manque d’informations, par exemple pas de parents sur un acte de mariage, erreurs fréquentes sur les prénoms et les noms, âges approximatifs). Le véritable travail de généalogie se situe là : dans votre faculté à interpréter un acte, à le recouper avec d’autres, à le comparer avec d’autres actes rédigés dans la commune ou dans les communes alentours, parfois même sur d’autres familles, à votre esprit de déduction, à votre capacité à penser comme on pensait alors, quand les mœurs étaient différentes, que les impératifs religieux était omniprésents et que les mentalités différaient des nôtres ; mais aussi à vos connaissances historiques, régionales ou nationales.
Chaque région, voire chaque commune, étant différente, il serait impossible de passer en revue tous les cas possibles permettant de trouver un ancêtre manquant, seule l’habitude et la pratique peuvent permettre de le faire. N’oubliez jamais qu’une information trouvée (sur un arbre sur Généanet par exemple) doit être vérifiée par vos soins en consultant la source, c’est-à-dire l’acte original : la personne qui l’a publiée est certainement de bonne foi, mais elle a pu se tromper !
Avant la Révolution, nous l’avons vu, il n’y a pas de tables décennales et les actes sont souvent difficilement lisibles, soit parce que l’écriture ne correspond pas aux standards actuels, soit parce que le registre lui-même est abîmé (encre baveuse, tâches, encre effacée…), soit parce qu’ils sont rédigés en latin.
Les revendications égalitaires de 1789 ont apporté la promesse de l'émancipation… pour finalement mieux bâillonner les femmes.
«Les hommes ont fait le 14 juillet, les femmes le 6 octobre, écrivait Jules Michelet dans Les Femmes de la Révolution (1854). Les hommes ont pris la Bastille royale, les femmes ont pris la royauté elle-même.» L'historien fait ici référence à la marche des femmes sur Versailles les 5 et 6 octobre 1789. Les Parisiennes en colère étaient venues réclamer du pain; elles repartent avec la famille royale au grand complet.
Si elle se conclut par le retour du roi à Paris, désormais logé aux Tuileries, la marche du 6 octobre est surtout un symbole: celui d'une révolution égalitaire, où les femmes comme les hommes participent aux protestations, scandent les chants révolutionnaires et montent à la tribune. Tout un symbole. Mais à quel point est-ce représentatif de la réalité historique?
Ne crions pas victoire trop vite. Sous l'Ancien Régime, la France maintient les privilèges séculaires et, de fait, les vieilles inégalités héritées de la loi salique. À l'aube de la Révolution, ses institutions vacillantes continuent de se méfier des femmes. Ces dernières sont exclues de l'administration, du gouvernement et de l'appareil judiciaire; à quelques exceptions près, assemblées, tribunes et trônes sont couverts de mâles.
Les Lumières du XVIIIe siècle n'arrangent rien. L'humaniste Jean-Jacques Rousseau rabaisse la femme au rang de «moitié de l'homme». D'autres érudits justifient leur éviction de la vie politique en incriminant leurs soi-disant «tendresse excessive» ou «raison limitée». En ces temps prétendument éclairés, la femme n'est plus pécheresse, à l'image d'Ève, mais faible de corps et d'esprit.
Cette tyrannie masculine justifie l'engouement que provoque l'étincelle de la Révolution chez les femmes: enfin, l'occasion leur est donnée de repousser les frontières étriquées de leur condition! Rien de surprenant, donc, à ce que les sans-culottes au féminin soient d'abord émeutières, notamment lors des crises de subsistance qui secouent 1788 et 1789.
À Grenoble le 7 juin 1788, c'est une femme qui, en giflant le sergent Bernadotte, déclenche l'émeute retenue sous le nom de la «journée des tuiles». À Paris, les «Dames de la Halle» nourrissent le gros des troupes sans-culottes. Elles sont blanchisseuses, épicières, domestiques, marchandes ambulantes, fripières, mais toutes se retrouvent dans la cohorte des barricades. Leur enthousiasme suffit-il à arracher les droits qu'elles réclament?
Malgré ses prétentions égalitaires, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen exclut opportunément les revendications féministes. Même si les femmes participent activement à la vie politique, rejoignant les clubs et les salons révolutionnaires, elles n'ont toujours pas voix au chapitre. D'ailleurs, les tribunes des Cordeliers et des Jacobins leur sont toujours interdites.
C'est cette injustice qui poussera Olympe de Gouges à rédiger, en 1791, sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne… Elle y écrira notamment: «La femme a le droit de monter à l'échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la tribune.» Pour s'être hissée à la seconde, critiquant Maximilien de Robespierre et Jean-Paul Marat, elle passera sous le couperet du «rasoir national» en novembre 1793.
Dans une lettre rédigée en 1776, Madame Roland regrettait déjà ce que signifiait sa condition féminine. «En vérité, je suis bien ennuyée d'être une femme: il me fallait une autre âme, ou un autre sexe, ou un autre siècle. Je devais naître femme spartiate ou romaine, ou du moins homme français. [...] Mon esprit et mon cœur trouvent de toute part les entraves de l'opinion, les fers des préjugés, et toute ma force s'épuise à secouer vainement mes chaînes.» Il est des changements que l'on peine à provoquer.
Les rares qui s'aventurent dans les assemblées révolutionnaires se voient affublées, à partir de 1792, du surnom insultant de «Tricoteuses». On les imagine tricoter pendant que défilent les motions, sans doute pour incriminer le manque d'esprit inhérent à leur sexe.
Qu'ont donc gagné les femmes de la Révolution? Si l'émancipation tant attendue est loin de se matérialiser, cette défaite politique est éclaircie par quelques victoires sociales. Les règles de succession sont réformées en avril 1791: dès lors, garçons et filles jouissent des mêmes droits en matière d'héritage. La laïcisation du mariage, actée en septembre 1792, introduit la nécessité du consentement mutuel des deux conjoints, permettant d'entrevoir la fin des unions forcées. En outre, le divorce est légalisé –une arme qui sera en grande majorité mobilisée par les femmes pour se débarrasser d'époux abusifs, violents ou absents.
Ragaillardies, les militantes poursuivent la lutte dans les clubs où leurs idées trouvent un auditoire à leur mesure. Certaines oratrices se distinguent, à l'instar d'Anne-Josèphe Théroigne, dite de Méricourt, qui, le 25 mars 1792, prononce ces mots devant la Société fraternelle des Minimes: «Armons-nous, nous en avons le droit par la nature et même par la loi. Montrons aux hommes que nous ne leur sommes inférieures ni en vertus ni en courage. Il est temps que les femmes sortent de leur honteuse nullité.»
Malgré cet appel, on continue de leur refuser le droit de voter, d'intégrer la garde nationale ou de porter des armes: le sabre et le fusil restent des attributs mâles…
Trois ans après la Révolution, le statut des femmes n'a pas bougé d'un iota. Les préjugés toujours tenaces cristallisent le «sexe faible» en groupe soumis et peu éduqué. Toute femme dotée d'ambitions politiques fait figure d'hystérique, d'extrémiste, de «harpie» capable d'user de tous les moyens pour parvenir à ses fins. Pamphlets et tracts érotiques achèvent de bâillonner les militantes; la misogynie des tribunaux révolutionnaires n'épargne d'ailleurs pas la famille royale, puisque Marie-Antoinette est humiliée lors de son procès, accusée de relations incestueuses avec son propre fils.
Les femmes, toutes conditions confondues, voient leurs libertés s'amaigrir encore davantage au crépuscule de la Révolution. Le 30 octobre 1793, un député de l'Isère, Jean Pierre André Amar, déclare ainsi devant la Convention nationale: «Nous croyons donc qu'une femme ne doit pas sortir de sa famille pour s'immiscer dans les affaires du gouvernement […]. Leur présence dans les sociétés populaires donnerait une place active dans le gouvernement à des personnes plus exposées à l'erreur et à la séduction.»
Le même jour, les clubs féminins sont dissous. Seule une poignée de femmes hante encore les assemblées révolutionnaires et, courant 1794, certaines sont chassées à coups de verge des gradins de la Convention. Passés les ténèbres de la Révolution, le coup de grâce est porté par Napoléon. Promulgué en 1804, le code civil réduit les femmes à l'état de mineures et enterre définitivement toute promesse d'émancipation.
Geneanet vous propose tout l’été de faire le tour des principales sources archivistiques utiles aux recherches généalogiques. La première de toutes, ce sont les tables décennales de l’état civil.
Vous venez de commencer vos recherches généalogiques et après avoir écrit aux mairies et découvert vos arrière grands parents ou vos trisaïeuls, vous désirez commencer à fouiller dans les documents fournis par les archives départementales ? Les tables décennales vont vous faciliter la tâche. Présentation.
Historique
Les tables décennales (familièrement dénommées “T.D.”) résument le contenu des registres d’état civil (naissances, mariages et décès, divorces, reconnaissances d’enfants). Elles sont établies par tranches de dix ans, en fusionnant toutes les années. Les tables décennales ont été créées par l’Administration Révolutionnaire en 1793. Très lacunaires pour la première période 1793/1802, elles sont consultables partout dès 1803.
Au début notamment, ces tables sont souvent par ordre chrono-alphabétique (à l’intérieur de chaque lettre de A à Z, les actes sont référencés de façon chronologique), et parfois elles ne fusionnent pas les dix années mais récapitulent année par année les actes enregistrés. Pour les périodes les plus récentes elles sont par ordre alphabétique complet. Elles reprennent la logique des registres : tables décennales des naissances, des mariages, des décès.
Bon à savoir :
L’index annuel : en même temps qu’étaient instaurées des tables décennales, établies sur des feuillets séparés des registres, un index similaire était établi année par année à la fin de chaque registre de naissance, mariage ou décès. En l’absence de tables décennales, celui-ci permettra malgré tout une recherche rapide. Le plus gros inconvénient, c’est qu’il faut d’abord le retrouver, et que parfois, sur les registres pré-imprimés, aucun emplacement n’a été laissé pour un index : celui-ci est donc écrit en tout petit dans un coin, faute de place, ou au milieu des caractères d’imprimerie non remplis.
Ancien Régime : concernant l’Ancien Régime on trouve parfois, au gré de ses recherches et notamment pour les communes de taille importante (par exemple Bourges ou Strasbourg), un équivalent des tables décennales sous forme de répertoire des actes enregistrés, bien utiles pour ces périodes antérieures à l’état civil
Avantages
Les tables décennales sont très utiles au chercheur, puisqu’en quelques dizaines de minutes il peut relever tous les actes concernant le même nom de famille (il peut donc bien sûr y avoir des noms similaires pour des familles différentes mais cela reste très utile), et consulter ensuite les registres correspondants. Cela permet de recenser tous les enfants d’un couple très rapidement, ainsi que de retrouver en quelques secondes un mariage ou un décès.
Lors de ses recherches, on se retrouve donc à effectuer un aller-retour incessant entre les tables décennales et les registres, le contenu des actes donnant de nouvelles informations que l’on retourne chercher dans les tables.
On peut ainsi, si la famille est restée dans la même commune, remonter en deux ou trois heures sur une centaine d’années, ce qui équivaut à trois, quatre ou cinq générations.
Plus la commune est grande, plus l’utilité de ces tables est incontestable.
Inconvénients
Abréviations dans les dates souvent illisibles, fréquence du “dito” représenté par un d°, ou simple trait… ou rien du tout.
Risque élevé de confusion avec les abréviations des mois : 7bre (septembre confondu avec juillet), 8bre (octobre confondu avec août), 9bre (novembre confondu avec septembre) et Xbre (décembre confondu avec octobre)
Erreurs possibles dans les relevés des actes ! Oublis pur et simples, dates mal lues et erronées, prénoms tronqués, cela arrive et si l’on ne trouve pas ce que l’on cherche, il peut ne pas être inutile de vérifier quand même les registres entiers.
Dates des actes parfois remplacées par les numéros de page figurant sur les registres
Pour les mariages, absence de classement par nom de l’épouse, parfois même absence totale de son nom.
Les promesses de mariage ne sont pas indiquées : si vous ne trouvez pas un mariage, n’oubliez pas qu’il y a de fortes chances qu’il soit mentionné dans le registre complet, après les mariages, dans les promesses de mariage. Les promesses de mariage étaient enregistrées à la fois dans la commune de l’époux et dans celle de l’épouse, avec bien entendu la provenance de chacun des deux époux, on comprend vite la grande utilité de celles-ci !
Une patiente toulousaine a remporté son combat judiciaire contre le laboratoire Merck dans l'affaire du Levothyrox, rapporte France Bleu Occitanie mardi 18 juillet. Le 11 juillet dernier, le tribunal judiciaire de Toulouse a condamné le laboratoire à indemniser la plaignante durant les six premiers mois de la commercialisation de la nouvelle formule du médicament, pour préjudice corporel. Selon son avocate, maître Stella Bisseuil, il s'agit d'une première dans cette affaire.
L'affaire du Levothyrox résumée en sept actes
Le Levothyrox - médicament commercialisé par le laboratoire Merck pour lutter contre des troubles de la thyroïde - a changé de composition en 2017. La nouvelle formule avait donné lieu à plusieurs procédures judiciaires. De nombreux patients s'étaient, en effet, plaints d'effets secondaires. En juin 2020, le laboratoire avait été condamné à verser 1 000 euros à chacun des 3 300 plaignants pour préjudice moral et pour défaut d'information sur la nouvelle formule.
Des souffrances endurées "pendant des mois"
L'avocate, qui représente près d'une cinquantaine de plaignants de la région toulousaine, explique : "Nous n'avions jamais réussi jusqu'à présent à obtenir l'indemnisation des souffrances endurées pendant les six mois durant lesquels il n'existait pas d'alternative thérapeutique à ce médicament".
Elle rappelle que "des personnes ont souffert de crampes, de maux de tête, de prise de poids, de perte de cheveux..." Et que "grâce à une expertise de deux médecins endocrinologues", sa patiente "qui ne prenait rien d'autre comme médicament que du Levothyrox, s'est vue reconnaître le préjudice corporel subi, avec une indemnisation de quelques milliers d'euros".
Contactée par France Bleu Occitanie, la patiente toulousaine (qui souhaite garder l'anonymat) se dit "contente de ce jugement, de cette reconnaissance". Elle raconte avoir souffert pendant des mois de "maux de tête, de ballonnements, de grosse fatigue, de prise de poids". La plaignante, qui a touché moins de 5 000 euros, juge cette somme trop faible et confie qu'elle espérait "une indemnisation plus élevée".
Le laboratoire mis en examen en octobre 2022
De son côté, Stella Bisseuil espère que "la reconnaissance de ce préjudice corporel finira par faire jurisprudence" et ajoute que le laboratoire Merck peut encore faire appel de la décision. En octobre 2022, Merck, le laboratoire, a été mis en examen pour "tromperie aggravée" et placé sous contrôle judiciaire. Dans la foulée de la mise en examen du laboratoire, en décembre 2022, l’ANSM (l'Agence nationale de sécurité du médicament) a, à son tour, été mise en examen pour "tromperie".
The modest single-story houses that define the heart of this French city have a mixed reputation, but modern buyers have rediscovered their charms.
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Feargus O'Sullivan
24 mai 2023 à 09:00 UTC+2
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(This article is part of Bloomberg CityLab’s ongoing series exploring the iconic home designs that shaped global cities. Read more from the series and sign up to get the next story sent directly to your inbox.)
If you traveled back in time 50 years to tell residents of Bordeaux’s échoppe houses that their streets would one day become world heritage monuments, they would probably be flabbergasted.
Small, often single-floor houses that form a belt around Bordeaux’s historic heart, these modest limestone homes built for the city’s working class long struggled with a reputation for shabbiness, dinginess and provinciality. Even today, the streets lined by échoppes can seem treeless and deserted. And despite being located as they are in a city which (its outsized role in French history and culture notwithstanding) is only mid-sized — they are also disconcertingly low-slung by the standards of urban France.
relates to How the Low-Rise Échoppe Homes of Bordeaux Went Upmarket
A terrace of Échoppes in Bordeaux, on May 14.
Photographer: Nathan Laine/Bloomberg
In recent decades, however, these products of Bordeaux’s late 19th and early 20th century expansion have become not just sought after, but even objects of adoration for a local cult of devotees. In 2007, they became part of the largest urban World Heritage Site when Unesco designated Bordeaux’s so-called Port of the Moon. But it’s not just the échoppes’ charming stone ornament that appeals, or the fact that their usually bare frontages hide lushly planted gardens behind. It’s also because, in a world engaged in heated debate over the future of urbanism, they show that low-rise single-family homes can in fact be compact, support a high population density and even be relatively sustainable.
Escape from the Country
The origins of these houses could hardly more humble. While the name échoppe (meaning booth or stall and related to the English word “shop”) originally referred to medieval workshops built leaning against the walls of French towns, Bordeaux’s little houses are actually a relatively new phenomenon. They started appearing around 1850 to house arrivals from the countryside, during a period when Bordeaux, now France’s sixth -largest city, was booming.
Industrialization was providing new jobs, freeing the city from its previous heavy reliance on the wine trade and shipping. Grasping what was likely their first chance to escape rural toil, farm-working families moved to the city, often to new neighborhoods of single-story houses going up just beyond the line of Bordeaux’s old walls.
These houses weren’t low because the law required it — the typical échoppe is even lower than municipal height restrictions — but because their occupants’ cultural habit in the countryside was already to live in low, cottage-like buildings. Land was also not developed with notable intensity because the emergence of economic alternatives to vine-growing had made the price of farmland drop.
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Illustrator: Josh Kramer/Bloomberg CityLab
Furthermore, Bordeaux lacked the big construction companies active in other French cities, meaning that landowners and developers tended to be small-scale entrepreneurs who sold their land in small plots. These plots’ size meant that — on the street at least — owners built their houses right up to one another’s boundaries, creating the impression of row houses even though each house tended to be built separately.
These small plots still left room for some green space. Bordeaux’s new residents were used to growing some of their own food and therefore needed working gardens. The typical historic term for the green patch behind an échoppe is thus not jardin (garden), but potager, a place to grow ingredients for potage, or soup.
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Narrow frontages unexpectedly cede to a seemingly ever-expanding space behind.
Photographer: Nathan Laine/Bloomberg
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On average the rear gardens make up 30% of the property.
Photographer: Nathan Laine/Bloomberg
In their most basic form, these houses were very small. So-called “single” échoppes, featured just three rooms grouped along a corridor. These consisted of a bedroom or workshop at the front, a kitchen/dining area at the back and, sandwiched in between, a pièce noire — a room without windows used either for storage or as a lightless bedroom. At the back lay the garden. Given the period’s large family sizes, these houses must have been very cramped and, in their windowless room at least, poorly ventilated and a little damp.
The Échoppe Goes Upmarket
Many échoppes nonetheless had a more generous floor plan. Frequently they got extra room from being raised above a basement — sometimes with small windows high up the wall to make them habitable and sometimes with just metal flaps onto the street so that they could be filled directly with coal or wood. Bordeaux also produced more spacious “double” échoppes, as shown in this article’s main photo and illustration, where rooms flanked both sides of a central corridor. In these, the rear dining space expanded to become a generous salon, with a veranda and possibly a scullery and toilet pushing out into the garden.
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Front doors traditionally have an external curtain to protect the wood from rain.
Photographer: Nathan Laine/Bloomberg
As the housing type came to dominate the city’s output, échoppe designs expanded yet further to increasingly cultivate a bourgeois customer. Builders would sometimes build an extra floor with bedrooms facing only to the back — creating homes that still look cottage-like on the street side but actually have tiers of broad verandas as the back.
This steady expansion of the template gave the échoppes one of their key characteristics: their sense of introversion, where low, narrow frontage unexpectedly cedes to a seemingly ever-expanding space behind. Likewise, the shuttered calm of the bedrooms at the front — their silence and privacy emphasised by the traditional external curtain over the front door to protect the wood from rain — gave way to the more heavily used, spacious quarters at the back. Altogether, this gives a strange but pleasing impression that the houses are actually larger inside than out.
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Wealthier residents returning to the fringes of Bordeaux’s old town have gentrified what were once working-class homes.
Photographer: Nathan Laine/Bloomberg
That doesn’t mean that their facades are necessarily self-effacing. The front doorways and windows of échoppes are highlighted by extremely graceful, varied decoration, a language of scrolls, crests, vines and garlands all picked out in honey-colored limestone. These details run a stylistic gamut from neoclassical and baroque to Art Nouveau and Art Deco, but because the buildings’ height and stone type remains very similar they stay in harmony, making every house seem both a non-identical twin with its neighbor and an enchanting discovery. These affordably carved ornaments may not have improved conditions behind the facades, but they are still a joy, their occasional streaks of grime only serving to further contour each swag and pilaster into deeper relief and greater romantic charm.
A Byword for Banality
The design nonetheless clearly had flaws. The pièce noire quickly developed a reputation for damp, ill-ventilated darkness. While the lightless room was no problem for a family able to use it as storage space, poorer workers were obliged to use it as a bedroom. When several people had to cram into these small spaces, it’s no wonder they developed a reputation for squalor. At the same time, the absence of clearly determined uses for the rooms gave them the advantage of flexibility, one reason why échoppes continued to be built until World War II.
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The houses have become not just sought-after, but even objects of adoration for a local cult of devotees.
Photographer: Nathan Laine/Bloomberg
Their history since then will be familiar from many other older cities globally, according to Chantal Callais, researcher at the Bordeaux School of Architecture and the author of a book on Bordeaux’s échoppes. “Rejected in the 1950s, they were then deserted by workplaces,” she told Bloomberg CityLab by email, “before they came to interest the privileged classes from the 1980s. Finally, society distinguishes them by granting them heritage status in the 2000s.”
In the postwar period, the authorities thundered against their dingy provinciality. “The typical échoppe is a building with its entire central part unsanitary” complained Bordeaux’s Inspector of Urbanism in 1953. “Part of its rear facade is suffocated by the veranda, which was very popular in the last century, in defiance of all rules of hygiene.” Not only was the design flawed, the endless low rows of houses were banal, “without character or passion.”
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Internal layouts can be changed with relative ease as there are no load-bearing walls.
Photographer: Nathan Laine/Bloomberg
The échoppes nonetheless survived this period of official disapproval. Bordeaux didn’t experience much in the way of “slum” clearance, because French urban renewal tended to favor building housing projects on the city fringe rather than US-style demolition of central city areas. They also remained because — as Bordeaux’s own urbanism inspector had to concede — they were popular with the public. Nowadays, decades of gentrification have systematically divorced these homes from their working-class roots, as wealthier residents have returned to the fringes of Bordeaux’s old town attracted by the échoppes’ singular compromise: the historic appearance and walkability of old Bordeaux, matched in streets without through-traffic or many shops, with the relative quiet and privacy of the suburbs.
A Template for Gentle Density?
The échoppes survived in large numbers because they are so flexible. Within the houses’ encasing stone shells, there are no load-bearing walls, so the layout can be changed with relatively little effort. This means that, in order to make the plan work for modern life, the pièces noires are increasingly knocked through to create larger living rooms, equipped with skylights or clerestory windows to let light in via other rooms.
Cellar spaces, meanwhile, can be reclaimed and integrated as bathrooms, workshops or even bedrooms, turning the house into a souplex, a nationally popular kind of duplex conversion in which (often somewhat dingy) bedrooms are located in a basement under the main living space. In Unesco-protected areas, it has now become difficult-to-impossible to add floors visible from the street, but squaring off the roof at the back to create a large upper floor under the eaves is still common.
The échoppe districts are also pretty dense — certainly far more so, says Callais, than the suburban areas where other single-family homes are found. While Bordeaux’s suburbs have a rough average of just 10 homes per hectare, the city’s streets of échoppes have 60 to 100 per hectare. Their environmental performance isn’t bad either.
“While their thermal efficiency deserves to be improved, the houses themselves have good assets,” says Callais. “They are insulated by their neighbors, the stone has good thermal inertia and the traditional verandas can play the role of buffer space between the inside and the outside, or be transformed into bioclimatic greenhouses when their orientation lends itself to it.”
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The belt of échoppe homes around Bordeaux’s historic heart form part of the “Port of the Moon,” Unesco’s largest urban World Heritage Site, so called because of its crescent shape.
Photographer: Nathan Laine/Bloomberg
While suburban housing is a “great predator of fertile land that induces excessive car use,” the échoppes also have ample green space, their treeless frontages giving way to “islets with a green, silent and permeable heart, making up 30% of the home’s footprint on average.” The neighborhoods populated with these houses thus arguably fit the definition of “gentle density” — areas of low-to-mid-rise homes that manage to balance a residential character and some degree of green space with a fairly high concentration of residents.
This shouldn’t lead one to eulogize these houses uncritically. Their current desirability has very much been bought at the expense of their affordability. If the échoppes had remained as low-prestige, low-income housing, their tenants would likely have lacked the funds to convert them into the more light-filled, less cramped homes they are today.
These externally delightful and internally practical houses still carry possible lessons for the future. Aside from their charm, they show that you can have “suburban” characteristics — lush gardens, your own front door — without huge, greedy home footprints that encourage sprawl, and without tethering people entirely to their cars.
Feargus O'Sullivan is a writer for CityLab in London, focused on European infrastructure, design and urban governance. @FeargusOSull
Les pérégrinations de Kat dans le monde de Piwigo, de sa grande découverte en 2016 à ses nombreux albums et forks en tout genre... - Par Katryne.
Piwigo, je suis tombée dedans en 2016, quand Google a sabordé Picasa, pour promouvoir son service Google Photos. J'ai découvert alors la possibilité d'un album photo en ligne qui serait tout à moi, sur mon hébergement et sous licence libre : Piwigo. En fait, Piwigo fut une révélation : il a initié ma dégooglisation et dans la foulée, mon détachement de TOUS les réseaux sociaux. Piwigo m'a libérée et, comme Renaud l'a presque chanté, je suis maintenant un réseau social à moi toute seule. Et un ayatollah du logiciel libre.
Au départ, j’avais un peu d’appréhension, car jamais encore je n’avais créé de site web avec base de données : ceux que je pratiquais tournaient avec des fichiers texte ou du Sqlite et je faisais mes albums photos avec MiniGalNano de Seb Sauvage. Et puis, un jour, MiniGalNano n’a pas suivi l’évolution technologique des serveurs où j’hébergeais mes sites. Ce fut temporaire, le retard fut comblé rapidement. Mais entre temps, j’avais découvert Piwigo. De prime abord, j’eus l’impression d’un produit très technique, surtout destiné aux professionnels : des photographes qui présentaient leur créations sur fond noir, avec une foule de méta-données sur le matériel, les conditions de la prise de vue etc. Un peu austère, quoi. Pro, mais austère. Et puis, en explorant les sites des membres du forum, je me suis aperçue qu’il y avait autant d’usages Piwigo que d’utilisateurs.
Certains créaient des Carnets de voyage, avec autant de textes que d’images, lesquelles étaient géolocalisées sur de grandes cartes. D’autres un site pour un événement particulier (mariage, cousinade, festival …) que les participants pouvaient abonder. Un club de randonnée publiait les balades de chaque semaine, avec photos, commentaires, et tracés GPX, comme ici. Des artistes, peintres, céramistes, grapheurs, acteurs en faisaient leur dossier de presse (press-book in the text). Et puis, j’ai découvert que des organisations utilisaient Piwigo pour gérer leurs ressources iconographiques et faire leur promotion : offices de tourisme, villes, universités …
J’ai plongé dans Piwigo. En même temps pour mes usages familiaux et pour ceux de notre association d’histoire locale. Le premier Piwigo de l’association comporte désormais 4000 documents dont 500 pdf. Et le reste en photos. C’est devenu le centre de documentation historique du village. Et les documents sont utilisés sur les autres sites de l’association et ailleurs, bien sûr. Il a contribué à la notoriété du village. Un Piwigo spécial a été imaginé pour présenter 800 cartes postales anciennes de la vallée : descriptions, commentaires, géolocalisation et comparaison avant/après avec des photos d’aujourd’hui. Et comme Piwigo est relativement aisé à styler, son css est assorti à celui des autres sites.
Notre Piwigo familial raconte quelques voyages bien sûr. Mais c’est aussi maintenant le media de partage, au sein de notre grande famille, pour le contenu de tous nos vieux albums de photo. Vous savez bien, ces merveilles reliées de cuir avec des ferrures argentées qui remontent pour certaines à 1880 … et qui sont disséminées aux 4 coins de la France. Nous pensons que chacun des cousins est en droit de connaître toute l’histoire de la famille, même si les documents sont chez l’un ou chez l’autre. Et Piwigo va nous y aider.
Vous voyez bien que je ne suis pas de l'autre siècle, mais de celui d'avant encore...
Concrètement, comment fait-on ?
Outre des applications de tierce partie, Piwigo propose 2 systèmes différents de chargement des photos sur le site.
Avantages :
• Parfait pour les grandes galeries
• Convient pour le chargement de fichiers autres que photographiques
• Liberté dans la création de répertoires sur votre serveur
Inconvénients :
• Savoir préparer ses photos avant une publication pour le web
• Aucune flexibilité pour renommer/déplacer vos photos et albums
• Utilisation d'un logiciel de transfert FTP
• Obligation de synchroniser Piwigo avec vos publications
Avantages :
• Pas de logiciel supplémentaire à installer sur l’ordinateur
• Publication instantanée
• Toutes options disponibles pour modification, déplacement, renommage etc
• Téléversement de plusieurs images en une seule fois
Inconvénients :
• Ne permet pas d’uploader d’un coup une arborescence de répertoires
Moi, j’utilise le Piwigo uniquement depuis l’interface web : tout peut se faire via le web, je vous dis, dans jamais avoir à utiliser le FTP, sauf pour l’installation initiale. Et les sauvegardes, bien sûr.
• L’administration générale du site
• Le téléversement des items
• La modification en ligne des fichiers image : orientation, recadrage, renommage, remplacement, saisie de leur description et autres informations
• La mise à jour du core, des plugins et des thèmes
• la recherche, l’upload, l’installation, l’édition des plugins.
• La personnalisation sécurisée des fichiers du CMS, du css, des chaînes de langue via le plugin Local Files Editor. En effet une configuration locale est réalisée à partir de l’administration. Elle surchargera les fichiers originaux sans être impactée par les mises à jour du core, des plugins, des thèmes.
Piwigo bénéficie d’un excellent suivi technique, ce qui n'est pas si courant pour un logiciel libre, car son créateur Pierrick Legal, un Breton de Nantes qui a imaginé ce CMS il y a 20 ans, s’est entouré d’une belle équipe de développeurs et il en vit.
Comment peut-on vivre d’un logiciel libre ? En créant en parallèle un service d’installation hébergée de Piwigo avec assistance pour qui préfère se consacrer au contenu et ne pas s’embarrasser de la problématique technique. Au démarrage, il y avait surtout des clients amateurs, des particuliers, mais la proportion s’est nettement inversée au fil des années et la majorité de la clientèle du Piwigo hébergé est aujourd’hui constituée de professionnels et d’institutionnels.
Les forums français et anglais sont très animés, très réactifs, les solutions viennent autant des pros que des amateurs.
Si je voulais en faire l’effort, je pourrais presque n’utiliser que Piwigo pour ma présence sur le web. Ce demanderait juste un peu d’organisation, car il existe de nombreux moyens d’y publier aussi du texte : Descriptifs et commentaires bien sûr, mais aussi ces pages additionnelles que l’on peut associer à certains albums, et qui sont aussi accessibles par le menu. Et ce plugin de blog. Voyez cette page, qui vient en appui d'un album sur ce chalutier : Ducouëdic . On peut y faire une mise en page honorable, non ?
Je suis une passionnée, une fan de Piwigo, vous l'avez compris. Ce qui m'empêche pas mes quelques réticences, commentaires et critiques. Vous savez bien que j'ai toujours quelque chose à redire.
• Si le webmestre prévoit la possibilité de plusieurs tailles d'image, le site peut devenir très lourd et exploser le quota d’hébergement. Car Piwigo ne redimensionne pas l’image pour l’affichage : il crée de nouveaux fichiers dès qu'un format nouveau est demandé par un visiteur. Des fonctionnalités de purge sont prévues, mais il ne faut pas se laisser déborder.
• De récentes évolutions de Piwigo ont été axées sur l’apparence de l’administration pour du plus joli, mais, à mon sens, plus futile. Et cela a entraîné la disparition de fonctions bien pratiques. Et puis moi, le look côté admin, c’est pas ma priorité. Je souhaiterais que les évolutions futures mettent plus l'accent sur l'expérience utilisateur, côté public. Je sais bien que les geeks aiment travailler dans un environnement qui leur est agréable, mais quand on publie, c'est pour le public, non ? C'est lui qui doit être prioritaire.
Gestion des albums : bon, d'accord, c'est joli ...
• Il existe fort peu de thèmes adaptatifs, responsives, tous écrans, quoi.
• Le SEO et les normes W3C ne sont pas actuellement la priorité des développeurs. Parait que c'est un concept de web année 2000, pas adapté à un album photo ... Par exemple les titres Hn qui doivent structurer une page web sont laissés à la libre interprétation du créateur de thème. Qui s'en sert au petit bonheur la chance pour le style au lieu du fichier de css. Les Hn, c'est pour la structure, que diable et le css pour le style !!!
• La politique de référencement est axée sur le partage, par les réseaux sociaux, Et ça, c’est pas ma tasse de thé, mais je l'ai déjà dit... Enfin, chacun son truc, je suis pas sectaire.
• Piwigo est codé par une équipe française, mais son développement est en anglais, sa communication est prioritairement en anglais. Quand on cherche Piwigo, on atterrit sur le site en anglais, avec le lien "Piwigo existe aussi en français". Because, mondialisation oblige, la majorité de l'audience est anglophone. Du coup, les francophones font parfois figure de public de seconde zone, que l'on sert en second. Ce qui justifie ma (légère) collaboration comme traducteur : c'est d'anglais au français que je traduis chaînes de langue et éléments de communication. C'est un comble pour un produit franco-français. Enfin peut être un peu breton aussi, si l'on admet que Nantes se trouve en Bretagne. C'est pour ça qu'on y cause surtout grand-breton ?
J'essaye de participer un peu à l'évolution, dans les limites de mes capacités techniques qui sont, comment dire, ben oui, un peu limitées. J'y suis donc un peu traducteur, j'ai aussi accès au wiki, théoriquement pour relecture et correction. Et surtout, je campe littéralement sur les 2 forums, je mets mon grain de sel partout. J'explique ce que je veux faire, comment et pourquoi, et je demande de l'aide pour y parvenir. Avec une régularité de métronome, je remets sur le tapis mes requêtes, certains diront mes obsessions, espérant peut-être qu'elles seront un jour intégrées dans le développement. J'aide les autres aussi, avec mes mots de bécassine, car j'ai rarement le vocabulaire techno. J'ai même fait une fois un signalement sur le Github du Piwigo. Vu l'effort que ça m'a demandé, c'est dire si le détail exposé m'importait...
Quelques liens intéressants au passage ...
Une interview de Pierrick sur Framablog à l'occasion des 20 ans du projet cette année
Présentation de Piwigo par Piwigo
Le forum francophone
Le forum anglophone
crédit photo : Katryne
Bruxelles a adopté lundi 10 juillet un nouveau cadre légal pour permettre le transfert des données personnelles de l'Union européenne vers les États-Unis, un dispositif crucial pour l'économie numérique après des décisions de la justice européenne ayant invalidé les précédents.
Publié le : 10/07/2023 - 19:48
« Le nouveau cadre UE–États-Unis de protection des données personnelles garantira la sécurité des flux de données pour les Européens et apportera une sécurité juridique aux entreprises des deux côtés de l'Atlantique », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans un communiqué.
Les deux dispositifs précédemment mis en place pour permettre aux entreprises de transférer ces données des Européens vers les États-Unis avaient été invalidés en raison de craintes d'une surveillance par les services de renseignement américains. Ces recours devant la Cour de justice de l'UE avaient été introduits par le militant autrichien pour le respect de la vie privée, Max Schrems.
Lundi 10 juillet, il a annoncé saisir à nouveau la justice, estimant que le nouveau texte n'apportait pas d'amélioration en matière de protection des données personnelles des Européens. « Nous avons déjà dans les tiroirs des options pour un nouveau recours, bien que nous soyons fatigués de ce jeu de ping-pong juridique. Nous nous attendons à ce que l'affaire soit de nouveau devant la Cour de justice au début de l'année prochaine », a déclaré Max Schrems.
Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a reconnu qu'il s'attendait à de nouvelles batailles judiciaires. « La saisie de la Cour de Justice semble être une partie du modèle économique de certaines organisations de la société civile », a-t-il raillé, dans une allusion au Centre européen pour les droits numériques (Noyb) du militant autrichien.
La mise en place d'un nouveau cadre est essentielle pour les géants du numérique comme Google, Meta et Amazon qui déploraient le manque de règles claires en matière de transfert de données entre les deux rives de l'Atlantique. Meta s'est notamment vu infliger fin mai une amende record de 1,2 milliard d'euros pour avoir enfreint les règles européennes de protection des données avec son réseau social Facebook.
En juillet 2020, la justice européenne avait conclu que le « Privacy Shield » utilisé par les entreprises américaines ne protégeait pas de possibles « ingérences dans les droits fondamentaux des personnes dont les données étaient transférées ».
Depuis lors, les entreprises avaient recours à des solutions juridiques alternatives, à la légalité plus incertaine, pour continuer ces transferts, dans l'attente d'un système plus solide et pérenne.
Ursula von der Leyen et le président américain Joe Biden avaient trouvé un accord de principe en mars 2022 sur un nouveau dispositif légal, censé répondre aux préoccupations exprimées par la justice.
Un engagement sans précédent
Le nouveau cadre juridique européen met en application cet accord. Il prévoit des garde-fous supplémentaires pour que l'accès des agences américaines de renseignement, au nom de la sécurité nationale, à des données recueillies en Europe et transférées ou hébergées aux États-Unis, soit limité à ce qui est « nécessaire » et « proportionné ».
Le texte ouvre aussi une possibilité de recours aux ressortissants européens s'ils considèrent que leurs données personnelles ont été illégalement collectées par les renseignements américains, leur permettant d'obtenir, le cas échéant, la suppression ou la correction de ces données. « Les États-Unis ont pris des engagements sans précédent », a estimé Ursula von der Leyen.
Les acteurs du numérique ont salué cette annonce. « Après des années d'attente, les entreprises et les organisations de toutes tailles des deux côtés de l'Atlantique ont enfin la certitude de disposer d'un cadre juridique durable qui autorise les transferts de données à caractère personnel de l'UE vers les États-Unis », s'est réjoui Alexandre Roure, le directeur des politiques publiques du CCIA, le lobby des géants de la tech.
« Les flux de données sont à la base des exportations de services de l'UE vers les États-Unis, qui s'élèvent à 1 000 milliards d'euros par an, et cette décision donnera aux entreprises plus de confiance pour mener leurs activités et contribuera à la croissance de nos économies », a commenté Cecilia Bonefeld-Dahl, de DigitalEurope, une autre organisation du secteur.
(Avec AFP)
Le billet d'humeur de Kat ! - Par Katryne.
Journaux et smartphone - crédit photo : Racool-Studio
Les nouvelles viennent en foule, beaucoup à la fois et de partout, elles viennent nous abrutir d'une cacophonie permanente où plus rien n'est hiérarchisé, plus rien ne fait sens. A côté des grands pourvoyeurs historiques d'actualités, (presse papier, audio-visuelle et leurs avatars multimédia) et des nouveaux acteurs professionnels tout numériques, chacun peut aujourd'hui y aller de sa petite news : un petit coup de blog, un joli tweet, un bon post Facebook bien envoyé, et toc ... un commentaire sur un forum, et des milliards de terriens deviennent producteurs de contenu. On ne lit plus que les titres et à peine : on partage.
Les grands comme les petits s'adonnent à cette passion toxique, sans peser l'importance de l'info, dans juger de sa pertinence. La quantité prime sur la qualité, dans l'objectif de ce nouveau capitalisme où la réputation se cote et se rémunère. Il n'importe pas d'être un expert, mais de faire un max de bruit et d'avoir un max de fans. C'est ça qui paye.
Comment surnager dans cette mer de (en 2 mots) nouvelles qui nous submergent
Quand un article de notre génial et satirique Gorafi peut être repris à l'identique dans les médias du monde entier qui se copient tous les uns sur les autres, sans honte et sans vergogne, comment les vrais consommateurs de pure info peuvent-ils trouver leur petits dans ce foutoir grouillant et bavard ?
Mais je ne suis pas sectaire et comprendrai que vous préfériez les flux ATOM.
C'est quoi ces trucs ? Oh, ce sont des formats de communication qui datent de l'an 2000, de belles antiquités à l'échelle de l'Internet. Et qui fonctionnent encore très bien.
Vous arrive-t-il encore parfois de voir dans la barre de votre navigateur une petite icône qui ressemble à ça ?
Cela signifie que le site que vous lisez propose ses actualités sous un format que vous pourrez lire ailleurs, dans un logiciel dédié, ou dans votre Thunderbird ou dans une section de votre navigateur. Cette liste d'actualités est mise à jour en temps réel ou selon un rythme que vous spécifiez. Et surtout tous ces flux RSS ou ATOM peuvent être assemblés, classés, au même endroit que les autres pour que vous puissiez vous constituer votre journal à vous, dont vous aurez choisi les sources, qui sera toujours à jour et dont vous pourrez aussi archiver les items ou les jeter à la poubelle. Ou même encore les commenter et les partager, si c'est votre truc, après tout. Puisque je vous dis que je ne suis pas sectaire.
Un clic sur l'icône et votre navigateur vous affiche une page avec les nouveautés du site telle que celle-là : Un beau jour... . Assez brute de décoffrage, il faut avouer. Mais tout y est avec les liens et les images s'il y en a. Certes comme ça, ce n'est pas très engageant, même si l'on recherche de l'info pure et dure sans chichi. Mais ce n'est pas destiné à être consommé tel que : on peut ajouter les flux à un lecteur. Le père de tous les lecteurs, à mon sens, c'était Google Reader. Un concentré d'efficacité, de fonctionnalité et d'ergonomie. Qui a disparu comme bien des merveilles de Google.
Car ce sont bien toutes ces Googleries au fil des ans qui nous ont guidés dans le monde mystérieux de l'internet, nous y ont appris à nous déplacer, échanger par mail, rechercher l'info, la gérer et en tirer profit.
Je ne dis pas là que Google serait un généreux philanthrope, puisque l'on devait bien troquer ces prodigieux services contre nos données persos ou notre attention pour ses pubs juteuses. Je dis que Google a popularisé l'Internet, l'a rendu plus aisé, plus accessible. Et si aujourd'hui Google passe au payant et nous laisse orphelins sur le bord du trottoir, ce n'est pas lui qui a trahi, c'est nous qui avons rompu le contrat avec les antipubs de nos navigateurs et nos législations protectrices des données personnelles. Notons que l'internaute basique n'avait jamais exercé réellement son libre arbitre dans cette histoire, ni dans la signature d'un contrat obscur, ni quand les législateurs on décidé pour lui ce qui est le mieux pour lui.
Donc, à l'époque où Google me tenait par la main dans mes vagabondages en pays d'Internet, j'avais le choix, pour étancher ma soif d'infos, entre le Google Reader et les Google Actualités. Les Actus me gavaient d'infos sélectionnées, prémachées, calibrées et adaptées à mon profil tel que défini par Mr Google, me laissant peu de marge de personnalisation. Et depuis 2005, le Reader de RSS produisait de l'info brute, intégrale, sans commentaire, exclusivement à partir de flux que j'avais choisis. Et que je pouvais classer, archiver, partager etc Vous avez déduit finement quel service avait ma préférence. Aussi quand Google Reader a disparu des écrans le 1er juillet 2013, je suis restée de nombreux mois à errer comme une âme en peine, à tester, à m'enquérir et à grincher sur les forums. Quand soudain de Framanews la lumière vint. Certes Framasoft avait prévu que son lancement coïnciderait avec la mort de Google Reader. Mais je ne l'ai pas vu sur le coup ou je n'ai pas su obtenir un compte de suite. Et ensuite ce fut le bonheur : je consultais mon compte Framanews depuis l'ordinateur ou le téléphone, exclusivement à partir de sources que j'ai sélectionnées, sans publicité et sans collecte de mes données personnelles. Et j'utilisais une solution LIBRE !
Mais j'ai pu faire plus fort encore. Plutôt que de dépendre encore d'une entité extérieure, fut-elle libre et généreuse, j'ai voulu installer sur mon hébergement une instance de TT-RSS, le logiciel lecteur de RSS utilisé pour Framanews. J'ai hésité quelques temps à passer le Rubicon pour cette histoire-là, parce que la présentation et le mode d'emploi, tout en Anglais, regorgeait de termes techniques, dans une expression volontairement hermétique destinée de toute évidence à décourager les béotiens. Avec toutes les 2 lignes un avertissement méprisant sur le thème : si vous n'avez aucune notion de ce qu'est le [$!*§#&], passez votre chemin, vous êtes trop nuls. Comme le ton et l'arrogance me déplaisaient fortement, j'ai voulu essayer par esprit de contradiction et j'ai réussi à l'installer ce fichu TT-RSS, non pas sur un serveur dédié, non pas en lançant des tâches CRON en ligne de commande, mais avec la technique imparable (ou impayable) à la Kat : par itération, en appuyant sur tous les boutons sans trop comprendre jusqu'à ce que ça passe. Et ça marche ! Faut-il qu'il soit bien foutu, ce logiciel.
Fin 2018, Firefox a supprimé le lecteur intégré de flux RSS (et la possibilité de s'y abonner facilement), ainsi que les marque-pages dynamiques. Ce qui coïncida justement et étrangement fort à propos avec une promotion appuyée de son service externe de marque pages Pocket. Il faudra alors s'en remettre probablement à des web-extensions pour le service des RSS qui jusqu'à présent était assuré en natif. Ça ne vous rappelle rien, ces services intégrés qui disparaissent juste au même moment que la mise en avant de services externes un peu gratuits mais c'est beaucoup mieux en version premium ? Depuis 2015, Pocket, ce service propriétaire racheté par la fondation Mozilla, est intégré par défaut à Firefox. On peut le désactiver, mais pas le désinstaller.
Au bout de quelques années, mon TT-RSS est devenu capricieux, et je n'ai pas eu les capacités techniques de le maintenir. J'ai cherché une solution de rechange. Alors je sais bien que Thunderbird propose un lecteur de flux sur le même modèle que son collecteur de mail, mais c'est pas pareil.
La solution que j'ai adoptée est une extension pour Firefox, mais aussi pour Chrome, Vivaldi, Brave et Edge. (Pas pour mon Firefox d'Android, hélas).
Feedbro me semble quasi parfait, me manque juste le partage vers mes Shaarli. Les modes de partage que Feedbro propose, outre l'email, ne passent que par les réseaux sociaux, et j'y suis allergique.
Technifree vu dans Feedbro
Find out what noreferrer, noopener, nofollow attributes are and if they affect your SEO performance
Are noreferrer and noopener attributes affecting my backlinks or outgoing links in terms of SEO?
Short answer: No
Noreferrer, noopener, and nofollow are not related to each other. Each attribute has its own purpose. Let’s look at what each is used for.
Noreferrer is related to analytics and tracking. The referrer value shows the previous page where a user came from. By using the noreferrer attribute on a link, you are preventing other pages from seeing that traffic came from a click on your link.
Example:
<a href="https://www.website.com" rel="noreferrer">Link to yoursite.com</a>
Impact on SEO: 0, but may impact analytics and tracking.
Noopener is related to security. It closes a browser security issue called reverse tab nabbing which lets an attacker have partial access to the previous page and is typically used when a link is set to open in a new tab with target="_blank".
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Lors de son allocution télévisée du samedi 24 juin, Vladimir Poutine a fait planer la menace d'une guerre civile pour la Russie. Alors que la négociation de sortie de crise avec Evgueni Prigojine n'avait pas encore eu lieu, il a attribué cette menace aux «traîtres» du Groupe Wagner, ainsi qu'à ce qu'il a qualifié d'«agression des néo-nazis et de leurs maîtres», se référant à l'Ukraine et aux pays occidentaux. Vladimir Poutine a continué son discours avec une référence historique frappante: 1917, soit la date de la révolution russe.
«C'est un coup de poignard dans le dos de notre pays et de notre peuple», a-t-il continué en faisant référence à la rébellion des mercenaires du Groupe Wagner. «C'est exactement le genre de coup qui a été porté à la Russie en 1917, lorsque le pays a participé à la Première Guerre mondiale. Mais la victoire lui a été volée. Les intrigues, les querelles, les politiques menées dans le dos de l'armée et du peuple ont abouti au plus grand des chocs, à la destruction de l'armée, à l'effondrement de l'État et à la perte de vastes territoires. Et pour finir, la tragédie de la guerre civile.»
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Sous la direction du régime des bolcheviques, la Russie se retire en effet de la guerre contre l'Allemagne, mais le pays plonge également dans une guerre civile. Le discours de Poutine illustre un outil prisé par le Kremlin pour asseoir son autorité en Russie et justifier son impérialisme à l'étranger: le cadrage historique. En rappelant la défaite militaire et la guerre civile qui ont suivi la prise de pouvoir par la force des communistes en 1917, Vladimir Poutine utilise l'histoire pour faire passer un message simple: moi ou le chaos.
Un soutien continu de la population russe pour l'invasion de l'Ukraine
Cette rébellion du Groupe Wagner est survenue alors que l'invasion de l'Ukraine par la Russie dure depuis plus de seize mois. Tandis que les preuves abondent en faveur de crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis par l'armée russe, et que la Russie se trouve plus isolée que jamais de la communauté internationale, une question demeure dans tous les esprits: comment se fait-il que les Russes ne se révoltent pas contre le régime de Poutine?
Quelques manifestations ont bien eu lieu à Moscou et Saint-Pétersbourg, mais ces dernières furent de petite envergure et l'opposition russe à Poutine cessa de se faire entendre quelques semaines après le début de l'invasion totale de l'Ukraine. D'après un sondage datant de février, plus de 70% de la population soutient l'invasion et ce niveau est resté stable depuis le début de la guerre. Les Russes qui vivent en Occident et donc hors du contrôle du Kremlin sont toujours aussi peu nombreux à dénoncer la guerre. Au contraire, on ne compte plus en Occident le nombre d'agressions de Russes contre des Ukrainiens.
Une partie de la réponse à ce mystère se trouve très certainement dans l'utilisation et la manipulation de l'histoire dont fait usage le Kremlin, en particulier centrée sur le rôle de l'armée russe dans la Seconde Guerre mondiale, afin de justifier son pouvoir autoritaire à domicile et ses interventions militaires à l'étranger. C'est la thèse d'un livre paru le 1er juin, qui étudie la «politique de la mémoire» du pouvoir russe: Memory Makers – The Politics of the Past in Putin's Russia de la chercheuse Jade McGlynn.
«L'appel à l'histoire» au cœur de la politique du Kremlin
En 2020, Vladimir Poutine introduit des amendements législatifs si importants qu'on peut considérer qu'ils forment une nouvelle constitution pour la Fédération de Russie. Si la plupart des observateurs ont déduit que cette nouvelle constitution permet à Poutine de rester au pouvoir jusqu'en 2036, Jade McGlynn note qu'«au cœur de cette constitution se trouve une codification du devoir de “défendre la vérité historique” et “protéger la mémoire” de la Grande Guerre patriotique, le terme de la Russie pour la guerre de l'Union soviétique contre les nazis de 1941 à 1945».
Quelques semaines avant le référendum constitutionnel de 2020, Poutine a donné une leçon en ligne pour marquer la Journée de la connaissance, quand les écoliers et étudiants retournent à l'école et l'université. Il a condamné les «collaborateurs de temps de guerre», expliquant pourquoi ceux qui «distordent» l'histoire –c'est-à-dire ceux qui s'écartent du narratif du Kremlin– sont les «équivalents modernes des collaborateurs nazis».
La «vérité historique» promue par le Kremlin est extrêmement sélective. Personne ne conteste l'immense courage et le sacrifice des soldats de l'URSS dans leur combat contre les nazis. Néanmoins, la version de l'histoire poussée par le Kremlin et ses médias met de côté:
le Pacte germano-soviétique de 1939;
le massacre de Katyn en avril et mai 1940;
la présence d'officiers nazis de haut rang invités à la parade militaire du 1er mai 1941 sur la place Rouge à Moscou;
la présence de 4 millions d'Ukrainiens au sein de l'Armée rouge lors du combat de l'Union soviétique contre les nazis;
les viols de masse de l'armée soviétique en Allemagne entre 1944 et 1948;
l'occupation brutale des pays d'Europe de l'Est par les Soviétiques après 1945.
Ces faits historiques avérés (non exhaustifs) ne font pas partie de la «vérité historique» codifiée dans la loi par le Kremlin car ils gêneraient les narratifs visant à défendre la grandeur de la Russie et en particulier de son État.
Les narratifs historiques flexibles du Kremlin visent à «créer une identité russe cohérente à partir du passé afin d'en tirer une légitimité politique dans le présent». La chercheuse explique que ces narratifs centrés autour de la victoire triomphale de l'Armée rouge contre les nazis lors de la Grande Guerre patriotique visent à promouvoir trois idées clés:
les bénéfices d'un État fort;
le chemin spécial de développement de la Russie;
le statut messianique de grande puissance mondiale de la Russie.
La justification pour ces trois idées clés vient de l'argument selon lequel les Russes patriotes ont accès «à une compréhension enrichie du monde, une conscience de leurs propres histoire et traditions qui les imprègne d'une connaissance privilégiée de comment le monde fonctionne».
Certains événements historiques tragiques sont aussi mobilisés, comme la guerre civile après la révolution de 1917 qui a été rappelée par Poutine dans son discours du 24 juin. La période chaotique à la fin de l'URSS dans les années 1990 a également été beaucoup mobilisée par le Kremlin. Les événements traumatiques (réels ou imaginés) de la dernière décennie du XXe siècle sont utilisés par le gouvernement russe pour illustrer les effets négatifs d'un État faible ou les conséquences désastreuses quand «la Russie essaie de suivre ou se voit imposée un chemin de développement étranger». Le Kremlin et ses médias remémorent la douleur de ces traumatismes pour «enseigner à une nation inquiète qu'elle ferait mieux de continuer à soutenir Poutine que de risquer de répéter le chaos qui était là avant».
L'appétit des Russes pour les narratifs patriotiques de l'histoire
La nouvelle constitution de 2020 n'est toutefois pas arrivée par hasard. Comme l'explique Jade McGlynn:
«Le gouvernement russe, les médias et –dans une certaine mesure– le public avaient soigneusement préparé le terrain pour [la nouvelle législation de 2020] très en avance, travaillant comme créateurs de mémoire pour pousser l'histoire au cœur de la culture politique et populaire russe. Les efforts qu'ils ont entrepris ont fait partie de l'“appel à l'histoire” du Kremlin, un terme qui dénote l'utilisation intensive et la propagation d'interprétations sélectives de l'histoire par le gouvernement pour définir ce que ça veut dire d'être russe, pour justifier son propre pouvoir et projeter son autorité à domicile et à l'étranger.»
La chercheuse note qu'en jouant sur la gratification émotionnelle liée au fait d'être constamment plongé dans des récits patriotiques de l'histoire, les médias du Kremlin utilisent la technique du «cadrage historique» pour rendre l'histoire pertinente aux personnes qui consomment ces médias maintenant, en prétendant que «les traumatismes désespérés et les triomphes euphoriques du passé sont en train d'être répétés en temps réel». Les médias liés au pouvoir russe jouent sur la satisfaction émotionnelle que permettent ces récits patriotiques sélectifs du passé afin de donner l'impression aux Russes qu'ils «participent, et même qu'ils reconstruisent, des épisodes héroïques du passé».
Contrairement à ce que pourraient laisser penser les propos de Vladimir Poutine en 2020, qui indiqueraient qu'il s'agit d'une approche extrêmement coercitive, Jade McGlynn insiste sur le fait que les tactiques employées par le pouvoir pour inculquer ces narratifs se sont appuyées sur «un véritable appétit du public pour une histoire plus patriotique». L'approche du Kremlin est plutôt «dialogique avec les besoins et demandes de la société». Le Kremlin s'appuie sur les narratifs populaires de l'histoire et ensuite «dévie ces narratifs pour ses propres besoins, plutôt qu'en imposant certaines vues en dépit des perceptions du public».
Une politisation de l'histoire de plus en plus forte en Russie depuis 2009
Dès 2009, le gouvernement russe a créé la Commission présidentielle de la Fédération de Russie de lutte contre les tentatives de falsifier l'histoire. En 2011 et 2012, après que des manifestations contre la corruption et les élections truquées dans les grandes villes russes ont secoué le Kremlin, le gouvernement a renforcé son utilisation de l'histoire afin d'accroître sa légitimité. Il «régula de plus en plus fortement les limites des souvenirs “acceptables”, avec certains sujets (en particulier la Grande Guerre patriotique) sacralisés au-delà de tout débat». Toute déviance des narratifs historiques promus par le gouvernement est ainsi devenue sujet de sécurité existentielle pour le pays.
2012 a vu la création de deux organisations influentes clés dans la défense des interprétations sélectives de l'histoire promues par le Kremlin: la Société historique russe (SHR) et la Société historique militaire russe (SHMR). Le rôle de ces organisations consistait à créer des expositions, des conférences et autres activités ayant trait à l'histoire, en particulier autour de la Grande Guerre patriotique. Jade McGlynn note que la SHMR «utilisait principalement de l'argent gouvernemental et suivait strictement les instructions du gouvernement mais se présentait comme une organisation non gouvernementale», donnant ainsi l'illusion que ces initiatives venaient de la société civile.
Ces lois pénalisent notamment «l'irrévérence envers les symboles de la gloire militaire russe, le fait de répandre des informations qui manquent de respect envers les jours fériés liés à la défense du pays».
La chercheuse explique que la SHMR est de loin «l'acteur le plus proéminent pour inculquer la mémoire culturelle approuvée du Kremlin auprès de la société populaire». Elle propage les narratifs historiques sélectifs du gouvernement russe «à travers une grande étendue de média populaires et des interfaces variées, s'assurant ainsi du déploiement réussi du narratif “unificateur” du gouvernement». Jade McGlynn insiste en particulier sur le rôle de la SHMR dans le financement de films de guerre russes mettant en avant la gloire de l'Armée rouge.
Les décrets de mai 2012 de Poutine ont entraîné une augmentation des budgets fédéraux pour l'«éducation militaire patriotique», qui ont doublé entre 2016 et 2020. Les initiatives issues de ce budget se concentrent sur «le passé en privilégiant l'apprentissage de l'histoire militaire et l'émulation des héros militaires du passé».
Depuis 2012, plusieurs dates commémoratives ont aussi été ajoutées au calendrier national, y compris le Jour du Souvenir des soldats russes tombés lors de la Première Guerre mondiale et le Jour des forces d'opérations spéciales, qui célèbre le rôle de ces forces dans la maintenance de la «gloire militaire» de la Russie. D'autres dates commémoratives ont été grandement étendues, comme la parade militaire du 7 novembre qui célèbre la bataille de Moscou. Cette dernière célébration triomphale met complètement de côté la «litanie de pertes» et de tragédies de 1941, causées par l'invasion nazie et «exacerbées par la magnitude du contrôle étatique staliniste».
Le gouvernement a également lancé diverses initiatives visant à rendre les narratifs historiques du Kremlin plus divertissants pour les jeunes. L'exemple le plus connu est celui de l'Armée de la jeunesse, établie en 2016 pour «entraîner les enfants à devenir de futurs soldats, et inculquer les valeurs de patriotisme, service national et respect pour l'histoire nationale et militaire».
Une autre organisation clé dans l'effort de promouvoir la vision de l'histoire du gouvernement est le projet Mémoire historique du parti Russie unie de Poutine. Les objectifs officiels de Mémoire historique consistent à restaurer des monuments historiques ainsi qu'à fournir des efforts de plus en plus importants pour l'«éducation patriotique» des jeunes, notamment en aidant les écoles à bien cadrer leurs programmes scolaires d'histoire. La plupart des activités de Mémoire historique se concentrent sur la Grande Guerre patriotique.
Une répression de plus en plus forte contre les analyses divergentes
Depuis 2012, le gouvernement russe a introduit une série de nouvelles lois visant à réguler strictement ce qu'il est acceptable de dire à propos de l'histoire. Ces lois qui enfreignent gravement la liberté d'expression ne sont malheureusement pas surprenantes une fois qu'on a compris, comme Jade McGlynn l'explique, que le Kremlin ne cherche pas à promouvoir une étude rigoureuse et scientifique de l'histoire, mais plutôt certains récits historiques soigneusement sélectionnés ou parfois inventés de toutes pièces, et qui permettent au gouvernement russe d'assoir sa légitimité.
Ces lois mémorielles sont définies de manière si large qu'elles «peuvent s'appliquer à presque tout le monde». Le caractère vague et arbitraire de ces lois «rend tout le monde nerveux, ce qui encourage les gens à faire très attention aux utilisations de l'histoire du gouvernement afin de s'assurer de ne pas enfreindre les nouvelles lois».
Ainsi, depuis 2012, certaines lois comme l'article 354 semblent s'attaquer aux réhabilitations du nazisme. Mais outre les propos pro-nazisme, ces lois pénalisent «l'irrévérence envers les symboles de la gloire militaire russe, le fait de répandre des informations qui manquent de respect envers les jours fériés liés à la défense du pays, ou le fait de diffuser consciemment des fausses informations sur les activités de l'URSS pendant la Seconde Guerre mondiale». Comme le note Jade McGlynn, ces «fausses informations» qui se trouvent criminalisées incluent notamment le fait de reconnaître que l'URSS a annexé les pays baltes.
En juin 2016, un écolier de la ville sibérienne de Perm a été condamné pour «falsification de l'histoire» après avoir écrit que l'URSS partageait une partie de la responsabilité de la Seconde Guerre mondiale car elle attaqua la Pologne avec l'Allemagne.
Le contrôle de plus en plus strict du gouvernement sur l'infrastructure internet et le contenu en ligne a entraîné un blocage et un filtrage généralisés du contenu.
Outre les lois mémorielles, le gouvernement peut faire appel à d'autres méthodes traditionnelles pour faire taire et punir les personnes qui mettent à mal les narratifs historiques du Kremlin. Ces méthodes ont été utilisées contre Youri Dmitriev, alors à la tête de la branche de Carélie de l'ONG Memorial. Avant sa dissolution en 2021, Memorial visait à préserver la mémoire des victimes du pouvoir soviétique.
Lorsque le ministre de la Culture Vladimir Medinski et la branche locale de la SHMR ont avancé que 9.000 corps retrouvés dans cette région proche de la Finlande étaient ceux de soldats soviétiques tués par les Finlandais lors de la guerre d'Hiver sans qu'aucune preuve permette d'appuyer cette affirmation, Youri Dmitriev a dénoncé cette tentative de manipulation.
Il s'est alors retrouvé accusé d'avoir utilisé sa fille adoptive pour produire des contenus pédopornographiques (il en a par la suite été acquitté), puis de possession illégale d'armes à feu (il en a une nouvelle fois été acquitté), et enfin d'agression sexuelle contre sa fille, pour laquelle il purge une peine de trois ans et demi de prison. En l'absence d'État de droit et de procès en bonne et due forme, Jade McGlynn avertit que cette condamnation «doit être traitée avec suspicion et contextualisée dans la répression de plus en plus forte contre les formes de recherche indépendantes et gênantes en Russie».
Un paysage médiatique sous le contrôle du Kremlin
Depuis son arrivée au pouvoir en 1999, Vladimir Poutine a fait preuve d'une manipulation consciente des médias pour façonner l'identité nationale, en mettant en œuvre diverses mesures qui ont considérablement limité la liberté des médias. Ce contrôle s'est étendu à la plupart des stations de télévision et des principaux journaux, soit par le biais de la propriété de l'État, soit par des alliances avec des hommes d'affaires favorables au gouvernement.
Après 2012, le gouvernement russe a réagi aux manifestations de masse par des restrictions supplémentaires sur les médias, la liberté d'expression, et une législation contre les points de vue «extrémistes». L'État a utilisé des lois limitant le contrôle étranger des médias russes comme base pour introduire des mesures supplémentaires visant à réprimer la dissidence.
Parmi ces lois, on trouve en particulier l'imposition d'amendes pour la distribution dans les médias de masse de matériaux produits par une entité reconnue et enregistrée comme un agent étranger en Russie, si ces publications ne portent pas déjà un signe spécial désignant l'éditeur comme un «agent étranger». Ces restrictions s'appliquent aux publications et aux messages diffusés en ligne ou à travers les réseaux sociaux.
Depuis 2022, l'État russe est devenu plus assertif dans son contrôle sur les médias, employant diverses tactiques telles que des pots-de-vin, un traitement préférentiel et un contrôle indirect par la propriété. L'autocensure parmi les journalistes renforce davantage le contrôle de l'État. De plus, une loi sur les médias de 2017 oblige désormais les agrégateurs de nouvelles en ligne à ne présenter que des médias approuvés par l'agence de presse fédérale Roskomnadzor, c'est-à-dire l'État.
Le contrôle de plus en plus strict du gouvernement sur l'infrastructure internet et le contenu en ligne a entraîné un blocage et un filtrage généralisés du contenu. Malgré la perception externe des médias alignés sur l'État russe comme de la propagande simpliste, ils ont une influence significative dans la formation du discours public. Avec la télévision comme principale source d'information pour une grande partie de la population, cela souligne la nécessité d'un examen académique attentif du paysage médiatique russe et de son rôle dans la diffusion de récits pro-Kremlin.
C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu la riche histoire de la Lituanie, autrefois le plus grand pays d’Europe, s’étendant de la mer Baltique jusqu’à la mer Noire. L’histoire n’a pas toujours été tendre avec vous, mais elle témoigne d’une incroyable résilience de votre pays, sans équivalent en Europe. Bien que pendant de nombreux siècles la Lituanie ait dû subir l’ingérence des puissances environnantes, elle a continué à lutter sans peur et avec conviction pour son indépendance et pour sa préservation”, a déclaré le roi des Belges, Philippe, lors d’un dîner officiel dans le palais des Grands-Ducs (à Vilnius) en octobre 2022. Il n’a pas mentionné que les Lituaniens n’avaient pas uniquement lutté pour leur indépendance, mais aussi pour celle de la Belgique. Et pour cause.
Au Musée royal de l’armée et de l’histoire militaire de Bruxelles, la première salle est consacrée aux guerres napoléoniennes, car c’est ici, en Belgique, à Waterloo, qu’elles ont pris fin. La deuxième salle évoque la période des luttes de la Belgique pour son indépendance et, dans un petit coin à gauche, se trouve un panneau intitulé : “Officiers polonais en service dans l’armée belge”.
Les prémices du Printemps des peuples
“En 1830, Nicolas Ier, tsar de Russie, donna ordre aux troupes polonaises du royaume de Pologne de marcher sur Bruxelles afin d’étouffer l’insurrection belge triomphante. Les Polonais refusèrent d’obéir aux ordres et se soulevèrent en disant : ‘Nous ne marcherons pas contre un peuple qui lutte pour sa liberté.’ La révolution polonaise fut noyée dans le sang, elle n’en avait pas moins retenu sur la Vistule les troupes russes qui se préparaient à envahir la Belgique. Après la défaite de la Pologne, des officiers polonais émigrés ont été cordialement accueillis par la Belgique et incorporés dans les rangs de sa jeune armée”, lit-on sur le présentoir sur lequel sont représentés le lion belge, l’aigle polonais et inscrits les noms de plus de 50 officiers qui ont rejoint l’armée de Belgique depuis 1830.
Au début du XIXe siècle, le Printemps des peuples en est à ses prémices, et les Belges qui étaient sujets du royaume uni des Pays-Bas [les provinces belges et néerlandaises ont été réunies en un seul État lors du congrès de Vienne de 1815] ne veulent pas rester à l’écart. Peu de temps après la révolution de juillet 1830 en France, qui a renversé le roi Charles X, les Bruxellois se soulèvent à leur tour, à la suite de la représentation de l’opéra La Muette de Portici de Daniel Auber (qui exalte le sentiment de la patrie et de la liberté). Les impôts, la politique centralisée de Guillaume Ier, monarque des Pays-Bas, les discriminations et la persécution de l’Église catholique mécontentaient les Belges. Les forces néerlandaises envoyées en septembre ne réussissent pas à réprimer le soulèvement et, le 4 octobre, l’indépendance de la Belgique est déclarée.
Une affaire de famille
Les grandes puissances qui dirigeaient alors le monde – l’Autriche, le Royaume-Uni, la France, la Prusse et la Russie – n’étaient pourtant pas enclines à soutenir les révolutions et les changements. Le mot “liberté” déplaisait plutôt au tsar Nicolas Ier, pour qui ce soulèvement était aussi une “affaire de famille”. Le prince Guillaume, l’héritier du trône des Pays-Bas (qui deviendra le roi Guillaume II en 1840), avait épousé Anna Pavlovna, la sœur du souverain russe.
“Comme la Russie voulait envoyer l’armée polonaise pour réprimer le soulèvement belge contre les Pays-Bas, cela a été l’étincelle, car les Polonais souhaitaient rétablir leur souveraineté. Et au lieu de partir en Belgique, ils ont retourné leurs armes contre les Russes”, explique l’historien Karolis Zikaras. Rapidement, le soulèvement gagne la Lituanie et de nombreux nobles lituaniens s’y rallient.
“Comme le soulèvement a échoué, de nombreux insurgés ont fui. Or la Belgique avait besoin d’officiers. Elle avait des soldats mais pas d’officiers [qui étaient restés fidèles aux Pays-Bas].”
“On a identifié environ 80 émigrés liés à la Lituanie en Belgique, mais il devrait y en avoir beaucoup plus”, estime Algimantas Daugirdas, l’ancien conservateur au musée de la guerre Vytautas le Grand de Kaunas. Des officiers et les sous-officiers ont en effet rejoint l’armée belge lors des soulèvements ultérieurs.
Un rôle méconnu
Il ne faut pas reprocher au roi des Belges Philippe de ne pas avoir mentionné le rôle des Lituaniens dans l’indépendance de la Belgique. “Les relations entre Polonais et Lituaniens sont méconnues. Même le directeur du Musée royal de l’histoire militaire a été étonné de savoir qu’une partie de ces Polonais étaient des Lituaniens”, relève Karolis Zikaras.
Le nom “Lituanie” avait en effet été effacé de la carte de l’Europe politique en 1791. La république des Deux Nations (composée du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie) se faisait appeler “Pologne”. Les Deux Nations avaient pourtant signé un engagement pour indiquer que la Lituanie n’avait pas disparu et que deux nations existaient bien : les Polonais et les Lituaniens.
“Cependant, les nobles ne parlaient plus lituanien déjà depuis le début du XVIe siècle”, explique l’historien. Quand la Russie occupe une grande partie de la république des Deux Nations, la Pologne et la Lituanie obtiennent des statuts différents. La partie polonaise conserve son autonomie, tandis que la Lituanie disparaît. “À l’époque, nous avions une double identité : d’un côté nous étions lituaniens, mais dans un sens plus large, politique, nous étions considérés comme des Polonais”, affirme l’historien Karolis Zikaras.
C’est un regard qui compte dans le milieu du photojournalisme. Le Genevois Niels Ackermann, cofondateur de l’agence Lundi13, auteur de plusieurs photoreportages primés, appelle les médias à bien réfléchir à leur utilisation des IA [intelligences artificielles] génératives comme Dall-E ou Midjourney pour illustrer leurs articles. Parce qu’elles menacent son gagne-pain ? Non, rétorque-t-il, parce que la presse doit s’ériger en rempart qui protège encore le vrai, dans un monde inondé par des contenus synthétiques.
Heidi.news — Que vous inspirent ces nouveaux logiciels d’IA génératives ?
Niels Ackermann — Lorsque je vois une nouvelle technologie qui émerge, mon premier réflexe est de me remémorer les précédents bouleversements qui ont affecté ma profession et que j’ai moi-même vécus. À chaque fois, il y a ceux qui ont immédiatement adopté ces nouveaux outils [arrivée du numérique, Instagram…], et ceux qui s’y sont opposés.
La photo primée n’en était pas une
e jury de l’un des plus prestigieux concours de photographie, les Sony World Photography Awards, a été “trompé” par Boris Eldagsen, explique la BBC. L’artiste allemand s’est fait remarquer en refusant le prix dans la section Créativité à la mi-avril, arguant que la photo qu’il avait soumise avait été générée par une IA. L’image en noir et blanc à l’esthétique rétro intitulée The Electrician et tirée de sa série Pseudomnesia était une “cocréation”, avait-il dit en amont de la remise des prix à Londres. “J’ai soumis [ma photo] comme un petit singe malicieux, explique-t-il, pour découvrir si les concours de photographie étaient prêts à l’arrivée des images d’IA. Ils ne le sont pas.”
Bien sûr, [avec les IA génératives] le processus sera le même, et peut-être même encore plus rapide. En voyant l’essor fulgurant de ces nouveaux logiciels, j’ai décidé de m’y intéresser, parce que je veux comprendre leur fonctionnement et leur utilité. J’ai testé entre autres Dall-E, ChatGPT et Midjourney. J’ai été bluffé par la puissance de ces outils. À tel point que je me suis rendu compte qu’ils pourraient rapidement affecter mes revenus.
C’est-à-dire ?
Aujourd’hui, l’essentiel de mon chiffre d’affaires provient de mandats dans la pub ou pour des entreprises. Mon travail de photojournaliste, bien que je l’affectionne profondément, est marginal en termes de revenus. En testant ces IA génératives, j’ai pris peur. Je me suis d’abord imaginé que n’importe quelle agence de pub pourrait les utiliser pour générer des images d’excellente qualité pour ses campagnes.
Je me suis toutefois souvenu qu’il était déjà possible de réduire les coûts en ayant recours à des banques d’images. Si la plupart des agences ne l’ont pas fait jusqu’ici, c’est peut-être parce qu’elles cherchent quelque chose de plus : une certaine personne, un certain lieu, mais aussi une certaine forme d’humanité qu’on ne trouve pas forcément dans ces banques d’images. Cela m’a rassuré de me dire qu’il existe sans doute un marché pour le réel, dans un monde où la disponibilité du faux, du synthétique devient illimitée.
Un “marché pour le réel”, qu’est-ce que ça veut dire ?
Je suis convaincu que la photographie transmet des émotions particulières. C’est ce qui a fait le succès de ce médium et c’est une des choses qui me fait tant aimer mon travail de photojournaliste. Ces images racontent quelque chose, elles capturent une part de “vrai”, une scène, un moment de l’histoire, et elles suscitent des émotions, positives ou négatives. Dans un monde où la disponibilité pour le synthétique est illimitée, j’ai la conviction que les médias doivent devenir des “marchands de vrai”.
Justement, comment réagissez-vous face aux médias qui génèrent de fausses photographies pour illustrer leurs articles ? Blick l’a fait récemment, avec une image où apparaissent cinq jeunes qui n’existent pas.
Je ne vais pas le cacher, cela m’a porté un coup au moral de voir qu’un média s’amuse à générer des deepfakes, quand bien même il s’agit de visages qui n’existent pas, et que la légende photo le précise.
Le problème, c’est que cela porte atteinte à la crédibilité des médias. Ces derniers doivent s’interroger sur leur rôle dans cette époque où l’offre de faux est illimitée et omniprésente. Selon moi, cette profession doit se considérer comme le rempart qui protège encore le vrai. Et pour pouvoir occuper ce rôle, il faut être intraitable avec la déontologie.
Ce n’est pas le cas, selon vous ?
Les médias suisses ont toléré ces dernières années des pratiques qui posent question sur le plan déontologique. En Suisse, aucun média ne m’a par exemple demandé de signer une charte pour m’imposer des limites et s’assurer de mon honnêteté. La première fois que j’ai collaboré avec le New York Times, j’ai reçu des instructions sur ce qui était acceptable ou non. Parmi cette liste figurait l’interdiction d’accepter des cadeaux, le paiement du voyage par des tiers, mais aussi des paramètres techniques à respecter dans la manière d’utiliser mon appareil pour s’assurer que les images reflètent la vérité.
Mais au fond, ne cherchez-vous pas à conserver votre gagne-pain en limitant la capacité de choisir des médias ?
Non. Je peux nourrir ma famille sans la presse aujourd’hui […]. J’ai simplement la conviction qu’un lecteur qui ouvre un journal doit avoir la garantie que la photo qu’il voit raconte bien quelque chose de réel, et qu’il n’a pas besoin de systématiquement vérifier la légende pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un contenu synthétique.
Il s’agit de conserver des lieux où le réel a sa place. Si les médias ne saisissent pas cette occasion pour proposer un contenu rigoureux où le vrai est la seule boussole, alors ils ne serviront plus à rien dans le monde qui nous attend. Il faut qu’il y ait une distinction claire entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas dans les médias. Raison pour laquelle d’ailleurs je pense qu’une illustration qui a un style cartoon et qui serait générée par une IA ne poserait pas de problème pour illustrer un article. Sa dimension fictive sauterait aux yeux.
Mais tout ce qui tente de simuler le réel, qui peut tromper, c’est une limite qui ne doit pas être franchie, et je m’inquiète de voir que certains médias l’ont déjà franchie sans attendre.
Que les médias diffusent uniquement de vraies photos ne changera pas le fait que l’on va s’habituer à questionner l’authenticité de chaque contenu, dès lors, à quoi bon ?
Peut-être, mais les lecteurs ont toujours vu les photos publiées dans la presse comme une forme de rapport au réel. Les montages, qui ne datent pas des IA génératives, ont toujours été vécus comme une tromperie. Il ne doit pas en être différemment avec ces logiciels. Préserver un espace où le réel est la règle sera d’autant plus crucial justement, parce que ce questionnement autour de l’authenticité ne sera pas nécessaire.
Au-delà du rôle des médias, je m’inquiète qu’on me demande quel prompt [requête adressée à l’IA] j’ai utilisé pour générer les photos que j’ai réellement prises, par exemple dans mes reportages en Ukraine. Je m’interroge beaucoup sur le rapport qu’auront nos enfants aux photos lorsqu’ils seront grands. J’espère qu’ils seront en mesure de les concevoir comme quelque chose qui raconte le réel, et pas uniquement comme un contenu synthétique que n’importe qui aurait pu générer. J’espère surtout que ces photographies continueront à leur véhiculer des émotions.
Une étude de NewsGuard, spécialiste de la désinformation en ligne, a identifié 49 newsbots, des plateformes d’informations générées par des robots d’intelligence artificielle. Elles fournissent un contenu non seulement “médiocre”, mais qui peut aussi véhiculer de “faux récits”, explique “Bloomberg”.
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Publié le 03 mai 2023 à 17h27 Lecture 1 min.
Photo de la page d’accueil du robot conversationnel ChatGPT, pris en Italie le 31 mars 2023.
Photo de la page d’accueil du robot conversationnel ChatGPT, pris en Italie le 31 mars 2023. photo MARCO BERTORELLO/AFP
La start-up de surveillance de la désinformation NewsGuard a identifié 49 sites web qui diffusent des “informations générées par des robots conversationnels d’IA”, une “prolifération qui soulève des questions sur la façon dont la technologie peut renforcer les techniques établies de falsification”, note Bloomberg.
Ces “fermes de contenus” couvrent toute la gamme des sites d’information, comme l’a vérifié le média américain à partir du rapport publié lundi 1er mai.
“Certains sont déguisés en sites d’actualité chaude avec des noms aux consonances génériques tels que News Live 79 et Daily Business Post, tandis que d’autres partagent des conseils de style de vie, des infos people ou publient du contenu sponsorisé.” Le problème, c’est qu’“aucun ne révèle qu’il est alimenté par des IA telles que ChatGPT, d’OpenAI, ou Google Bard”.
Mort prématurée
Publiés en sept langues (anglais, chinois, français, portugais, tagalog, thaï et tchèque), ces newsbots offrent des centaines de contenus par jour… dont certains inventés de toutes pièces. Le site CelebritiesDeaths.com a par exemple annoncé en avril 2023 la mort du président américain Joe Biden.
TNewsNetwork a “publié un article non vérifié sur la mort de milliers de soldats dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie, en se fondant sur une vidéo YouTube”.
La plupart sont “des fermes de contenus, c’est-à-dire des sites web de faible qualité gérés par des sources anonymes qui diffusent des articles pour obtenir de la publicité”. Plus de la moitié d’entre eux “gagnent de l’argent grâce à la publicité programmatique – des publicités placées de manière algorithmique sur Internet”, note le rapport. Comme le faisaient, avant l’avènement de l’IA générative, les fermes de contenus gérées par des humains.
Barney Jopson Lire l’article original
5–7 minutes
Lorsque j’ai emménagé en Espagne, l’été dernier, je me suis senti étrangement perdu. Je pouvais difficilement mettre cela sur le compte d’un quelconque choc culturel : j’avais déjà effectué d’innombrables séjours dans le pays avant de m’installer à Madrid, je parle espagnol et une partie de ma famille est espagnole. Mais je n’avais jamais vécu ici et quelque chose ne tournait pas rond.
C’est finalement grâce à une remarque apparemment anodine d’une amie que j’ai réussi à mettre le doigt sur le problème. “Le truc, c’est qu’en Espagne, il n’y a pas de mot pour désigner l’après-midi”, a-t-elle constaté. Et c’était vrai.
Je sais que les dictionnaires en ligne diront le contraire, que l’“après-midi” se traduit en espagnol par “la tarde”. Mais c’est plus compliqué que ça. “Tarde” n’est pas un mot défini avec précision, qui correspondrait à un moment exact de la journée, avant le soir. Car comment dit-on “le soir” en espagnol ? “La tarde”, aussi.
“Insaisissable mais omniprésent, le mot ‘tarde’ règne en maître, sorte de concept informe couvrant une fraction de la journée si étendue que les autres langues ont besoin de deux mots pour la désigner.”
La tarde échappe à tout contrôle et il n’existe aucune forme de consensus social sur le sens de ce mot. Les Espagnols eux-mêmes n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le début et la fin de la période. “Cela induit une forme de chaos dans le quotidien”, assure Fernando Vilches, linguiste à l’université Rey Juan Carlos [de Madrid]. Je pense avoir trouvé un nom à mon problème : le choc des horaires.
“Pendulistes” et “gourmets”
Les Espagnols découpent la journée en fonction de divers paramètres. Certains, que j’appellerai ici les “pendulistes” – souvent des jeunes ayant vécu à l’étranger –, raisonnent en termes d’heures. Mais lesquelles exactement ? Contrairement à moi, personne ne semble considérer que la tarde commence à midi. Un membre du gouvernement m’a expliqué qu’il saluait son auditoire d’un “buenas tardes” à partir de 12 h 30. “Mais si vous dites la même chose à midi, on va vous regarder bizarrement.”
“Beaucoup de pendulistes estiment que ‘la tarde’ commence à 14 heures – mais il existe aussi une faction qui ne jure que par les 16 heures.”
Viennent ensuite les gourmets, qui ne morcellent pas la journée en fonction de l’heure mais des repas – qui, en Espagne, sont souvent longs, tardifs et extraordinairement conviviaux. Certains jugent que la tarde commence en même temps que le déjeuner, c’est-à-dire à 14 h 30, 15 heures, voire plus tard. Mais pour beaucoup de personnes d’un certain âge, elle ne commence véritablement qu’à la fin du repas, ce qui peut vous emmener jusqu’à 16 heures, ou même 17 heures.
En Espagne, les grands déjeuners d’affaires peuvent débuter par une bière, se poursuivre avec du vin et finir par un shot de pacharan [liqueur de prunelle] suivi d’un gin tonic dans le bar d’à côté. “Dans ces cas-là, on ne se remet pas au travail avant 18 heures, explique Fernando Vilches. Si vous infligez un tel traitement à un pauvre Américain, il finira ivre, les paupières lourdes, avec une seule envie : rentrer chez lui. Il va falloir changer un peu nos habitudes.”
Les Espagnols en décalage horaire permanent
Et effectivement, la révolution est en marche : beaucoup d’entreprises ont abandonné la sacro-sainte pause déjeuner de deux heures pour permettre à leurs salariés de rentrer plus tôt chez eux retrouver leurs familles.
La célèbre sieste postprandiale n’est pas non plus aussi répandue qu’on pourrait le croire. Les seules personnes qui, à ma connaissance, piquent régulièrement un somme en semaine sont toutes à la maternelle ou à la retraite. Parmi eux, Marcelino, un septuagénaire de ma famille, selon qui la tarde commence seulement lorsqu’il se réveille, vers 19 heures.
La sieste est tout de même plus prisée en été, lorsque la chaleur est si étouffante qu’on ne peut plus rien faire sans climatisation. Peut-être que lorsqu’une bonne partie de la journée n’est qu’une perte de temps, on n’a plus besoin de mots pour distinguer l’après-midi de la soirée.
Vers 21 heures, les plus précoces commencent à dîner. La période située entre 21 heures et 22 heures reste toutefois une sorte de zone d’ombre durant laquelle saluer quelqu’un d’un “Buenas noches !” plutôt que d’un “Buenas tardes !” peut vous attirer quelques regards de travers. Le week-end, on voit encore des enfants jouer dans la rue à 22 h 30. Les restaurants acceptent encore les réservations à 23 h 45.
Tout cela est lié à une autre particularité locale, rappelle Daniel Gabaldón, sociologue à l’université de Valence : l’Espagne continentale n’est pas sur le bon fuseau horaire. Si leurs pendules étaient réglées sur la course du soleil, les Espagnols vivraient à la même heure que les Britanniques et les Portugais. Mais ils ont une heure d’avance depuis que Franco a décidé de s’aligner sur le fuseau de l’Allemagne nazie, dans les années 1940.
“Pendant la moitié de l’année, l’Espagne règle ses horloges sur l’heure solaire à la frontière germano-polonaise. Quand elle passe à l’heure d’été, elle se cale sur l’heure solaire au centre de l’Ukraine.”
Quand les Espagnols passent à table à 14 h 30, c’est donc un peu comme s’ils mangeaient à 13 h 30 heure solaire (l’hiver), et 12 h 30 (l’été). Un tel écart entre heure officielle et naturelle n’est pas sain du tout, souligne Nuria Chinchilla, de l’IESE Business School. “Nous sommes en décalage horaire permanent.” Pas étonnant que tout soit aussi confus…
Nous avons parfois le sentiment qu’Internet et Google se souviennent de tout, et que tout ce que nous publions en ligne y restera pour toujours. Mais rien n’est plus faux. Or archiver des milliards de pages est un défi dantesque. Qui doit s’en charger ? Faut-il tout sauvegarder ? À quelles fins ? Un long format publié par le quotidien israélien “Ha’Aretz” et traduit par “Courrier international”.
Heidi Taaseh a perdu son fils Shachar pendant l’opération Bordure protectrice, lancée par Israël en 2014 dans la bande de Gaza. Le compte Facebook créé en son honneur était devenu le précieux réceptacle des souvenirs de la famille : il y avait là des photos postées par des amis, des pages commémoratives et des messages de connaissances. Tout a disparu brutalement [en octobre 2022] quand le compte a été d’abord piraté, puis bloqué et enfin supprimé. “Ça a été un choc, comme si quelqu’un avait tué Shachar une seconde fois, confie Heidi. Il y avait tellement de choses importantes dessus, tellement de belles choses.”
Des cas analogues reviennent souvent sur les écrans du service d’assistance de l’Israel Internet Association, et les messages sont parfois bouleversants. “Je suis désemparée. Il y avait de longues conversations avec mon compagnon disparu, et, de manière générale, des souvenirs de ces dix dernières années”, se désole une usagère d’Instagram qui n’a plus accès à son compte. “Il y avait toute ma vie, là-dessus… Je vous en supplie… Je suis à bout”, écrit une autre. “Ces comptes ont une valeur immense, inestimable”, “C’est l’œuvre de la vie de mon père”, “Tout a disparu”, témoignent d’autres.
Des années parties en fumée
À l’évidence, nos souvenirs numériques, personnels mais pas seulement, sont fragiles. À plusieurs reprises, ces deux derniers mois, on a eu l’impression que l’avenir de Twitter ne tenait qu’à un fil. Si jamais l’entreprise baisse le rideau sans avoir planifié la sauvegarde de ses archives, ce sont presque vingt ans d’informations qui sont susceptibles de partir en fumée. La plateforme, qui a couvert des guerres et des révolutions, et qui a donné naissance à des mouvements comme #MeToo, pourrait bien emporter avec elle, en disparaissant, toute notre mémoire sociale et culturelle.
L’histoire nous enseigne que cette inquiétude n’est pas dénuée de fondement. Qui se souvient aujourd’hui de Myspace qui, voilà moins de vingt ans, était le premier réseau social du globe, avec 250 millions d’utilisateurs rien qu’aux États-Unis, et qui avait plus de succès que Google ? À la suite d’un couac pendant un transfert vers de nouveaux serveurs en 2016, Myspace a perdu l’essentiel des contenus qui avaient été postés par ses utilisateurs. L’agora virtuelle s’est volatilisée : les photos, les posts, les vidéos, les blogs, douze années de contenus et 50 millions de chansons qui avaient été postées par des millions d’artistes – tout a disparu.
Peut-être serait-il temps de remettre en cause une idée très répandue qui voudrait que Google se souvienne de tout et que, avec un soupçon d’iCloud, de Dropbox et de Google Drive, nous serions parés pour l’éternité. La presse en ligne est-elle par exemple archivée comme il se doit pour les générations futures ? Et quid de nos sites web, de nos blogs, de nos forums et autres réseaux sociaux où nous passons désormais nos vies ? Nos souvenirs sont-ils en sécurité ou les clouds qui les hébergent vont-ils se dissiper et disparaître un beau matin ?
Vers un trou noir de l’information
Yoram Hacohen, directeur général de l’Israel Internet Association, a lui-même perdu une bonne partie des documents qu’il avait tapés avec le logiciel de traitement de texte Einstein Writer lorsqu’il était étudiant. Le problème qu’il soulève se trouve, selon lui, “au cœur d’un phénomène connu sous le nom de ‘Moyen Âge numérique’” [en anglais : digital dark age (“âge des ténèbres numériques”), en référence à une tournure parfois utilisée par l’historiographie anglophone pour désigner le Moyen Âge comme une période de déclin]. Il précise :
“L’humanité, qui a aujourd’hui les moyens de reconstituer des informations qui ont été enfouies sous terre voilà quatre mille ans, pourrait avoir beaucoup plus de mal à reconstituer celles qui ont été enregistrées numériquement voilà seulement quarante ans.”
En 2015, [l’ingénieur américain] Vint Cerf, l’un des pères d’Internet, a souligné le risque qu’une bonne partie de la mémoire du XXIe siècle ne soit jamais transmise aux générations futures. La technologie évolue à toute allure et les programmes deviennent obsolètes en quelques années. Rien ne nous dit que, demain, nous serons encore capables de lire les fichiers que nous enregistrons aujourd’hui. “Sans même nous en rendre compte, comme si de rien n’était, nous jetons toutes nos données dans ce qui risque de se transformer en un trou noir de l’information”, confiait à l’époque Vint Cerf au [quotidien britannique] The Guardian.
La comparaison avec le Moyen Âge peut sembler absurde à l’heure du big data, mais quiconque a retrouvé des disquettes des années 1990 et des cartons de photos jaunies des années 1930 dans le vide sanitaire de sa maison le sait : rira bien qui rira le dernier.
Pas plus de dix-huit mois de survie
“Ce site est inaccessible” : agir contre le pourrissement des liens
Dans une tribune publiée par le magazine scientifique australien Cosmos en 2021, Mark Pesce raconte sa découverte du web, vers 1993. “Au départ, ce n’était qu’une liste : juste une page de noms et de liens vers des sites web, sur le site du Cern – le premier site web et le berceau du web. J’ai cliqué méthodiquement sur chacun des liens de la liste […]. En sept jours, j’avais fini. J’avais visité l’intégralité de la Toile.”
Mais en seulement quelques mois, l’ingénieur américain-australien est dépassé. “Il y avait plus de sites qui venaient chaque jour s’ajouter à la liste que je ne pouvais en explorer matériellement. Peu de temps après, le responsable de la mise à jour a jeté l’éponge – l’essor du web était exponentiel et aucun archiviste ne pouvait espérer tenir la cadence.”
En 1994, année de lancement du moteur de recherche Yahoo ! on compte approximativement 3 000 sites web. Dix ans après, en 2004, année de création de Facebook, on en compte 51,6 millions. C’est près de 2 milliards aujourd’hui.
Des liens que Mark Pesce avait marqués dans ses “favoris” en 1995, il ne reste plus rien, ou presque. “La plupart ne mènent plus à rien ou à un site qui porte le même nom mais qui est totalement différent. En moins d’une génération, la vision que j’avais du web primitif – un endroit très personnel, spécifique et pertinent – est pour l’essentiel en voie de décomposition.”
Et l’ingénieur d’appeler à une prise de conscience collective du phénomène appelé “link rot”, le “pourrissement des liens”, quand une URL est supprimée ou modifiée.
“Toute organisation qui publie sur le web devrait garantir que, même après avoir changé de système informatique, les données existantes resteront disponibles et accessibles pour toujours via les mêmes URL. On ne peut pas laisser notre histoire se volatiliser de la sorte. En tout cas si l’on veut pouvoir comprendre comment on en est arrivés là et où nous allons.”
La durée de vie des sites Internet est bien plus brève que ne le pensent la plupart des gens, met en garde Anat Ben-David, spécialiste d’Internet et des réseaux sociaux à l’Université ouverte d’Israël. “On a l’impression que tout ce qui se trouve sur Internet est éternel, alors que, dans la plupart des cas, l’information n’y reste pas plus de dix-huit mois.”
Des sites web ne répondent plus, des liens ne mènent nulle part, des adresses sont abandonnées. La Toile se désagrège rapidement autour de nous, mais l’on ne s’en rend généralement pas compte, indique Anat Ben-David. Même si un site reste opérationnel, il doit être mis à jour pour apparaître dans les résultats de recherche, qui préféreront toujours le nouveau à l’ancien.
“Même quand il y a plusieurs millions de résultats [à une requête], Google n’affiche pas de résultats au-delà du millième. Donc, même si l’information est là, on ne la verra pas, parce qu’elle n’est pas jugée pertinente.”
Pléthore d’exemples dérangeants
L’Internet Archive, une association à but non lucratif fondée en 1996, apporte une réponse au moins partielle au problème des “liens morts”. L’Internet Archive est un bot qui écume le cyberespace et enregistre les pages qu’il y trouve. Jusqu’à présent, près de 760 milliards de sites ont été sauvegardés et sont rafraîchis régulièrement à divers intervalles. Le site de l’association propose un outil appelé Wayback Machine [“machine à remonter le temps”], qui permet à l’internaute de savoir à quoi ressemblait un site donné à une date donnée. À une époque, cela concernait même des pages qui ont été effacées d’Internet par la suite.
Par exemple, on peut voir ce que la Wayback Machine a trouvé quand elle a consulté la page d’accueil du site web de la Knesset [le Parlement israélien] le 13 février 1997 à 11 h 02 (et ce n’est pas joli visuellement). On peut voir à quoi ressemblait la page d’accueil de l’édition en hébreu du quotidien Ha’Aretz le 8 octobre 1999 (ce n’est guère mieux).
La page d’accueil de courrierinternational.com le 15 août 2000.
La page d’accueil de courrierinternational.com le 15 août 2000. web.archive.org
En 2013, une analyse des publications en ligne dans les domaines du droit et des politiques publiques a établi que bon nombre des liens qui apparaissaient dans leurs notes de bas de page – ces références précieuses qui permettent aux universitaires de vérifier que l’information qu’ils lisent est bien exacte – ne menaient plus nulle part. Six ans après leur parution, près de la moitié des références citées n’était plus accessible.
Ben-David a pléthore d’exemples dérangeants, comme la “révolte des tentes” de 2011 contre la vie chère en Israël. “Essayez simplement de trouver un contenu original créé en lien avec le mouvement cette année-là. Vous ne trouverez rien”, assure-t-elle. Certes, il est possible de retrouver certains sites sur l’Internet Archive, mais, ajoute-t-elle, “le site [original] lui-même, en tant que source première, la chose elle-même qui existait à ce moment-là, avec ses publicités et ses liens vers d’autres sites, et tout l’écosystème médiatique qui allait avec – tout ça, c’est éphémère”.
Une question de société
Dans certains cas extrêmes, l’héritage numérique d’une nation tout entière peut être effacé en un instant. Le 30 mars 2010, l’extension “.yu” (ce qu’on appelle un “domaine de premier niveau”) a été effacée de la base de données des adresses et tous les sites web de l’ex-Yougoslavie ont disparu. Dans un article qu’elle y a consacré, Anat Ben-David raconte que, si certaines pages ont pu être conservées dans l’Internet Archive, elles ne sont pas accessibles via l’outil de recherche, à moins d’en connaître l’adresse exacte (pour une raison ou pour une autre, la Russie gère encore l’extension de l’Union soviétique, “.su”).
La question de la préservation de la mémoire numérique ne doit pas être glissée sous le tapis, estime Sharon Ringel, de la faculté de communication de l’université d’Haïfa. Sans compter, poursuit-elle, qu’il faut nous poser la question de savoir où, en tant que société, nous voulons stocker nos informations, à qui nous les confions. Et ce qui vaut vraiment la peine d’être préservé parmi le volume infini d’informations que nous produisons.
Qui pour s’occuper des sites de presse ?
En 2018, Sharon Ringel a interrogé des dirigeants de 30 groupes de médias américains. L’immense majorité d’entre eux, a-t-elle découvert, ne se préoccupait pas de la préservation de la production numérique pour les générations futures – de journalistes comme de clients :
“Les journalistes estiment que, ce qui est important, c’est ce qui se passe là, en ce moment – l’actualité, c’est la nouveauté. Ça ne relève pas de leur responsabilité. Et je ne leur jette pas la pierre. Les journalistes ne peuvent pas porter l’histoire sur leurs épaules.”
Les journaux suivent leurs intérêts propres, bien sûr, et ne pensent pas toujours à la question de la préservation. En 2014, quand [le média américain] BuzzFeed a voulu relever son niveau de sérieux journalistique en effaçant certains des contenus les plus ineptes qu’il a publiés, il s’est contenté de supprimer 4 000 articles. En 2017 [dans un autre registre], l’homme d’affaires [américain] Joe Ricketts a acheté un réseau de sites de presse locale [le réseau Gothamist, incluant des blogs comme Chicagoist ou LAist].
À l’approche de la date d’acquisition, les articles qui le critiquaient ont disparu des archives des publications en question (même si l’on ne sait pas très bien qui les a fait disparaître). Et quand ses collaborateurs ont voulu se syndiquer, Ricketts a fermé du jour au lendemain, sans autre forme de procès, tous les sites du groupe, dont les archives n’ont pu être sauvées que grâce à d’autres groupes de médias qui ont décidé de les racheter.
L’affaire a poussé la Freedom of the Press Foundation [une ONG américaine qui défend la liberté de la presse] à créer des archives pour les journaux particulièrement vulnérables au “problème des milliardaires”.
Penser aux historiens de demain
Conserver la trace des médias numériques ne se résume pas à garder les articles eux-mêmes, fait observer par ailleurs Sharon Ringel. Elle cite l’exemple de l’affaire de corruption dite “Affaire 4 000” devant les tribunaux israéliens, impliquant [la société de téléphonie nationale] Bezeq et [le site d’information] Walla. Au cœur de cette affaire, des articles favorables au [Premier ministre] Benyamin Nétanyahou publiés sur Walla [en échange de faveurs, vers 2012-2016]. Il reste possible à ce jour de retrouver les articles, mais leur localisation sur le site web n’a pas été archivée. Combien de temps tel ou tel article favorable à Nétanyahou ou à sa famille est-il resté en une ? À quel moment a-t-il été mis en exergue sur le site et quand a-t-il été relégué dans ses profondeurs ? “Nous avons l’information, mais nous n’avons plus le contexte”, déplore Sharon Ringel.
Chez Ynet [un des principaux sites d’information israéliens], on mesure l’importance de la question depuis le début. Depuis des années maintenant, les éditeurs du site, propriété [du quotidien] Yediot Aharonot, impriment les captures d’écran du site web et les classent chaque fois que les gros titres changent de sujet.
La question de la localisation d’un article sur un site Internet pourrait également intéresser les générations à venir pour des raisons que l’on ne devine pas encore de nos jours. “Il existe par exemple des études qui demandent aux Américains ce qu’ils savaient de ce qui se passait en Europe durant l’Holocauste, explique Ringel. Certains d’entre eux reconnaissent que le sujet a bien été abordé dans les médias, mais qu’il était noyé dans le reste de l’information, dans les pages intérieures. Or tant que le sujet ne faisait pas la une, les gens n’en parlaient pas.” Comment les historiens de demain mesureront-ils l’écho des catastrophes du temps présent ?
Faut-il tout garder ? Comment choisir ?
“Depuis plusieurs années maintenant, on se demande comment collecter et sauvegarder la mémoire numérique, la création culturelle, commente pour sa part Oren Weinberg, directeur de la Bibliothèque nationale d’Israël. Notre capacité à produire de l’information étant bien supérieure à ce qu’elle était par le passé, les processus de ‘sélection naturelle’ se sont nettement complexifiés. N’importe qui peut publier un poème dans son coin – mais s’agit-il d’une œuvre digne d’être conservée au même titre que telle autre œuvre qui a été soumise à l’avis de professionnels ? Qu’est-ce que cette question nous dit de la manière dont nous protégeons notre mémoire culturelle ?”
Et en France ?
En France, c’est la Bibliothèque nationale de France (BNF) qui est chargée depuis 2006 d’assurer le dépôt légal du web français et des documents dématérialisés (logiciels, bases de données, etc). Mises à disposition “de toute personne justifiant d’une recherche”, les archives conservées à la BNF “représentent à ce jour plus d’1 pétaoctet de données”, soit 1 million de gigaoctets. “Entre 2007 et 2017, le nombre de domaines collectés est passé de 0,9 million à 4,5 millions (soit environ 60 % du web français).”
La BNF décrit son travail : “L’archivage porte sur les sites enregistrés en. fr, sous une extension liée au territoire national (.re, ou. bzh par exemple), ou sous extension générique (.com ou. org par exemple) à la condition qu’ils soient produits en France ou que leur auteur y soit domicilié. […] Les collectes sont réalisées à l’aide d’un robot logiciel qui explore les sites comme le ferait un internaute, en copiant tous les éléments constitutifs des pages. La collecte ne prétend pas à l’exhaustivité mais repose sur un principe de représentativité.”
Pour aller plus loin : les reportages publiés par La Croix en 2020 et 20 Minutes en 2022.
Courrier International
L’institution sait qu’une bonne partie du patrimoine culturel israélien, dont elle est dépositaire, ne se matérialise plus sous forme physique. Ces dernières années, afin de ne prendre aucun risque, la Bibliothèque nationale d’Israël, comme celles de la plupart des pays du globe, archive tous les sites web du pays, au moins une fois par an. Les “moissonneurs” de l’établissement viennent de commencer [en décembre 2022] leur récolte annuelle, faisant des copies de tous les sites relevant du domaine “.il”.
“Il y a un débat en cours sur la nécessité d’archiver ou non Internet, précise Oren Weinberg. En ce moment, on a tendance à y mettre beaucoup d’argent, parce que c’est un nouveau monde et qu’il vaut mieux ne perdre aucune information. On investit actuellement plus d’un demi-million de shekels [130 000 euros] par an.”
Archiver les processus créatifs
Weinberg s’inquiète également d’autres effets possibles de la dématérialisation sur les fonctions traditionnelles de la Bibliothèque nationale :
“Si, par le passé, on recevait une archive papier avec, par exemple, les notes du poète dans la marge, donnant à voir les ratures qui peuvent témoigner du cheminement créatif de l’auteur, de nos jours, les gens sont assis devant un logiciel de traitement de texte. Même si vous sauvegardez des versions, une bonne partie du processus créatif disparaît en chemin.”
Devant cet écueil, l’institution culturelle a eu l’idée d’un projet étrange et original qui consiste à “repérer les auteurs prometteurs tant qu’ils sont encore jeunes et, avec leur coopération, à préserver leurs travaux, leur correspondance et leurs photos, et ce tout au long de leur vie”, dixit le descriptif du projet. “Cette mission relève un peu d’un pari, explicite la présentation, puisqu’il n’est pas possible de savoir à coup sûr que telle jeune personne jugée ‘prometteuse’ deviendra au bout du compte une personne créative, dont les travaux, même a posteriori, seront jugés uniques et dignes d’être sauvegardés.”
Mémoire des conflits
Douché par la lecture de toutes ces histoires d’informations qui se perdent et de culture qui part en fumée, j’ai décidé de descendre physiquement au sous-sol du bâtiment d’Ha’Aretz, à Tel-Aviv, dans l’espoir de trouver le réconfort au milieu des rayonnages bien réels des archives papier du journal, des petits tiroirs dans lesquels les articles sont classés par sujet depuis la Seconde Guerre mondiale, et des classeurs qui réunissent tous les numéros du journal papier depuis 1919.
Or, même là, la menace du numérique est palpable. La préservation des journaux perd du terrain, et, depuis deux ans, l’usage qui voulait qu’on fasse relier les numéros à l’extérieur n’a plus cours. Aujourd’hui, ils sont uniquement stockés dans une réserve. “C’est un combat d’arrière-garde pour nous tous, reconnaît Nirit Mitrani, le directeur des archives. La sauvegarde physique perd du terrain pour des raisons financières.”
Photo
Dessin de Joe Magee. Royaume-Uni
Ceux qui ne se laissent pas abattre passent à l’action. En 2014, le journaliste Hadi Al-Khatib a ainsi créé à Berlin Syrian Archive [“Archive syrienne”] qui a pour but de préserver tout document numérique relatif aux crimes de guerre commis en Syrie en prévision des procès à venir. Les archives ont recueilli à ce jour plus de 3,5 millions de vidéos. Si la guerre en Syrie est apparemment le conflit le plus couvert de l’histoire, il n’en disparaît pas moins de la Toile à toute vitesse. Une bonne partie du travail de l’association consiste à protéger et à valider les contenus qui, chaque jour, sont postés sur YouTube, Facebook, Twitter et Instagram, et que les plateformes suppriment ensuite en raison de leurs propres standards régissant la représentation de la violence.
Les témoignages ainsi réunis ont déjà servi dans le cadre d’un procès de 2020 intenté devant un tribunal spécial allemand contre le gouvernement syrien pour l’utilisation présumée d’armes chimiques contre des civils pendant la guerre. Parallèlement, Syrian Archive a donné naissance à l’association Mnemonic, qui recueille le même type d’archives pour rendre compte des crimes de guerre perpétrés au Yémen, au Soudan et en Ukraine, et propose des formations aux journalistes et aux défenseurs des droits humains afin de les aider à garder la mémoire numérique dans les zones de conflit.
Contre le “colonialisme des données”
Les initiatives de la société civile comme celle-ci ont pour but de protéger la mémoire numérique et d’éviter qu’elle ne soit déformée plus tard. À la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, des voix se sont élevées pour réclamer la préservation du patrimoine culturel ukrainien en danger. Des centaines de bibliothécaires et d’archivistes du monde entier se sont retroussé les manches, archivant à ce jour près de 5 000 sites web appartenant à des établissements d’enseignement ukrainiens.
L’“excrémentisation” du Web
La menace qui pèse sur ses archives serait révélatrice d’un processus général de dégradation, voire de décomposition du Web. Le journaliste, auteur de science-fiction et militant canado-britannique Cory Doctorow utilise le terme “enshittification”, soit “excrémentisation” ou “merdification” pour le désigner. C’est particulièrement vrai, selon lui, sur les réseaux sociaux les plus populaires et les grandes plateformes comme Google ou Amazon, décrédibilisés par les contenus sponsorisés et dirigés par des algorithmes toujours plus hypnotiques.
“Sommes-nous condamnés à l’‘excrémentisation’? interroge The Guardian. Pour l’instant, oui. Le modèle économique de la publicité ciblée, responsable de cette dérive insensée, pourrait être interdit par la loi, mais cela semble peu probable dans un monde néolibéral. Reste l’espoir que cette ‘excrémentisation’ finisse par répugner les utilisateurs et les consommateurs au point qu’ils ruent dans les brancards. Mais encore faut-il qu’ils se souviennent que d’autres réalités sont possibles – qu’il existait une époque où les choses étaient différentes.”
Courrier International
Quand Anat Ben-David parle d’assumer la responsabilité de notre mémoire numérique (elle parle de “contre-archivage”), ce n’est peut-être pas du militantisme, mais ça en a tout l’air. “Le contre-archivage, c’est une tentative de réaffirmer la place des archives publiques à l’ère de la médiation algorithmique, dit-elle. Rappeler que cette information est publique, et que, même si les plateformes prétendent qu’elle leur appartient, il existe toujours des moyens de la rendre au public.”
Pour Anat Ben-David, la situation actuelle est une illustration du “colonialisme des données” : l’occupant colonial, ce seraient ici les multinationales, et la ressource naturelle exploitée, les données qu’elles moissonnent en traquant nos activités en ligne – nos envies, nos relations sociales, et à peu près tout ce que nous faisons.
Engager un débat public
“Dans Imagined Communities [L’Imaginaire national, 1983, traduit aux éditions La Découverte], Benedict Anderson [historien irlandais, spécialiste de l’Asie du Sud-Est, 1936-2015] parle de la carte, du musée et des archives comme des trois institutions qui organisent le savoir pour la population autochtone et lui disent ce qu’elle est autorisée à savoir d’elle-même”, relate l’enseignante, qui ajoute :
“Ce que j’essaie d’expliquer pour ma part, c’est que Facebook et d’autres plateformes font la même chose et sont en train de devenir des archives colonialistes.”
“Les journaux et les bibliothèques qui sont mus par l’intérêt général ont un rôle à jouer dans la définition de ce qu’est une archive historique, conclut Anat Ben-David. J’ai le sentiment que c’est nécessaire pour engager un débat public sur la question et sur la manière dont nous écrivons notre histoire pour nous-mêmes. Il n’est pas nécessaire de tout garder, mais il faut être conscient de ce qui est sauvegardé, de ce qui ne peut pas l’être et de qui est missionné pour le faire. Les craintes relatives à un ‘Moyen Âge numérique’ sont fondées, et c’est une prise de conscience qui doit nous pousser à l’action, sous quelque forme que ce soit.”
Face à cette crinière bouclée et indomptable, incapable de vous offrir la mèche de Justin Bieber, vous avez beaucoup râlé à l'adolescence. Les boucles, c'est vrai, sont parfois lourdes à porter: le poids du genre humain…
C'est en tout cas ce que révéleraient les résultats d'une étude menée par Tina Lasisi, chercheuse en anthropologie biologique à l'Université d'État de Pennsylvanie, qui montre que les cheveux bouclés offraient une meilleure protection du cerveau aux hominidés (hommes préhistoriques), leur garantissant alors de meilleures chances de survie.
National Geographic revient sur les tenants et aboutissants de la recherche, qui pourrait même faire des cheveux bouclés l'une des raisons pour lesquelles homo sapiens a supplanté les autres espèces d'hominidés comme le Néandertal et le Dénisovien qui, elles, se sont éteintes il y a environ 40.000 ans.
Comprendre pourquoi les humains sont chevelus est encore matière à débat chez les scientifiques. Pour répondre à la question, Tina Lasisi et ses collègues sont partis d'un premier constat: «Le cerveau est un organe volumineux, très sensible à la chaleur, tout en en générant également beaucoup. Nous nous sommes donc dit qu'à une époque où l'on constate que la taille du cerveau de notre espèce augmente, la masse capillaire pouvait être décisive du point de vue de l'évolution.»
La scientifique explique que «les poils du cuir chevelu nous évitent le coût physiologique de la transpiration». Celle-ci n'est en effet pas sans conséquences, puisque ces sécrétions faites pour réguler la température corporelle nous font perdre dans le même temps de l'eau et des électrolytes (minéraux). «Pour nos ancêtres hominidés, cela aurait pu être crucial.»
Pour vérifier son hypothèse, l'équipe de l'Université de Pennsylvanie a utilisé un mannequin thermique, coiffé de trois perruques différentes (raide, modérément bouclée, très bouclée). Le mannequin a été mis à l'épreuve de diverses conditions climatiques et météorologiques se rapprochant de celles rencontrées par les premiers hominidés. De cette manière, les scientifiques ont pu mesurer la façon dont les cheveux régulent la température du cuir chevelu confronté à la lumière directe du soleil, à la pluie, au vent…
Si les résultats ont permis de reconnaître que tous les types de cheveux offraient une certaine protection contre le soleil, il n'en reste que les cheveux les plus bouclés se sont révélés être la meilleure protection crânienne. En outre, ils protègent mieux le cuir chevelu du rayonnement solaire et ne restent pas à plat contre la peau lorsqu'ils sont mouillés. «C'est une découverte importante», salue la professeure Lasisi, qui invite cependant à approfondir les recherches génétiques.
À un stade ultérieur de notre évolution, en effet, les cheveux bouclés ont pu perdre leur avantage évolutif et les cheveux lisses ont pu être favorisés par différents types de sélection génétique. «Peut-être qu'une fois que nous avons eu ces cerveaux plus gros, nous avons aussi eu toutes ces adaptations culturelles pour éviter la surchauffe, comme de meilleures sources d'eau, suppose-t-elle. À ce moment-là, il n'y a peut-être plus eu de pression sélective en faveur des cheveux bouclés.» Les frisottis reviendront-ils en force lorsque le réchauffement climatique aura fait son œuvre?
On a tous déjà vu des images de bennes de supermarchés remplies de denrées alimentaires. Mais on ne voit jamais de bennes à livres. Pourtant, elles existent. Les livres ont beau avoir un caractère semi-sacré, ils n'échappent pas à l'obsolescence programmée de notre société de consommation. Près d'un livre sur quatre serait ainsi détruit sans jamais avoir été lu. Selon le Syndicat national de l'édition, qui a publié une enquête en avril 2021 portant sur les années 2018 à 2020, 13,2% des livres partiraient directement au recyclage sans avoir été feuilletés.
Il arrive même que 80% des exemplaires d'un livre partent à la poubelle, d'après une étude parue en septembre 2017 du Bureau d'analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic) sur l'impact sociétal et environnemental du secteur de l'édition en France. Cet épouvantable autodafé, qu'on appelle «pilon» (un terme qui tire son origine, par analogie, des pilons des machines à papier), n'a pas bonne presse. Éditeurs et distributeurs n'emploient ce terme qu'entre deux murmures, secret inavouable et bien gardé des maisons d'édition.
Comment est-ce possible? Pour comprendre, on a remonté le fil de la vie d'un livre. Les ouvrages tout beaux tout neufs arrivent bien empaquetés dans les commerces. Les premiers exemplaires ont la chance de sortir des cartons pour voir la lumière des néons de leur librairie d'adoption. Certains restent encore un peu, ou pour toujours, au chaud dans leur carton. Leur espérance de vie ici est à peine plus élevée que celle des aventuriers de «Koh-Lanta»: deux mois, c'est déjà pas mal. Des bouquins partent en quelques heures dans les bras d'un lecteur, mais d'autres se défraîchissent sur le bord de l'étagère.
Après plusieurs semaines, le libraire –pris dans le cercle frénétique des nouvelles sorties littéraires– estime qu'il a assez donné leur chance à ces ouvrages et qu'il faut laisser la place aux nouveaux. «Les livres sont des produits frais avec une date de péremption», ose Gilles Colleu, éditeur indépendant (éditions Vents d'ailleurs et imprimerie Yenooa), dans le rapport du Basic. Alors, le libraire les renvoie à la maison d'édition et à son distributeur pour se faire rembourser. Quand on lui demande où partent ces livres, il préfère expédier la discussion: il ne sait pas, ce n'est pas lui qui gère ça, il n'a pas le recul nécessaire...
Les invendus se retrouvent dans l'entrepôt du distributeur, bien loin de la tête de gondole où ils ont passé leurs derniers jours. Ils défilent sur un tapis roulant pour être scannés un par un. De là découle un message: soit c'est direction le pilon, soit c'est réintégration des stocks. La Sodis, un des plus importants distributeurs (filiale du groupe Madrigall de la famille Gallimard), est intransigeante sur ses critères de «livre neuf». Pour que les livres puissent regagner les stocks, il faut qu'ils soient sous un blister neuf et sans étiquette autocollante.
Heureusement, des maisons d'édition aux tirages plus modestes s'offusquent de ces critères drastiques. Elles prennent alors le temps de re-trier les ouvrages et en sauvent quelques dizaines d'une mort précipitée. Les petits veinards qui évitent le pilon peuvent repartir chez un libraire ayant commandé des exemplaires. Et c'est reparti pour un tour.
Coût du sur-stockage et image de marque à conserver
Les éditeurs misent comme au casino. Ils sondent ce qui peut plaire au public: l'ouvrage qui va finir dans toutes les listes de prix littéraires d'ici à Noël ou l'auteur qui détrônera Guillaume Musso. Lorsqu'ils jettent leur dévolu sur un titre, c'est le branle-bas de combat pour le diffuser le plus largement possible. Les livres doivent être visibles, ce qui suppose de les tirer à un certain nombre d'exemplaires, a priori le plus élevé possible.
Le tirage est donc souvent supérieur aux ventes escomptées pour produire un effet de masse et de présence dans les rayons. Que ce soit un titre imprimé à 5.000 exemplaires ou le dernier roman de Marc Levy, directement tiré à 250.000 ou 400.000 exemplaires, une partie de la production partira au pilon. La réussite d'un auteur produit donc autant de pilonnage que son échec.
«Même si le pilon est du recyclage, ce n'est pas très écologique d'imprimer plus pour recycler ensuite.» Pascale Desmoulins, responsable de l'administration des ventes des éditions Quæ
Une fois que les libraires ont fait leurs retours, les éditeurs se retrouvent pris en étau. Ils ont payé les imprimeurs, doivent rembourser aux libraires les invendus et payent des frais de stockage pour ces bouquins restés à quai. En effet, c'est le distributeur qui tient les rênes: il estime le volume de livres émanant des éditeurs et les cadences de ventes.
Si ces dernières ne sont pas respectées, les maisons d'édition sont facturées pour sur-stockage. «Le taux de sur-stockage est différent en fonction de la date de parution du livre, précise Pascale Desmoulins, responsable de l'administration des ventes des éditions Quæ. Plus le titre est ancien, plus ça coûte cher. C'est pour inciter à pilonner les vieux stocks qui prennent de la place. On est une petite maison d'édition et le stockage représente entre 4.000 et 4.500 euros par an.» A contrario, le pilon est gratuit.
Autre raison du pilonnage frénétique: l'image de marque. Nombre d'éditeurs ne veulent pas retrouver leurs livres bradés chez Noz ou Action. «Hachette Livre ou Gallimard, par exemple, n'ont pas envie de voir leurs livres sur un second marché, alors ils les cèdent à des sociétés qui vont les détruire», indique un responsable (qui souhaite rester anonyme) de Solarz, une entreprise francilienne spécialisée dans le traitement et le recyclage des déchets papiers et cartons.
Direction donc le pilon. Après avoir été stockés dans des bennes, puis entassés dans un camion, le dernier trajet des livres est minutieusement chronométré. Un retard et c'est demi-tour. Il arrive même que des huissiers contrôlent le chargement, pour vérifier que les livres ne soient pas détournés et revendus illégalement. Si un Robin des Bois littéraire s'avise à dérober un ouvrage parmi les milliers de détritus, il est viré.
Arrivés sur le lieu de l'autodafé, en Seine-Saint-Denis pour l'usine Solarz ou dans le Val-de-Marne pour l'entreprise 2P Recyclage (filiale du groupe Paprec), les tonnes de livres sont poussées vers la broyeuse. Cet ogre bruyant, installé au milieu d'un grand hangar poussiéreux, déchiquette le papier grâce à de multiples couteaux rotatifs. Tel est le pilon. «Une fois les livres réduits en confettis, ils sont compactés avec des grosses presses pour en faire des balles», explique le responsable de Solarz.
Cette fois, direction le papetier. Les copeaux sont passés dans une machine qui dissocie les fibres de papier de tous les «contaminants»: la pellicule de plastique et le carton de la couverture, les agrafes de certaines reliures, etc. Enfin, les morceaux de papier vont être désencrés, puis mélangés à de nouvelles fibres de bois pour faire de la pâte à papier.
Bien que les papeteries fonctionnent en circuit fermé et qu'il n'y a aucun rejet dans l'environnement grâce à leur propre petite station d'épuration, elles utilisent beaucoup d'eau, d'électricité et de produits détergents pour blanchir le papier. «Même si le pilon est du recyclage, ce n'est pas très écologique d'imprimer et d'imprimer encore pour recycler ensuite», reconnaît Pascale Desmoulins. Plus inquiétant encore, une étude réalisée par l'ONG internationale WWF (publiée en mars 2018) a révélé une certaine opacité de la part des maisons d'édition françaises autour de leurs politiques environnementales. Il en ressort une «qualité du papier et des encres inconnues» (dans la majeure partie des livres d'après le WWF) [...] ou encore des démarches «quasi inexistantes en matière de sourcing responsable en papier et de lutte contre la déforestation».
À quoi sert donc la pâte à papier produite? Nos sacro-saints bouquins dévorés par le pilon ont une seconde vie pour le moins surprenante... «On ne peut pas vendre du papier 100% recyclé dans l'édition. Ça ne sera jamais un papier d'une qualité comparable au papier de première main», estime Olivier Bessard-Banquy, chercheur spécialiste de l'édition contemporaine. Un nombre ridiculement faible d'ouvrages sont imprimés sur du papier recyclé, simplement parce que les lecteurs n'en veulent pas –le papier est moins blanc ou moins lisse.
Alors, cette pâte à papier de seconde main sert pour le cartonnage industriel, comme celui des boîtes à pizza, des boîtes à chaussures ou des rouleaux de papier toilette. Vous avez bien lu, les livres invendus, objets de savoir et de connaissance, se retrouvent finalement dans nos toilettes. Lente dégradation. La prochaine fois que vous commanderez une pizza, demandez-vous si, dans une vie antérieure, c'était le nouveau livre d'un politique ou un énième roman de Marc Levy.